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Infirmier de secteur psychiatrique

Un infirmier de secteur psychiatrique, également nommé par le sigle I.S.P., est un infirmier exerçant dans le domaine de la santé mentale et prodiguant des soins infirmiers aux personnes souffrant d'affection psychiatrique.

Infirmier de secteur psychiatrique
Présentation
Forme féminine
Infirmière de secteur psychiatrique
Codes
ROME (France)
J1506 - Soins infirmiers généralistes

Profession

Origines

Avant la Révolution, ceux qui étaient nommés des « fous », du moins ceux les plus dangereux, étaient emprisonnés et enchaînés avec les prisonniers de droit commun[1]. Ainsi, lors de la prise de la Bastille, sept personnes, dont deux fous, furent promenées dans tout Paris avant d'être remises dans une autre prison. Cet historique lourd allait continuer, malgré le fait qu'il fut décidé de loger les fous dans des lieux plus adaptés avec du personnel spécifique pour s'occuper d'eux. Jean-Baptiste Pussin (Lons-le-Saunier 1746-Paris 1811) est considéré par cette profession comme le symbole historique de l'infirmier en psychiatrie[2]. Il avait été soigné à Bicêtre pour une adénite tuberculeuse et fut, comme souvent c'était le cas, employé dans cet hôpital avant d'être surveillant des aliénés. Il entreprit avec le médecin Pinel (1745–1826) d'enlever les chaînes aux malades mentaux[3] - [4].

Les mots de gardiens, ou de garde-chiourmes, dĂ©finissaient le personnel qui s'occupait des aliĂ©nĂ©s. Le plus souvent le personnel Ă©tait recrutĂ© pour leur force physique dans la paysannerie locale pour la province, voire parmi des dĂ©linquants Ă  qui on n'offrait pas le choix et mĂŞme les forts des Halles pour les malades difficiles de Villejuif. Ce personnel souvent illettrĂ©, sujet Ă  l'alcoolisme, organisa pour le meilleur et pour le pire la vie des malades mentaux. Jean-Baptiste Pussin recrutait parmi les malades guĂ©ris et les convalescents. Les malades (gĂ©nĂ©ralement dans ces lieux Ă  vie[5]), les mĂ©decins, comme le reste du personnel, vivaient en autarcie dans les grands asiles trop souvent surpeuplĂ©s (environ 4 400 malades Ă  l'hĂ´pital psychiatrique interdĂ©partemental de Clermont de l'Oise entre 1934 et 1939 par exemple) dans lesquels on travaillait de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Il faudra attendre l'arrivĂ©e de traitements efficaces rĂ©duisant notablement les troubles et la mise en place de la politique de secteur gĂ©ographique (Ă  la suite de la circulaire de 1960) et le courant dĂ©saliĂ©niste soutenu par beaucoup de ces infirmiers de secteur psychiatrique, pour voir les choses Ă©voluer.

RĂ´le dans le domaine psychiatrique

Les infirmiers de secteur psychiatrique ont une fonction d'observation dynamique et clinique, une fonction de permanence des soins, une fonction de répétiteur (donner un sens au temps qui passe), une fonction d'improvisation (quand le recours au cadre institutionnel n'est plus opérant), une fonction d'étayage (il pourra s'agir d'un accompagnement pour aider un patient dans son face-à-face à la réalité, lui donnant des points d'ancrage constructifs), une fonction d'attention, une fonction d'information, une fonction réponse, une fonction d'écoute[6].

La remise en cause des grands hôpitaux psychiatriques vivant hors du temps, est en marche sous l'action du Docteur Lucien Bonnafé : c'est la politique de secteur de 1969 ou les patients pourront être suivis près de chez eux. La mixité commence aussi à faire son chemin dans les services de psychiatrie tant au niveau des patients qu'au niveau infirmier. Les infirmiers de psychiatrie deviennent infirmiers de secteur psychiatrique, à savoir qu'ils travaillent sur un secteur géographique précis, suivent les malades également en visite à domicile, dans des structures extra hospitalières : dispensaires, hôpitaux de jour, puis dans les centres médico-psychologique (accompagnement social), centres d'accueil à temps partiel, appartements thérapeutiques, ce à quoi il faut ajouter des interventions dans le cadre de la psychiatrie de liaison[7].

Le cadre unique cède le pas. Les courants désaliénistes agitent le milieu infirmier. Le port de la blouse est lui-même sujet à controverse. Des petites structures se mettent en place comme des services de psychiatrie au sein des hôpitaux de soins généraux, devenus lieux de référence pour la politique de secteur. La présence de deux diplômes d'infirmiers, le passé asilaire trop lourd, la forte poussée de médicalisation, de nouvelles tâches, sonnèrent le glas de la filière spécifique pour la psychiatrie avec les réformes de 1992. D'importants mouvements eurent lieu, refus d'accueillir et d'encadrer des élèves infirmières, manifestations d'infirmiers de secteur psychiatrique de 1997 sous l'égide d'une coordination de mobilisation en psychiatrie (CNMP), pour obtenir l'équivalence DE/Psy qui leur avait été accordé sous le gouvernement d'Alain Juppé avant 1997. La Fédération nationale des infirmières (FNI) opposée à toute équivalence DE/ PSY a remporté une victoire partielle devant la Cour européenne de justice en 2007, qui a reconnu que l'arrêté supprimant l'équivalence DE/PSY n'avait pas été notifié à la Commission européenne et qu'il était donc contraire au droit communautaire. Cette décision n'a cependant pas rétabli l'équivalence, qui a été réintroduite en 2010, puis à nouveau annulée en 2014. Le Conseil d'État a confirmé l'annulation de cet arrêté dans sa décision n° 367149 du 17 janvier 2014

Le diplôme fut toutefois reconnu par un diplôme d'État d'infirmier de secteur psychiatrique (DEISP). Il n'y a donc plus de formation spécifique d'infirmiers de secteur psychiatrique. La profession est incluse dans le texte de loi de l'ordre infirmier. Dans les services de psychiatrie les infirmiers et les infirmiers de secteur psychiatrique coexisteront jusqu'au départ en retraite de ces derniers.

Aujoud'hui les infirmiers titulaires du diplôme d’Etat, justifiant d'une expérience professionnelle d'au moins 3 ans en psychiatrie, peuvent bénéficier depuis 2018 d'une formation de deux ans d'infirmier en pratique avancée mention psychiatrie et santé mentale complémentaire, appelé Diplôme d'État d'Infirmier en pratique avancée (IPA) option Santé Mentale et Psychiatrie.

En France

Chronologie

  • 1878 : l'Ă©cole d'infirmiers de « l'asile de la SalpĂŞtrière » accueille ses premiers Ă©lèves.
  • 1907 : passage de l'Ă©tat de gardien Ă  celui du diplĂ´me d'infirmier de secteur dĂ©partemental en psychiatrie[8].
  • 1922 : le titre « d'infirmier diplĂ´mĂ© de l'État français » est crĂ©Ă©. Il sanctionne une formation de deux ans axĂ©e sur le soin somatique, et n'incluant pas le soin en psychiatrie.
  • 1930 : nouvelle formation sur 5 ans pour le diplĂ´me d’infirmier des asiles d’aliĂ©nĂ©s de l’État Français[9] , très peu mis en Ĺ“uvre[5].
  • 1937 : le terme « hĂ´pital psychiatrique » apparaĂ®t officiellement, et remplace celui « d'asile d'aliĂ©nĂ©s » (le titre d'infirmier psychiatrique remplace celui d'infirmier des asiles d'aliĂ©nĂ©s).
  • 1945 : premières applications de la psychothĂ©rapie institutionnelle , thĂ©orisĂ©e au sein de la rĂ©sistance durant les annĂ©es d'occupation.
  • 1946 : dĂ©finition lĂ©gale et officielle de l'infirmière par le code de la santĂ© publique[10] français. La rĂ©alitĂ© psychiatrique n'y est pas Ă©voquĂ©e, les infirmiers psychiatriques sont maintenus Ă  l'Ă©cart : leur diplĂ´me n'est reconnu que dans la rĂ©gion qui les a formĂ©s.
  • 1949 : l'exercice professionnel des infirmiers psychiatriques est limitĂ© aux seuls hĂ´pitaux psychiatriques[11], alors que les infirmières diplĂ´mĂ©es d'État peuvent travailler dans les deux secteurs sans avoir eu de formation psychiatrique (dans les faits, les infirmières diplĂ´mĂ©es d'État viendront peu en psychiatrie, leur formation ne les y prĂ©parant pas).
  • 1949 : crĂ©ation des stages de formation pour les infirmiers psychiatriques des CEMEA, par Germaine le Guillant et Georges Daumezon. Ils auront un impact significatif sur la relation mĂ©decin-infirmier et la relation soignant-soignĂ©, dans le courant de la psychothĂ©rapie institutionnelle[12].
  • 1955 : crĂ©ation du premier diplĂ´me pour les infirmiers des hĂ´pitaux psychiatriques[13]. Il sanctionne une formation de deux ans.
  • 1969 : le titre d'« Infirmier de secteur psychiatrique » est entĂ©rinĂ©[14].
  • 1973 : la formation des infirmiers de secteur psychiatrique est portĂ©e Ă  deux ans et quatre mois (dont 1580 heures de thĂ©orie)[15].
  • 1979 : le temps de formation des infirmiers de secteur psychiatrique est augmentĂ© de cinq mois, avec une première annĂ©e commune Ă  la formation des infirmiers en soins gĂ©nĂ©raux[16], il leur faut dĂ©sormais trois ans de formation avant d'ĂŞtre autorisĂ© Ă  passer un diplĂ´me qui n'est alors toujours pas reconnu au niveau national, dont une annĂ©e de psychopathologie et une de nosographie psychiatrique.
  • 1992 : un dĂ©cret[17] met fin aux Ă©tudes sĂ©parĂ©es : le programme des Ă©tudes en soins infirmiers incorpore les connaissances en psychiatrie et permet aux infirmières diplĂ´mĂ©es en soins gĂ©nĂ©raux de travailler dans le domaine de la santĂ© mentale. Une passerelle est crĂ©Ă©e pour les infirmiers de secteur psychiatrique afin d'obtenir une Ă©quivalence du diplĂ´me d'État d'infirmier en effectuant et validant un stage de trois mois dans une des disciplines suivantes : mĂ©decine interne, chirurgie, aux urgences ou en unitĂ© de rĂ©animation.
  • 1999 : le diplĂ´me des infirmiers de secteur psychiatrique encore en place devient DiplĂ´me d'État d'Infirmier de Secteur Psychiatrique[18].
  • 2001 : le rapport Piel-Roelandt[19] de montre que la transition entre les infirmiers de secteur psychiatrique en voie de disparition et les infirmiers diplĂ´mĂ©s d'État ne s'est pas toujours bien effectuĂ©e. La non reconnaissance entre les deux diplĂ´mes provoqua une grave crise de recrutement et de compĂ©tences, des dĂ©parts massifs en retraite plus ou moins anticipĂ©es de certains infirmiers de secteur psychiatrique ainsi qu'un vĂ©ritable dĂ©sinvestissement de ceux-ci au sein des services (travail de nuit ou absentĂ©isme principalement).
  • 2004 : l'Ă©motion suscitĂ©e par le drame de l'hĂ´pital psychiatrique de Pau et une sĂ©rie de violences graves imputĂ©es Ă  des malades mentaux prendra un reflet particulier et rĂ©vĂ©lera le malaise du travail en psychiatrie et dĂ©bouchera sur le plan santĂ© mentale 2005 2008 du ministre de la santĂ© Philippe Douste-Blazy concernant les formations complĂ©mentaires pour les infirmiers travaillant en psychiatrie, sĂ©curitĂ© renforcĂ©e dans les services de psychiatrie (certains n'Ă©taient pas Ă©quipĂ©s de systèmes d'alarme), mise aux normes des chambres d'isolement par exemple.

Lieux d'activité

En France, l'article L.474-3 du Code de la santé publique[20] énumère les lieux d'exercice de la profession d'infirmier pour les infirmiers titulaires du diplôme d'État d'infirmier de secteur psychiatrique :

  • syndicats inter-hospitaliers ;
  • Ă©tablissements de santĂ© privĂ©s participant au service public hospitalier ;
  • centres spĂ©cialisĂ©s de soins aux toxicomanes ;
  • Ă©tablissements de santĂ© des armĂ©es ;
  • institution nationale des invalides ;
  • services et Ă©tablissements relevant du ministère chargĂ© de l'Éducation nationale ;
  • services de mĂ©decine du travail et services de la protection judiciaire de la jeunesse;
  • Ă©tablissements de santĂ© privĂ©s recevant des patients souffrant de maladies mentales, ou dispensant des soins de longue durĂ©e ;
  • Ă©tablissements et services sociaux et mĂ©dico-sociaux mentionnĂ©s Ă  l'article 3 de la Loi no 75-535 du [21] ;
  • Ă©tablissements et services mentionnĂ©s Ă  l'article 46 de la loi no 75-534 du d'orientation en faveur des personnes handicapĂ©es.

DĂ©bats et discussions

Avec le plan de santé mentale 2005-2008 des formations complémentaires sont prévues pour le personnel soignant travaillant en psychiatrie : formations continues, formation interne, tutorat etc.

Le problème d'une spécialité en psychiatrie a fait débat. Certains parmi les ISP, syndicats, médecins estimaient qu'une spécialité permettait à cette discipline d'être mieux reconnue, plus attractive, avec du personnel plus motivé et mieux formé en psychiatrie, et aussi, de ce fait, mieux payé. L'opposition se situait du côté des IFSI et certains syndicats infirmiers : ils estimaient que cela reconstituerait les travers du passé avec un nouveau ghetto professionnel. Des gestionnaires et cadres d'hôpitaux préféraient aussi garder la possibilité de changer les infirmières de service au gré des besoins. En outre il y avait le risque pour les nouvelles infirmières de voir une partie des offres d'emplois se verrouiller à la sortie des IFSI. Se posait aussi le problème du statut des infirmiers de secteur psychiatrique encore en place par rapport à leurs collègues du DEI.

Notes et références

  1. Jacques Postel, Nouvelle histoire de la psychiatrie, Dunod, (ISBN 978-2-10-058303-4 et 2-10-058303-4, OCLC 814372291, lire en ligne)
  2. (fr) « Santé: Jean-Baptiste Pussin pionnier de la psychiatrie », sur Midi libre, (consulté le ).
  3. (en) « Unchain the Insane », sur Buzzle (consulté le ).
  4. (en) Elizabeth Fee, PhD et Theodore M. Brown, PhD, « Freeing the Insane », (consulté le ).
  5. Marcel Jaeger, « Aux origines de la profession d’infirmier psychiatrique », VST - Vie sociale et traitements, vol. 134, no 2,‎ , p. 109 (ISSN 0396-8669 et 1776-2898, DOI 10.3917/vst.134.0109, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Nolan, P. (1993). A History of Mental Health Nursing. Royaume-Uni : Stanley Thornes Ltd.
  7. Wilkin P (2003). (en) Barker, P (ed), Psychiatric and Mental Health Nursing: The craft of caring, Londres, Arnold, , 26–33 p. (ISBN 978-0-340-81026-2)
  8. Circulaire ministérielle du 4 avril 1907
  9. Arrêté ministériel du 26 mai 1930
  10. Article L4311-1 du Code de la santé publique français
  11. Arrêté ministériel du 3 juillet 1955
  12. Alain Castéra, « Pour une analyse de la situation », Sud/Nord, vol. 25, no 1,‎ , p. 81 (ISSN 1265-2067 et 1776-288X, DOI 10.3917/sn.025.0081, lire en ligne, consulté le )
  13. Arrêté du 23 juillet
  14. Arrêté ministériel du 12 mai 1969
  15. Arrêté ministériel du 16 février 1973
  16. Arrêté ministériel du 26 avril 1979
  17. Décret du 23 mars 1992 et arrêté du 30 mars 1992 relatif au programme des études en soins infirmiers
  18. Décret du 29 décembre 1999
  19. Rapport Piel-Roelandt sur academie-medecine.fr
  20. Loi no 99-641 du 27 juillet 1999 du Code de la santé publique français, article L.474-3
  21. Loi no 75-535 du 30 juin 1975 du Code de la santé publique français, relative aux institutions sociales et médico-sociales, article 3

Voir aussi

Bibliographie

  • François Ansermet, Maria-Grazia Sorrentino, prĂ©f. Paul-Laurent Assoun, Malaise dans l'institution : Le soignant et son dĂ©sir, Éd. Economica, 2007 (ISBN 2717853979)

Articles connexes

Liens externes

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