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Houillères et saline de Saulnot

Les houillères et saline de Saulnot sont des mines de charbon et de sel gemme appartenant au bassin keupérien situé dans le département de la Haute-Saône, en Bourgogne-Franche-Comté dans l'Est de la France. Elles sont exploitées sur le territoire des communes de Saulnot et Corcelles de 1589 à 1921 pour le charbon et du XIIe siècle à 1826 pour le sel (soit sept siècles). L'exploitation du charbon sur place pour l'évaporation de la saumure dans des fours conçus par Heinrich Schickhardt permet à la compagnie de faire diminuer le coût de revient du sel.

Houillères et saline de Saulnot
logo de Houillères et saline de Saulnot
Square Heinrich Schickhardt.

Création XIIe siècle
Dates clés 1589 : découverte du charbon.
Disparition 1826 (sel)
1922 (charbon)
Siège social Saulnot
Drapeau de la France France
Activité Houille, sel gemme

Au début du XXIe siècle, il ne reste aucune trace de la saline, mais un square en hommage à Heinrich Schickhardt et à l'exploitation du sel est aménagé au centre du village de Saulnot. Des terrils et puits de mine subsistent à Corcelles.

Situation

La concession possède une superficie de 1 485 hectares pour l'exploitation du charbon, rĂ©partis sur les communes de Saulnot, Corcelles, Villers-sur-Saulnot, Échavanne, Crevans-et-la-Chapelle-lès-Granges et Granges-le-Bourg, dans le sud-est du dĂ©partement de la Haute-SaĂ´ne, en rĂ©gion de Bourgogne-Franche-ComtĂ©[1].

GĂ©ologie

Schémas montrant comment l’évaporation d'une lagune a permis des dépôts de bancs de sels et de débris végétaux avant que ceux-ci ne soient recouverts par les sédiments.
La formation du gisement de sel et de charbon du Keuper en Franche-Comté.

Les gisements de houille et de halite exploités sont mêlés au sein du bassin houiller keupérien de Haute-Saône. Ce bassin est formé d'une alternance de couches de grès, de marne irisée et de dolomies de gypse.

Saline

Exemple d'exhaure de la saumure.

La production des salines à Saulnot n'a cessé de croître et la consommation de bois également depuis 1147. Les « muines » se cuisaient alors au bois pour en tirer l'halite, ce qui épuisait la forêt voisine, d'où l'exploitation d'une mine de houille du XVIe au XXe siècle[2]. C'est l'une des premières en Europe à expérimenter ce combustible pour l'évaporation[3]. Elle est alimentée par deux sources, le grand puits (situé dans le village), qui alimente six chaudières, et le petit puits, qui alimente trois chaudières[4].

Au XIIIe siècle, Thierry III accorde la saline à l'abbaye de Lure, à qui la vente du sel apporte beaucoup de revenus. Mais elle en est dépossédée après la mort de ce dernier vers 1282[5]. Les bénéfices de l'extraction sont alors répartis entre les comtes de Montbéliard et divers investisseurs, avant de devenir la propriété exclusive de ces derniers en 1367 pour concurrencer les salines du Jura, propriétés des comtes de Bourgogne, et alimenter des seigneuries voisines, comtoises ou alsaciennes. Des techniques de graduation et de préchauffage sont mises en place pour économiser l’énergie en Allemagne et dans la principauté de Montbéliard du XVIe au XVIIe siècle avant de se répandre dans toute la Franche-Comté au XVIIIe siècle. En 1424, le grand puits est abandonné à la suite d'infiltrations d'eau douce. En 1550, les salines sont reconstruites à la suite de l'attaque de 1474, menée par Charles le Téméraire lors de la guerre de Bourgogne. Elles sont partiellement détruites entre 1587 et 1588 par Henri Ier de Guise. En 1592-1593, le nouveau grand puits permet d’accroître la production, appuyé par l'exploitation du charbon de terre permise par de nouvelles chaudières conçues par Heinrich Schickhardt. Les bâtiments sont incendiés par les Comtois en 1639, puis ils sont reconstruits entre 1761 et 1766. En 1749, le site est surveillé par sept à huit brigades de gardes administrées par deux bureaux qui assurent la gabelle pour la Ferme générale, qui interdit la vente du sel dans la seigneurie de Granges[4] - [6] - [7].

Les salines dĂ©clinent de plus en plus de 1750 Ă  1789[2]. Les bâtiments sont pillĂ©s puis brĂ»lĂ©s avec les archives le par les paysans de Granges, pendant la RĂ©volution française[4]. La concession est rĂ©cupĂ©rĂ©e par la Compagnie des Salines de l'Est qui cesse dĂ©finitivement l'exploitation en 1826. Les bâtiments sont rachetĂ©s par la commune en 1846, vingt ans après la fermeture des puits Ă  saumure[6], malgrĂ© les protestations de la population[7]. Avant la fermeture, la saumure est extraite de deux puits de 15 mètres de profondeur et 16,6 litres de cette eau fournissent 6,6 kg de sel[8]. En 1862, la mairie est construite Ă  l’emplacement de la saline[6]. Au dĂ©but du XXIe siècle, il ne reste aucune trace de la saline, mais un square en hommage Ă  Heinrich Schickhardt et Ă  l'exploitation du sel est amĂ©nagĂ© au centre du village de Saulnot.

  • Un four Ă  charbon de la saline (illustration d'Heinrich Schickhardt).
    Un four Ă  charbon de la saline (illustration d'Heinrich Schickhardt).
  • Heinrich Schickhardt.
    Heinrich Schickhardt.
  • La mairie de Saulnot est construite Ă  l'emplacement de la saline.
    La mairie de Saulnot est construite Ă  l'emplacement de la saline.
  • Square Heinrich-Schickhardt.
    Square Heinrich-Schickhardt.
  • Vue d'ensemble du square Heinrich-Schickhardt avec panneaux explicatifs.
    Vue d'ensemble du square Heinrich-Schickhardt avec panneaux explicatifs.

Houillères

Carte des contours des concessions.
Les différentes concessions de Haute-Saône pour l’exploitation du bassin keupérien.

Histoire

La découverte de la houille du bassin keupérien remonte à la fin du XVIe siècle. À cette époque, la « saulnère » du Saulnot (seigneurie de Granges) utilise deux chaudières pour cuire la saumure, l'une avec de la houille et l’autre avec du bois. Les mineurs qui tirent la houille des montagnes sont payés en argent et en chandelles[2].

En 1589, la houille est découverte à Corcelles et l'exploitation est initiée afin de faire diminuer la consommation de bois des salines[9]. En 1594, dix-neuf mineurs travaillent aux houillères d'Assemont[10]. Mais le charbon est de médiocre qualité car il dégage beaucoup de fumées et une mauvaise odeur. Il y a déjà des accidents : suffocation par le mauvais air des houillères d'Assemont en 1615 ou asphyxie de jeunes ouvriers en 1616 aux houillères de Saulnot. Après une période d'activité de 1610 à 1628, l'extraction ralentit puis cesse en 1635 avant de reprendre en 1654[2] - [11].

En 1714-1715, une nouvelle veine est dĂ©couverte Ă  Saulnot et un procès-verbal d'Ă©preuve, pour la cuite du sel au moyen de ce combustible, est dressĂ© par des experts venus de MontbĂ©liard. Aucune règle de sĂ©curitĂ© n'existe Ă  cette Ă©poque pour les ouvriers. Cette exploitation n'est pas organisĂ©e. C'est seulement l'ordonnance de 1744 qui règle les conditions d'exploitation[2]. L’activitĂ© est relancĂ©e entre 1768 et 1772[9] ; le , Jacques LiĂ©biger obtient l’exclusivitĂ© de l'extraction du charbon dans toute la seigneurie de Granges. Il obtient la concession de Saulnot, mesurant 2 400 toises de diamètre (tracĂ©e autour des deux puits principaux), pour trente ans[12].

Le , la concession de Corcelles, d'une superficie de 1 485 hectares, est accordĂ©e aux sieurs Noblot fils, MĂ©quillet et autres par ordonnance royale[13]. Des Ă©chantillons prĂ©levĂ©s vers 1831 dans des travaux situĂ©s Ă  35 mètres sous terre et Ă  600 mètres du clocher de Corcelles rĂ©vèlent une houille dure. Le coke qui en est dĂ©rivĂ© est d'aspect mĂ©tallique, boursouflĂ© et poreux[14]. Un puits est creusĂ© vers l'Ă©glise de Saulnot en 1832[15]. La mĂŞme annĂ©e, la mine emploie 25 ouvriers[16].

Les mines ferment en 1849[17]. Avant cette date, jusqu’à 1 000 tonnes de charbon sont exploitĂ©es chaque annĂ©e, notamment avec un puits de 36 mètres de profondeur. Les mines sont rouvertes et la concession est ensuite fusionnĂ©e avec d'autres par un dĂ©cret prĂ©sidentiel le [18].

  • Un puits de mine de Saulnot.
    Un puits de mine de Saulnot.
  • Infrastructures de surface du puits D au dĂ©but du XXe siècle.
    Infrastructures de surface du puits D au début du XXe siècle.

Au début du XXe siècle, l'exploitation est particulièrement active au nord de Corcelles avec sept puits creusés entre 1911 et 1921, dont cinq recensés par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)[19] - [20] :

  • les puits A et B utilisĂ©s avant 1916 servent Ă  l'extraction d'une houille dure dont l'abattage est difficile ;
  • le puits C est un puits de recherche ;
  • les puits D et E sont les seuls actifs pendant toute la Première Guerre mondiale ; le premier est profond de 33 mètres et sert Ă  l'extraction, le second sert Ă  l'aĂ©rage ; ils prĂ©sentent tous deux d'imposants terrils par rapport aux autres sites de la concession. Le charbon est transportĂ© via les chemins de fer vicinaux de Haute-SaĂ´ne pour ĂŞtre utilisĂ© dans la saline de Gouhenans jusqu’à l'arrĂŞt de l'extraction en 1921.

En 1923, le représentant de la Société minière et industrielle de Gouhenans, monsieur Gaillard, fait une demande de renonciation de concession. Cette renonciation est décrétée le [21].

Pour faire face aux pĂ©nuries dues Ă  l'Occupation, de nouvelles recherches sont lancĂ©es dans plusieurs des petits bassins miniers qui Ă©chappent au contingentement de l'occupant[22]. En 1941, un rapport de monsieur Foresin conclut qu'environ 8 000 tonnes de houille peuvent encore ĂŞtre extraites Ă  Corcelles par une descenderie, mais l'activitĂ© minière ne reprend pas contrairement aux concessions de GĂ©monval et de Vy-lès-Lure actives de 1942 Ă  1944[19].

Vestiges

Au dĂ©but du XXIe siècle, des vestiges de trois puits de mine des houillères de Corcelles, visibles sur les cartes IGN et situĂ©s Ă  proximitĂ© de la LGV Rhin-RhĂ´ne ainsi que leurs terrils subsistent. En dĂ©cembre 2012, le puits E s’ouvre sur 10,5 mètres ; il possède une section rectangulaire rĂ©gulière de deux mètres sur trois. Des spĂ©lĂ©ologues d'HĂ©ricourt sont envoyĂ©s sur place le et constatent que le fond du puits est instable. Celui-ci est donc sĂ©curisĂ© par la municipalitĂ© mais il n'est pas remblayĂ©, le vĂ©ritable fond n’étant pas atteint[23] - [8].

  • L'ancien puits D de Corcelles.
    L'ancien puits D de Corcelles.
  • Son terril.
    Son terril.
  • Vue du puits F.
    Vue du puits F.
  • Son terril.
    Son terril.
  • L'ancien puits ouvert (E).
    L'ancien puits ouvert (E).
  • Vue plongeante.
    Vue plongeante.
  • Panneau d'avertissement.
    Panneau d'avertissement.
  • Vue gĂ©nĂ©rale avec le terril.
    Vue générale avec le terril.

Production

Carte basée sur la précédente
L'utilisation de la houille extraite dans les différentes concessions par les salines.

En 1838, 600 tonnes de houille maigre produites dans les concessions de Corcelles et GĂ©monval sont consommĂ©es dans le dĂ©partement du Doubs[24].

Entre 1911 et 1921, 67 700 tonnes sont exploitĂ©es Ă  Corcelles avec une production moyenne de 6 100 tonnes annuelles[20].

Évolution de l’exploitation charbonnière dans le bassin de Gémonval (incluant Saulnot et Gouhenans)[19]
19111912191319141915191619171918191919201921
Production (approximative) en milliers de tonnes5,76,57,58,7563,19,510,65,23,90,95

Notes et références

  1. Édouard Thirria 1869, p. 184-185.
  2. Marc Paygnard 2010, p. 16-17.
  3. Denis Morin 2008, p. 480.
  4. Eric Coulon 2004, p. 147-148.
  5. Louis Besson, MĂ©moire historique sur l'abbaye et la ville de Lure, Bintot, (lire en ligne), p. 70.
  6. Yves Clerget, p. 2-4.
  7. Sylvie Debras 2013, p. 31.
  8. « Les puits de mine de Corcelles (Saulnot – 70) » [PDF], sur ligue-speleo-fc, , p. 22-25.
  9. L. Suchaux 1866, p. 175.
  10. Paul Delsalle, La Franche-Comté au temps des archiducs Albert et Isabelle: 1598-1633, Presses Univ. Franche-Comté, (lire en ligne), p. 259.
  11. Document municipal de Saulnot.
  12. Édouard Grar, Histoire de la recherche : de la découverte et de l'exploitation de la houille dans le Hainaut français, dans la Flandre française et dans l'Artois, 1716-1791, vol. 3, A. Prignet, (lire en ligne) Arrêté no 217.
  13. « Bulletin des lois de la République française, Volume 5 ;Volume 8 : Ordonnance du roi n°4446 », sur books.google.fr.
  14. Société d'agriculture, lettres, sciences et arts de la Haute-Saône 1831, p. 349-350.
  15. R. Dormois et J.Ricours 1943, p. 7.
  16. J.Y. Koch-Mathian 2001, p. 27-28.
  17. Édouard Thirria 1869, p. 184-186.
  18. Paul Benoit 1999, p. 90 et 98.
  19. R. Dormois et J.Ricours 1943, p. 8-9.
  20. S. Trebuck 2013, p. 18.
  21. BRGM 1998, p. 7.
  22. René Medioni, Le BRGG (Bureau de Recherches géologiques et géophysiques, 1941-1953), premier ancêtre direct du BRGM, hal.archives-ouvertes.fr, (lire en ligne [PDF]), p. 105-106.
  23. « L'ancienne houillère fait naître de dangereux gouffres », sur Le Pays (consulté le ).
  24. A. Laurens 1841, p. 131.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • SociĂ©tĂ© d'agriculture, lettres, sciences et arts de la Haute-SaĂ´ne, Recueil agronomique, industriel et scientifique, vol. 3 Ă  4, (lire en ligne), p. 345-351. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • A. Laurens, Annuaire dĂ©partemental du Doubs, (lire en ligne), p. 129-131. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • L. Suchaux, La Haute-SaĂ´ne: dictionnaire historique, topographique et statistique des communes du dĂ©partement, (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Édouard Thirria, Manuel Ă  l'usage de l'habitant du dĂ©partement de la Haute-SaĂ´ne, (lire en ligne), p. 182-186. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • [PDF] R. Dormois et J.Ricours, Houille triasique sur le versant N.O. du Jura, BRGM, (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • [PDF] BRGM, Ancienne concession de houille de Vy-lès-Lure (70) : Etat des lieux, (lire en ligne [PDF]). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Paul Benoit, Le Charbon de Terre en Europe Occidentale Avant L'usage Industriel Du Coke, (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • [PDF] J.Y. Koch-Mathian, Inventaire des anciennes mines du dĂ©partement de la Haute-SaĂ´ne, DRIRE Franche-ComtĂ©, (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Eric Coulon, Bourgs et villages de Haute-SaĂ´ne, CabĂ©dita Editions, coll. « Sites et villages », (ISBN 2-88295-418-2). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Denis Morin, Sel, eau et forĂŞt d'hier Ă  aujourd'hui, Presses Univ. Franche-ComtĂ©, coll. « Les Cahiers de la MHSE Ledoux », (ISBN 978-2-84867-230-4, ISSN 1771-8988, lire en ligne), p. 479-504. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Marc Paygnard, La Haute-SaĂ´ne guide dĂ©couverte, Éditions Noires Terres, . Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • [PDF] Yves Clerget, Il Ă©tait une fois... des salines en Franche-ComtĂ©, Service Ă©ducatif du MusĂ©um Cuvier MontbĂ©liard et Action culturel du Rectorat (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Sylvie Debras, Du sel dans nos ballades, Mille et un chemins, coll. « En vadrouille » (no 11), (ISBN 979-10-90357-02-0, ISSN 2103-7361). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • S. Trebuck, Étude dĂ©taillĂ©e des alĂ©as et mouvements de terrain du district minier de GĂ©monval et Le Vernoy (25), GĂ©oderis, . Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
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