Accompagnement social
L'accompagnement social est une modalité d'intervention sociale qui s'est développée à la fin du XXe siècle. Traditionnellement, l'intervention sociale consistait à prendre en charge une personne de manière très étendue en institution (établissements spécialisés). Dans ce cas, des personnes sont regroupées, éventuellement vivent, dans un lieu conçu pour les accueillir, en fonction de leur pathologie handicap mental, psychique, physique, désinsertion sociale majeure. Cette institutionnalisation a été très critiquée, car elle produisait à la fois une relégation et la chronicité des pathologies. Cette critique a rencontré à partir de l'année 1975 (plan Barre : pacte pour l'emploi), la volonté politique de réduire les coûts de cette institutionnalisation. L'État et les conseils généraux tendent à diminuer cette approche institutionnelle pour y substituer une approche qu'on qualifiera de « service ». Les personnes bénéficient d'une aide ponctuelle, limitée. Elles vivent dans leur milieu social et bénéficient d'une intervention uniquement pour ce qui relève de leur difficulté socialement identifiée et reconnue (exemple : jeune en difficulté d'insertion), et non pas de tous leurs actes de la vie sociale et quotidienne. L'évolution de la psychiatrie est un bon exemple. On passe d'une prise en charge globale, dans des institutions (cliniques, hôpitaux), à des « prestations » ponctuelles, en journée, dans des services en ville (CMP, CATTP, etc.). C'est la « désinstitutionnalisation » qui constitue la disparition progressive des institutions disciplinaires.
Le modèle de l'accompagnement social s'est fortement développé avec la mise en place du RMI (revenu minimum d'insertion) aujourd'hui remplacé par le RSA (revenu de solidarité active). Cette extension a conduit à élargir le champ de l'intervention sociale à des publics bien plus larges que ceux que le travail social traditionnel prenait en charge, notamment en direction des chômeurs en fin de droits ou radiés de l'ANPE (Pôle Emploi). Cela revient à dire que l'accompagnement social du RMI ou du RSA conduit à considérer le chômage de très longue durée comme une pathologie et non comme un phénomène sociétal lié à la fin du plein emploi depuis le milieu des années 1970.
L'accompagnement social conduit à une atomisation de la prise en charge, ce qui complique la réinsertion des publics les plus fragiles. La personne devant s'adresser à plusieurs guichets en fonction de ses différentes problématiques (emploi, santé, logement, surendettement…) D'autre part lors de l'évaluation initiale, l'ensemble de la situation sociale et la problématique exacte ne sont pas toujours bien analysés ou connus par le travailleur social (souvent en CHRS, centre d'hébergement et réadaptation sociale, face aux problématiques de santé ou de surendettement) ce qui conduit à l'échec de l'accompagnement. Dans cette situation la personne est renvoyée vers ses difficultés initiales et même poursuit son tour de France des CHRS et centres d'accueil d'urgence. La FNARS (Fédération nationale des associations de réinsertion sociale) vient de publier un livre blanc dans lequel elle préconise pour pallier cette atomisation, un accompagnement plus global des personnes qu'elle accompagne (SDF ou hébergement précaire en CHRS et hôtel social).
Contrat
Parmi les éléments qui permettent d'y voir un changement social important, on peut noter l'apparition, dans le cadre de cet accompagnement, du contrat. Un contrat est signé entre le « prescripteur » et l'usager. Ce contrat, obligation légale, existe dans les institutions en activité.
Les conditions de définition de l'accompagnement social par le contrat, appelé ici contrat de séjour, sont précisément définies par les textes depuis la Loi no 2002-2 du rénovant l'action sociale et médico-sociale[1]. Dans ce champ, le recours au contrat traduit un changement de paradigme inspiré par la théorie de l'agence et le new public management[2] qui transforme l'usager en client-consommateur de prestations d'intérêt collectif.
Le contrat est pour partie une fiction juridique comment les parties peuvent-elle négocier librement ? C'est-à -dire comment le bénéficiaire, face au conseiller en insertion ou face au travailleur social a son libre arbitre [3]?
Le contrat n'est pas de l'ordre du don au sens de Marcel Mauss, c'est-à -dire que le don implique l'échange égalitaire, le contre don[4]. Le bénéficiaire échange une obligation de résultat voire une obligation de justifier sa volonté d'insertion, contre une obligation de moyens, c'est-à -dire que le prestataire s'engage seulement à fournir une prestation dont le résultat ne dépend pas du prestataire, travailleur social, mais bien du bénéficiaire. On voit bien, ici que l'échange n'est pas égalitaire. C'est ici une des critiques majeures que l'on peut faire à l'accompagnement social.
L'individualisation de la prise en charge que provoque l'accompagnement et surtout la mise en place du contrat conduit au risque de faire d'un phénomène sociétal une pathologie (exemple le chômage de très longue durée), les personnes fragilisées par leur situation sociale intériorisant comme une pathologie leur situation et surtout leur échec à réaliser leur contrat d'insertion.
Notes et références
- Loi no 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale - Association des Responsables Et Salariés des Services de soins infirmiers A Domicile
- O. Poinsot, « Dix ans après : retour sur les raisons de l’introduction du contrat de séjour dans le droit des institutions sociales et médico-sociales, » RGDM no 43, juin 2012, p. 545-561
- O. Poinsot, « Pour une théorie du contrat de séjour (première partie) », RGDM no 44, septembre 2012, p. 523-537 ; « Pour une théorie du contrat de séjour (seconde partie) », RGDM no 45, décembre 2012, p. 358-371
- «Essai sur le don. Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques» Marcel Mauss 1903 Édition du PUF
Bibliographie
- Autès M., Les paradoxes du travail social, 1999, Dunod
- Berbesson M., Dô-Coulot B., « L’accompagnement social dans les politiques d’insertion et de lutte contre les exclusions », , DGAS, Sous-direction des politiques d’insertion et de lutte contre les exclusions.
- Beyssaguet A.-M., Chauvières M., Ohayon A., Les socio-clercs. Bienfaisance ou travail social, 1976, Maspero
- Castel R., « Du travail social à la gestion sociale du non-travail », Esprit, mars-, À quoi sert le travail social ?
- Castra D., L’insertion professionnelle des publics précaires, 2003, PUF
- Chopart J.-N., Les mutations du travail social, 2000, Dunod
- Crognier P., Précis d'écriture en travail social. Des ateliers d'écriture pour se former aux écrits professionnels, Éditions ESF, 2011.
- Donzelot J., Roman J. « 1972-1998 : les nouvelles donnes du social », Esprit, mars-
- Guérin S., De l'Etat Providence à l'état accompagnant, 2011, Michalon
- Mégevand F., « L’accompagnement, nouveau paradigme de l’intervention publique », (sous la dir.) Ballain R., Glasman D., Raymond R., Entre protection et compassion. Des politiques publiques travaillées par la question sociale. 1980-2005, 2005, Grenoble, PUG
- Noblet P., Quel travail pour les exclus ? Pour une politique de l’insertion durable, 2005, Dunod
- Sennett R., Respect. De la dignité de l’homme dans un monde d’inégalité, 2003, Albin Michel
Colloques
"L'usager-citoyen : affirmer ses droits dans les établissements et services", colloque organisé par le Conseil général du Finistère à Brest le à l'occasion du dixième anniversaire de la loi no 2002-2 rénovant l'action sociale et médico-sociale : http://www.vo-live.fr/vod/u2sS8fp.html
Source
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