Guerre de Saintonge
La Guerre de Saintonge est un court conflit entre le roi Louis IX de France et le roi Henri III d'Angleterre et ses alliés aquitains. Le principal affrontement eut lieu à Saintes où les Français remportèrent une victoire décisive.
Date | |
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Lieu | Aquitaine (comté de Saintonge) |
Casus belli | Accession du capétien Alphonse au comté de Poitou |
Issue | Victoire française |
24 000 | 22 300 |
inconnues | inconnues |
Batailles
Causes de la guerre
Apportée en dot aux Plantagenêt par le mariage d'Aliénor d'Aquitaine avec Henri Plantagenêt (futur Henri II d'Angleterre) en 1152, le Poitou constitue depuis lors un des principaux fiefs d'un duché d'Aquitaine sous influence anglaise. En 1204, dans un contexte de fortes tensions entre Capétiens, qui cherchent à reprendre pied en Aquitaine, et leurs vassaux Plantagenêt, le roi Philippe Auguste déclare son rival anglais Jean sans Terre félon et confisque conformément au droit de commise ses terres du Poitou, décision contestée par le roi-duc Jean sans Terre puis par son fils et successeur Henri III.
Alphonse, comte apanagiste de Poitou
Quelques années plus tard, le roi de France Louis VIII, successeur de Philippe Auguste, offre à son fils cadet, Alphonse, le Poitou, pendant que l'aîné hérite du trône sous le nom de Louis IX. En , Louis IX annonce lors des festivités de Saumur que son frère est maintenant assez âgé pour prendre possession du comté de Poitou. Mécontents de voir se réduire leur domination sur le nord-aquitain, au profit des Capétiens, Hugues X de Lusignan, comte de la Marche et son épouse Isabelle Taillefer, comtesse d'Angoulême et mère du roi Henri III d'Angleterre soulèvent une partie de la noblesse poitevine et saintongeaise. Les négociations entre Hugues X et le roi n'aboutissent pas et Hugues X retire son allégeance à Alphonse en à Poitiers.
DĂ©roulement de la guerre
Afin de soutenir son jeune frère, le roi Louis IX aurait rassemblé, d'après Matthieu Paris, une armée comprenant 4 000 chevaliers, 20 000 sergents et arbalétriers, accompagnés d'une intendance de 1 000 chariots pour porter les tentes, les machines de siège démontées, les vivres et les armes. De plus, le roi aurait envoyé 80 galères pour protéger La Rochelle. Le , l'ost royal est rassemblé à Chinon.
La conquĂŞte du Poitou
Le , Louis et Alphonse sont à Poitiers et marchent sur les fiefs des Lusignan. Les Français prennent plusieurs de leurs places fortes, dont Montreuil-Bonnin (le ), la tour de Ganne à Béruges, Fontenay, Moncontour, Vouvant (le )[1] et surtout la forteresse de Frontenay, considérée comme inexpugnable à l'époque.
Le soutien d'Henri III d’Angleterre
Afin de contrer l'armée française, Henri III d'Angleterre accoste à Royan le [2] et rejoint le seigneur de Lusignan, son beau-père. Les échanges de lettres entre les deux souverains et une ambassade nommée le ne parviennent pas à sauver la paix et le souverain anglais déclare la guerre à Louis IX le .
Henri III passe six semaines à chercher des alliances et à réunir des troupes. Pendant ce temps, les Français en profitent pour finir de pacifier le Poitou. À la mi-, l'armée rassemblée par Henri III et le comte de la Marche a été estimée à un détachement composé de 1 600 chevaliers, 20 000 piétons et 700 arbalétriers.
Bataille de Taillebourg
Le , Geoffroy V de Rancon, insulté par Hugues X de Lusignan, trahit le roi d'Angleterre et ouvre aux Français son château de Taillebourg qui contrôle un pont en pierre sur le fleuve. Henri III réagit, rassemble ses forces, positionnées à Saintes, et les positionne pour bloquer le pont.
Le soir du , les deux armées campent de part et d'autre de la Charente[3]. Le , lorsque Louis IX se prépare à passer le pont, Henri III déploie son armée sur l'autre rive. C'est à ce moment qu'une dispute aurait éclatée entre Henri III, son frère Richard de Cornouailles, et Hugues X de Lusignan : les deux princes anglais auraient reproché à leur beau-père de leur avoir menti sur le nombre de soldats qu'il possédait en Poitou pour combattre le roi de France.
La bataille de Taillebourg se résume, en fait, à une charge des chevaliers français pendant que 500 sergents avec des arbalètes auraient traversé la Charente sur un pont de bateaux, vraisemblablement au niveau de la cale actuelle de Port-d’Envaux, permettant ainsi de prendre les Anglais à revers, quand ceux-ci tentaient de repousser Louis IX sur l’étroit pont de Taillebourg. Ne pouvant résister à la charge de la chevalerie française, les Anglais et leurs alliés battent en retraite en direction de la ville de Saintes. Si de réelle bataille il n’y eut point, le franchissement du pont de Taillebourg fut crucial.
Bataille de Saintes
Le lendemain, le , l'armée française se lance à la poursuite des fuyards. Une escarmouche survient entre des fourrageurs français et Hugues X de Lusignan, accompagné de trois de ses fils[4] et de quelques hommes d'armes. Très vite, des renforts arrivent de part et d'autre et l'accrochage tourne à une véritable bataille sous les murs de Saintes. À son issue, Hugues X et Henri III se réfugient dans la ville fortifiée de Saintes. Le , le roi d'Angleterre décide de se replier vers Pons, suivi du comte de la Marche. À la suite du départ d'Henri III, Louis IX pénètre dans Saintes qui lui ouvre ses portes. Exposé, Henri III se retire en direction de Barbezieux. Le , Renaud II de Pons (en) se soumet à Alphonse de Poitiers. Le , au camp de Pons, c'est au tour d'Hugues X de Lusignan et de son épouse la comtesse-reine Isabelle Taillefer de se rendre. Henri III, esseulé, se réfugie à Blaye, puis le à Bordeaux.
Conséquences de la guerre
La bataille, sous les murs de Saintes, signa la défaite des Anglo-Aquitains. Le roi d’Angleterre accepta une trêve de cinq ans à Pons, le . Une paix plus durable est actée dans le Traité de Paris, le .
Louis IX ne pousse pas son avantage et renonce à prendre le reste de la Guyenne aux Plantagenêt, car il craint que la conquête puisse être qualifiée d'illégitime, et aussi afin d'entamer une période de paix avec les Anglais et de se consacrer aux Croisades. Une trêve de 5 ans est signée à Pons. Le traité de Paris de 1259 consacre la victoire du parti français. D'âpres négociations font cependant qu'il intègre une clause spécifiant qu'au cas où Alphonse de Poitiers viendrait à mourir sans héritier, les terres situées au sud du fleuve Charente (la Haute Saintonge) reviendraient dans le giron Anglo-Aquitain. C'est précisément ce qu'il advient en 1271. Le Poitou et la Basse Saintonge restent sous administration française, et la Haute Saintonge repasse sous l'autorité des rois d'Angleterre en leur qualité de ducs d'Aquitaine.
Notes et références
- Soumission de Geoffroy II de Lusignan, le Ă Vouvant.
- Henri III est accompagné de son frère Richard, de sept comtes et de 300 chevaliers.
- Les Anglo-Aquitains campent au sud du fleuve, vers le village de Saint-James.
- Hugues XI le Brun, Guy de Lusignan et Geoffroy Ier de Lusignan.
Bibliographie
- Charles BĂ©mont, "La campagne de Poitou, 1242-1243, Taillebourg et Saintes", Annales du Midi, vol. 5, no 5-19, 1893, p. 289-314.
- Jean Chapelot, "La bataille de Taillebourg a-t-elle eu lieu ?", L'Histoire, no 350, 2010, p. 68-73.
- Alfred Jeanroy, "Le soulèvement de 1242 dans la poésie des troubadours", Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Tome 16, no 63, 1904. pp. 311-329.
- Marie-Aline de Mascureau, Les Lusignan ou l'insurrection des grands féodaux du duché d'Aquitaine entre 1154 et 1242, Mémoire de Maîtrise de l'université de Poitiers sous la direction de Martin Aurell, 2000.
- Clément de Vasselot de Régné, Le "Parentat" Lusignan (Xe – XIVe siècles) : structures, parenté vécue, solidarités et pouvoir d’un lignage arborescent, Thèse de doctorat en histoire médiévale, sous la direction de John Tolan et de Martin Aurell, Université de Nantes, 4 vol., 2 797 p., .
- Amicie Pélissié du Raussas, De guerre, de trêve et de paix : les relations franco-anglaises de la bataille de Taillebourg au traité de Paris (1242-1259), thèse de doctorat en histoire de l'Université de Poitiers sous la direction de Martin Aurell et David Carpenter, Poitiers, .
- Antoine Thomas, "Une chanson française sur la bataille de Taillebourg", Extrait des Annales du midi, tome IV, Toulouse, 1892.