Jean-François Colosimo

Jean-François Colosimo est le fils d'un écorcheur[1] émigré de Calabre[2].

Il fait ses classes dans un établissement jésuite[3], et envisage une première vocation religieuse jusqu'à ses 14 ans[4].

Entre 1978 et 1988, il suit des études de philosophie (maîtrise)[4], de théologie (Master of Divinity[5]), et d'histoire des religions[6] (diplôme d'études approfondies)), d'abord à l'université Paris-Sorbonne, puis à l’École pratique des hautes études, à l’université Aristote de Thessalonique et au séminaire Saint-Vladimir[7].

Il séjourne concomitamment dans la République monastique du Mont-Athos et au monastère Sainte-Catherine du Sinaï[5], se croyant alors appelé à devenir moine[4].

Nommé enseignant à l’Institut Saint-Serge, un établissement orthodoxe hors contrat[8], en 1990, Jean-François Colosimo y enseigne jusqu’en 2008 la patrologie ainsi que la théologie et la philosophie byzantine puis, de 2008 à 2018[9], il y dirige un séminaire de recherche sur l’orthodoxie moderne et contemporaine.

Il est élu président du conseil d'administration de l’Institut Saint-Serge le 23 juin 2015 dans un contexte de crise[10] - [11]. Le 27 janvier 2019, il démissionne de ce poste[12] - [13] déclarant en avril 2022, après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, que c'est le ralliement progressif du corps professoral au patriarcat de Moscou qui l'a poussé à démissionner trois ans plus tôt[14].

Il siège au Conseil scientifique du Comité d’histoire préfectorale de 2012 à 2014[15].

Après avoir été conseiller littéraire chez Stock (1988-1991) et directeur littéraire chez Jean-Claude Lattès (1992-2002), directeur éditorial d’Odile Jacob (2002), puis de la Table Ronde (2003-2006)[16], il est nommé le 21 novembre 2006 directeur général de CNRS Éditions[17], position qu’il occupe jusqu’en 2010[18].

Le 12 mai 2010, le président de la République Nicolas Sarkozy nomme Jean-François Colosimo à la tête du Centre national du Livre[19]. Premier acteur de la branche à occuper ce poste, il en devient également le premier président exécutif pour raison d’harmonisation des gouvernances publiques, avec pour mission de redynamiser cet opérateur historique[3]. Il déploie les domaines numérique (aide aux projets innovants), interprofessionnel (négociation contractuelle entre le Syndicat de l’Edition française et l’Association des traducteurs littéraires de France), territorial (création de rencontres européennes de sciences humaines à Lyon), international (soutien aux libraires de Tunisie lors du Printemps arabe, au Centre du Livre en Grèce pour pallier la crise financière, formations conjointes de traducteurs avec la Turquie, la Roumanie, le Vietnam, élaboration du portail « Bibliothèques d’Orient » avec la Bibliothèque nationale de France, financements des projets des portails de Sciences humaines Cairn et de bande dessinée Iznéo pour pénétrer le marché anglo-saxon).[20] La réorganisation du système des commissions, adoptée par le Conseil d’administration le 12 mars 2012[21], entraîne la contestation de milieux militants au sein du monde de la poésie[22] que les assurances réitérées du CNL sur la sanctuarisation des budgets n’endiguent pas[23] et qui dénoncent chez son président l’« obsession de la visibilité, du global, du chiffre comptable[24] ». Arguant de l’alternance, la nouvelle ministre de la Culture, Aurélie Filippetti s’appuie sur ce mouvement[25] pour annuler la réforme et élaborer une réduction statutaire de l’autonomie du CNL[26] impliquant une importante ponction de son fonds de roulement en faveur des associations de librairie[27]. En désaccord avec ce projet, et alors que cette situation conflictuelle ressort d’ordre politique[28], Jean-François Colosimo demande, le 25 juin 2013, au président François Hollande d’être relevé de son mandat[29] notant que « l’ampleur des défis actuels appelle un renouvellement de la stratégie culturelle[30] ». Parmi les observateurs de l’industrie du livre, son départ satisfait certains[31] et est regretté par d’autres[32].

Ce même 25 juin 2013, Jean-François Colosimo est nommé par la Province dominicaine de France à la tête des Éditions du Cerf qui sont alors confrontées à des problèmes financiers[33].

Le redressement qu’engage Jean-François Colosimo est drastique jusque dans son volet social (60 % du personnel licenciés[34]). Il s’accompagne d’une ouverture de la production aux essais et documents de sciences humaines ainsi que d’actualité[35]. Il se traduit par un apurement de la dette et un retour à l’équilibre financier lors de chaque exercice depuis 2014 tandis que Le Cerf procède au rachat de diverses maisons similaires, dont Bellefontaine, Migne, Le Sel de la Terre, Beauchesne.

En 2015, le magazine Le Point publie les portraits croisés de Pierre Rosanvallon et de Jean-François Colosimo comme éditeurs de la vie intellectuelle[36] en créditant ce dernier de publier les « enfants de Finkielkraut » tels que Eugénie Bastié, Mathieu Bock-Côté, Alexandre Devecchio, Laetitia Strauch-Bonart[37]. En 2018 et 2019, des journalistes du Groupe Le Monde blâment au contraire cette ligne. Pour Ariane Chemin, Le Cerf serait devenu propice aux « contestataires du pape François[38] », pour Olivier Faye il servirait de « rampe de lancement aux jeunes auteurs de droite[39] », pour Camille Vigogne-Le Coat de foyer éditorial aux « jeunes conservateurs[5] », et pour Florent Georgesco à la « floraison du populisme[40] » réactionnaire. En 2016, une pétition de dominicains emmenés par Henri Burin des Roziers dénonce la « droite perverse » qu'il chercherait à les en croire à imposer[5].

Cependant, Le Cerf publie au même moment une collection consacrée aux républicains de gauche (« Le poing sur la table »), des personnalités de gauche (Chantal Mouffe, Didier Leschi, Jean-Yves Le Drian), des militants de gauche (Clémentine Autain, Alexis Corbière, Bastien Lachaud), de jeunes penseurs d’extrême-gauche (Le Vent se Lève, Antoine Cargoet) ou encore le manifeste d’Arnaud Montebourg pour la présidentielle de 2022[41]. Par ailleurs, Le Cerf est l’éditeur principal du pape François en langue française ainsi que de ses soutiens qui combattent le catholicisme identitaire (Andrea Riccardi, Ghislain Lafont, Erwann Le Morhedec, Yves Chiron, etc.). Jean-François Colosimo, qui s’est régulièrement prononcé contre les captations idéologiques du christianisme[42] - [43], défend pour sa part publiquement le pontificat de François, particulièrement sur la question des migrants[44]. Enfin, sous sa direction, la production du Cerf relève majoritairement du domaine des études religieuses avec, par exemple, la publication du Coran des historiens[45].

Pierre Nora, qui a demandé à Jean-François Colosimo de couvrir la question du « retour du religieux » pour les trente ans du Débat en 2010, consacre un dossier à son livre Aveuglements dans la même revue en 2018. Parmi les participants, Marcel Gauchet exprime son désaccord avec la thèse principale de cet ouvrage, la permanence du fait politico-religieux, qui contredit sa propre thèse sur la sécularisation comme axe de la modernité[82]. Leurs échanges critiques se poursuivent depuis[83].

Après avoir alerté en 1998 sur l’exode des chrétiens d’Orient, Jean-François Colosimo défend en 2014 leur cause qu’il considère universelle, tout en déplorant sa dévalorisation par la gauche ainsi que sa récupération par la droite[84], et lance un appel en leur faveur en 2015 avec Jacques Julliard et Jean d’Ormesson[85]. En 1999, il regrette la longue passivité des puissances de l’Alliance atlantique à l’égard de Slobodan Milosevic, leur soutien défaillant à l’opposition serbe, l’absence de mandat international à leur opération militaire et revient, en 2015, sur l’échec de l’Union européenne à stabiliser le Kosovo[86]. En 2001, dix jours après l’attentat contre les Twin Towers, il prévient que la tentation prévisible d’une croisade américaine en riposte au djihad islamique serait catastrophique pour l’ordre mondial[87], critique qu’il poursuit jusqu’en 2021 et le départ des États-Unis d’Afghanistan[88]. En 2009, il prend parti pour les manifestants qui veulent renverser le régime des mollahs à Téhéran[12]. Militant depuis 1988 pour la reconnaissance du génocide des Arméniens, particulièrement lors du centenaire de 2015, dénonçant le « laboratoire belliciste du régime Erdogan[89] », il prend la défense de l’Artsakh (Haut-Karabagh) lors de l’offensive turco-azérie de 2020[90]. Dès l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, Jean-François Colosimo condamne le système Poutine comme criminel, le stigmatise comme post-totalitaire et appelle à sa liquidation comme condition d’une paix durable tout en étant le premier commentateur en France à révéler la complicité active du patriarche de Moscou Kirill[91] dans ce conflit et à demander sa destitution ainsi que sa traduction devant un tribunal international[92].

Époux d'une Russe[5], il a eu deux filles avec elle : Anastasia Colosimo (conseillère stratégie et communication internationale à l’Élysée[93]) et Thaïssia Colosimo (étudiante en master de relations internationales à l’ESSEC[94]). Il a aussi adopté les deux enfants de sa femme issus de son premier mariage[5].