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Hippias majeur

L’Hippias majeur (en grec ancien : áŒčÏ€Ï€ÎŻÎ±Ï‚ ΌΔÎčζώΜ, sous-titrĂ© Sur le Beau, genre anatreptique) est un dialogue de Platon, dans lequel Socrate dispute avec le sophiste Hippias d'Élis de la dĂ©finition du mot grec ÎșαλόΜ (kalon), que traduit de maniĂšre imprĂ©cise[1] le mot français « beau », et qui se dit de « toutes les rĂ©alitĂ©s dont on estime la valeur et l'excellence »[2].

L'Ɠuvre fait partie du genre des dialogues socratiques de Platon, les dialogues de jeunesse du philosophe. La date exacte de sa rĂ©daction reste incertaine.

PrĂ©sentation de l’Hippias majeur

Les deux sous-titres de l’Hippias majeur, Sur le Beau et genre anatreptique, ont Ă©tĂ© ajoutĂ©s, comme tous les sous-titres des dialogues de Platon, par des Ă©diteurs tels que Thrasylle au Ier siĂšcle apr. J.-C. Ces Ă©diteurs classaient les dialogues en tĂ©tralogie : l’Hippias majeur est classĂ© dans la septiĂšme tĂ©tralogie (dans un systĂšme qui en compte 9), avec l'Hippias mineur, le Ion et le MĂ©nexĂšne. Le premier sous-titre prĂ©cise le sujet du dialogue, qui est ici le Beau[3], le second le classe dans un genre philosophique, ici le genre anatreptique, autrement dit rĂ©futatif[4].

L’Hippias majeur[5] et l’Hippias mineur mettent tous deux en scĂšne une discussion entre le sophiste Hippias d'Élis et Socrate ; contrairement Ă  la majoritĂ© des dialogues de Platon, les deux Hippias, si l'on met de cĂŽtĂ© une trĂšs courte intervention d'Eudicos au dĂ©but de l’Hippias mineur, ne comportent que deux interlocuteurs.

Les deux Hippias sont nommĂ©s de maniĂšre Ă©vidente d'aprĂšs l'unique interlocuteur de Socrate. On distingue les deux Hippias par les adjectifs majeur et mineur, qui renvoient Ă  la longueur des textes, bien que l'on ait pu y voir Ă©galement une indication de la difficultĂ© relative des dialogues[6]. L’Hippias majeur se dĂ©roule trois jours avant une confĂ©rence que doit donner Hippias[7], tandis que l'autre Hippias a lieu peu aprĂšs. Du point de vue dramatique, c'est donc l’Hippias majeur qui prĂ©cĂšde l'Hippias mineur.

L’Hippias majeur possĂšde les caractĂ©ristiques des dialogues que l'on nomme dialogues de jeunesse ou dialogues socratiques : un texte court, qui porte sur une seule et unique question d'ordre Ă©thique, que l'on ne parvient pas Ă  rĂ©soudre, mais qui n'est pas pour autant stĂ©rile, puisque la mĂ©thode rĂ©futative de Socrate permet de mieux cerner les termes dont on parle. Il partage Ă©galement avec ces dialogues une idĂ©e fondamentale de la pensĂ©e de Platon, que le savoir fonde la vertu ou l'excellence.

Par son registre satirique et comique, l’Hippias majeur est Ă  rapprocher du Ion, et par la caricature qu'il trace d'Hippias, il est Ă  rapprocher de dialogues « anti-sophistes », tels que le Protagoras, l’EuthydĂšme, le Gorgias.

Date de l'entretien

Le texte de l’Hippias majeur donne peu de dĂ©tail chronologique, et il est impossible de fixer une date prĂ©cise du dĂ©roulement de ce dialogue entre Socrate et Hippias. Un passage nous apprend que Prodicos Ă©tait Ă  AthĂšnes peu de temps auparavant[8], mais la date de cette prĂ©sence est inconnue[9]. Le mĂȘme passage Ă©voque la prĂ©sence de Gorgias Ă  AthĂšnes, qui date peut-ĂȘtre de -427[10]. On peut donc seulement affirmer que l’entretien est postĂ©rieur Ă  cette date. NĂ©anmoins, Woodruff fait une hypothĂšse plus prĂ©cise, en proposant de le placer entre 421 et 415 av. J.-C., car il n'est question d'aucun conflit dans le texte, ce qui correspondrait Ă  la paix de Nicias[11].

Le dĂ©bat sur l'authenticitĂ© et la datation de l’Hippias majeur

L'authenticité[12] du dialogue n'a jamais été remise en cause, ni dans l'Antiquité, ni dans les temps modernes, jusqu'au XIXe siÚcle[13]. En 1816, Ast est le premier à déclarer l'Hippias majeur inauthentique[14]. En 1919, Wilamowitz, dans Platon[15] tenta de démontrer que le texte était d'un disciple de Platon. Mais la discussion la plus développée sur la question[16] eut lieu dans les années 1920, entre Dorothy Tarrant[17] et G.M.A. Grube.

Parmi les arguments avancés contre l'authenticité[18], on trouve la qualité de l'écriture, jugée inférieure par rapport aux autres dialogues, le fait que le dialogue contient des passages ressemblants à d'autres dialogues, ce qui en ferait un pastiche de dialogue socratique, comportant en outre quelques points de doctrine qui apparaissent dans le Phédon, donc à une période plus tardive, le désaccord de quelques-unes des idées avancées dans ce dialogue par rapport aux autres textes de Platon, la brutalité avec laquelle Hippias est malmené, qui serait le signe d'une imitation maladroite et excessive de la critique de Platon à l'encontre des sophistes.

D'aprĂšs ces arguments, D. Tarrant pense pouvoir dire que l’Hippias majeur a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© du vivant de Platon, par un jeune disciple connaissant les Ɠuvres de son maĂźtre qui prĂ©cĂšdent le PhĂ©don, mais ignorant les suivantes qui n'auraient donc peut-ĂȘtre pas encore Ă©tĂ© Ă©crites. Dans cette hypothĂšse, le dialogue aurait pu ĂȘtre composĂ© vers 360[19]. Ces arguments ne sont cependant pas considĂ©rĂ©s aujourd'hui comme valides et l'authenticitĂ© du texte n'est plus guĂšre mise en doute[20]. Ces arguments sont en effet contredits notamment par le fait que Platon prend Ă  l'occasion un ton virulent dans des dialogues considĂ©rĂ©s comme authentiques, que l'argument d'une expression inexacte de la pensĂ©e de Platon repose sur une interprĂ©tation discutable de la thĂ©orie des formes, enfin que les Ă©tudes stylomĂ©triques Ă©tablissent la parentĂ© de l’Hippias majeur avec les autres dialogues socratiques.

Voici un récapitulatif de quelques jugements sur cette question[21] :

Commentateurs Authentique ?
Schleiermacher (1809) oui
Ast (1816) non
Zeller (1903) non
Wilamowitz (1919) non
D. Tarrant (1920) non
Alfred Croiset (1921) oui
G.M.A. Grube (1926) oui
Woodruff (1982) oui
Vancamp (1995) oui
Pradeau (2006) oui

Personnages

  • Socrate
  • Hippias d'Élis : Hippias est un cĂ©lĂšbre sophiste, originaire de la citĂ© d’Élis. Connu de tous les Grecs, rĂ©putĂ© pour sa mĂ©moire — il passe pour l'inventeur de la mnĂ©motechnique, et pour sa maĂźtrise de nombreuses sciences, qu’il s’agisse des mathĂ©matiques, de l’astronomie ou de la rhĂ©torique, il aurait dĂ©clarĂ© Ă  Olympie n’avoir rien sur lui qu’il n’eĂ»t fabriquĂ© lui-mĂȘme[22]. Il est prĂ©sentĂ© ici par Platon sous les traits pour le moins caricaturaux d’un homme vaniteux, bornĂ© et Ă  l’intelligence limitĂ©e, tout comme dans l’Hippias mineur. Ces traits de caractĂšre sont confirmĂ©s par XĂ©nophon, ce qui laisse supposer que Platon est fidĂšle Ă  la rĂ©alitĂ© ou, du moins, Ă  la rĂ©putation qu'Hippias pouvait avoir parmi les socratiques[23]. Son appartenance aux sophistes est citĂ©e dans ce dialogue, mais pas dans l'Hippias mineur.
  • Un interlocuteur anonyme, omniprĂ©sent dans le texte, s'exprime par la bouche de Socrate, ce qui fait qu'il s'agit presque d'un dialogue entre trois personnes.

Le dialogue : dĂ©finir τ᜞ ÎșαλόΜ

Socrate et Hippias s’attachent Ă  trouver une dĂ©finition au mot grec ÎșαλόΜ, qui dĂ©signe le beau autant que le noble et la valeur Ă©thique, ce qui conduira Ă  un Ă©chec. Comme on l'a indiquĂ©, le mot grec kalĂłn (prononciation : kalonn), ne saurait ĂȘtre rĂ©duit au beau esthĂ©tique ; il dĂ©signe plus largement, selon l'analyse de Woodruff, ce par quoi l'on estime une rĂ©alitĂ©, ce qui autorise Ă  considĂ©rer le dialogue comme une « enquĂȘte sur le fondement de tous les genres de jugements de valeur[24]. » Rechercher la dĂ©finition du beau n'est donc pas seulement chercher Ă  comprendre sa nature, mais c'est aussi chercher Ă  comprendre par quel critĂšre une chose belle, estimable, excellente, est jugĂ©e telle.

Par convention, et parce qu'aucun mot français ne paraĂźt capable de rendre les diffĂ©rents sens du grec, on traduira ÎșαλόΜ par « beau. »

ScĂšne introductive (281 a-b)

Adventavit asinus pulcher et fortissimus
Adventavit asinus pulcher et fortissimus

Hippias d'Élis, que ses affaires avaient tenu Ă©loignĂ© d’AthĂšnes pendant assez longtemps, vient d’arriver en ville pour donner une lecture publique Ă  l’école de Phidostrate dans les jours qui suivent[25]. Il croise Socrate qui l'interpelle :

« Voici le bel et savant Hippias ! »[26]
« áŒčÏ€Ï€ÎŻÎ±Ï‚ ᜁ Îșαλός τΔ Îșα᜶ ÏƒÎżÏ†ÏŒÏ‚Â· »[27]

Le dialogue s'ouvre sur cet emploi de l'adjectif Îșαλός, dont la forme substantivĂ©e va ĂȘtre l'objet de l'entretien, et de l'adjectif ÏƒÎżÏ†ÏŒÏ‚, dont la suite va montrer que son utilisation est ironique.

À l'Ă©tonnement, sans doute feint, de Socrate au sujet de la longue absence d'Hippias Ă  AthĂšnes[28], celui-ci rĂ©pond, sur le ton de l'infatuation[29], en vantant ses propres qualitĂ©s d'ambassadeur. C’est, explique en effet le grand sophiste, que sa citĂ© natale Élis a eu abondamment recours Ă  ses services et lui a confiĂ© plusieurs missions diplomatiques parmi les plus importantes dans diffĂ©rentes citĂ©s, notamment Ă  Sparte.

Ainsi, comme il le fait dans le Ion, Platon commence par un long prologue dans lequel l'interlocuteur de Socrate est ironiquement interrogé à propos de ce qu'il fait, de ses compétences, de ce qu'il apporte aux Grecs ; l'ironie de Socrate est ici de feindre l'admiration. L'ironie de Socrate n'est pas seulement de feindre l'ignorance, elle consiste également à feindre reconnaßtre les compétences que son interlocuteur prétend avoir. Ces flatteries incitent ce dernier à étaler son supposé savoir, ce qui permet à Socrate de révéler l'ignorance par une méthode d'interrogation réfutative[30] en jouant le jeu de la vanité d'Hippias qui est qualifié de « véritable savant et [d']homme accompli[31]. »

Le début de cet entretien va ensuite s'attarder à évoquer plusieurs sujets décrits dans la section suivante. Du fait de sa longueur et des sujets abordés (le savoir, les coutumes), ce prologue conduit à s'interroger sur la cohérence du texte[32], puisque Socrate semble changer ensuite de propos en demandant à Hippias une définition du Beau. Il faut garder à l'esprit que le kalon recherché signifie autant beau que noble et admirable ou estimable, ce qui permet d'établir, comme on va le voir, que ce prologue est déjà de plain pied dans la recherche d'une définition ou d'un critÚre du beau.

Comparaison avec les anciens sages (281 b - 283 b)

L'intelligence limitĂ©e des anciens sages prĂȘte Ă  rire...

Socrate feint de trouver deux compĂ©tences en Hippias, et de les admirer : la capacitĂ© Ă  soutirer de l'argent aux jeunes gens et son utilitĂ© en tant que citoyen qui lui vaut l'estime du grand nombre[33]. Or, ces deux qualitĂ©s n'en sont pas vraiment, et sont mĂȘme tout le contraire, puisqu'ainsi dĂ©peint, Hippias apparaĂźt comme un extorqueur qui sĂ©duit la foule par des procĂ©dĂ©s rhĂ©toriques, sans avoir besoin dans ce but de possĂ©der de science rĂ©elle. C'est pourquoi, afin de faire sentir tout le grotesque de la vantardise d'Hippias, Socrate, feignant toujours la naĂŻvetĂ© Ă  l'Ă©gard de son interlocuteur, s'interroge sur la sagesse des anciens : tous ces sages qui ne se mĂȘlaient pas des affaires publiques et qui ignoraient la valeur de l'argent, faut-il donc en penser qu'ils n'Ă©taient pas rĂ©ellement des sages, et que la sophistique constitue de ce point de vue un progrĂšs moral et politique[34] ?

Hippias, n'ayant pas perçu la raillerie, admet que les anciens sages Ă©taient intellectuellement limitĂ©s, et Socrate de renchĂ©rir sur l'habiletĂ© des sophistes Ă  gagner de l'argent, ce qui excite encore la vanitĂ© d'Hippias, que semble abandonner toute pudeur lorsqu'il se vante d'avoir profitĂ© de ses dĂ©placements Ă  travers le monde grec pour gagner de fortes sommes d’argent. Ainsi, trĂšs fier de lui, Hippias raconte ses hauts-faits : il n’est pas jusqu’à une minuscule citĂ© du nom d’Inycos, en Sicile, oĂč les modestes habitants n’aient sacrifiĂ© une bonne partie de leurs Ă©conomies, car il leur a persuadĂ© que c'Ă©tait pour le bien de leurs enfants.

C'est donc, conclut Socrate, que l'argent est le critĂšre de la science, puisque le plus savant doit ĂȘtre aussi celui qui gagne le plus d'argent. Par consĂ©quent, si les sophistes gagnent plus d'argent que les anciens sages, c'est que ces derniers Ă©taient de grands ignorants. Bien que cette partie du dialogue ne le formule pas de maniĂšre explicite, Socrate dĂ©gage de la pratique d'Hippias un premier critĂšre du beau : les anciens sages cherchaient ce qui seul possĂšde une valeur vĂ©ritable, la science ; mais les sophistes prĂ©tendent ĂȘtre supĂ©rieurs aux anciens sages ; cette supĂ©rioritĂ© est reconnaissable aux gains qu'elle octroie. Donc l'argent est le critĂšre de jugement de ce qui a de la valeur et est excellent.

Éloge de la citĂ© vertueuse (283 b - 286 c)

Tout cela est admirable, l’assure ironiquement Socrate. Et si Hippias a passĂ©, comme il le dit, beaucoup de son temps Ă  Sparte, c’est sans doute lĂ  aussi qu’il a gagnĂ© le plus ? Mais ce dernier dĂ©ment : il n’a, au contraire, pas touchĂ© une obole lĂ -bas.

Cette Ă©vocation de Sparte est stratĂ©gique : Sparte est aux yeux de Platon un modĂšle de citĂ© juste car ordonnĂ©e, contrairement Ă  AthĂšnes. Dans un premier temps, le fait qu'Hippias n'y ait rien gagnĂ© le rĂ©fute en tant que savant, puisque, selon son propre critĂšre, est savant celui qui gagne le plus d'argent : par l'Ă©preuve des faits, Sparte rĂ©fute le sophiste Hippias. Mais la discussion se porte ensuite de maniĂšre plus prĂ©cise sur la transmission de la vertu, qui est un problĂšme rĂ©current des dialogues socratiques. Dans le cas prĂ©sent, sont opposĂ©s une prĂ©tention privĂ©e Ă  enseigner la vertu et un enseignement public par les lois. C'est le second parti que prend Platon, puisque, dans La RĂ©publique, l'excellence des citoyens ne s'atteint vĂ©ritablement que dans l'harmonie des Ă©lĂ©ments qui composent la citĂ©. Les prĂ©tentions particuliĂšres et intĂ©ressĂ©es d'un pseudo-savant ne peuvent donc qu'ĂȘtre perçues comme corruptrices de l'ordre public aux yeux d'une citĂ© comme Sparte.

Dans le prĂ©sent dialogue, cette idĂ©e se prĂ©sente de la maniĂšre suivante : Hippias prĂ©tend savoir enseigner la vertu, et il n'hĂ©site pas Ă  affirmer sa supĂ©rioritĂ© sur les LacĂ©dĂ©moniens en matiĂšre d'Ă©ducation ; or, Sparte est une citĂ© bien ordonnĂ©e dans laquelle la vertu est recherchĂ©e ; donc Hippias devrait ĂȘtre apprĂ©ciĂ© Ă  Sparte et y enseigner la vertu. Le sous-entendu Ă  peine voilĂ© de Socrate est ainsi que Sparte n'a rien a apprendre en la matiĂšre d'un trafiquant de connaissances frelatĂ©es, mais Socrate poursuit dans son rĂŽle ironique, et insiste pour qu'Hippias fournisse une explication de son rejet par les LacĂ©dĂ©moniens. Ce n'est pas, rĂ©pond finalement un Hippias qui ne perçoit toujours pas que Socrate se moque de lui, que les Spartiates ne souhaitent pas la meilleure Ă©ducation possible pour leurs enfants ou qu’ils n’estiment pas sa science Ă  sa juste valeur ; la seule raison tient Ă  ce que « [c]'est en fait une tradition pour les LacĂ©dĂ©moniens, Socrate, que de ne pas changer les lois, et de ne pas donner Ă  leurs fils une Ă©ducation contraire Ă  la coutume »[35].

Pourtant, fait valoir Socrate, la loi est prĂ©cisĂ©ment faite pour l’utilitĂ© et le bonheur des citoyens, deux choses auxquelles Hippias aurait pu grandement contribuer. En voulant trop s’attacher Ă  la loi et en refusant les services d’Hippias, les Spartiates contredisent donc l’objet mĂȘme de la loi, et l’on pourrait aller jusqu’à dire qu’ils se placent dans l’illĂ©galitĂ©[36].

Hippias, caressĂ© dans le sens du poil, marque son accord avec Socrate. Ce dernier lui demande alors pourquoi il a eu malgrĂ© tout tant de succĂšs dans cette austĂšre citĂ© de Laconie. Ça n’est pas, rĂ©pond l’intĂ©ressĂ©, Ă  cause de ses connaissances en arithmĂ©tique ou en astronomie : les LacĂ©dĂ©moniens Ă©coutent parler avec plaisir « [d]es gĂ©nĂ©alogies [...], de celles des hĂ©ros comme de celles des hommes, de la fondation et de la maniĂšre dont furent instituĂ©es les premiĂšres citĂ©s ; d'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, c'est de ce qui se rapporte aux origines [ጀρχαÎčÎżÎ»ÎżÎłÎŻÎ±Ï‚] qu'ils aiment entendre parler [...]. »[37] - [38]

L'interlocuteur anonyme

Le double de Socrate s'Ă©nerve.

Il est heureux qu’Hippias en vienne Ă  Ă©voquer les belles choses, car c’est un sujet qui intĂ©resse beaucoup Socrate, et pour cause. Tout rĂ©cemment, selon ce dernier, alors qu’il tenait un discours sur les choses qu’il estime belles ou laides, il prĂ©tend avoir Ă©tĂ© haranguĂ© assez rudement par une de ses connaissances, qui lui a reprochĂ© de parler tout en ignorant ce qu’est le beau.

Soi-disant embarrassĂ© par cette mĂ©saventure, Socrate se dit donc enchantĂ© de pouvoir enfin demander Ă  une personne compĂ©tente comme Hippias son avis sur la nature du beau. Le grand sophiste, flattĂ©, n’y voit bien sĂ»r aucune objection, non plus qu’à l’initiative de Socrate, lequel se propose de jouer le rĂŽle de l’homme qui l’avait sermonnĂ©. Cette double personnalitĂ© adoptĂ©e par Socrate va ajouter grandement au comique du dialogue, en lui permettant d’adresser Ă  Hippias des reproches et des moqueries qu’il n’aurait jamais pu se permettre autrement.

Position du problĂšme

Avant d'entendre Hippias sur le sujet, Socrate souhaite, en endossant le rĂŽle de l'anonyme, que le sophiste accepte de se voir soumettre les objections que l'interlocuteur anonyme ferait. Ainsi, aprĂšs avoir prĂ©sentĂ© son interlocuteur anonyme dans un registre qui le faisait apparaĂźtre comme un adversaire Ă  la maniĂšre des sophistes, Socrate rĂ©introduit sa mĂ©thode de discussion qui consiste Ă  soumettre une opinion Ă  un processus de rĂ©futation qui doit purger l'esprit de celui qui soutient cette opinion. Cependant Socrate fait ici semblant de croire que ces objections sont pour son propre bĂ©nĂ©fice, afin de mieux comprendre l'opinion d’Hippias, alors qu'il s'agit bien en rĂ©alitĂ© d'Ă©prouver le jugement du sophiste.

Ayant obtenu l'accord d’Hippias pour soumettre des objections, Socrate n'attend pas toutefois que celui-ci formule une rĂ©ponse et il lui pose au contraire plusieurs questions, au nom de l'anonyme, qui vont dĂ©limiter le cadre de pensĂ©e dans lequel, Ă  ses yeux, le beau peut ĂȘtre pensĂ©. Il y a une qualitĂ©, le beau, qui rend belles les choses belles ; cette qualitĂ© a donc des effets ; mais si elle a des effets, elle est rĂ©elle. Ces conditions sont, d'une part, un indice de la prĂ©sence de la thĂ©orie des formes dans le dialogue, puisque les formes sont des rĂ©alitĂ©s qui, par leur prĂ©sence dans le sensible, sont la cause de leurs qualitĂ©s ; d'autre part, elles permettent de nuancer le caractĂšre aporĂ©tique du dialogue, puisqu'elles dĂ©finissent de maniĂšre positive certaines qualitĂ©s du beau. Enfin, en confrontant ces conditions aux rĂ©ponses d'Hippias, Platon, par l'Ă©chec mĂȘme de ce dernier Ă  dĂ©finir le beau, pourra prĂ©tendre Ă©tablir ces conditions comme les conditions nĂ©cessaires d'une dĂ©finition du beau. De ce fait, l'Ă©chec final du dialogue ne signifie pas qu'il n'apprenne rien sur le sujet de l'enquĂȘte.

Ces conditions de pensée étant accordées par Hippias, il reste maintenant à comprendre ce que c'est que cette beauté, et Hippias va donc proposer sa premiÚre définition.

Les trois rĂ©ponses d’Hippias

Pourtant, avant mĂȘme de fournir sa premiĂšre rĂ©ponse, et alors qu'il a acquiescĂ© aux conditions que Socrate lui a soumises, Hippias dĂ©montre qu'il n'a pas compris de quoi ce dernier lui parle lorsqu'il reformule la question qui lui est posĂ©e :

« Hippias. — Le questionneur, Ă  ce qu'il me semble, me demande quelle chose est belle ?
Socrate. — Je ne crois pas, Hippias ; mais plutĂŽt ce qu'est le beau. »[39]

Cette incomprĂ©hension persistante fait passer le personnage d'Hippias pour un esprit peu intelligent, et elle participe de la virulence jugĂ©e excessive du dialogue soulignĂ©e par les commentateurs : il paraĂźt en effet invraisemblable qu'Hippias ne puisse comprendre des exigences intellectuelles assez simples. Mais cette maniĂšre, frĂ©quente dans les dialogues, de prĂ©senter les interlocuteurs de Socrate comme des personnages intellectuellement trĂšs limitĂ©s a aussi une fonction qui peut expliquer que Platon l'utilise souvent. Il s'agit en effet d'attaquer la rhĂ©torique et le sens commun. La rhĂ©torique est pour Platon cette technique qui vise la persuasion au dĂ©triment de la vĂ©ritĂ©. Or, l'une des astuces du rhĂ©teur consiste Ă  remplacer des arguments par des exemples qui emportent l'adhĂ©sion parce que ces exemples sont tirĂ©s des croyances communes. Qui peut en effet ĂȘtre rĂ©futĂ© quand il montre ce qui est effectivement tenu pour beau par tous ? C'est pourquoi, Hippias, aprĂšs sa premiĂšre rĂ©ponse, assurera Ă  Socrate qui s'inquiĂšte ironiquement de la force persuasive de cette rĂ©ponse :

« Hippias. — Comment le serais-tu [rĂ©futĂ©], Socrate, si ton avis est celui de tout le monde et si tes auditeurs attestent tous que tu as raison ? »[40]

Pour le sophiste, c'est la victoire qui est visĂ©e par ce genre de rĂ©ponses, et cette victoire s'appuie sur l'opinion commune, autrement dit sur l'accord avec l'opinion du grand nombre. Socrate va au contraire maintenant se livrer Ă  un questionnement rĂ©futatif, qui suppose un dialogue entre deux, et seulement deux, interlocuteurs, soucieux, non de persuader leur interlocuteur pour le vaincre, mais d'Ă©prouver leur propre jugement et donc de se persuader eux-mĂȘmes par des arguments de la vĂ©ritĂ© de ce qu'ils soutiennent.

PremiĂšre dĂ©finition : le beau, c’est une belle jeune fille (287 e-289 d)

Hippias, par sa premiĂšre rĂ©ponse, montre qu'il n’a strictement rien compris aux exigences de son interlocuteur, malgrĂ© les explications rĂ©pĂ©tĂ©es de Socrate[41] : « Sache donc, Socrate, puisqu’il faut te dire la vĂ©ritĂ©, que le beau, c’est une belle vierge. »[42]

Une belle et brillante rĂ©ponse que voilĂ , estime Socrate avec son habituelle ironie. Mais ne peut-on dire Ă©galement d’une lyre, d’un cheval ou mĂȘme d’une marmite qu’ils sont beaux ? La plus belle des marmites ne soutiendrait Ă©videmment pas la comparaison avec une belle vierge, mais la beautĂ© d’une vierge n’est Ă  son tour rien par rapport Ă  celle des dĂ©esses.

Hippias ne fait pas de discernement entre l'essence et le phĂ©nomĂšne ; il existe une infinitĂ© de belles choses autres que les belles vierges. LĂ  n’est de toute façon pas la question : il ne s’agit pas de savoir quelles choses sont belles ou pas, mais de dĂ©finir le beau en soi, c’est-Ă -dire ce qui fait que toutes les belles choses sont belles.

DeuxiĂšme dĂ©finition : le beau, c’est l’or (289 d-291 d)
Masque en or d'Agamemnon.

La deuxiĂšme rĂ©ponse formulĂ©e par Hippias n’est pas beaucoup plus inspirĂ©e : « ce beau sur lequel il t’interroge n’est pas autre chose que l’or. (
) Car nous savons tous que, quand l’or s’y est ajoutĂ©, un objet qui paraissait laid auparavant, paraĂźt beau, parce qu’il est ornĂ© d’or. »[43]

Sans doute, rĂ©plique Socrate, mais que faire alors de la grande statue d’AthĂ©na, au ParthĂ©non ? Ce chef-d’Ɠuvre de Phidias est principalement constituĂ© d’or, mais aussi d'ivoire et de pierres prĂ©cieuses. Le sculpteur s'est-il trompĂ© en ajoutant de l'ivoire et des pierres prĂ©cieuses Ă  son oeuvre? La statue est pourtant magnifique.

D’ailleurs, l’or ou toute autre matiĂšre rare ne font naĂźtre la beautĂ© que s’ils sont utilisĂ©s d’une façon qui convient. On ne saurait dire par exemple, dans le cas de la marmite, qu’une cuillĂšre en or conviendrait mieux pour touiller qu’une simple cuillĂšre en bois, ou qu’elle serait forcĂ©ment plus belle.

TroisiĂšme dĂ©finition : le beau, c’est d'avoir une vie heureuse (291 d-293 d)

Hippias croit cette fois avoir compris : Socrate semble vouloir mettre un nom sur ce qui ne paraĂźtra laid en aucun temps, en aucun lieu et Ă  aucun homme.

Mais la conclusion qu’il en tire déçoit encore une fois son interlocuteur : « ce qu’il y a de plus beau au monde, c’est d’ĂȘtre riche, bien portant, honorĂ© par les Grecs, de parvenir Ă  la vieillesse et, aprĂšs avoir fait de belles funĂ©railles Ă  ses parents morts, de recevoir de ses enfants de beaux et magnifiques honneurs funĂšbres »[44].

S’ensuit une scĂšne comique, oĂč Socrate avoue sa peur de recevoir des coups de bĂąton s’il s’en va faire une telle rĂ©ponse Ă  l’homme qui l’avait haranguĂ©. Que faire, en effet, d’Achille ou d’HĂ©raclĂšs ? Ces deux hĂ©ros, fils d’immortels, sont morts depuis longtemps et sans que leurs parents puissent un jour connaĂźtre le mĂȘme sort. Mais ne sont-ils pas beaux pour autant ?

La beauté prise en ce sens serait belle pour le commun des mortels, mais laide pour la race des héros. Bref, la définition est fausse.

RĂ©ponse de l'interlocuteur anonyme : Le beau est ce qui convient (293 c-294 e)

FatiguĂ© des errements d’Hippias, Socrate proposera Ă  son tour une dĂ©finition, qu’il dit tenir de son fameux contradicteur : le beau pourrait tout simplement ĂȘtre ce qui convient. Cette hypothĂšse est en rĂ©alitĂ© suggĂ©rĂ©e par certaines rĂ©ponses d'Hippias lui-mĂȘme, qui soutenait plus haut que le marbre, l'or, l'ivoire etc. sont beaux «lorsqu'ils conviennent» (290 c-d).

La solution plaĂźt Ă  Hippias. Mais un examen s’avĂšre nĂ©cessaire : tout d’abord, le convenable est-il ce qui donne la beautĂ© aux choses, ou simplement l’apparence de la beautĂ© ? La deuxiĂšme hypothĂšse est tentante : mĂȘme un imbĂ©cile, pourvu qu’on l’habille des vĂȘtements qui conviennent, aura l’air plus beau. Mais dans ce cas, on ne pourrait Ă©videmment plus identifier le beau et le convenable.

Hippias suggĂšre alors que le convenable pourrait donner Ă  la fois la rĂ©alitĂ© et l’apparence de la beautĂ©. LĂ  aussi, rien n’est moins sĂ»r : si tout Ă©tait aussi simple, alors les hommes et les politiciens ne se querelleraient plus autant pour savoir quelle action est la plus belle.

PremiĂšre dĂ©finition : le beau, c’est l’utile (295 c-296 d)

Pour la deuxiĂšme fois, Socrate propose alors une solution : et si le beau, c’était l’utile ?

Mais lĂ  encore, des problĂšmes surgissent : c’est par la puissance que les hommes peuvent faire ce qui est utile. Toutefois la puissance, comme on le sait, peut autant servir Ă  faire le mal qu’à faire le bien. Et on ne saurait qualifier de belles de mauvaises actions. D’oĂč la nĂ©cessitĂ© de recadrer la dĂ©finition.

DeuxiĂšme dĂ©finition : le beau, c’est l’avantageux (296 d-297 e)

Le beau ne serait que l’utile appliquĂ© Ă  de bonnes fins, c’est-Ă -dire l’ « avantageux ».

Identifier le beau et l’avantageux conduit nĂ©anmoins Ă  un paradoxe : l’avantageux engendre directement le bien, comme un pĂšre engendre son fils. DĂšs lors, l’avantageux et le beau Ă©tant considĂ©rĂ©s comme une seule et mĂȘme chose, on en arrive Ă  la constatation que le beau est la cause du bien. En logique, une cause et un effet sont deux choses diffĂ©rentes, tout comme un pĂšre est diffĂ©rent de son fils. Ainsi, il faut en conclure que le beau n’est pas le bien, ni le bien le beau, une assertion ne plaisant ni Ă  Socrate ni Ă  Hippias.

Une autre solution pour rĂ©soudre ce problĂšme de logique serait de tout simplement admettre que le bien produit par l'avantageux est un bien matĂ©riel, profitable aux sens, alors que le bien qui est Ă  la source de la beautĂ©, sa cause et non son effet, est un bien moral, perceptible directement par notre intelligence. Mais bien sĂ»r, Hippias ne comprend pas cette subtilitĂ©, que deux choses totalement diffĂ©rentes puissent ĂȘtre dĂ©signĂ©es par le mĂȘme mot "bien". D'ailleurs, de son point de vue, la grande richesse matĂ©rielle des sophistes n'est-elle pas une preuve de leur supĂ©rioritĂ© sur leurs ancĂȘtres, ce qui indique dĂ©jĂ  assez clairement une confusion entre diffĂ©rents "types de bien"?

TroisiĂšme dĂ©finition : c’est le plaisir qui vient de la vue et de l’ouĂŻe (297 e-303 e)

Socrate Ă©voque pour finir une derniĂšre idĂ©e, Ă  premiĂšre vue Ă©tonnante : « si nous disions que ce qui est beau, c'est ce qui nous fait nous rĂ©jouir — non pas n'importe lequel des plaisirs, mais ceux qui nous viennent par la vue et l'ouĂŻe [...] ? »[45]

Cette hypothĂšse, bien que sĂ©duisante, contient selon Socrate lui-mĂȘme une premiĂšre faille immĂ©diatement perceptible, et c’est qu’elle ignore la beautĂ© des plaisirs plus nobles, tirĂ©s des occupations studieuses ou de l’étude des lois.

D’autre part, il peut sembler Ă©trange que les deux seuls sens de la vue et de l’ouĂŻe soient pris en compte. Est-ce une maniĂšre dĂ©tournĂ©e de se plier Ă  l’opinion commune, pour laquelle le toucher, le goĂ»t ou l’odorat sont choses plus honteuses que les autres sens ?

Enfin et surtout, ce n’est pas parce qu’un plaisir vient de la vue ou de l’ouĂŻe qu’il est beau. Socrate se lance alors dans une sĂ©rie de considĂ©rations fort complexes : lorsque l’on prend en compte des couples d’objets, alors dans la majoritĂ© des cas le terme que l’on applique aux deux objets (A et B sont beaux, A et B sont justes
) peut s’appliquer aussi Ă  chaque objet pris sĂ©parĂ©ment (A est beau et B est beau). Mais dans d’autres situations plus rares il peut arriver que cela ne soit pas le cas, notamment quand la somme d’A et B forme un nombre pair et qu’A et B, pris isolĂ©ment, sont deux nombres impairs.

Dans le cas de la beautĂ©, c’est la premiĂšre catĂ©gorie qui convient, car si deux objets sont beaux, il faut de toute Ă©vidence que chacun d’eux le soit. DĂšs lors un nouveau paradoxe apparaĂźt, puisque le beau, dans la dĂ©finition retenue, doit appartenir aux deux plaisirs de la vue et de l’ouĂŻe, pris conjointement, et ne peut appartenir Ă  un seul d’entre eux. La dĂ©finition, par consĂ©quent, s’avĂšre fausse.

Excédé par tant de subtilités jugées inutiles, Hippias sermonne rudement Socrate et le presse de se rallier une bonne fois pour toutes au sens commun, pour lequel le beau consiste essentiellement à briller en société.

Socrate, en prenant congĂ©, feint de plaindre sa situation, coincĂ© qu’il est entre d’un cĂŽtĂ© les attaques d’Hippias et de l’autre celles de son mystĂ©rieux contradicteur. Sa seule certitude, conclut-il avec une pointe d’humour, est de maintenant bien comprendre le proverbe grec selon lequel « les belles choses sont difficiles ».

Portée philosophique et littéraire

Ce texte est typique des premiers discours de Platon : il met en scÚne Socrate, et se termine par une aporie. Socrate échoue en effet à définir l'Idée du Beau, et il conclut par la phrase si célÚbre: "les belles choses sont difficiles". On peut ici, si l'on avance plus loin dans l'interprétation, supposer qu'un tel échec nous fait comprendre quelque chose de la nature du Beau : il semble impossible d'en donner une définition universelle et intelligible. On ne peut que l'illustrer à l'aide d'exemples multiples et sensibles : le Beau serait-il alors impossible à concevoir séparément du sensible ?

Également, si le Beau ne se confond pas avec l'utile, l'art est couramment instrumentalisĂ© par Platon : s'adressant Ă  la partie la plus basse de l'Ăąme, il peut Ă©ventuellement servir Ă  l'Ă©ducation des enfants dont l'intellect n'est pas encore dĂ©veloppĂ© et qui ne peuvent encore ĂȘtre formĂ©s par la philosophie.

Cependant, l'art et le Beau ne se confondant pas chez Platon (qui traite beaucoup plus de belles actions ou de belles pensées que de beaux objets), il n'y a aucune contradiction à dire que le Beau n'est pas l'utile.

C’est sur le plan littĂ©raire que l’Hippias majeur est le plus remarquable. Le dialogue peut se lire autant comme une Ɠuvre philosophique que comme une comĂ©die satirique Ă  deux personnages. L’astuce de Socrate consistant Ă  se rĂ©fugier sous l’autoritĂ© d’un supposĂ© troisiĂšme protagoniste pour adresser des critiques cinglantes Ă  Hippias, notamment, dote le dialogue d’un grand humour et le rend trĂšs vivant.

Notes et références

Le texte grec est cité d'aprÚs l'édition J. Burnet, 1903, disponible à cette adresse.
  1. Beau est la traduction usuelle de Îșαλός pour ce dialogue, mais quelques traducteurs prĂ©fĂšrent admirable. Voir Les IdĂ©es morales des interlocuteurs de Socrate dans les dialogues platoniciens, Évelyne Meron, Vrin, 1979, pp. 87-88. En anglais, le mot fine, au lieu de beautiful, est plus prĂ©cis. Voir Woodruff, 1982 et son introduction Ă  l'Hippias majeur, in Two Comic Dialogues, p. 42.
  2. Pradeau, 2005, p. 30.
  3. Les commentateurs ont pris l'habitude d'écrire le nom de certaines notions platoniciennes avec une majuscule. Cet usage n'est cependant pas obligatoire. Voir Pradeau, Jean-François (coordonné par), Platon : les formes intelligibles, PUF, Paris, 2001.
  4. Pradeau, 2005, p. 111.
  5. Toutes les rĂ©fĂ©rences Ă  l'Hippias majeur renverront par des liens Ă  l'Ă©dition des Belles Lettres Ă©tablie par Alfred Croiset (texte grec et traduction en vis-Ă -vis), disponible sur Wikisource : Platon, ƒuvres complĂštes, tome II, Paris, 1921. Les passages citĂ©s dans cet article seront donnĂ©s dans la traduction de Jean-François Pradeau.
  6. Croiset, p. 3 et Pradeau, 2005, p. 9.
  7. 286 b.
  8. 282c.
  9. Pradeau, 2005, p. 13.
  10. D'aprÚs Monique Canto, « Introduction », in Gorgias, pp. 26-27.
  11. Woodruff, 1982, p. 94.
  12. Pour un examen plus approfondi des différents arguments pour et contre l'authenticité de ce dialogue, voir Monique Dixsaut, Le Naturel philosophe, p. 373 et suivantes (pages accessibles avec l'autorisation de l'éditeur).
  13. Chambry, 1993, p. 348. Pradeau, 2005, p. 15.
  14. Chambry, 1993, p. 348.
  15. Tome II, p. 328, cité par Chambry, 1993, p. 348.
  16. Pradeau, 2005, p. 17.
  17. « The Authorship of the Hippias major », Classical Quarterly, 21, pp. 82-87, 1927.
  18. D'aprĂšs Pradeau, 2005, Introduction, p. 17.
  19. D'aprĂšs Pradeau, 2005, Introduction, p. 18.
  20. Balaudé, 2004.
  21. Les données de ce tableau reprennent partiellement Pradeau, 2005, Annexe 1, p. 210.
  22. Apulée, Florides, IX, 15-24.
  23. Pradeau, 2005, p.13.
  24. Woodruff, 1982 et son introduction Ă  l'Hippias majeur, in Two Comic Dialogues, p. 42
  25. 286b.
  26. 281 a.
  27. 281 a.
  28. 281 a.
  29. Pradeau, 2005, note 3, p. 112.
  30. Louis-André Dorion : « La figure paradoxale de Socrate », in Lire Platon, PUF, 2006, pp. 26-27.
  31. 281 b.
  32. Pradeau, 2005, p. 29.
  33. 281 b-c.
  34. 281 d.
  35. 284 b.
  36. 285 a.
  37. 285 d.
  38. Le mot ጀρχαÎčολογία est employĂ© ici pour la premiĂšre fois au sens d'un savoir et d'un discours sur le passĂ©. Il a bien sĂ»r donnĂ© « archĂ©ologie ».
  39. 287 d.
  40. 288 a.
  41. Pour un autre exemple, plus développé, de réponse manifestant l'incompréhension d'un interlocuteur de Socrate, voir l'article ThéétÚte.
  42. 287 e : « [...] ጜστÎč ÎłÎŹÏ, ᜊ ÎŁÏŽÎșρατΔς, Δ᜖ ጎσΞÎč, Δጰ ΎΔῖ τ᜞ ጀληΞáœČς λέγΔÎčÎœ, Ï€Î±ÏÎžÎ­ÎœÎżÏ‚ Îșαλᜎ ÎșαλόΜ. » ParthĂ©nos : la vierge, et, en gĂ©nĂ©ral, la jeune fille, la fille (ou la jeune femme) non mariĂ©e.
  43. 289 e.
  44. 291 d-e.
  45. 297 e.

Éditions

Traductions

  • TraitĂ© du beau, J.P. Crousaz, 1715
  • Hippias majeur, Ă©dition et traduction M. Croiset, Les Belles Lettres, Paris, 1920
  • Platon : ƒuvres complĂštes, Tome 1, BibliothĂšque de la PlĂ©iade, Gallimard, 1940, (ISBN 2-07-010450-8)
  • Premiers dialogues, traduction Émile Chambry, GF-Flammarion no 129, 1993, (ISBN 2-08-070129-0)
  • Hippias majeur, traduit et commentĂ© par Jean-François Pradeau, GF-Flammarion no 870, 2005, (ISBN 2-08-070870-8)

Bibliographie

  • (fr) Platon (trad. Luc Brisson, Jean-François Pradeau, Francesco Fronterotta), « Hippias majeur », dans ƒuvres complĂštes, Éditions Flammarion, (1re Ă©d. 2006), 2204 p. (ISBN 978-2081218109). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Jean-François BalaudĂ©, Introduction Ă  l'Hippias mineur, prĂ©face de Hippias mineur-Hippias majeur, Le livre de poche, (ISBN 978-2-253-08107-4).
  • Émile Chambry, « Notice sur l’Hippias majeur », dans Premiers dialogues, GF-Flammarion, (ISBN 2-08-070129-0).
  • Monique Dixsaut, Le Naturel philosophe. Essai sur les dialogues de Platon (lire Appendice 2 : « L'authenticitĂ© et la chronologie des Dialogues », p. 373 et suivantes), Vrin, 2001 (ISBN 2-7116-1487-5).
  • G.M.A Grube, « Notes on the Hippias major », Classical Review, 40, 1926, p. 188-189
  • Jean Moreau, « Le platonisme de l'Hippias majeur », Revue des Ă©tudes grecques, 54, 1941, p. 19-42
  • Halsten Olsen, « Socrates Talks to Himself in Plato’s Hippias Major », Ancient Philosophy, 20, 2000, p. 265-287.
  • Jean-François Pradeau, « Introduction et notes », dans Hippias majeur, GF-Flammarion, (ISBN 2-08-070870-8).
  • Marc Sherringham, Introduction Ă  la philosophie esthĂ©tique, Paris, Payot & Rivages, coll. « Petite bibliothĂšque Payot », (1re Ă©d. 1992), 324 p. (ISBN 2-228-89791-4).
  • Dorothy Tarrant, « On the Hippias major », Journal of Philology, 35, 1920, p. 319-331.
  • Dorothy Tarrant, « The Authorship of the Hippias major », Classical Quarterly, 21, p. 82–87, 1927
  • Bruno Vancamp, « La Tradition manuscrite de l'Hippias majeur de Platon », Revue d'histoire des textes, vol. 25, p. 1-60, 1995.
  • Paul Woodruff, « traduction anglaise et commentaire », dans Hippias majeur, Indianapolis, Hacket, .

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