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Guillaneu

La Guillaneu, l'aguilaneu, L’aguillanu, la Dilannu ou le « gui l’an neuf » est un personnage folklorique autrefois Ă©voquĂ© durant la pĂ©riode de l'Avent, jusqu'au nouvel an. C'est une cavaliĂšre mystique chevauchant le cheval Mallet que l'on retrouve dans des chansons du folklore français au XIXe siĂšcle, particuliĂšrement en VendĂ©e et dans le Poitou. Ces chansons ont Ă©tĂ© consignĂ©es par Arnold van Gennep. Pierre Dubois prĂ©sente la Guillaneu comme un ĂȘtre fĂ©e et sorciĂšre, montant son cheval fou sans queue ni tĂȘte[1].

Par extension, Guillaneu dĂ©signe la quĂȘte faite Ă  cette pĂ©riode. C'est l'Ă©quivalent du A' Challuinn Ă©cossais et du cortĂšge de l'Eginane breton.

Étymologie

La Guillaneu serait le personnage mythologique qui tourne pendant l’A-guillaneu.

Selon Clement Miles [2] le mot aguillanneuf peut ĂȘtre une corruption du latin Kalendae. Le mot castillan aguinaldo, proche phonĂ©tiquement, dĂ©signe par ailleurs les cadeaux de NoĂ«l.

Hersart de la VillemarquĂ© explique dans le "Barzaz Breiz"[3] la tournĂ©e de l'Aguilaneuf se retrouve dans toute la France . Le mot mĂȘme d'"aguillaneuf" est trouvĂ© dans l'ouest de la France, dans le limousin on a "guillaneu", en Normandie "aguignette". Le mot a Ă©tĂ© francisĂ© par "Au gui, l'an neuf !". Selon M de la VillemarquĂ© on peut le rapprocher du celtique insulaire "eginane" (gallois "eginad", gaĂ©lique "eigean") qui signifierait "Ă©trennes". Il propose de dĂ©composer ce mot en :

  • la racine celtique "eg" qui signifie "germe" mais il est plus plausible d'y voir le suffixe celtique "he" (vieux breton "ho-", gaulois "su-, sanscrit "sv-") qui dĂ©signe un sens favorable, la faveur des dieux
  • une racine "cin" (gallois "cen" d'oĂč "cenedl" i.e. "clan, lignĂ©e" et cornique "kinethel" i.e. "gĂ©nĂ©ration"[4]) issu du gaulois "icnos"[5] (latin "gnatus") qui signifie "descendance".

Ainsi, souhaiter l'aguillaneuf, c'est former un vƓu de bonne descendance, de prospĂ©ritĂ©. Le nom mĂȘme renvoie selon Pierre-Yves Lambert directement Ă  la divinitĂ© irlandaise Oengus[6].

Cf. hogmanay.

Chansons de quĂȘte de la Guillaneu

La Guillaneu serait une cavaliĂšre qui visitait l’ouest et le centre de la France durant la pĂ©riode du nouvel an, liĂ©e aux cadeaux qui s'Ă©changeaient Ă  cette Ă©poque. En VendĂ©e et dans l'Ăźle d'OlĂ©ron, elle personnifiait la traditionnelle quĂȘte de NoĂ«l : les enfants passaient de maison en maison Ă  la veille du jour de l'an ou de l'Ă©piphanie afin de rĂ©colter un peu d'argent, tout en chantant l'une des versions de la chanson. Selon cette chanson, la Guillaneu serait abritĂ©e par les adultes dans leur maison, et c'est elle qui donnerait les cadeaux aux enfants[7].

Dans plusieurs cantons de la Bretagne, les pauvres gens, Ă  l'Ă©poque de la NoĂ«l, se rĂ©unissaient toutes les nuits par troupes pour quĂȘter de village en village, chantant une vieille chanson dialoguĂ©e. Leur troupe Ă©tait prĂ©cĂ©dĂ©e par un vieux cheval ornĂ© de rubans et de lauriers, chargĂ© des produits de leur quĂȘte. Ils les apportent, lorsque la tournĂ©e est achevĂ©e, chez l'un d'entre eux, et se les partagent. Ils portaient des tambourins, jouaient du fifre, ils marchaient longuement en chantant une chanson que le chef de la troupe leur apprenait. Leur cri Ă©tait : « Ha ! Dieu te gard' ! Or çà, compain, donne-nous aguilaneuf ! »[8]

Au XVIe siĂšcle, la tradition Ă©tait beaucoup moins pacifiste puisqu'au jour convenu de la quĂȘte, les pauvres s'Ă©quipaient de bĂątons, de fourches, de piques et d'Ă©pĂ©es, et l'homme en tĂȘte de la troupe portait une arbalĂšte afin de menacer l'habitant[8].

La mĂȘme coutume existait autrefois dans un grand nombre de provinces de France et les chants varient selon les contrĂ©es. La tradition de la Guillaneu est vraisemblablement Ă  l'origine de la chanson La GuignolĂ©e, GuignolĂ©e qui accompagnait la quĂȘte de fin d'annĂ©e faite traditionnellement au QuĂ©bec.

Chanson en vieux français Traduction moderne
La voué beille la guilloneu
La hoou peur la fenĂȘte
Sur in petit chevau grisan
Qui n’a ni quĂ», ni pĂ©s ni tĂȘte
Les quatre pés ferrés tot nus.
(Je) la vois bien la Guillaneu
LĂ  haut par la fenĂȘtre
Sur un petit cheval gris
Qui n’a ni queue, ni pieds ni tĂȘte
Les quatre pieds ferrés tout neufs.
Chanson en vieux français
L’aguillanu elle est là-haut
Sur la fenĂȘtre
Ol est un petit chevau blanc
Sans queue ni tĂȘte
I vous souhaitons la bonne année
Donnez-nous va l’aguilaneu

Version du Poitou, de la Saintonge et de l'Angoumois

Extraite de l'ouvrage Chants populaires de la Bretagne.

Chanson en vieux français[8].
Messieurs et mesdames de cette maison,
Ouvrez-nous la porte, nous vous saluerons.
Notre guillaneu nous vous le demandons.
Guiettez dans la nappe, guiettez tout au loug,
Donnez-nous la miche et gardez l'grison.
Notre guillaneu nous vous le demandons.

Version du Québec

Bonjour le maĂźtre et la maĂźtresse

Et tout le monde de la maison (Bis)

Pour le dernier jour de l'année

La Guignolée vous nous devez (Bis)

Si vous voulez rien nous donner, dites-nous lée

On emmÚnera seulement la fille ainée. (Bis)

On lui fera faire bonne chĂšre,

On lui fera chauffer les pieds. (Bis)

On vous demande seulement une chignée,

De vingt Ă  trente pieds de long, si vous voulez-e (Bis)

La Guignolée, la Guignolée,

Mettez du lard dedans nos poches. (Bis)

Version du Limousin

Chanson en vieux français[8]
Arribas ! Som arribas ! (Arrivés ! Nous sommes arrivés !)
Le guillaneu nous faut donner, gentil seigneur
Le guillaneu donnez le nous, Ă  nous compagnons

Une fois satisfaits, les quĂȘteurs du limousin font des vƓux pour leur bienfaiteur, sans oublier de remercier son bouvier, son porcher, et tous ses serviteurs.

Version de l'Amérique du Nord

Ce chant subsiste dans des familles d'ancienne culture francophone résidant à Sainte GeneviÚve dans l'état du Missouri et figure au répertoire du chanteur Dennis Stroughmatt [9]

Bonsoir le maĂźtre, la maĂźtresse et tout le monde du logis

Pour le dernier jour de l'année, la guiannée vous nous devez

Si vous voulez nous donner, dites-nous le

On vous demande seulement une échinée

Une échinée, elle est pas grand chose

Que quatre-vingt dix pieds de long

Origine et fonction

En se basant sur le fait que la Guillaneu est visible depuis l'extĂ©rieur par les enfants, Arnold van Gennep a supposĂ© que la monture sans queue ni tĂȘte serait tout simplement la table qui contient les cadeaux et les Ă©trennes du nouvel an, s'Ă©tonnant tout de mĂȘme que la chanson place la cavaliĂšre sur une table[10]. Selon une Ă©tude beaucoup plus rĂ©cente, ce cheval mystique que chevauche la Guillaneu pourrait ĂȘtre issu de Sleipnir[11]. On pourrait aussi rapprocher le guillaneu des rituels de Hogmanay et Wassail

Notes et références

  1. Pierre Dubois (ill. Roland et Claudine Sabatier), La Grande Encyclopédie des fées (1re éd. 1996) [détail des éditions] p. 29
  2. (en) Clement A. Miles - Christmas customs and traditions, their history and significance, Courier Dover Publications, 1912. RĂ©Ă©dition de 1976.
  3. Théodore Hersart de la Villemarqué, Barzaz Breiz II 7 "La tournée de l'Aguilaneuf", notes, p. 452, Librairie académique Perrin, 1963.
  4. J. Loth, Vocabulaire vieux breton, Librairie Honoré Champion, Paris 1970, p. 68, article "Cenitoladiou".
  5. P.Y. Lambert, La langue gauloise, Editions de France 1997, (ISBN 2 87772 089 6), pages 31 et 82
  6. P.Y. Lambert, La langue gauloise, Editions de France 1997, (ISBN 2 87772 089 6), pages 146
  7. Mergnac et al. 2003, p. 54
  8. Ricard 1868, p. 79
  9. « Missouri Creoles speaking Illinois Country French » (consulté le )
  10. van Gennep 1987, p. 3026
  11. BenoĂźt 2001, p. 235

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Louis Ricard, L'Écho de la France, vol. 6, L. Ricard.,
  • Arnold van Gennep, Manuel de folklore français contemporain : Cycle des douze jours, t. 7, Picard,
  • Arnold van Gennep, Manuel de folklore français contemporain, t. 8, Picard, , p. 3473-3482
  • JĂ©rĂ©mie BenoĂźt, Le paganisme indo-europĂ©en : pĂ©rennitĂ© et mĂ©tamorphose : Collection Antaios, L'Âge d'Homme, , 266 p. (ISBN 978-2-8251-1564-0, lire en ligne), p. 235
  • Marie-Odile Mergnac, Anne-Claire DĂ©jean, Max DĂ©jean et Jacques Lambert, Les NoĂ«ls d'autrefois, Éditions Archives & Culture, , 112 p. (ISBN 978-2-911665-73-8)
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