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Interception des précipitations

En hydrologie l’interception des précipitations désigne le processus selon lequel les eaux météoritiques sont retenues par le feuillage, les branches et la litière, et qui n'atteignent jamais la surface du sol. La définition scientifique de ce concept dépend selon que les chercheurs l'appréhendent en tant que flux ou en tant que stock[1].

Représentation schématique du bilan évapotranspiration/alimentation de la nappe/ruissellement. L'évapotranspiration potentielle ETp provient de différents flux d'eau retournant vers l'atmosphère sous forme de vapeur : transpiration (64 % de l'ETp), interception évaporée (27 %), évaporation des sols (6 %) et des surfaces d'eau libre (3 %).
Devenir des précipitations.

L'étude hydrologique de ce phénomène est important car si le couvert végétal est suffisamment dense (typiquement un couvert forestier) et bas, il autorise un effet mécanique d'interception de l'énergie cinétique des eaux météoritiques, contribuant ainsi à la protection directe contre la force érosive des précipitations et empêchant la recharge en eau du sol[2].

Recherche

Études

L’évaluation de l’interception peut se faire par des méthodes de mesures à faible échelle en laboratoire ou à grande échelle en champ. La méthode la plus simple consiste à faire la différence entre les précipitations au-dessus du peuplement forestier et celles atteignant le sol. Cette mesure est réalisée à l'aide de pluviomètres[3].

Plusieurs études depuis les années 1950[4] - [5] montrent que l'interception annuelle des précipitations incidentes par les peuplements fermés représente de 15 à 30 % chez les feuillus, et de 25 à 45 % chez les résineux (pourcentage plus élevé en raison du caractère sempervirent de leur feuillage qui intercepte les pluies aussi en hiver)[6].

La recherche traditionnelle sur cette modélisation hydrologique se concentre principalement sur l'interception des pluies par la canopée des forêts et néglige l'interception au sol, bien qu'il s'agisse d'un mécanisme important (prise en compte, l'interception totale peut doubler de valeur) qui précède l'infiltration ou le ruissellement[7].

Bilan hydrique d'un couvert végétal

L'analyse du devenir des précipitations arrivant sur un peuplement forestier montre qu'au début d'une averse, la majorité des gouttes d'eau sont interceptées par le couvert et plus ou moins rapidement évaporées, sans pénétrer dans les feuilles (évaporation selon le degré hydrométrique de l'air, selon la force du vent). Lorsque le feuillage est saturé, la distribution des eaux de pluie additionnelles se répartit, en plus de l'interception et de l'évapotranspiration, en[6] :

  • une fraction qui atteint directement le sol (througfall ou througflow, prĂ©cipitation Ă  travers le couvert)
  • une fraction qui s'Ă©coule le long des troncs (stemflow ou Ă©coulement le long des troncs, correspondant Ă  une prĂ©cipitation diffĂ©rĂ©e)

Le bilan hydrique d'un couvert végétal peut ainsi être exprimé par deux formules générales[8] :

  • (1) P = ETR + R + D ± ΔH dans laquelle P reprĂ©sente les prĂ©cipitations Ă  dĂ©couvert, ETR l'Ă©vapotranspiration rĂ©elle, R l'eau de ruissellement, D l'eau d'infiltration, ΔH les variations de la rĂ©serve en eau du sol
  • (2) P = Psol + Et + I dans laquelle P reprĂ©sente les prĂ©cipitations Ă  dĂ©couvert, Psol les prĂ©cipitations Ă  travers le couvert, Et l'Ă©coulement le long des troncs et I l'interception.

Interception verticale et horizontale

Filet capteur de brouillard Ă  Alto Patache, Chili.

L'interception verticale se produit aux dĂ©pens des prĂ©cipitations tandis que l'interception horizontale est le « captage par la vĂ©gĂ©tation de gouttelettes de brouillard qui rejoignent ensuite le sol par Ă©gouttage ou ruissellement le long des troncs Â». Ce processus est Ă  l'origine de formations vĂ©gĂ©tales spĂ©cifiques comme les forĂŞts de nuages (les Nebelwald) des Canaries ou certaines forĂŞts cĂ´tières du Chili. Cette interception horizontale a Ă©tĂ© mise en Ă©vidence par diffĂ©rentes expĂ©rimentations utilisant des capteurs de brouillard[9] orientĂ©s face au vent dominant lors des Ă©pisodes nĂ©buleux, et qui peuvent apporter un supplĂ©ment d'eau potable aux rĂ©gions qui en sont dĂ©pourvues[10].

Interception et Ă©rosion pluviale

L'érosivité (le pouvoir érosif) de la pluie est fonction de ses caractéristiques physiques (diamètres des gouttes et leur vitesse d'impact sur le sol). La vitesse terminale de chute des gouttes d'eau est atteinte selon une certaine hauteur : 4 m/s pour une gouttelette de 1 mm de diamètre et une hauteur de chute de 2,2 m ; 9,3 m/s pour une gouttelette de 6 mm de diamètre et une hauteur de chute de 7,2 m[11]. Les gouttes d'eau interceptées par le feuillage s'étendent sur les surfaces végétales, coalescent et tombent à nouveau lorsque la force de pesanteur dépasse les forces de tension. L'interception favorise la formation de grosses gouttes et vu que la canopée de nombreuses forêts dépasse 8 mètres, la vitesse maximale de presque de 10 m/s (36 km/h) est souvent atteinte. Ainsi, une canopée basse, en interceptant tout ou une partie de la pluie, limite l'effet splash (éclaboussure) mais une canopée haute ne protège pas la surface du sol contre la battance. Cependant, l'érosion des sols est limitée dans les forêts tropicales denses à canopée haute en raison de leurs strate moyenne qui réalisent un taux de couverture de 100 % (le taux d'interception de 10 à 15 %[12] de la strate supérieure, la canopée, est cependant plus faible que dans les forêts tempérées car l'intensité des pluies y est plus forte), de leurs tapis forestiers importants, et de leurs arbres au système racinaire très développé à rôle stabilisateur[13] - [14].

Notes et références

  1. (en) « Interception », dans Hubert H. G. Savenije, Water Encyclopedia: Surface and Agricultural Water, Wiley Publishers,
  2. Pierre Birot, Les formations végétales du globe, Société d'Édition d'Enseignement Supérieur, , p. 164.
  3. (en) A. M. J. Gerrits, H. H. G. Savenije, L. Hoffmann & L. Pfister, « New technique to measure forest floor interception – an application in a beech forest in Luxembourg », Hydrology and Earth System Sciences, vol. 11, no 2,‎ , p. 696-697 (lire en ligne).
  4. (en) J. D. Ovington, « A comparison of rainfall in different woodlands », Forestry: An International Journal of Forest Research, vol. 27, no 1,‎ , p. 41-53 (DOI 10.1093/forestry/27.1.41).
  5. (en) A. J. Rutter, A. J. Morton & P. C. Robins, « A predictive model of rainfall interception in forests. II Generalization of the model and comparison with observations in some coniferous and hardwood stands », Journal of Applied Ecology, vol. 12, no 1,‎ , p. 367–380.
  6. Gilbert Aussenac, « L'interception des précipitations par les peuplements forestiers », La Houille blanche, nos 7-8,‎ , p. 531 (lire en ligne).
  7. (en) Gerrits, A. M. J ., H. H. G. Savenije, L. Hoffmann & L. Pfister, « New technique to measure forest floor interception: an application in a beech forest in Luxembourg », Hydrology and Earth System Sciences, vol. 11, no 2,‎ , p. 695 (lire en ligne).
  8. Charles Huttel, La Terre et la vie, Société national de protection de la nature et d'acclimatation de France, , p. 192.
  9. (en) J.F. Nagel, « Fog Precipitation on Table Mountain », Quarterly Journal of the Royal Meteorological Society, vol. 82, no 354,‎ , p. 452-460 (DOI 10.1002/qj.49708235408).
  10. Marie-France Cicéri, Bernard Marchand, Sylvie Rimbert, Introduction à l'analyse de l'espace, Armand Colin, , 216 p. (lire en ligne).
  11. (en) Ross Gunn, Gilbert D. Kinzer, « The Terminal Velocity of Fall for Water Droplets in Stagnant Air », Journal of Atmospheric Sciences, vol. 6, no 4,‎ , p. 243-248.
  12. (en) M. Robinson, R. C. Ward, Hydrology. Principles and Processes, IWA Publishing, , p. 97.
  13. (en) Gordon VV. Stuart, Pamela J. Edwards, « Concepts about Forests and Water », Northern Journal of Applied Forestry, vol. 23, no 1,‎ , p. 12.
  14. Frédéric Fournier, Albert Sasson, Écosystèmes forestiers tropicaux d'Afrique, Orstom, , p. 268.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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