Invagination intestinale
Une invagination intestinale (ou intussusception intestinale) est l'incorporation d'un segment d'intestin dans la portion intestinale situĂ©e plus en aval (Ă la maniĂšre du repliement d'une longue-vue tĂ©lescopique). Cela conduit Ă une occlusion intestinale avec douleurs, vomissements, arrĂȘt du transit et Ă©ventuellement pĂ©ritonite. L'invagination intestinale aiguĂ« reprĂ©sente une urgence mĂ©dico-chirurgicale.
CIM-10 | K38.8, K56.1 |
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CIM-9 | 543.9, 560.0 |
OMIM | 147710 |
DiseasesDB | 6913 |
MedlinePlus | 000958 |
eMedicine | 930708 |
MeSH | D007443 |
Mise en garde médicale
Elle représente une des causes les plus fréquentes d'occlusion intestinale chez le nourrisson et le jeune enfant. Elle s'observe essentiellement au cours de la premiÚre année de la vie mais également chez l'adulte. Elle est saisonniÚre car plus fréquente en automne et au printemps.
Physiopathologie
La pĂ©nĂ©tration de l'intestin dans l'intestin se fait dans le sens descendant (d'amont en aval). Il en rĂ©sulte des cylindres moyen et interne correspondant au segment interne invaginĂ© et formant la tĂȘte du boudin d'invagination ; un cylindre externe (gaine) dans lequel se fait l'invagination dĂ©limitant un collet dans lequel pĂ©nĂštre le mĂ©sentĂšre contenant les Ă©lĂ©ments vasculaires et nerveux. L'ensemble constitue le boudin d'invagination.
- Invagination intestinale aiguĂ« par retournement : « en doigt de gant ». La tĂȘte est fixe et le collet peu serrĂ©. Elle est en gĂ©nĂ©ral rĂ©ductible par un lavement.
- Invagination intestinale aiguë par prolapsus. Le collet est fixe, serré. Elle compromet la vitalité des anses. Elle est irréductible et nécessite, par conséquent, une intervention chirurgicale.
- Invagination intestinale aiguë mixtes ou complexe.
La vaccination contre le rotavirus favorise la survenue de cette atteinte pour une raison peu claire. Cela est vrai essentiellement pour les versions anciennes du vaccin[1] qui ont été retirés du marché pour cette raison. Une nouvelle version du vaccin a été sortie avec un risque toujours présent mais moindre[2] - [3].
Diagnostic différentiel
- Le diverticule de Meckel,
- Tumeurs du grĂȘle. Il peut sâagir dâangiomes, sarcome. Le lavement barytĂ© objective une invagination intestinale aiguĂ« irrĂ©ductible.
- Le purpura rhumatoïde : peut simuler une invagination intestinale aiguë. Inversement l'invagination peut venir compliquer le purpura rhumatoïde par un hématome de la paroi.
- Pancréas aberrant, ectopique,
- Plaques de Peyer,
- Polypes digestifs.
Selon la topographie
- Invagination intestinale aiguë à point de départ iléo-cÊcal (90 % des cas) :
- invagination intestinale aiguĂ« Ă point de dĂ©part ilĂ©al : son danger est lâextension au cĂŽlon :
- iléo-iléales par obstacle mécanique ;
- iléo-coliques ;
- iléo-cÊcales ;
- invagination intestinale aiguë à point de départ colique :
- cÎlon droit, plus fréquentes chez le grand enfant.
Conséquences
Conséquences locales
- Il se produit une occlusion de l'intestin résultant en une distension par stagnation de liquide et accumulation de gaz.
- Le pĂ©ristaltisme (mouvement de contraction musculaire de l'intestin, destinĂ© Ă faire avancer le contenu d'amont en aval) est modifiĂ© par un ĆdĂšme avec tumĂ©faction de la paroi. Au dĂ©but, il y a une augmentation du pĂ©ristaltisme en amont et en aval de lâobstacle :
- En amont, cela provoque une douleur colique et entraĂźne une progression du boudin dâinvagination.
- En aval de lâobstacle il se produit une vidange du bout distal de lâintestin.
- AprĂšs quelques heures de lutte, lâĂ©puisement musculaire entraĂźne une paralysie des muscles de l'intestin (ilĂ©us paralytique) : la douleur sâamende.
- L'augmentation de la pression à l'intérieur de l'intestin (hyperpression endo-luminale) et l'hyper-péristaltisme engendre un amincissement de la paroi intestinale puis des perturbations de la circulation sanguine.
- Perturbation vascularisation
- La participation vasculaire fait la gravitĂ© de ce type dâocclusion. Il se produit une compression au niveau du capillaire digestif et une stase veineuse. Le rĂ©sultat est une anoxie de la paroi intestinale avec souffrance de lâanse et une modification de la permĂ©abilitĂ© pariĂ©tale : La transsudation intra-luminale et intra-pĂ©ritonĂ©ale entraĂźne la majoration du 3e secteur.
- Les lĂ©sions de lâanse peuvent ĂȘtre, par ordre de gravitĂ©, une congestion, un infarcissement, une gangrĂšne, la perforation entraĂźnant une pĂ©ritonite.
Conséquences générales
- Déséquilibre hydroélectrolytique : déshydratation d'abord extracellulaire ensuite globale
- Déséquilibre acido-basique : les pertes sont riches en sodium, potassium et chlore avec une alcalose métabolique
- Déséquilibre hémodynamique : hypovolémie par 3e secteur, déshydratation, et réduction du retour veineux
- Retentissement ventilatoire : la distension abdominale engendre une hypoventilation alvéolaire
- Ătat toxi-infectieux
- RĂ©actions neurovĂ©gĂ©tatives : par compression des Ă©lĂ©ments nerveux. Elles caractĂ©risent ce type dâocclusion digestive
Clinique
ĂpidĂ©miologie
Il s'agit de la cause la plus frĂ©quente d'occlusion intestinale chez le jeune enfant[4]. L'incindence de lâinvagination du nourrisson varie suivant les pays et est estimĂ©e entre 9 et 328 cas pour 100 000[5]. Le sexe ratio est de trois garçons pour deux filles.
LâĂąge de survenue va de 2 mois Ă 2 ans, avec un pic entre 5 et 7 mois[5].
Signes fonctionnels
On note des crises douloureuses abdominales paroxystiques intenses, Ă type de colique qui surviennent brusquement sans raison notable alors que l'enfant Ă©tait calme.
Ces douleurs se calment aussi brusquement qu'elles sont apparues et réapparaissent avec une fréquence variable dans les heures qui suivent.
Le nourrisson se plie en avant, pousse des cris et présente des accÚs de pùleur évocateurs.
Les vomissements alimentaires puis bilieux sont fréquents au cours des crises douloureuses. L'anorexie étant le signe clinique quasi constant de cette affection.
L'enfant refuse le biberon.
Des rectorragies signent un tournant dans l'évolution de la maladie puisqu'elles caractérisent la souffrance digestive (nécrose) et imposent une prise en charge urgente (indice de diagnostic positif et de gravité).
Signes généraux
Le nourrisson parait normal en dehors des crises, reprenant ses jeux habituels. Il nây a pas de fiĂšvre. Le pouls est peu accĂ©lĂ©rĂ©. Ă ce stade il nây a ni dĂ©shydratation ni de choc.
Signes physiques
- Inspection : la respiration abdominale est normale. On peut noter le prolapsus du boudin Ă travers lâanus mais pas d'Ă©mission de selles.
- Palpation : en dehors des crises douloureuses, lâabdomen est souple.
- Il faut vĂ©rifier la libertĂ© orifices herniaire et rechercher le boudin d'invaginations : masse allongĂ©e, cylindrique, ou ovoĂŻde, mobile, situĂ©e dans la fosse iliaque droite (topographie variable au cours de l'examen), mal limitĂ©e; le boudin peut-ĂȘtre masquĂ© par le foie.
- Le toucher rectal note la vacuitĂ© de l'ampoule rectale et sent Ă travers la paroi rectale la masse du boudin et parfois la tĂȘte du boudin en « museau de tanche ». Le doigtier revient souillĂ© de sang.
- La percussion note la sonorité colique
- Ă lâauscultation de lâabdomen on ne retrouve pas de sonoritĂ© colique
Examens complémentaires
Biologie
Le bilan biologique est destiné à évaluer le retentissement de la pathologie, permet de guider la réanimation et à prévoir un éventuel geste chirurgical.
Imagerie
- Lâabdomen sans prĂ©paration de face debout. Il note une opacitĂ© de la fosse iliaque droite cernĂ©e par l'air du colon d'aval (signe direct), prĂ©sence d'un niveau hydro-aĂ©rique, la perte du granitĂ© cĂŠcal, flou du bord infĂ©rieur du foie (signes indirects). Cet examen peut ĂȘtre normale dans un quart des cas[6]. Il n'est donc pas recommandĂ© en 1re intention, l'Ă©chographie est demandĂ©e en 1re intention.
- LâĂ©chographie abdominale couplĂ©e au Doppler met en Ă©vidence le boudin d'invagination : image en cocarde (en coupe transversale) ou en sandwich (en coupe longitudinale). AssociĂ©e au Doppler couleur, on note une hyperhĂ©mie artĂ©rielle et veineuse du boudin. Des lacunes hypo-Ă©chogĂšnes sont Ă©vocatrices d'adĂ©nopathies mĂ©sentĂ©riques. Cet examen a une trĂšs bonne valeur prĂ©dictive positive[7], ce qui fait qu'il constitue l'examen de premiĂšre intention en cas de suspicion[8].
- Lavement baryté ou aux hydrosolubles
Il a un but diagnostique et thĂ©rapeutique. Il a ses contre-indications : pneumopĂ©ritoine, occlusion du grĂȘle, Ă©tat de choc et rectorragie.
Lâenfant rĂ©hydratĂ© reçoit un lavement de produit de contraste (baryte ou gĂ©nĂ©ralement produit de contraste hydrosoluble) sous faible pression dont la progression est contrĂŽlĂ©e par scopie.
On note un arrĂȘt de la progression de la baryte, des images spĂ©cifiques de l'invagination :- de face : arrĂȘt en cupule, aspect en pince de homard
- de profil : image en cocarde, incurvation en hameçon
- LâintĂ©gritĂ© de cadre colique n'Ă©limine pas l'invagination.
Dans 90 % des cas le lavement barytĂ© permet la rĂ©duction de l'invagination. Les critĂšres radiologiques de dĂ©sinvagination sont la visualisation de l'intĂ©gritĂ© de cadre colique, du bas-fond cĂŠcal, de lâappendice et des derniĂšres anses grĂȘle, alors que cliniquement il y a un arrĂȘt des crises douloureuses, l'acceptation du biberon, et la reprise du transit.
Diagnostic différentiel
- Gastro-entérite infectieuse. Elle peut simuler ou se greffer sur une gastro-entérite.
- Appendicite
- Occlusion intestinale haute
Formes cliniques
Formes symptomatiques
- Formes occlusives : lâocclusion domine le tableau. Il sâagit souvent dâinvagination ilĂ©o-ilĂ©ale Ă collet Ă©troit
- Invagination intestinale chroniques
- Sâobservent jusqu'Ă l'Ăąge de 16 mois.
- Les signes généraux évoluant depuis plusieurs semaines : crises paroxystiques, amaigrissement progressif. Les rectorragies sont exceptionnelles.
- Elles sont idiopathiques ou dues à des adhérences entre les diverses tuniques du boudin.
Formes selon le terrain
- Invagination intestinale aiguĂ« antĂ©natale avec atrĂ©sie du grĂȘle
- Invaginations néonatales
- Peuvent donner un tableau dâocclusion nĂ©onatale, ĂȘtre dues Ă un diverticule de Meckel, une duplication digestive. Leur mortalitĂ© est de 4 %
- Malade sous chimiothérapie
- Elles sont rares. Le dĂ©lai d'apparition des signes gĂ©nĂ©raux 5 Ă 30 jours aprĂšs le dĂ©but du traitement. Le pronostic sombre, lâintervention tardive
- Invagination intestinale aiguë post-opératoire
Complications
- Choc hypovolémique
- PĂ©ritonite par perforation
- La douleur violente de la fosse iliaque droite se gĂ©nĂ©ralise secondairement Ă tout lâabdomen. Les vomissements sont abondants avec arrĂȘt des matiĂšres et des gaz. Le faciĂšs est anxieux. Le syndrome infectieux est marquĂ© : fiĂšvre 39-â40 °C, tachycardie
- Lâexamen note une contracture douloureuse, permanente, invincible gĂ©nĂ©ralisĂ©e
- Lâabdomen sans prĂ©paration note un pneumopĂ©ritoine
- Ă lâĂ©chographie on note la disparition de l'hyperĂ©mie veineuse et artĂ©rielle du boudin d'invagination Ă©vocatrice de nĂ©crose ischĂ©mique
- Récidives : les enfants ayant déjà fait une invagination intestinale peuvent récidiver dans les quelques heures qui suivent une réduction par lavement.
Traitement
Il faut réduire l'invagination dans les meilleurs délais. Dans un premier temps il est parfois nécessaire de réanimer le patient (réhydratation, correction des désordres acido-basiques, expansion volémique). Il ne faut pas négliger la prise en charge de la douleur.
Le traitement mĂ©dical est entrepris en dehors des contre-indications. Les contre-indications du traitement mĂ©dical sont : une perforation du tube digestif, un doute sur la vitalitĂ© des anses invaginĂ©es, un doute sur la rĂ©duction, la rĂ©cidive dâune invagination intestinale aiguĂ« rĂ©duite, une invagination intestinale aiguĂ« chez un enfant de plus de 2 ans ou chez le nouveau-nĂ©.
En cas d'Ă©chec de la rĂ©duction par lavement, lâintervention chirurgicale avec laparotomie est indiquĂ©e.
RĂ©duction par lavement
Elle est réalisée en milieu chirurgical sur un enfant préparé. Elle échoue à cause : du type anatomique, de causes organiques, de la nécrose intestinale. Le taux de récidive est de 10 %.
On peut lâeffectuer par :
- Réduction par lavement baryté
- Réduction par insufflation d'air : Le matériel utilisé comporte un systÚme de pompe d'insufflation couplé à un systÚme de contrÎle de la pression intra-colique. Au fur et à mesure que l'insufflation progresse, l'air s'accumule de plus en plus, refoule le boudin dans la direction anti-péristaltique. Elle permet la réduction de l'invagination dans prÚs de trois-quarts des cas, avec un taux de perforation inférieur à 3 %[9].
- RĂ©duction hydrostatique : L'utilisation de l'eau en lavement sous contrĂŽle Ă©chographique a Ă©tĂ© proposĂ©e selon les mĂȘmes techniques permettant d'obtenir des rĂ©ductions.
Chirurgie
Elle peut ĂȘtre proposĂ©e aprĂšs Ă©chec des tentatives de rĂ©duction. La voie d'abord peut ĂȘtre une incision transversale iliaque droite ou une laparotomie mĂ©diane Ă cheval sur l'ombilic. Le repĂ©rage se fait par inspection et exploration digitale du boudin; dĂ©sinvagination par expression douce du boudin au travers de la gaine. Il faut procĂ©der Ă lâexamen soigneux de l'Ă©tat de l'intestin et du mĂ©sentĂšre : si la vitalitĂ© ne fait pas de doute ou aprĂšs revitalisation avec Ă©preuve au sĂ©rum chaud les anses intestinales seront rĂ©intĂ©grĂ©es; si la vitalitĂ© est compromise la sanction est la rĂ©section-anastomose.
Lâappendicectomie de principe se discute au cas par cas.
Notes et références
- Bines JE, Rotavirus vaccines and intussusception risk, Curr Opin Gastroenterol, 2005;21:20-5
- Patel MM, López-Collada VR, BulhÔes MM et al. Intussusception risk and health benefits of rotavirus vaccination in Mexico and Brazil, N Engl J Med, 2011;364:2283-92
- Weintraub ES, Baggs J, Duffy J et al. Risk of intussusception after monovalent rotavirus vaccination, N Engl J Med, 2014;370:513-9
- Waseem M, Rosenberg HK, Intussusception, Pediatr Emerg Care, 2008;24:793-800
- Jiang J, Jiang B, Parashar U, Nguyen T, Bines J, Patel MM, Childhood intussusception: a literature review, PLoS One, 2013;8:e68482
- (en) Hernandez JA, Swischuk LE, Angel CA, « Validity of plain films in intussusception », Emerg Radiol, no 10,â , p. 323-6. (PMID 15278716, DOI 10.1007/s10140-004-0354-3, lire en ligne)
- (en) Harrington L, Connolly B, Hu X, Wesson DB, Babyn P, Schuh S, « Ultrasonographic and clinical predictors of intussusception », J Pediatr, vol. 132, no 5,â , p. 836-9. (PMID 9602196, DOI 10.1016/s0022-3476(98)70314-2, lire en ligne)
- (en) Hryhorczuk AL, Strouse PJ, « Validation of US as a first-line diagnostic test for assessment of pediatric ileocolic intussusception », Pediatr Radiol, vol. 39, no 10,â , p. 1075-9. (PMID 19657636, DOI 10.1007/s00247-009-1353-z, lire en ligne)
- Hannon E, Williams R, Allan R, Okye B, UK intussusception audit: a national survey of practice and audit of reduction rates, Clin Radiol, 2014;69:344-9