Groupes d'action révolutionnaires internationalistes
Les Groupes d'action révolutionnaires internationalistes (GARI), aussi appelés Groupes autonomes d'intervention (GAI), ont été actifs en France au cours de l'année 1974. Pratiquant principalement des attentats à l'explosif, les GARI « ont toujours évité autant que possible que leurs opérations s'accompagnent d'effusion de sang »[3].
Groupes d'action révolutionnaires internationalistes | |
Idéologie | Anarchisme Antifranquisme Anarcho-syndicalisme[1] |
---|---|
Objectifs | Libération de prisonniers antifranquistes |
Statut | Inactif |
Fondation | |
Date de formation | 1973 |
Pays d'origine | France |
Actions | |
Mode opératoire | Attaque à main armée sabotage attentat par explosifs[2] |
Victimes (morts, blessés) | 6 blessés au consulat d'Espagne à Toulouse le 28 juillet 1974 |
Zone d'opération | Espagne, France, Belgique, Andorre |
Période d'activité | 1974 |
Organisation | |
Financement | Hold-up |
Groupe reliĂ© | Movimiento IbĂ©rico de LiberaciĂłn ComitĂ© Libertaire Anti-RĂ©pressif Groupe dâAction RĂ©volutionnaire Occasionnellement Terroriste (GAROT) |
Formés en solidarité à la suite de l'arrestation en Catalogne, en , de membres de l'ex Movimiento Ibérico de Liberación (MIL ou 1000) et de l'exécution de Salvador Puig i Antich en , les GARI mÚnent des actions clandestines contre le franquisme pour obtenir la libération des membres de l'ex MIL et éviter que deux d'entre eux soient condamnés à mort.
Moins qu'un groupe structuré, les GARI semblent avoir fonctionné comme une coordination de groupes affinitaires autonomes (le terme coordination se retrouvant dans leurs communiqués).
Pour LibĂ©ration en 1980, les GARI ont « Ă©tĂ© lâultime survivance de la lutte libertaire anti-franquiste en France »[4].
Contexte historique
En , plusieurs militants du Movimiento Iberico de Liberacion (MIL ou 1000) sont interpellés à Barcelone.
Le , l'amiral Carrero Blanco, présenté comme le dauphin de la dictature franquiste, meurt dans un attentat à Madrid.
Début à Barcelone, trois activistes du MIL sont condamnés : Salvador Puig Antich à la peine de mort, Joseé Luis Pons LLobet à 30 ans de prison, son amie Maria-Augustias Mateos Fernandez, lycéenne de 17 ans à 5 ans de prison.
En , des attentats sont perpétrés contre les consulats d'Espagne de Turin (Italie) et Zurich (Suisse) alors que les premiers tracts informant sur la situation des incarcérés du MIL sont diffusés en France.
Le , Salvador Puig Antich est exécuté par strangulation, à l'aide d'un garrot (garrote vil en espagnol).
EnlĂšvement du banquier Angel Baltasar Suazez
Le , Angel Baltasar Suazez, directeur de la Banque de Bilbao Ă Paris, est enlevĂ©, action revendiquĂ©e de Barcelone par les Groupes dâaction rĂ©volutionnaires internationalistes qui exigent : « La publication dans la presse espagnole des communiquĂ©s du mouvement rĂ©volutionnaire ; la mise en libertĂ© de M. Santiago Sole Amigo, militant du Mouvement ibĂ©rique de libĂ©ration, auquel appartenait Salvador Puig Antich, et qui serait gravement malade ; la publication du rĂ©quisitoire contre des militants du Front rĂ©volutionnaire antifasciste et patriote (FRAP) arrĂȘtĂ©s le et qui peuvent ĂȘtre condamnĂ©s Ă mort ; la mise en libertĂ© conditionnelle de tous les prisonniers politiques pouvant en bĂ©nĂ©ficier »[5] - [6].
Les GARI naissent de la solidarité avec les prisonniers du MIL. Dans une lettre au journal Le Monde, ils précisent : « L'enlÚvement de M. Suarez, directeur de la Banque de Bilbao, est notre réponse à la répression actuelle contre le mouvement révolutionnaire espagnol. AprÚs l'assassinat de Salvador Puig-Antich, nous ne permettrons en aucune façon une nouvelle exécution. »[7] Selon eux : « Si dénoncer le régime fasciste espagnol suffit pour certains à se prétendre de gauche, nous savons, quant à nous, que les protestations, les déclarations, ainsi que les manifestations humanitaires des démocrates de gauche et des « gauchistes » en tout genre, ont fait une fois de plus, dans le cas de Salvador Puig-Antich la preuve de leur parfaite inefficacité. »[8]
Coordination des groupes affinitaires, formée lors de multiples réunions, échanges, débats entre janvier et , les GARI décident leur auto-dissolution en .
ProcĂšs d'assises
Cinq sĂ©ries d'arrestations sont opĂ©rĂ©es en mai, juillet, septembre, octobre et en direction de militants ou de soutiens prĂ©sumĂ©s des GARI, neuf d'entre eux sont inculpĂ©s par la Cour de sĂ»retĂ© de l'Ătat, notamment pour destruction d'Ă©difices, vols, entreprise individuelle ou collective tendant Ă porter atteinte Ă la sĂ»retĂ© de l'Ătat.
En janvier et en , deux procĂšs d'assises sont organisĂ©s Ă Paris dans le dossier des GARI. La plupart des accusĂ©s sont acquittĂ©s. Aucune preuve nâayant convaincu le jury, personne n'est condamnĂ© pour lâenlĂšvement du banquier Suazez. Les inculpĂ©s jugĂ©s par contumace sont amnistiĂ©s par François Mitterrand qui devient prĂ©sident de la RĂ©publique au mois de mai de cette annĂ©e.
Chronologie
- En , la coordination va revendiquer avec des sigles différents (GAI, GARI) diverses séries d'actions.
- : mitraillage de la voiture du chancelier dâEspagne Ă Toulouse.
- : attentats dans le sud de la France sur des routes reliant la France à l'Espagne. Plusieurs ponts sont endommagés. Les actions sont revendiquées GAI (Groupes Autonomes d'intervention).
- : un commando du GARI braque la banque Courtois de Montesquieu Volvestre prĂšs de Toulouse.
- : enlĂšvement Ă Paris du directeur de la Banque de Bilbao, Angel Baltasar Suarez (libĂ©rĂ© le [9]), le mĂȘme jour « El Banco Español de CrĂ©dito » Ă Bruxelles est braquĂ©e.
- : incendie de L'Est républicain par le « commando Puig Antich », une voiture piégée explose contre les locaux de la compagnie Iberia à Bruxelles, deux autres voitures sont désamorcées à Anvers et à LiÚge.
- : une caisse dâĂ©pargne Ă Toulouse est attaquĂ©e.
- : attentats Ă Andorre-la-Vieille contre la Viguerie Ă©piscopale et la caisse dâĂ©pargne espagnole. Attentat contre la gare dâAusterlitz dans les toilettes du train Paris-lrun-Madrid Ă Paris. Ă Ille-sur-TĂȘt et Ă Brialou Plusieurs lignes Ă haute tension reliant la France et lâEspagne sont plastiquĂ©es.
- : attentats contre des véhicules du Tour de France à Saint-Lary-Soulan, plusieurs arbres sont abattus sur la route entre BarÚges et le col du Tourmalet, 13 cars de pÚlerins sont incendiés à Lourdes[10].
- : attentat contre la Banque Populaire dâEspagne Ă NĂźmes.
- : attentat contre le consulat dâEspagne Ă Toulouse, 6 personnes sont blessĂ©es[11]. Une charge explosive dĂ©truit une partie de la consigne automatique de la gare dâHendaye.
- : attentats contre deux autocars de la SEAFEP à Paris, une autre charge est désamorcée, attentats aux voitures piégées contre les postes-frontiÚres franco-espagnol du Perthus et de Bourg-Madame.
- : fausses alertes Ă la bombe contre deux trains venant dâHendaye.
- : attentats contre deux bateaux de plaisance Ă La Grande-Motte, fausse alerte Ă la bombe dans le train Madrid-Paris.
- : attentats aux voitures piégées contre la compagnie aérienne Iberia et deux succursales du Banco Espanol à Bruxelles.
- Courant août auto-dissolution de la coordination GARI. Plus aucune action ne sera revendiquée sous ce sigle.
- : fausse alerte Ă la bombe dans la Grotte de Massabielle.
- : braquage d'un Crédit lyonnais à Béziers.
- : braquage de la BREC Ă Toulouse.
- , sept membres ou sympathisants des GARI entament une grÚve de la faim illimitée pour d'obtenir le régime spécial accordé aux détenus politiques : Michel Camilleri, Floréal Cuadrado, Raymond Delgado, Mario InÚs, Jean-Michel Martinez, Victor Menrique et Jean-Marc Rouillan[12].
- Ă partir de en solidaritĂ© avec les membres des GARI incarcĂ©rĂ©s diverses actions sont menĂ©es. En dehors de l'information classique (crĂ©ations de divers comitĂ©s de soutien : tracts, affiches...) quelques actions spectaculaires vont ĂȘtre menĂ©es.
- : fumigÚne contre une exposition espagnole au Musée de la marine à Paris[13].
- : attentat contre le Palais de Justice de Toulouse.
- : attentat contre le Palais de justice de Paris[14].
Suites judiciaires et politiques
Un membre des GARI, Jean-Marc Rouillan (ex-militant du Mouvement ibérique de libération) participera à la création du groupe Action directe (1979-1987).
Sources
- Rapto en Paris, GARI, 1974, lire en ligne.
- Dossier GARI, AAEL, 1975, lire en ligne.
- ComitĂ© de DĂ©fense des InculpĂ©s de lâAffaire Suarez, La Lanterne Noire, n°1, juillet - , lire en ligne.
- Les lendemains des GARI, La Lanterne Noire, n°2, - , lire en ligne.
- GARI, in Il y a des prisonniers politiques en France. Voici ce qu'ils ont Ă dire, , pp. 4-8.
Notes et références
- Les GARI avaient revendiqué l'enlÚvement de M. Suarez, Le Monde, 17 juillet 1974, lire en ligne.
- Les prétentions des membres des GARI étaient incompatibles avec la loi, indique le ministÚre, Le Monde, 18 janvier 1975, lire en ligne.
- France Soir, 11 octobre 1975, cité par Fanny Bugnon, La violence politique au prisme du genre à travers la presse française (1970-1994), thÚse de l'Université d'Angers, 2011, page 73.
- Fanny Bugnon, La violence politique au prisme du genre à travers la presse française (1970-1994), thÚse de l'Université d'Angers, 2011, page 259.
- Un groupe anarchiste revendique l'enlĂšvement Ă Paris du directeur de la Banque de Bilbao, Le Monde, 9 mai 1974, lire en ligne.
- Fanny Bugnon, La violence politique au prisme du genre à travers la presse française (1970-1994), thÚse de l'Université d'Angers, 2011, pp. 67-69.
- Les ravisseurs de M. Suarez exigent la libération de six prisonniers, Le Monde, 10 mai 1974, lire en ligne.
- Les ravisseurs de M. Suarez affirment qu'il est un representant conscient du gouvernement espagnol, Le Monde, 15 mai 1974, lire en ligne.
- M. Suarez a Ă©tĂ© libĂ©rĂ© par ses ravisseurs Plusieurs d'entre eux auraient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s, Le Monde, 23 mai 1974, lire en ligne.
- Treize cars de pÚlerins sont incendiés à Lourdes et plusieurs voitures du Tour de France détruites, Le Monde, 17 juillet 1974, lire en ligne.
- Du champagne révolutionnaire pour les pompiers toulousains, Le Monde, 29 août 1974, lire en ligne.
- Sept membres des GARI font la grĂšve de la faim, Le Monde, 9 janvier 197(, lire en ligne.
- Un commando du GARI contre le Musée de la marine, Le Monde, 7 janvier 1975, lire en ligne.
- Attentat au Palais de justice, Le Monde, 16 janvier 1975, lire en ligne.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Octavio Alberola, Ariane Gransac, LâAnarchisme espagnol et lâaction rĂ©volutionnaire internationale, 1961-1975, Paris, Christian Bourgeois, 1975.
- Tiburcio Ariza, François Coudray, Les GARI (Groupes d'Action RĂ©volutionnaires Internationalistes) - 1974, la solidaritĂ© en actes, Ăditions CRAS, , prĂ©sentation Ă©diteur.
- Octavio Alberola, Ariane Gransac, Anarchistes contre Franco : action révolutionnaire internationale, 1961-1975, Albache, 2014. (ISBN 979-10-91013-02-4)
- FlorĂ©al Cuadrado, Comme un chat. Souvenirs turbulents d'un anarchiste, faussaire Ă ses heures, vers la fin du vingtiĂšme siĂšcle, Ăditions du Sandre, 2015, (ISBN 978-2-35821-105-5), prĂ©sentation Ă©diteur.
- Jann-Marc Rouillan, De mémoire (3) - La courte saison des GARI : Toulouse 1974, Agone, 2011.
- Sophie Baby, Le mythe de la transition pacifique. Violence et politique en Espagne (1975-1982), BibliothĂšque de la Casa de VelĂĄzquez, 2013, page 104.
- Fanny Bugnon, La violence politique au prisme du genre à travers la presse française (1970-1994), thÚse de l'Université d'Angers, 2011, pp. 53-54.
- Christophe Bourseiller, Histoire générale de l'ultra-gauche, Paris, Denoël, 2003, pp. 487-494.
- Freddy Gomez, Ăclats dâanarchie. Passage de mĂ©moire. Conversations avec Guillaume Goutte, Rue des Cascades, 2015, (OCLC 915328133).
- Collectif, Le pari de lâautonomie : rĂ©cits de lutte dans lâEspagne des annĂ©es 70, Ăditions du Soufflet, 2018.
Articles
- Mari Otxandi, Il y a quarante ans : les Groupes révolutionnaires armés anti-impérialistes, in Ekaitza, n°1306, , pp. 10-13..
- Sur un moment particulier dâune histoire oubliĂ©e, Dissidences, , lire en ligne.
- Christophe Bourseiller, Le mythe fondateur des « gangsters de Barcelone », Histoire et liberté n°38, printemps 2009, lire en ligne.
- (es) Oscar Freån Hernåndez, « El paso a la acción directa », Cahiers de civilisation espagnole contemporaine, 19|2017, [lire en ligne], DOI 10.4000/ccec.6780.
Iconographie
- Centre international de recherches sur l'anarchisme (Lausanne) : Lettre de prison des inculpés des GARI.
- Fédération internationale des centres d'études et de documentation libertaires : Lettre de prison des inculpés des GARI.
- FĂ©dĂ©ration internationale des centres d'Ă©tudes et de documentation libertaires : Lâamnistie passe, les prisonniers politiques restent.
- FĂ©dĂ©ration internationale des centres d'Ă©tudes et de documentation libertaires : ProcĂšs du GARI, 20 rĂ©volutionnaires passent en procĂšs pour avoir luttĂ© contre la dictature franquiste, contre le capitalisme, contre lâĂtat.
Filmographie
- Nicolas Réglat, ¥G.A.R.I.! 1974, Le-Lokal Production, 83 min, 2012, bande annonce, présentation distributeur.
Disponible en VOD ici
Liens externes
- (ca) « Grups dâAcciĂł RevolucionĂ ria Antifeixista », Gran EnciclopĂšdia Catalana, sur enciclopedia.cat, Barcelone, Edicions 62..