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Groupe des unités d'un anneau d'entiers quadratiques

En mathématiques, et plus précisément en théorie algébrique des nombres, le groupe des unités d'un anneau d'entiers quadratiques est le groupe des éléments inversibles d'un tel anneau.

Johann Peter Gustav Lejeune Dirichlet est l'auteur du théorÚme explicitant la structure du groupe des unités d'un anneau d'entiers algébriques. Cet article traite d'un cas particulier du théorÚme.

Un entier quadratique est un nombre complexe racine d'un polynĂŽme unitaire de degrĂ© 2 Ă  coefficients entiers relatifs. Un anneau d'entiers quadratiques est donc un sous-anneau du corps commutatif ℂ des nombres complexes (c'est-Ă -dire un sous-ensemble de ℂ, contenant 1, et stable par addition, multiplication et opposĂ©) ; ainsi, c'est un anneau commutatif et ses unitĂ©s forment un groupe (abĂ©lien et contenant 1 et –1)[1].

L'anneau est toujours inclus dans un corps quadratique et la structure du groupe dĂ©pend de la nature de ce corps. S'il contient des Ă©lĂ©ments non rĂ©els, c'est-Ă -dire de partie imaginaire non nulle, alors le groupe est cyclique. Dans le cas contraire, le corps est dit totalement rĂ©el et le groupe est isomorphe, soit Ă  â„€/2â„€, soit Ă  â„€/2â„€ × â„€.

Un tel groupe représente ce que Dirichlet appelle une obstruction, s'il est trop vaste, ce qui est le cas pour les corps quadratiques totalement réels. Le théorÚme des unités de Dirichlet précise la structure du groupe des unités des anneaux d'entiers algébriques, qui généralise la notion d'entiers quadratiques.

Les applications de la connaissance du groupe des unitĂ©s sont diverses en arithmĂ©tique. L'Ă©quation de Pell-Fermat est une Ă©quation diophantienne – c'est-Ă -dire Ă  coefficients entiers et dont les solutions recherchĂ©es sont entiĂšres – dont la rĂ©solution d'un cas particulier revient exactement Ă  la dĂ©termination du groupe des unitĂ©s d'un anneau d'entiers quadratiques. La dĂ©monstration du dernier thĂ©orĂšme de Fermat pour des valeurs pas trop particuliĂšres du paramĂštre n demande l'explicitation des racines n-iĂšmes de l'unitĂ© d'un anneau d'entiers algĂ©briques. Dans le cas oĂč n est Ă©gal Ă  3 ou Ă  5, certaines dĂ©monstrations utilisent des anneaux d'entiers quadratiques. Enfin, l'Ă©tude du groupe des unitĂ©s de l'anneau des entiers de ℚ(√5) permet une dĂ©monstration de la loi d'apparition des nombres premiers dans la suite de Fibonacci.

Structure du groupe des unités

DĂ©cors

Dans tout l'article, â„€ dĂ©signe l'anneau des entiers relatifs, ℚ le corps des nombres rationnels, ℝ celui des nombres rĂ©els et ℂ celui des complexes. Pour tout anneau d'entiers quadratiques, l'article dĂ©taillĂ© montre l'existence d'un Ă©lĂ©ment ω tel que l'anneau est Ă©gal Ă  â„€[ω], c'est-Ă -dire composĂ© des Ă©lĂ©ments de la forme a + bω, oĂč a et b sont des entiers relatifs. La valeur ω peut prendre deux formes distinctes : il existe un entier non carrĂ© parfait d tel que ω est Ă©gal Ă  √d ou, si d est congru Ă  1 modulo 4, ω soit Ă©gal Ă  (1 + √d)/2. L'entier d peut ĂȘtre nĂ©gatif, la justification du radical √ associĂ© Ă  un nombre strictement nĂ©gatif se trouve dans l'article dĂ©taillĂ©. L'anneau â„€[ω] est inclus dans le corps ℚ[ω] composĂ© des Ă©lĂ©ments de la forme a + bω, oĂč a et b sont des rationnels, et dans les deux cas, le corps ℚ[ω] est Ă©gal Ă  ℚ[√d].

L'application de conjugaison associe Ă  un Ă©lĂ©ment a + b√d du corps quadratique ℚ[√d] l’élĂ©ment a – b√d. Dans la suite de l'article, l'Ă©lĂ©ment conjuguĂ© d'un Ă©lĂ©ment α du corps est notĂ© αc. Cette application est un automorphisme de corps et sa restriction Ă  l'anneau â„€[ω] est aussi un automorphisme (cette fois d'anneau). L'application norme associe Ă  un Ă©lĂ©ment du corps le produit de cet Ă©lĂ©ment avec son conjuguĂ©. La norme est Ă  valeurs dans ℚ. Sa restriction Ă  l'anneau â„€[ω] est Ă  valeurs dans â„€ et s'exprime comme suit :

Une premiÚre propriété permet d'y voir un peu plus clair sur le groupe des unités :

  • Un Ă©lĂ©ment de l'anneau â„€[ω] est inversible si, et seulement si, sa norme est Ă©gale Ă  1 ou Ă  –1[1] ; l'inverse du nombre est alors soit son conjuguĂ©, soit l'opposĂ© de son conjuguĂ©.

En effet, soit α un Ă©lĂ©ment de â„€[ω]. S'il est de norme 1 ou –1, alors soit ααc, soit α(–αc) est Ă©gal Ă  1. Comme αc et –αc sont Ă©lĂ©ments de l'anneau, α est bien inversible. RĂ©ciproquement supposons que ÎČ soit l'inverse de α, alors la norme de αÎČ est Ă©gale Ă  1. La norme de α est un entier qui divise 1. Il n'en existe que deux : 1 et –1, ce qui dĂ©montre la proposition.

Remarque. Si d est sans facteur carrĂ© et si, dans le cas oĂč d est congru Ă  1 modulo 4, ω est Ă©gal Ă  (1 + √d)/2, alors l'anneau est un peu particulier car il est l'anneau des entiers du corps quadratique. Cette spĂ©cificitĂ© n'intervient pas ici.

ThéorÚme des unités de Dirichlet

Ce théorÚme de structure a été démontré par Dirichet pour l'anneau des entiers d'un corps algébrique quelconque[2]. Dans le cas particulier d'un anneau d'entiers quadratiques, deux configurations se présentent.

Structure géométrique

Les éléments du groupe des unités (représenté ici[5] pour d = 5) se trouvent sur quatre branches d'hyperbole obtenues par rotations successives d'un quart de tour.

La structure gĂ©omĂ©trique ne fait vĂ©ritablement sens que dans le cas oĂč d est positif, celui Ă©tudiĂ© ici. (1, ω) est une base du ℚ-espace vectoriel ℚ(√d). Toute unitĂ© α = x + yω vĂ©rifie ααc = ±1, c'est-Ă -dire l'une des deux Ă©quations :

Dans les deux cas, en considĂ©rant la base (1, ω) comme orthonormale, on observe que chaque unitĂ© se trouve sur une des quatre branches de deux hyperboles tournĂ©es d'un quart de tour, l'une par rapport Ă  l'autre. Les unitĂ©s sont les intersections des hyperboles avec les sommets du quadrillage correspondant au rĂ©seau â„€[ω].

À chaque solution α diffĂ©rente de ±1 sont associĂ©es trois autres : αc, –α et –αc (αc est Ă©gal ou opposĂ© Ă  α−1, selon que N(α) vaut 1 ou –1). Il en existe une par quadrant. Le premier quadrant est formĂ© par les points d'abscisse positive et d'ordonnĂ©e strictement positive et les autres sont obtenus par rotation d'un quart de tour (–1 est donc dans le deuxiĂšme quadrant et 1 dans le quatriĂšme).

Une solution particuliÚrement intéressante est celle satisfaisant la définition suivante :

  • Une unitĂ© fondamentale (en) est une unitĂ© ρ telle que toute unitĂ© soit Ă©gale Ă  ρk ou –ρk pour un certain entier relatif k.

Il existe quatre unitĂ©s fondamentales : ρ, ρc, –ρ et –ρc, selon le thĂ©orĂšme de Dirichlet. Celle notĂ©e ρ comme dans la preuve ci-dessus est celle du premier quadrant. On peut remarquer que c'est, parmi les unitĂ©s du premier quadrant (les ρk pour k entier > 0), celle de plus petite abscisse.

Fraction continue

Cette question date du IIIe siÚcle, sous une forme un peu différente[6]. L'équation de Pell-Fermat, sous une forme un peu réduite, est l'équation diophantienne suivante :

Ici, d désigne un entier strictement positif non carré parfait. Les mathématiciens indiens du VIe siÚcle[7] ainsi que les européens du XVIIe siÚcle[8] ont chacun développé une méthode de résolution efficace.

Généralités

L'objectif est de trouver l'unitĂ© fondamentale ρ prĂ©sente dans le premier quadrant. Si les deux entiers a et b sont dĂ©finis par ρ = a + bω, selon la configuration de ω, cela revient Ă  trouver un couple de solution (a, b) d'une des deux Ă©quations suivantes avec a et b choisis positifs, (a, b) diffĂ©rent du couple (1,0) et a de valeur la plus petite possible :

Plaçons-nous dans le cas (1). Soit h/k une fraction formĂ©e de deux entiers strictement positifs tels que h soit diffĂ©rent de 1 et que h2 – dk2 = ±1. Alors la fraction h/k approche bien ω au sens oĂč la valeur absolue de leur diffĂ©rence est plus petite que l'inverse de 2k2. Ceci garantit que h/k est une rĂ©duite de la fraction continue de ω. Comme ω est un nombre quadratique, sa fraction continue est pĂ©riodique Ă  partir d'un certain rang. Les solutions de l'Ă©quation x2 – dy2 = ±1 correspondent aux rĂ©duites en avant-derniĂšre position dans la pĂ©riode. Comme les diffĂ©rentes rĂ©duites possĂšdent des numĂ©rateurs et dĂ©nominateurs strictement croissants, l'unitĂ© fondamentale correspond Ă  la rĂ©duite de la premiĂšre pĂ©riode.

Dans le cas oĂč ω est de type (2), les rĂ©sultats prĂ©cĂ©dents sont toujours valables, mais c'est la fraction continue de –ωc qui est concernĂ©e.

Joseph-Louis Lagrange Ă©tudie thĂ©oriquement[9] l'Ă©quation x2 – dy2 = ±1. Il montre qu'elle possĂšde une infinitĂ© de solutions, que ces solutions se trouvent toutes (au signe prĂšs) dans la fraction continue de ω, qu'on en trouve exactement une par pĂ©riode et que sa position correspond Ă  l'avant-derniĂšre. Ces Ă©lĂ©ments permettent aisĂ©ment de dĂ©montrer le thĂ©orĂšme structurel pour les anneaux d'entiers quadratiques, les raisonnements s'appliquant de la mĂȘme maniĂšre pour le type (2).

Illustration par l'exemple

Supposons que ω soit Ă©gal Ă  (1 + √61)/2. On remarque que 61 est un congru Ă  1 modulo 4. Calculons la fraction continue de –ωc :

On continue avec le mĂȘme algorithme :

Le dernier quotient complet est égal au premier, la suite de la fraction est une répétition et l'on possÚde une période complÚte. On en déduit la fraction continue, ainsi que l'expression des réduites, notées ici hi / ki :

L'indice correspondant Ă  l'avant-derniĂšre pĂ©riode est 2, on en dĂ©duit que a = 17 et b = 5. On vĂ©rifie l'Ă©galitĂ© dans l'Ă©quation (2). On remarque de (d – 1)/4 est Ă©gal Ă  15 et :

MĂ©thode chakravala

La méthode indienne est un peu équivalente à celle des fractions continues. La seule différence dans l'algorithme réside dans le fait que les coefficients de la fraction continue ne sont pas nécessairement positifs. La convention utilisée consiste à choisir le coefficient tel que le quotient complet soit, en valeur absolue le plus grand possible. Elle accélÚre de fait un peu l'algorithme.

Elle utilise un accélérateur décrit et démontré par Wallis[10] qui s'applique aussi pour les fractions continues. Si l'on dispose un entier quadratique α de norme, en valeur absolue, égale à 2, alors α2/2 est une unité et si l'on dispose d'un entier quadratique de norme, en valeur absolue, égale à 4, alors le huitiÚme de son cube est une unité.

La logique est ici algĂ©brique et non analytique comme chez Lagrange, les dĂ©monstrations thĂ©oriques associĂ©es Ă  l'explicitation de la structure du groupe des unitĂ©s sont en consĂ©quence plus proches de cet article que des fractions continues. Elles se trouvent dans l'article dĂ©taillĂ©. À l'Ă©poque de la mise au point de la mĂ©thode, les mathĂ©maticiens indiens ne se prĂ©occupaient pas de question de cette nature[11]. Les preuves sont la consĂ©quence d'un regard moderne sur leur travail.

Notes et références

  1. Par exemple Hardy and Wright 1968, p. 208 (4th ed.), § 14.4.
  2. (de) J. P. G. Lejeune Dirichlet et R. Dedekind (Ă©d.), Vorlesungen ĂŒber Zahlentheorie (en), Braunschweig, Vieweg und Sohn, (1re Ă©d. 1863) (lire en ligne), trad. TraitĂ© sur la thĂ©orie des nombres, C. Duverney, Tricorne, GenĂšve, 2006 (ISBN 2829302893).
  3. C'est une consĂ©quence du fait que l'Ă©quation de Pell-Fermat x2 – ay2 = 1 pour a sans facteur carrĂ©, possĂšde une infinitĂ© de solutions, voir (en) Harold M. Stark, An Introduction to Number Theory, Cambridge, MIT Press, (ISBN 978-0-262-69060-7), p. 274-275.
  4. (en) William J. LeVeque, Elementary Theory of Numbers, Dover, (lire en ligne), p. 114-115.
  5. Aux interversions prĂšs des puissances nĂ©gatives impaires de ω avec leurs opposĂ©s.
  6. Diophante d'Alexandrie parle explicitement d'une Ă©quation de cette nature, dans son livre intitulĂ© Arithmetica ((en) Leonard Eugene Dickson, History of the Theory of Numbers (en) [dĂ©tail des Ă©ditions], vol. 2).
  7. Brahmagupta, par exemple, développe les prémisses d'une méthode de résolution générale ((en) John Stillwell, Mathematics and Its History [détail des éditions], 2010, p. 75-77).
  8. Une longue communication épistolaire est publiée à ce sujet, cf. (la) John Wallis, Commercium epistolicum de quÊstionibus quibusdam mathematicis nuper habitum, Oxonii : Excudebat A. Lichfield, Impensis Tho. Robinson, .
  9. Ces rĂ©sultats furent Ă©ditĂ©s dans Bruyset (Lyon) et Desaint (Paris), L. Euler et J. L. Lagrange, ÉlĂ©ments d'algĂšbre, . Ce livre contient les Additions aux ÉlĂ©ments d'AlgĂšbre d'Euler par Lagrange, rĂ©Ă©ditĂ©es dans Joseph-Alfred Serret, ƒuvres de Lagrange, vol. VII, Gauthier-Villars, (lire en ligne), p. 5-180. Voir aussi Joseph-Alfred Serret, ƒuvres de Lagrange, vol. I, Gauthier-Villars, (lire en ligne), p. 671-731, « Solution d'un problĂšme d'arithmĂ©tique », 1766-1769.
  10. Wallis 1658.
  11. Une analyse est proposée dans (en) John J. O'Connor et Edmund F. Robertson, « Pell's equation », sur MacTutor, université de St Andrews.

Bibliographie

  • (en) David A. Cox, Primes of the Form x2 + ny2, Wiley, (1re Ă©d. 1989) (ISBN 978-0-47119079-0)
  • (en) G. H. Hardy et E. M. Wright, An Introduction to the Theory of Numbers (1re Ă©d. 1938) [dĂ©tail des Ă©ditions]
  • (en) Kenneth Ireland et Michael Rosen, A Classical Introduction to Modern Number Theory, Springer, coll. « GTM » (no 84), (rĂ©impr. 1998), 2e Ă©d., 389 p. (ISBN 978-0-387-97329-6, lire en ligne)
  • Pierre Samuel, ThĂ©orie algĂ©brique des nombres [dĂ©tail de l’édition]
  • Jean-Pierre Serre, Cours d'arithmĂ©tique, [dĂ©tail des Ă©ditions]
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