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Ivabradine

L'ivabradine est un médicament bradycardisant indiqué dans l'insuffisance cardiaque ou coronaire.

Ivabradine
Image illustrative de l’article Ivabradine
Identification
DCI ivabradine
Nom UICPA 3-[3-({[(7S)-3,4-diméthoxybicyclo[4.2.0]octa-1,3,5-trièn-7-yl]méthyl}(méthyl)amino)propyl]-7,8-diméthoxy-2,3,4,5-tétrahydro-1H-3-benzazépin-2-one
No CAS 155974-00-8
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule C27H36N2O5 [Isomères]
Masse molaire[1] 468,585 1 ± 0,026 g/mol
C 69,21 %, H 7,74 %, N 5,98 %, O 17,07 %,
Données pharmacocinétiques
Biodisponibilité 40 %
Liaison protéique 70 %
Métabolisme premier passage hépatique > 50 %, voie du cytochrome P450 3A4
Demi-vie d’élim. 2 h
Excrétion

rénale et fécale

Considérations thérapeutiques
Classe thérapeutique bradycardisant
Voie d’administration per os

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Pharmacocinétique

Sa demi-vie est courte, exigeant une prise deux fois par jour. L'ivabradine est métabolisée par le cytochrome CYP3A4, avec les interactions médicamenteuses en conséquence[2].

Indication

L’ivabradine possède deux indications :

  • dans la maladie coronaire, l’ivabradine traite les symptĂ´mes chez l’adulte coronarien en rythme sinusal. Elle est indiquĂ©e chez l’adulte ne pouvant ĂŞtre traitĂ© par bĂŞtabloquants (intolĂ©rance ou contre-indication) et chez ceux insuffisamment contrĂ´lĂ©s par les bĂŞtabloquants, en association avec ces derniers, mais seulement pour ceux dont la frĂ©quence cardiaque au repos est au-dessus de 60 par minute ;
  • par ailleurs, l’ivabradine traite l’insuffisance cardiaque chronique chez les patients en rythme sinusal, dont la frĂ©quence cardiaque est supĂ©rieure ou Ă©gale Ă  75 battements par minute au repos. Elle peut ĂŞtre prescrite en association avec des traitements conventionnels type bĂŞtabloquants, ou chez les patients contre-indiquĂ©s ou intolĂ©rants pour ces traitements.

Mode d'action

L'ivabradine réduit la fréquence cardiaque en inhibant de manière spécifique le courant If[3] intervenant dans l'automaticité de la dépolarisation au niveau du nœud sinusal, ce dernier étant le responsable du rythme cardiaque[4]. Par ce biais, elle ralentit la fréquence cardiaque en augmentant le temps diastolique que met le canal HCN4 à induire une dépolarisation.

L'ivabradine n’a pas d’effet sur les temps de conduction intra-auriculaires, auriculo-ventriculaires ou intra-ventriculaires, sur la contractilité myocardique, et sur la repolarisation ventriculaire.

Effets cliniques

Dans la maladie coronarienne

L’efficacité, ainsi que la sécurité d’emploi de l’ivabradine ont été étudiées dans plusieurs études. Sur les symptômes, en cas d'angor stable, la molécule est d'une efficacité comparable à celle de l'aténolol, un bêtabloquant[5] ou à celle de l'amlodipine[6], un inhibiteur calcique. L'ajout de l'ivabradine à un bêtabloquant augmente l'efficacité de ce dernier[7].

Toutefois, en l'absence d'insuffisance cardiaque, ce médicament n'a pas démontré de diminution de la mortalité ou de la morbidité cardiovasculaire[8].

Dans l'insuffisance cardiaque

Le , la Société européenne de cardiologie a intégré l'ivabradine dans la prise en charge de l'insuffisance cardiaque chronique, en vue de réduire le risque d'hospitalisation chez les patients ayant une fraction d'éjection inférieure à 35 % et une fréquence cardiaque supérieure à 70 battements par minute[9].

Dans l’étude Shift, (3 241 patients traitĂ©s par ivabradine), une rĂ©duction significative de 18 % de la mortalitĂ© cardiovasculaire et des hospitalisations pour insuffisances cardiaques a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e en addition avec les bĂŞtabloquants[10]. Cet effet n’est pas retrouvĂ© dans l’étude Beautiful[11], qui soutient toutefois la sĂ©curitĂ© d’emploi sur le plan de la mortalitĂ© cardiovasculaire. La qualitĂ© de vie semble Ă©galement amĂ©liorĂ©e[12].Certains[2] critiquent cependant le rĂ©sultat de l'Ă©tude Shift, soulignant, en particulier, que les patients n'Ă©taient pas traitĂ©s de manière optimale avant la randomisation (peu de resynchronisation cardiaque, bĂŞtabloquants sous-utilisĂ©s...). En 2014, la publication des rĂ©sultats nĂ©gatifs de l'Ă©tude Signify[13], visant Ă  Ă©valuer l'intĂ©rĂŞt de l'ivabradine Ă  plus fortes doses que celles prĂ©conisĂ©es, chez des patients coronariens avec une fraction d'Ă©jection normale, a montrĂ© une augmentation modĂ©rĂ©e mais significative du risque combinĂ© de dĂ©cès cardiovasculaire et d’infarctus du myocarde dans le sous-groupe des patients prĂ©sentant un angor symptomatique. L'ANSM (Agence nationale de sĂ©curitĂ© du mĂ©dicament et des produits de santĂ©) a alors lancĂ© une rĂ©Ă©valuation du rapport bĂ©nĂ©fices/risques de cette molĂ©cule (vendue sous le nom de Procoralan en France)[14].

Le , l'Agence europĂ©enne des mĂ©dicaments publie un communiquĂ© confirmant l’aspect positif du rapport bĂ©nĂ©fices/risques de cette molĂ©cule[15], tout en prĂ©cisant les nouvelles conditions de prescription de ce mĂ©dicament, notamment la dose maximale qui ne doit pas dĂ©passer 7,5 mg deux fois par jour.

Malgré tout, le communiqué de l'Agence européenne des médicaments n'a pas interrompu les critiques[16] - [17].

Dans l'insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée, les résultats sont mitigés[18].

Effets indésirables

L’ensemble des Ă©tudes conduites sur l’ivabradine a permis d’identifier les effets indĂ©sirables de cette molĂ©cule chez près de 14,000 patients. Les effets dĂ©crits les plus frĂ©quemment sont les cĂ©phalĂ©es, les sensations de vertige, une vision trouble, une bradycardie. Plus souvent (14,5 %), les patients rapportent des phosphènes (d’intensitĂ© lĂ©gère Ă  modĂ©rĂ©e), gĂ©nĂ©ralement provoquĂ©s par des brusques variations d’intensitĂ© lumineuse. S’ils apparaissent communĂ©ment au dĂ©but du traitement, la majoritĂ© disparaĂ®t en cours de traitement (77,5 %). Ces phosphènes seraient dus Ă  la prĂ©sence, dans les cellules rĂ©tiniennes, de canaux proches des canaux If cardiaques[19]. Ces Ă©vĂ©nements n’impactent que modĂ©rĂ©ment les habitudes de vie des patients dont seulement 1 % d’entre eux dĂ©clarent avoir dĂ» adapter leurs habitudes de vie quotidienne.

Controverse

La revue Prescrire célèbre pour avoir dénoncé la dangerosité du médiator[20] a publié plusieurs articles dénonçant le rapport risque défavorable du Procoralan[21] - [22].

Aspects commerciaux

Cette molécule est commercialisée par les laboratoires Servier sous les dénominations commerciales de Procoralan (partout dans le monde), Coralan (à Hong Kong, Singapour, en Australie), Corlentor (en Arménie, Espagne, Italie et en Roumanie) et Coraxan (en Russie et Serbie). Elle est également commercialisée en Inde sous les noms commerciaux d'Ivabid et de Bradia. Au cours de son développement, l'ivabradine a été connue sous le nom de S-16257.

Le , Amgen a acquis les droits d'exploitation commerciale de l'ivabradine aux États-Unis, dans l'insuffisance cardiaque et dans l'angine de poitrine[23]. Le , la FDA a autorisé l'évaluation prioritaire de l'ivabradine dans l'insuffisance cardiaque [24]. En , la FDA identifiait des signaux d'effets indésirables graves pour l'ivabradine : Potential Signals of Serious Risks/New Safety Information Identified by the FDA Adverse Event Reporting System (FAERS) April - June 2016

Notes et références

    1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
    2. (en) Psotka MA, Teerlink JR, Ivabradine: Role in the chronic heart failure armamentarium, Circulation, 2016;133:2066-2075
    3. (en) P. Bois, J. Bescond, B. Renaudon et J. Lenfant, « Mode of action of bradycardic agent, S 16257, on ionic currents of rabbit sinoatrial node cells », British Journal of Pharmacology, vol. 118,‎ , p. 1051–1057 (ISSN 0007-1188, PMID 8799581, PMCID 1909508, lire en ligne, consulté le )
    4. (en) DiFrancesco D. « The role of the funny current in pacemaker activity Â» Circ Res. 2010;106:434-446.
    5. (en) Jean-Claude Tardif, Ian Ford, Michal Tendera, Martial G. Bourassa, Kim Fox, Efficacy of ivabradine, a new selective If inhibitor, compared with atenolol in patients with chronic stable angina, EHJ, 2005;26;23;2529–2536 (consulté le 20 mars 2018)
    6. (en) Ruzyllo W, Tendera M, Ford I, Fox KM, Antianginal efficacy and safety of ivabradine compared with amlodipine in patients with stable effort angina pectoris: a 3-month randomised, double-blind, multicentre, noninferiority trial, Drugs, 2007;67:393–405 (consulté le 20 mars 2018)
    7. (en) Jean-Claude Tardif, Piotr Ponikowski, Thomas Kahan, Efficacy of the If current inhibitor ivabradine in patients with chronic stable angina receiving beta-blocker therapy: a 4-month, randomized, placebo-controlled trial, EHJ, 2009;30;5;540–548 (consulté le 20 mars 2018)
    8. (en) Fox K, Ford I, Steg PG et al. Ivabradine in stable coronary artery disease without clinical heart failure, N Engl J Med, 2014;371:1091–1099
    9. (en) « What’s new in the 2012 heart failure guidelines » sur escardio.org/congresses/esc-2012
    10. (en) Swedberg K, Komajda M, Böhm M. et al. pour le groupe d'investigateurs Shift « Ivabradine and outcomes in chronic heart failure (SHIFT): a randomised placebo-controlled study Â» Lancet 2010;376:875-885
    11. (en) Fox K, Ford I, Steg PG, Tendera M, Ferrari R, pour le groupe d'investigateurs Beautiful « Ivabradine for patients with stable coronary artery disease and left-ventricular systolic dysfunction (BEAUTIFUL): a randomised, double-blind, placebo-controlled trial Â» Lancet 2008;372:807-816
    12. (en) Ekman I, Chassany O, Komajda M. et al. « Heart rate reduction with ivabradine and health related quality of life in patients with chronic heart failure: results from the SHIFT study Â» Eur Heart J. 2011;32:2395-2404
    13. (en) Fox K, Ford I, Steg PG, Tardif JC, Tendera M, Ferrari R, « Ivabradine in stable coronary artery disease without clinical heart failure Â» N Engl J Med. 2014;371:1091-1099
    14. « Procoralan (ivabradine) : rĂ©Ă©valuation europĂ©enne du rapport bĂ©nĂ©fice/risque Ă  la suite de nouvelles donnĂ©es de sĂ©curitĂ© - Point d'Information Â»
    15. (en) « European Medicines Agency recommends measures to reduce risk of heart problems with Corlentor/Procoralan (ivabradine) Â»
    16. Revue Prescrire 2014 - Angor : l'ivabradine (Procoralan) augmente le risque d'accidents cardiovasculaires Ivabradine et patients coronariens : accidents cardiovasculaires augmentés Rev Prescrire 2014 ; 34 (373) : 827. (pdf, réservé aux abonnés)
    17. A propos de l'Ivabradine sur le blog du Dr Jean-Marie Vailloud : Cardiologue titulaire du Diplôme d’université. Interprétation et lecture critique des essais thérapeutiques
    18. (en) Kosmala W, Holland DJ, Rojek A, Wright L, Przewlocka-Kosmala M, Marwick TH, Effect of If-channel inhibition on hemodynamic status and exercise tolerance in heart failure with preserved ejection fraction: a randomized trial, J Am Coll Cardiol, 2013;62:1330–1338
    19. (en) Cervetto L, Demontis GC, Gargini C, Cellular mechanisms underlying the pharmacological induction of phosphenes, Br J Pharmacol, 2007;150:383–390
    20. « "La fille de Brest" : un témoignage exceptionnel », sur prescrire.org, (consulté le )
    21. « Angor : l'ivabradine (Procoralan°) augmente le risque d'accidents cardiovasculaires », sur www.prescrire.org, (consulté le )
    22. « Angor et insuffisance cardiaque : l'ivabradine à écarter », sur www.prescrire.org, (consulté le )
    23. (en) « Amgen buys US rights to Servier’s Procoralan Â»,
    24. (en) « FDA Grants Amgen Priority Review Designation For Ivabradine For The Treatment Of Chronic Heart Failure Â»
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