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IFA 2000

IFA 2000 (Interconnexion France Angleterre ou HVDC Cross-channel en anglais) est une installation de transport d'électricité en courant continu à très haute tension (THT-CC ou HVDC) reliant les réseaux électriques de la France et du Royaume-Uni sous la Manche. Le poste électrique français, dit des Mandarins, se trouve à Bonningues-les-Calais, celui anglais à Sellindge. Il s'agit donc d'une interconnexion électrique.

IFA 2000 traverse le pas de Calais

La première liaison HVDC a Ă©tĂ© construite en 1961 et est une des toutes premières au monde[1]. La largeur du dĂ©troit Ă  franchir Ă  l'aide de câbles rend complexe l'emploi de courant alternatif pour la transmission, une ligne en courant continu a donc Ă©tĂ© choisie. Elle avait une puissance de 160 MW et une tension de ±100 kV et une longueur de 96 km. Elle rencontrait cependant des problèmes de disponibilitĂ© dus aux accrochages avec les filets des chaluts.

En 1981, une nouvelle liaison est planifiĂ©e pour remplacer la première. Elle a une puissance de 2 000 MW, d'oĂą le nom de IFA 2000, une tension de ±270 kV. Elle est mise en service entre 1985 et 1986. En pratique, elle permet Ă  la France d'exporter de l'Ă©nergie vers l'Angleterre.

Historique

Première installation

En 1961, une première interconnexion Ă©lectrique est construite entre les deux pays pour profiter du dĂ©calage entre les pĂ©riodes de consommation de pointe de part et d'autre de la Manche. La largeur du dĂ©troit et le fait que les deux pays aient la mĂŞme frĂ©quence de rĂ©seau, 50 Hz, permettent d'envisager une liaison en courant alternatif. Des plans avec un câble Ă  une tension de 225 kV sont ainsi Ă©tudiĂ©s. Cependant, on a prĂ©fĂ©rĂ© une liaison Ă  courant continu d'une part car la frĂ©quence des deux pays n'a pas la mĂŞme plage de rĂ©glage : 49,95 Ă  50,05 Hz en France et 49,8 Ă  50,2 au Royaume-Uni, ce dernier pays ne disposant pas non plus Ă  l'Ă©poque d'une rĂ©gulation automatique frĂ©quence-charge[2] ; d'autre part pour mieux maĂ®triser les Ă©changes de puissance.

La liaison est mise en service en 1961 entre les postes de conversion de Lydd, dans le comtĂ© de Kent (Royaume-Uni) et d'Echinghen, près de Boulogne (France). Le système, construit par ASEA[3], Ă©tait Ă©quipĂ© de redresseurs Ă  vapeur de mercure Ă  quatre anodes[4]. Pour minimiser les perturbations des compas magnĂ©tiques des navires naviguant Ă  proximitĂ© et malgrĂ© le surcoĂ»t, une liaison bipolaire (Ă  deux câbles) a Ă©tĂ© choisie de prĂ©fĂ©rence Ă  une liaison monopolaire (un câble et retour du courant par la mer). Le câble avait une longueur de 64 km et Ă©tait utilisĂ© sous une tension bipolaire de ±100 kV et avec un courant maximum de 800 ampères. La puissance maximum transportable Ă©tait donc de 160 MW, et la liaison fut baptisĂ©e IFA 160[2].

Les transformateurs triphasĂ©s installĂ©s au poste de Lydd ont une puissance de 95 MVA. Leur tension nominale cĂ´tĂ© courant alternatif est de 284 kV avec un rĂ©gleur en charge ayant une plage de ±15 %. Au poste d'Echinghen, leur puissance est de 97,6 MVA. Leur tension nominale cĂ´tĂ© courant alternatif est de 232 kV avec un rĂ©gleur en charge ayant Ă©galement une plage de ±15 %[5].

Les valves à diodes à vapeur de mercure d'Echinghen sont remplacées en 1974 par des valves à thyristor sur le pont numéro 1 : Yy. Chaque valve est alors réalisée grâce à 12 modules de 10 niveaux, chaque niveau ayant deux thyristors en parallèle, soit 240 thyristors par valve[6].

C'était la troisième installations de ce type et la seconde commerciale, après le projet Elbe et HVDC Gotland[2]. Elle a été interrompue en 1984[3]. Le bilan des 20 années d'exploitation d'IFA 160 montre une disponibilité moyenne inférieure à 50 % du fait des multiples accrochages des câbles par les chaluts, et aussi de problèmes avec les transformateurs.

Principales caractéristiques des postes de conversion[5]
PosteLydd et Echinghen
Mise en service
FabricantASEA
Tension nominale±100 kV
Puissance nominale160 MW
Puissance en surcharge192 MW pour 30 minutes
Courant nominal800 A
Type de valveDiode Ă  vapeur de mercure
Refroidissement des valvesrefroidies Ă  air
Nombre d'anodes des valves4
Inductance des bobines de lissage0,95 H
Position des bobines de lissagecôté neutre, commun aux deux pôles
Nombre de transformateurs2 par postes

Deuxième installation

Cette première installation ne pouvant plus rĂ©pondre Ă  l'accroissement des besoins de puissance, un accord est trouvĂ© entre les deux pays en 1981 pour la construction d'une nouvelle liaison plus puissante[7]. elle a Ă©tĂ© remplacĂ©e en 1985 - 1986 par une nouvelle liaison HVDC, IFA 2000 d'une capacitĂ© de 2 000 MW entre la France et le Royaume-Uni[3].

Données techniques

Principales caractéristiques des postes de conversion[6]
PosteSellindge et les mandarins
Mise en serviceEntre et
FabricantGEC et CGEE-Alsthom
Tension nominale±270 kV
Puissance nominale2 000 MW
Courant nominal1851.85 A
Type de valvethyristors
Refroidissement des valvesrefroidies Ă  air
Nombre de thyristors par valve125
Inductance des bobines de lissage0,35 H
Position des bobines de lissagecôté haute tension
Nombre de transformateurs4 par postes côté anglais, 6 par postes côté français

Les deux nouvelles stations de conversion Ă  thyristors sont implantĂ©es, l'une Ă  Sellindge au Royaume-Uni, l'autre au poste des Mandarins, situĂ© Ă  Bonningues-lès-Calais en France. Le poste anglais est construit par GEC, celui français par CGEE Alsthom[3]. L'installation est composĂ©e de deux bipĂ´les de 1 000 MW chacun, montĂ©s en parallèle. La mise en service a eu lieu par Ă©tape : 500 MW en , puis 1 000 en , enfin 2 000 le mois suivant[8].

En Angleterre, les valves à thyristors sont arrangées en quadrivalves. Chaque valve contient 125 modules, contenant chacun 2 thyristors en parallèle. En France, les valves sont installées en tours. Chaque valve contient 12 modules de 8 niveaux de thyristors, chaque niveau ayant 2 thyristors en parallèle[6].

Sur l'installation de 1985, cĂ´tĂ© anglais, les transformateurs sont Ă  nouveau triphasĂ©s. Ils ont une puissance de 315 MVA, leur tension nominale cĂ´tĂ© courant alternatif est de 400 kV, leur plage est de +23 %/-9 %. CĂ´tĂ© français, des transformateurs monophasĂ©s de puissance 206 MVA avec une tension nominale cĂ´tĂ© courant alternatif de 400 kV et une plage de ±10 % sont installĂ©s[6].

Ligne

Liaisons sous-marines électriques HVDC en Europe (à l'exception des lignes de faible puissance). Légende : - existant, - projet approuvé, - options à l'étude.

Cette liaison HVDC est longue de 73 km. La partie sous-marine, longue de 46 km, comporte quatre paires de câbles Ă  ±270 kV posĂ©es entre Folkestone (Royaume-Uni) et Sangatte (France), chaque paire Ă©tant sĂ©parĂ©e de ses voisines par un kilomètre environ. Ils sont de type au papier imprĂ©gnĂ© sous pression interne d'huile fluide. Leur section de conducteur de cuivre est de 900 mm2[9] - [10]. La partie terrestre comporte quatre paires de câbles de 18,5 km de longueur en Angleterre, et 6,35 km en France. En Angleterre, les câbles des deux bipĂ´les sont Ă©galement sĂ©parĂ©s et n'ont pas Ă©tĂ© fabriquĂ©s par le mĂŞme constructeur. Ils ont une section de cuivre de 800 mm2. En France, la section du conducteur de cuivre est de 900 mm2. Les câbles sous-marins ont Ă©tĂ© enfouis au fond de la mer par ensouillage Ă  une profondeur moyenne de 1,5 m, pour Ă©viter qu'ils soient accrochĂ©s par les chaluts des bateaux comme ce fut rĂ©gulièrement le cas pour la première installation[11] - [6].

Filtres

Ă€ Sellindge, Les filtres ont une puissance rĂ©active totale de 1 040 MVar rĂ©partie en huit filtres. Aux mandarins, ils ont une puissance de 1 280 MVar Ă©galement rĂ©partie en huit filtres[6].

Description de l'installation actuelle

RĂ©novation

En , la décision a été prise de rénover la liaison afin de pallier son vieillissement. Les travaux ont eu lieu en deux phases : en 2011 et 2012[10].

Gestion

Jusqu'en 2001, cette liaison a été exploitée exclusivement par EDF. À la suite de l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence, elle est exploitée, depuis le , conjointement par la société française RTE, et par son homologue britannique National Grid[11].

DĂ©coration

Dans chacune des stations de conversion sont installées des sculptures en granit rose de Pierre Szekely, qui a réalisé Coopération[12] en 1985 pour la station française et Lumen[13] en 1995, pour le dixième anniversaire de l'interconnexion, pour la station anglaise.

Conséquences

La liaison a fonctionnĂ© rĂ©gulièrement Ă  sa pleine capacitĂ© de 2 000 MW. Sa disponibilitĂ©, prĂ©vue Ă  l'origine pour ĂŞtre de 95 %[11], a atteint les annĂ©es prĂ©cĂ©dant 2006 les 98 %.

Entre 1986 et 2006, cette liaison a permis l'Ă©change de 276 TWh, dont 97,5 % dans le sens France vers le Royaume-Uni, soit l'Ă©quivalent de l'alimentation de 3 millions de foyers britanniques, reprĂ©sentant 5 % de l'Ă©lectricitĂ© disponible au Royaume-Uni[11]. Elle permet donc de vendre l'Ă©nergie produite Ă  la centrale nuclĂ©aire de Gravelines avoisinante.

RĂ©novation en 2012

MalgrĂ© les bonnes performances obtenues sur le dĂ©but de l'exploitation, le vieillissement des composants a fini par augmenter le nombre d'incidents jusqu'Ă  une trentaine par an. Un chantier de rĂ©novation de 50 millions d’euros a donc Ă©tĂ© lancĂ©. La liaison Ă©tait maintenue en service Ă  50 % de sa capacitĂ© pendant le chantier, qui a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© en 2 phases, l'une sur 2011, l'autre sur 2012, les deux Ă©tant programmĂ©es en dehors des mois d'hiver oĂą l'utilisation est plus intense. Cette nouvelle installation a Ă©tĂ© mise en service juste avant les jeux olympiques de Londres de 2012. Les nouveaux thyristors, posĂ©s au sol, sont plus performants, leur nombre a diminuĂ© de 9 216 Ă  1 968. Le système de refroidissement a Ă©galement Ă©tĂ© modernisĂ©[10].

RĂ©novation en 2016

Lors de ces travaux, au lieu-dit Belle-vue sur la crête bordant l'ancienne voie romaine reliant Peuplingues à Sangatte, ont été mises au jour des centaines de tombes datant du IXe au XVe siècle, et qui entouraient une ancienne église, Saint-Martin de Sclives[14].

Autres interconnexions

Le développement des énergies renouvelables intermittentes et diffuses conduit au renforcement des interconnexions européennes[15].

Plusieurs projets existent pour accroître la capacité de transport entre la France et les îles Britanniques. Il existe déjà :

  • IFA-2, nouvelle liaison de 1 000 MW qui relie la Basse-Normandie et l'Angleterre Ă  hauteur de l'Ă®le de Wight et mise en service en janvier 2021. Elle a une puissance de 1 000 MW, une longueur de 200 km. Son objectif est d'Ă©viter la congestion des rĂ©seaux Ă©lectriques 400 kV du Nord-pas-de-Calais et du Kent ;
  • Eleclink, projet pilotĂ© par une filiale d'Eurotunnel qui utilise la galerie du tunnel sous la Manche. Sa puissance est de 1 000 MW, la liaison a Ă©tĂ© mise en service en mai 2022[16] ;

Des projets futurs existent Ă©galement :

  • FAB Link, un projet d'interconnexion qui passerait Ă©galement par des parcs Ă©oliens dans la Manche, comme au large d'Aurigny. Sa puissance serait de 1 400 MW ;
  • Celtic Interconnector, un projet d'interconnexion entre la France et l'Irlande est planifiĂ© pour une mise en service prĂ©vue en 2026[17].

Coordonnées des postes

  • Poste des Mandarins : 50° 54′ 11″ N, 1° 47′ 05″ E
  • Poste de Sellindge : 51° 06′ 21″ N, 0° 58′ 32″ E
  • Poste d'Echingen (mis hors service) : 50° 41′ 48″ N, 1° 38′ 21″ E
  • Poste de Lydd (mis hors service) : 50° 54′ 54″ N, 0° 56′ 50″ E

Références

  1. Si on ne compte que les installations commerciale c'est la deuxième, après HVDC Gotland, sinon il faut ajouter le Projet Elbe
  2. Arrillaga 1998, p. 86
  3. (en) « Liste de toutes les liaisons HVDC », sur Université Idaho (consulté le )
  4. (en) B.J. Cory, C. Adamson, J.D. Ainsworth, L.L. Freris, B. Funke, L.A. Harris et J.H.M. Sykes, High voltage direct current convertors and systems, Macdonald & Co. Ltd, , p. 175-218
  5. (en) Compendium of HVDC schemes, t. 3, CIGRÉ, coll. « Brochure », , p. 25
  6. (en) Compendium of HVDC schemes, t. 3, CIGRÉ, coll. « Brochure », , p. 212
  7. Arrillaga 1998, p. 92
  8. (en) Compendium of HVDC schemes, t. 3, CIGRÉ, coll. « Brochure », , p. 211-213
  9. « L’apport de nouvelles technologies dans l'enfouissement des lignes électriques à haute et très haute tension », sur Assemblée nationale (consulté le )
  10. « L'interconnexion électrique France-Angleterre : une rénovation au service de la fiabilité » (consulté le )
  11. « L’interconnexion électrique France–Angleterre (IFA 2000), un maillon stratégique au cœur de l’Europe de l’Electricité », sur RTE (consulté le )
  12. IFA 2000, une sculpture comme symbole
  13. Une sculpture en granit de la Clarté pour l'Angleterre
  14. Archéologie : une ancienne nécropole découverte entre Peuplingues et Sangatte
  15. « La maîtrise des grands systèmes électriques: un enjeu majeur à l’heure de la transition énergétique et du développement des énergies renouvelables » [PDF], sur connaissancedesenergies.org, .
  16. « BMRS », sur www.bmreports.com (consulté le )
  17. celticinterconnector, « EirGrid salue la décision de planification de l’interconnexion celtique », sur Celtic Interconnector, (consulté le )

Bibliographie

  • (en) Jos Arrillaga, High Voltage Direct Current Transmission, Institution of Electrical Engineers, (ISBN 0-85296-941-4)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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