Institut d'histoire de la Révolution française
L'Institut d'histoire de la Révolution française, ou IHRF, est un centre de recherches et d'enseignements universitaires rattaché à l'université Panthéon-Sorbonne, au sein de l'UFR 09 d'histoire, ayant existé de 1937 à 2015 avant d'être intégré dans l'Institut d'histoire moderne et contemporaine (UMR 8066).
Fondation | |
---|---|
Dissolution | |
Fusionné dans |
Institut d'histoire moderne et contemporaine |
Type | |
---|---|
Domaine d'activité |
Histoire de la Révolution française |
Siège |
Paris (17, rue de la Sorbonne) |
Pays | |
Coordonnées |
48° 50′ 56″ N, 2° 20′ 35″ E |
Fondateur | |
---|---|
Organisation mère | |
Site web |
À sa disparition en 2015, il appartient à l'EA 127, intégré au sein d'une unité mixte de service (UMS 622, CNRS)[1]. L'IHRF est l'un des plus anciens instituts d'histoire, issus de l'ancienne Sorbonne, et à ce titre la seule structure universitaire et scientifique en France à se consacrer entièrement à l'étude de la Révolution française.
Sa très riche bibliothèque qui comprend ouvrages, thèses et mémoires ainsi que plusieurs fonds spécialisés portant sur la Révolution française et située au 17 rue de la Sorbonne, dans le 5e arrondissement à Paris devient en 2016 une des trois bibliothèques de l'Institut d'histoire moderne et contemporaine.
Depuis , l'institut publie sa revue électronique, consultable sur le portail OpenEdition Journals, intitulée La Révolution française[2].
Origines : le temps de la fondation (1937-1945)
L'IHRF est fondé en 1937 par Georges Lefebvre, son premier directeur, qui vient d'être nommé professeur d'histoire de la Révolution française à la Sorbonne[3]. Cette création, décidée par le conseil de la Faculté de Lettres de l'université de Paris, est entérinée par un décret ministériel, le de la même année. Ce nouvel institut doit marquer, avec la nomination d'un nouveau titulaire à la chaire d'histoire de la Révolution française après la retraite de Philippe Sagnac (1868-1954)[4], un élan pour les études révolutionnaires, et la fin des divisions nées de l'opposition entre Alphonse Aulard et Albert Mathiez.
La mission de l'IHRF est alors de participer par ses travaux et ses publications, aux célébrations républicaines prévues pour le 150e anniversaire de la Révolution, avec l'appui en province de nombreux comités départementaux et de la commission d'Histoire économique de la Révolution française, dite « commission Jaurès », créée en 1903. L'élan suscité par la victoire Front populaire favorise les appuis et la visibilité universitaire de l'institut[5].
Mais les moments de crise de la fin des années 1930, notamment les tensions grandissantes après les accords de Munich puis le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale le , font passer à l'arrière plan les différentes commémorations et expositions organisées pour commémorer 1789. Qui plus est, les contraintes budgétaires liées à la guerre diminuent les moyens d'action de l'institut.
L'IHRF se trouve alors en proie à de nombreuses difficultés, notamment pendant l'occupation, conduisant Georges Lefebvre, également président de la Société des études robespierristes, à « mettre en sommeil » les réseaux scientifiques mis en place depuis 1937. Les Annales historiques de la Révolution française ne peuvent plus paraître à partir de 1940, à la suite des restrictions et autres conditions matérielles imposées par l'occupant[6].
Georges Lefebvre, qui a fait valoir ses droits à la retraite en 1941, continue d'être chargé de cours par le conseil de la Faculté de Lettres et reste à son poste de directeur jusqu'en 1945, pour éviter tout accaparement de l'institut par des séides du régime de Vichy. Cette résistance et cette opposition sont conçues, par Lefebvre et son entourage proche à la Société des études robespierristes, en conformité avec l'esprit républicain et démocratique ayant présidé à la création de l'institut.
Héritages : le temps des combats (1945-1982)
Après la retraite symbolique de Lefebvre, qui garde cependant un rôle important au sein l'institut jusqu'à sa mort en 1959, du fait de son prestige moral et universitaire, Marcel Dunan prend officiellement sa succession. Cette période reste un moment de déclin relatif pour l'IHRF, et il faut attendre la nomination de Marcel Reinhard en 1956 pour que l'institut retrouve sa dynamique et son influence quelque peu perdues dans les études révolutionnaires. Spécialiste d'histoire religieuse, catholique et républicain, auteur d'une monumentale biographie de Lazare Carnot, Marcel Reinhard, dont le rôle reste largement méconnu dans la mémoire universitaire française, a largement contribué à élargir les domaines d'études de la Révolution, notamment sur le Paris révolutionnaire et la démographie de la période 1789-1799.
L'arrivée d'une nouvelle génération, pour la plus grande part d'anciens élèves de Lefebvre, a également contribué au renouveau qu'a connu l'IHRF durant ses années. Parmi ces fidèles disciples, les « trois mousquetaires » tels qu'ils sont surnommés à l'époque, Albert Soboul, Jean-René Suratteau et Richard Cobb, ainsi que George Rudé (en) ont impulsé en France et à l'étranger d'importantes mises en chantier sur des terrains encore peu explorés, en histoire économique et sociale notamment, avec de grandes synthèses embrassant toute la période révolutionnaire, de la convocation des états généraux au Directoire, et au-delà[7].
La nomination d'Albert Soboul à la chaire d'histoire de la Révolution française en 1967 se fait dans un contexte universitaire et scientifique extrêmement tendu, avec les débuts de l'école révisionniste et l'offensive idéologique animée par François Furet et Denis Richet, après la publication de leur ouvrage polémique La Révolution française en 1965, dans la droite ligne des travaux de l'historien Alfred Cobban. Héritier fidèle et intransigeant de Lefebvre, Albert Soboul entreprend alors une lutte sans répit contre le courant révisionniste principalement dirigé par François Furet, qui à partir de 1975 transforme l'EHESS en école critique fondée sur la lecture des textes et des traditions du XIXe siècle, délaissant les sources contemporaines de la décennie révolutionnaire. L'IHRF et son directeur sont alors décriés et dépeints comme l'épicentre d'une école marxiste et jacobine. Si Soboul se réclamait certes du marxisme, il n'en reste pas moins que la grande tradition pédagogique de l'institut doit beaucoup à son directeur qui, jusqu'à sa mort brutale en 1982, a toujours entretenu une émulation féconde pour l'histoire de la Révolution française, qu'il avait à cœur d'expliquer et de faire comprendre au plus grand nombre[8].
Fidélités et nouvelles perspectives (depuis 1982)
Michel Vovelle reprend alors le flambeau, malgré l'âpreté et les propos de plus en plus haineux de l'école révisionniste contre l'IHRF et ses chercheurs. En tant que directeur de l'institut, il est appelé à diriger d'importants travaux autour du bicentenaire de la Révolution[9]. En parallèle à cette intense médiatisation de la Révolution française dans l'opinion publique autour de 1989, les travaux de Michel Vovelle en histoire des mentalités ont conduit à d'importantes mutations, et un renouveau de l'histoire sociale et l'histoire des images de cette période, en lien avec de nombreuses réflexions sur les dynamiques politiques à l'œuvre de 1789 à 1799[10]. Ces nouveaux éléments portés à la connaissance du public ont également permis de « redécouvrir » la place de certains acteurs et l'histoire politique de la Révolution, tournant qu'Albert Soboul avait déjà initié en réinterrogeant les catégories politiques de la période révolutionnaire, notamment avec l'important colloque Girondins et Montagnards, organisé à la Sorbonne en 1975[11].
L'élection de Catherine Duprat, en 1993, auteur d'une thèse remarquée sur la philanthropie, sous la direction de Maurice Agulhon, prolonge l'infléchissement amorcé par son prédécesseur autour des études portant tout à la fois sur l'avant Révolution et l'après Révolution, ainsi que sur le climat idéologique et social lié à la période révolutionnaire.
Ce qui est confirmé en 2000 par l'élection de Jean-Clément Martin, connu pour ses travaux sur la guerre de Vendée et la mémoire, élève d'Emmanuel Le Roy Ladurie, ce dernier ouvre de grands chantiers sur la Contre-Révolution, la violence et le genre en révolution. Il mène une réflexion importante, via le prisme de l'anthropologie historique et de la socio-histoire, pour une compréhension globale de la Révolution française. Il dirige d'importants colloques, ouverts aux chercheurs étrangers et à la production historiographique hors de France[12].
Si aujourd'hui, les querelles semblent être apaisées et le climat universitaire beaucoup moins passionné, notamment depuis la mort de François Furet en 1997, l'IHRF reste toujours en pointe dans la défense de la Révolution française. Certaines controverses, notamment autour des publications de Patrice Gueniffey, principal héritier et ancien élève de Furet, perpétuent de manière différente les clivages historiographiques nés dans les années 1970. Qui plus est, les contestations de plus en plus nombreuses dans la société française autour de l'héritage et des idées nées en 1789 obligent les enseignants-chercheurs de l'IHRF à demeurer vigilants, face à des exposés tendancieux et des contre-vérités toujours nombreuses sur la Révolution française[13].
L'ouverture de nouveaux champs de recherche, renforcée depuis 2008, apparaît comme l'élément novateur de ce début de XXIe siècle. Des études soutenues autour des mouvements démocratiques sous le Directoire, l'ordre public en révolution, l'histoire coloniale de la fin du XVIIIe siècle, les lieux de savoir et de sociabilité scientifique pendant la Révolution donnent lieu à des séminaires de recherche réguliers, ouverts à de nombreux chercheurs étrangers et personnalités associées à l'IHRF, mais aussi aux étudiants et doctorants de l'institut afin de parfaire leur formation, permettant la rencontre d'un large public.
Le , l'IHRF a consacré une journée d'études à son fondateur, Georges Lefebvre, cinquante ans après sa disparition, avec la participation de nombreux spécialistes de la Révolution française[14]. La revue électronique La Révolution française[2], dirigée par Pierre Serna, a publié les interventions prononcées lors de cette journée d'études[15].
Au , l'IHRF est intégré dans l'Institut d'histoire moderne et contemporaine (UMR 8066 - CNRS, ENS, Paris 1)[16] - [17].
En , la bibliothèque de l'IHRF obtient le label CollEx distinguant des collections d'Excellence pour la Recherche[18]. Outres ses collections, elle contient une partie de la bibliothèque de Michel Vovelle et les archives de la Mission du Bicentenaire de la Révolution française consultable sur Calames.
Direction
Liste des titulaires de la chaire d'histoire de la Révolution française et les directeurs de l'IHRF :
- 1891 : Alphonse Aulard (1849-1928), 1er titulaire de la chaire d’histoire de la Révolution à la Sorbonne, créée par la mairie de Paris en 1885.
- 1923 : Philippe Sagnac (1868-1954), fondateur du Centre d'études sur la Révolution française de l'Université de Paris en 1932.
- 1926 à 1929 : Albert Mathiez (1874-1932), suppléant lors du détachement de Philippe Sagnac à l'Université du Caire, chargé de cours de 1929 à 1932.
- 1937 à 1941 : Georges Lefebvre (1874-1959), fondateur de l'IHRF et demeuré en poste jusqu'en 1945.
- 1946 : Marcel Dunan (1885-1978).
- 1955 : Marcel Reinhard (1899-1973).
- 1967 : Albert Soboul (1914-1982).
- 1981 : Michel Vovelle (1933-2018), président de la commission nationale de recherche historique pour le bicentenaire de la Révolution.
- 1993 : Catherine Duprat (1936-),
- 2000 : Jean-Clément Martin (1948-).
- 2008 à 2015 : Pierre Serna (1963-).
Notes et références
- « Histoire du Labo », sur ihmc.ens.psl.eu, (version du 17 septembre 2021 sur Internet Archive)
- « Information : La Révolution française », sur journals.openedition.org/lrf (consulté le ).
- « Présentation de l'IHRF », sur ihrf.pantheonsorbonne.fr, (version du 3 décembre 2013 sur Internet Archive).
- « Philippe Sagnac (1868-1954) », sur cths.fr, Comité des travaux historiques et scientifiques (consulté le ).
- Pierre Serna, « Lefebvre au travail, le travail de Georges Lefebvre : un océan d’érudition sans continent Liberté ? », La Révolution française, Cahiers de l'Institut d'histoire de la Révolution française, Paris, no 2, , paragraphe 9 à 11 (ISSN 2105-2557, lire en ligne, consulté le ).
- Claude Mazauric, « Les chaussées sont désertes, plus de passants sur les chemins (Esaïe 33.8). La SER dans la tourmente : 1940-1945 », Annales historiques de la Révolution française, Paris, Armand Colin / Dunod, no 353, , p. 169-207 (ISSN 1952-403X, lire en ligne, consulté le ).
- Michel Vovelle, Combats pour la Révolution française : La galerie des ancêtres, Paris, La Découverte, Société des études robespierristes (réimpr. 2001) (1re éd. 1993), 381 p., 24 cm (ISBN 2-908327-39-2 et 2-7071-2257-2, OCLC 299451916, BNF 35599630, SUDOC 002993120, présentation en ligne), p. 14-23.
- Albert Soboul, Comprendre la Révolution : problèmes politiques de la Révolution française : 1789-1797, Paris, Maspéro / FeniXX, coll. « Textes à l'appui (ISSN 0750-7798) no 155 », , 379 p., 22 cm (ISBN 2-7071-1209-7, OCLC 299371582, BNF 34681016, SUDOC 000500402, présentation en ligne, lire en ligne ).
- Michel Vovelle, « L'historiographie de la Révolution française à la veille du Bicentenaire », Annales historiques de la Révolution française, Paris, Armand Colin / Dunod, no 272, , p. 113-126 (ISSN 1952-403X, lire en ligne, consulté le ).
- Michel Vovelle (préf. Claude Mazauric), La Révolution française : images et récit, 1789-1799, vol. 5, Paris, Messidor / Belin, coll. « Librairie du bicentenaire de la Révolution française » (réimpr. 1987) (1re éd. 1986), 357, 357, 337, 357, 371, 32 cm (ISBN 2-209-05726-4, OCLC 491024127, BNF 34307232, SUDOC 051231220, présentation en ligne).
- Albert Soboul (dir.), Actes du Colloque Girondins et Montagnards, Sorbonne, 14 décembre 1975, Paris, Société des études robespierristes, coll. « Bibliothèque d'histoire révolutionnaire (ISSN 1281-7082) no 19 » (réimpr. 2013) (1re éd. 1980), 364 p., 25 cm (ISBN 978-2-36583-712-5, OCLC 417435081, BNF 34738250, SUDOC 000714046, présentation en ligne).
- Jean-Clément Martin (dir.), La révolution à l'œuvre : perspectives actuelles dans l'histoire de la Révolution française (actes du colloque de Paris du 29 au 31 janvier 2004), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Histoire (ISSN 1255-2364) » (réimpr. 2015) (1re éd. 2005), 375 p., 24 cm (ISBN 2-7535-0055-X, OCLC 300165938, BNF 39953480, SUDOC 087390361, présentation en ligne, lire en ligne ).
- « Controverses ! », sur ihrf.pantheonsorbonne.fr, (version du 3 décembre 2013 sur Internet Archive).
- Pierre Serna (sous la présidence de), « Georges Lefebvre au travail. Le travail de Georges Lefebvre : Programme de la journée d'études », sur ihrf.pantheonsorbonne.fr, (version du 17 juin 2013 sur Internet Archive).
- Pierre Serna (dir.), « Georges Lefebvre », La Révolution française, cahiers de l'Institut d'Histoire de la Révolution française, Paris, no 2, (ISSN 2105-2557, lire en ligne, consulté le ).
- Hélène Bégnis et Cécile Obligi, « Des archives papier aux archives en ligne : la fabrique de la perséide Archives parlementaires : La genèse du projet », La Révolution française, cahiers de l'Institut d'Histoire de la Révolution française, Paris, no 21, (ISSN 2105-2557, lire en ligne, consulté le ).
- Pierre Serna, « Comment sauver l'Institut d'histoire de la Révolution française ? », sur L'Humanité, (consulté le ).
- « Label Collex pour la bibliothèque de l'IHRFIHMC », sur ihmc.ens.fr, (consulté le ).