Grand Prix automobile de Monaco 1966
Le Grand Prix de Monaco 1966 (XXIVe Grand Prix de Monaco), disputé sur le circuit de Monaco le , est la cent-quarante-deuxième épreuve du championnat du monde de Formule 1 courue depuis 1950 et la première manche du championnat 1966.
Météo | temps chaud, ciel brumeux |
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Vainqueur |
Jackie Stewart, BRM, 2 h 33 min 10 s 5 (vitesse moyenne : 123,192 km/h) |
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Pole position |
Jim Clark, Lotus-Climax, 1 min 29 s 9 (vitesse moyenne : 125,940 km/h) |
Record du tour en course |
Lorenzo Bandini, Ferrari, 1 min 29 s 8 (vitesse moyenne : 126,080 km/h) |
Contexte avant la course
Le championnat du monde
Après cinq années de Formule 1 1 500 cm3, formule dérivée de l'ancienne Formule 2 en vigueur de 1957 à 1959, la Commission sportive internationale (C.S.I.) a décidé lors de son comité exécutif de décembre 1963 de porter à trois litres la cylindrée des nouvelles F1, mesure entrée en vigueur le 1er janvier 1966. Le nouveau règlement autorise à nouveau l'utilisation de moteurs suralimentés, avec un coefficient deux pour la cylindrée (soit un maximun de 1 500 cm3 en cas d'utilisation d'un compresseur volumétrique ou d'un turbocompresseur). La réglementation (qui restera en vigueur jusqu'au 31 décembre 1967) s'appuie sur les points suivants[1] - [2] :
- pas de cylindrée minimale
- cylindrée maximale : 3 000 cm3 si moteur atmosphérique ou 1 500 cm3 si moteur suralimenté
- poids minimal : 500 kg (en ordre de marche, sans carburant et sans pilote)
- double circuit de freinage obligatoire
- arceau de sécurité obligatoire (le haut du cerceau devant dépasser le casque du pilote)
- démarreur de bord obligatoire
- carburant commercial obligatoire
- ravitaillement en huile interdit durant la course
- distance minimale d'un Grand Prix : 300 km
- distance maximale d'un Grand Prix : 400 km
- distance minimale pour être classé : 90% de la distance parcourue par le vainqueur
À l'avènement de la Formule 1 «3 litres», le 1er janvier, à l'occasion du Grand Prix d'Afrique du Sud, seul Jack Brabham fut en mesure d'aligner une monoplace conçue selon la nouvelle réglementation, les autres concurrents utilisant leurs précédents modèles, lestés et équipés de moteurs réalésés. Au volant de sa Brabham BT19 à moteur Repco, le pilote-constructeur s'élança ce jour de la pole position et domina la majeure partie de la course jusqu'à ce qu'un pilote attardé l'envoie en tête-à-queue, entraînant son abandon[3]. C'est seulement en mai, à Syracuse (toujours hors championnat), qu'apparurent d'autres nouveautés, la Ferrari à moteur V12 (que John Surtees fit triompher) et la Cooper à moteur Maserati V12 dont les débuts furent loin d'être prometteurs[4]. Si bon nombre de spécialistes s'accordent alors à considérer la Ferrari comme favorite pour cette nouvelle saison, la voiture italienne disposant du moteur le plus puissant du plateau, Brabham parvint à démontrer deux semaines plus tard à Silverstone qu'une monoplace légère, même dotée d'un modeste moteur dérivé de la grande série[Note 1], pouvait également s'imposer. Aussi, alors que les nouvelles Lotus et BRM sont à peine achevées, les pronostics sont-ils mitigés à la veille du Grand Prix de Monaco, épreuve inaugurale du championnat du monde.
Le circuit
C'est en octobre 1925 qu'Antony Noghès, membre de l'ACM, commença à élaborer l'idée d'une épreuve de sports mécaniques dans les rues de Monaco. Avec le soutien de Louis Chiron, il obtient l'accord des instances officielles du sport automobile, l'AIACR, et le premier Grand Prix de Monaco se déroulera en avril 1929 sur un circuit empruntant le Boulevard Albert Ier, la montée du Casino, la descente vers la gare puis le tunnel passant sous le tir aux pigeons pour revenir au point de départ[5]. Développant un peu plus de trois kilomètres, le tracé se révèle très exigeant en termes de pilotage, la piste très étroite comportant très peu de zones de dégagement et exigeant une concentration permanente. Depuis cette première édition remportée par Bugatti du Franco-Britannique Williams, le circuit est resté pratiquement inchangé et est devenu, après-guerre, un des circuits les plus prisés du championnat du monde de Formule 1[6]. Avec trois victoires chacun, Stirling Moss et Graham Hill sont les pilotes les plus titrés en principauté.
Coureurs inscrits
no | Pilote | Écurie | Constructeur | Modèle | N° châssis | Moteur | Pneumatiques | Commentaire |
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20 | Phil Hill | Metro-Goldwyn-Mayer | Lotus | Lotus 25C | 25 R6[Note 7] | Coventry Climax FWMV MkIII V8 | D | monoplace équipée d'une caméra avant |
Qualifications
Trois séances qualificatives sont prévues, les jeudi, vendredi et samedi précédant la course[8].
Première séance - jeudi 19 mai
Le temps est couvert le jeudi après-midi pour la première session qualificative, et une petite averse perturbe le début de la séance mais la piste séchera ensuite rapidement. Le camion de la Scuderia Ferrari est resté longtemps bloqué dans les bouchons, aussi les monoplaces italiennes ne sont-elles pas encore arrivée, tout comme les Brabham, débarquées trop tardivement à cause d'une grève des marins britanniques[9]. Premier à prendre la piste, le pilote-constructeur Bruce McLaren découvre le comportement de sa toute nouvelle monoplace. Le très bruyant V8 Ford manque cependant de souplesse[10], un sérieux handicap sur un circuit tortueux, et malgré l'apport des 100 chevaux supplémentaires le Néo-Zélandais ne sera pas en mesure de tourner plus vite que l'année précédente. Moins puissantes, les deux BRM V8 de Jackie Stewart et Graham Hill vont dominer la séance, le pilote écossais établissant le meilleur temps de la journée à 123,6 km/h de moyenne. Son coéquipier a entre-temps étrenné la P83 à moteur 16 cylindres ; il n'est cependant pas prévu d'utiliser la nouvelle voiture en course et Hill se contentera de quelques tours sans trop forcer. Le champion du monde Jim Clark n'a pu défendre ses chances, la transmission de sa Lotus lâchant peu après le début de la séance. Les mécaniciens de l'équipe Cooper ont dû modifier les rapports de boîte de leurs deux monoplaces à moteur Maserati avant que Jochen Rindt et Richie Ginther ne puissent aligner des tours rapides, obtenant respectivement les troisième et quatrième meilleurs temps de la journée, assez loin toutefois des temps réalisés par les pilotes BRM. La modification ne pourra cependant être effectuée sur les Cooper privées, Guy Ligier et Joakim Bonnier ne pouvant utiliser que les trois premières vitesses à cause d'une démultiplication bien trop longue pour ce circuit. Bien que n'étant pas officiellement inscrit, Phil Hill, qui est en contrat avec la Metro-Goldwyn-Mayer pour la réalisation du film Grand Prix, a été autorisé à tourner, au volant d'une Lotus équipée d'une caméra frontale, en même temps que les participants de l'épreuve qu'il a gênés à maintes reprises[11] !
Pos. | Pilote | Écurie | Temps | Écart |
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1 | Jackie Stewart | BRM | 1 min 31 s 6 | |
2 | Graham Hill | BRM | 1 min 32 s 3 | + 0 s 7 |
3 | Jochen Rindt | Cooper-Maserati | 1 min 33 s 8 | + 2 s 2 |
4 | Richie Ginther | Cooper-Maserati | 1 min 34 s 7 | + 3 s 1 |
5 | Bruce McLaren | McLaren-Ford | 1 min 35 s 1 | + 3 s 5 |
6 | Joseph Siffert | Brabham-BRM | 1 min 35 s 1 | + 3 s 5 |
7 | Mike Spence | Lotus-BRM | 1 min 36 s 0 | + 4 s 4 |
8 | Jim Clark | Lotus-Climax | 1 min 36 s 1 | + 4 s 5 |
9 | Guy Ligier | Cooper-Maserati | 1 min 37 s 0 | + 5 s 4 |
10 | Joakim Bonnier | Cooper-Maserati | 1 min 39 s 0 | + 7 s 4 |
11 | Phil Hill | Lotus-Climax | 1 min 51 s 1 | + 19 s 5 |
Deuxième séance - vendredi 20 mai
Les essais reprennent le vendredi matin. Le ciel est légèrement couvert mais il fait déjà chaud et la piste est parfaitement sèche. Les deux Ferrari et les Brabham d'usine sont enfin arrivées. Surtees préférerait utiliser la petite Ferrari V6 plutôt que la puissante mais lourde V12 qui lui est attribuée, mais le directeur sportif de la Scuderia, Eugenio Dragoni, refuse cette possibilité à son premier pilote. Tournant sur le même rythme que Stewart, Le pilote britannique va parvenir à égaler le retour du tour, mais sera cependant battu d'une demi-seconde par son coéquipier Lorenzo Bandini (au volant de la V6). Ayant accompli un tour à 124,1 km/h de moyenne sur sa voiture de course avant d'essayer de nouveau la version 16 cylindres, Hill tiendra longtemps le haut de l'affiche mais en fin de séance Clark sort le grand jeu et, jetant littéralement sa Lotus dans les virages, bat de quatre dixièmes de secondes le temps du pilote BRM, réalisant une moyenne de 124,7 km/h. Brabham, qui étrenne un nouveau moteur de 300 chevaux, se consacre à sa mise au point. Il va relativement peu tourner, n'obtenant que le huitième temps, devancé d'une seconde par son coéquipier Denny Hulme qui n'a eu aucun souci avec son vieux moteur 4 cylindres. Meilleur représentant de l'équipe Cooper, Rindt s'est intercalé entre eux les deux Brabham d'usine.
Pos. | Pilote | Écurie | Temps | Écart |
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1 | Jim Clark | Lotus-Climax | 1 min 30 s 8 | |
2 | Graham Hill | BRM | 1 min 31 s 1 | + 0 s 3 |
3 | Lorenzo Bandini | Ferrari | 1 min 31 s 2 | + 0 s 4 |
4 | Jackie Stewart | BRM | 1 min 31 s 7 | + 0 s 9 |
5 | John Surtees | Ferrari | 1 min 31 s 7 | + 0 s 9 |
6 | Denny Hulme | Brabham-Climax | 1 min 31 s 8 | + 1 s 0 |
7 | Jochen Rindt | Cooper-Maserati | 1 min 32 s 2 | + 1 s 4 |
8 | Jack Brabham | Brabham-Repco | 1 min 32 s 8 | + 2 s 0 |
9 | Bruce McLaren | McLaren-Ford | 1 min 34 s 3 | + 3 s 5 |
10 | Richie Ginther | Cooper-Maserati | 1 min 34 s 4 | + 3 s 6 |
11 | Mike Spence | Lotus-BRM | 1 min 34 s 5 | + 3 s 7 |
12 | Guy Ligier | Cooper-Maserati | 1 min 35 s 9 | + 5 s 1 |
13 | Joseph Siffert | Brabham-BRM | 1 min 37 s 4 | + 6 s 6 |
14 | Joakim Bonnier | Cooper-Maserati | 1 min 37 s 5 | + 6 s 7 |
15 | Bob Anderson | Brabham-Climax | 1 min 39 s 3 | + 8 s 5 |
16 | Phil Hill | Lotus-Climax | 1 min 47 s 6 | + 16 s 8 |
Troisième séance - samedi 21 mai
La session du samedi après-midi va se dérouler dans des conditions parfaites, sous le soleil et avec une douceur printanière. Une deuxième Ferrari V12 est disponible mais, après avoir parcouru quelques tours à allure réduite à son volant, Bandini préfère se rabattre la version V6, mieux adaptée au tracé monégasque. Bob Bondurant va pouvoir étrenner sa BRM, enfin arrivée. Cette dernière séance va être très animée, les favoris se battant pour décrocher la meilleure place sur la grille. La casse d'un segment va ôter toute chance à Brabham de bien figurer, le pilote australien devant remonter en urgence son ancien moteur, moins puissant, avec lequel il n'accomplira que quelques tours. Occupé à défendre sa place, Hill va uniquement utiliser sa voiture de course, et la nouvelle BRM 16 cylindres ne prendra pas la piste. Le pilote anglais améliore de près d'une seconde sa performance de la veille, mais sera cependant battu d'un dixième de seconde par son coéquipier Stewart, tous deux étant devancés par Surtees (qui a attaqué comme un beau diable pour tirer le maximum de la lourde Ferrari V12) et par Clark, qui dans les tous derniers instants boucle un tour à près de 126 km/h de moyenne, s'octroyant une nouvelle pole position. Il s'élancera donc de la première ligne au côté de Surtees, devant les BRM de Stewart et Hill, Bandini et Hulme se partageant quant à eux la troisième ligne. Très mécontent du comportement de sa Cooper, Bonnier a essayé la deuxième Lotus de l'équipe Parnell (initialement destinée à Richard Attwood, retenu à Francorchamps), qui s'avéra encore plus lente ; le pilote suédois s'est donc résigné à utiliser sa Cooper en course.
Pos. | Pilote | Écurie | Temps | Écart |
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1 | Jim Clark | Lotus-Climax | 1 min 29 s 9 | |
2 | John Surtees | Ferrari | 1 min 30 s 1 | + 0 s 2 |
3 | Jackie Stewart | BRM | 1 min 30 s 3 | + 0 s 4 |
4 | Graham Hill | BRM | 1 min 30 s 4 | + 0 s 5 |
5 | Lorenzo Bandini | Ferrari | 1 min 30 s 5 | + 0 s 6 |
6 | Denny Hulme | Brabham-Climax | 1 min 31 s 1 | + 1 s 2 |
7 | Bob Anderson | Brabham-Climax | 1 min 32 s 5 | + 2 s 6 |
8 | Richie Ginther | Cooper-Maserati | 1 min 32 s 6 | + 2 s 7 |
9 | Bruce McLaren | McLaren-Ford | 1 min 32 s 8 | + 2 s 9 |
10 | Jochen Rindt | Cooper-Maserati | 1 min 33 s 4 | + 3 s 5 |
11 | Mike Spence | Lotus-BRM | 1 min 33 s 5 | + 3 s 6 |
12 | Jack Brabham | Brabham-Repco | 1 min 33 s 6 | + 3 s 7 |
13 | Joseph Siffert | Brabham-BRM | 1 min 34 s 4 | + 4 s 5 |
14 | Joakim Bonnier | Cooper-Maserati | 1 min 35 s 0 | + 5 s 1 |
15 | Guy Ligier | Cooper-Maserati | 1 min 35 s 2 | + 5 s 3 |
16 | Bob Bondurant | BRM | 1 min 37 s 3 | + 7 s 4 |
17 | Phil Hill | Lotus-Climax | 1 min 42 s 2 | + 12 s 3 |
Tableau final des qualifications
Pos. | Pilote | Écurie | Temps | Écart | Commentaire |
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1 | Jim Clark | Lotus-Climax | 1 min 29 s 9 | temps réalisé le samedi | |
2 | John Surtees | Ferrari | 1 min 30 s 1 | + 0 s 2 | temps réalisé le samedi |
3 | Jackie Stewart | BRM | 1 min 30 s 3 | + 0 s 4 | temps réalisé le samedi |
4 | Graham Hill | BRM | 1 min 30 s 4 | + 0 s 5 | temps réalisé le samedi |
5 | Lorenzo Bandini | Ferrari | 1 min 30 s 5 | + 0 s 6 | temps réalisé le samedi |
6 | Denny Hulme | Brabham-Climax | 1 min 31 s 1 | + 1 s 2 | temps réalisé le samedi |
7 | Jochen Rindt | Cooper-Maserati | 1 min 32 s 2 | + 2 s 3 | temps réalisé le vendredi |
8 | Bob Anderson | Brabham-Climax | 1 min 32 s 5 | + 2 s 6 | temps réalisé le samedi |
9 | Richie Ginther | Cooper-Maserati | 1 min 32 s 6 | + 2 s 7 | temps réalisé le samedi |
10 | Bruce McLaren | McLaren-Ford | 1 min 32 s 8 | + 2 s 9 | temps réalisé le samedi |
11 | Jack Brabham | Brabham-Repco | 1 min 32 s 8 | + 2 s 9 | temps réalisé le vendredi |
12 | Mike Spence | Lotus-BRM | 1 min 33 s 5 | + 3 s 6 | temps réalisé le samedi |
13 | Joseph Siffert | Brabham-BRM | 1 min 34 s 4 | + 4 s 5 | temps réalisé le samedi |
14 | Joakim Bonnier | Cooper-Maserati | 1 min 35 s 0 | + 5 s 1 | temps réalisé le samedi |
15 | Guy Ligier | Cooper-Maserati | 1 min 35 s 2 | + 5 s 3 | temps réalisé le samedi |
16 | Bob Bondurant | BRM | 1 min 37 s 3 | + 7 s 4 | temps réalisé le samedi |
17 | Phil Hill | Lotus-Climax | 1 min 42 s 2 | + 12 s 3 | temps réalisé le samedi |
Grille de départ
1re ligne | Pos. 1 | Pos. 2 | ||
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Clark Lotus 1 min 29 s 9 |
Surtees Ferrari 1 min 30 s 1 |
|||
2e ligne | Pos. 3 | Pos. 4 | ||
Stewart BRM 1 min 30 s 3 |
G. Hill BRM 1 min 30 s 4 | |||
3e ligne | Pos. 5 | Pos. 6 | ||
Bandini Ferrari 1 min 30 s 5 |
Hulme Brabham 1 min 31 s 1 |
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4e ligne | Pos. 7 | Pos. 8 | ||
Rindt Cooper 1 min 32 s 2 |
Anderson Brabham 1 min 32 s 5 | |||
5e ligne | Pos. 9 | Pos. 10 | ||
Ginther Cooper 1 min 32 s 6 |
McLaren McLaren 1 min 32 s 8 |
|||
6e ligne | Pos. 11 | Pos. 12 | ||
Brabham Brabham 1 min 32 s 8 |
Spence Lotus 1 min 33 s 5 | |||
7e ligne | Pos. 13 | Pos. 14 | ||
Siffert Brabham 1 min 34 s 4 |
Bonnier Cooper 1 min 35 s 0 |
|||
8e ligne | Pos. 15 | Pos. 16 | ||
Ligier Cooper 1 min 35 s 2 |
Bondurant BRM 1 min 37 s 3 |
Déroulement de la course
Le départ est donné à quinze heures le dimanche. Il fait chaud et le ciel est brumeux. Jim Clark effectue un démarrage parfait et prend un très léger avantage sur la Ferrari de John Surtees mais, au moment d'enclencher le deuxième rapport, la boîte de sa Lotus reste bloquée en première et le champion du monde se fait déborder de toutes parts ; lorsqu'il parvient enfin à sélectionner la deuxième vitesse, il compte déjà plusieurs secondes de retard sur la queue du peloton ! Entre-temps, Surtees a pris le commandement de la course devant la BRM de Jackie Stewart. Les deux hommes repassent dans cet ordre devant les stands, séparés de quelques dixièmes de seconde. Sur la deuxième BRM, Graham Hill est troisième, mais il est gêné par un embrayage qui a tendance à patiner[14] et n'est pas parvenu à rester dans le sillage de son coéquipier. Derrière, le reste du peloton est emmené par les Brabham de Denny Hulme et Bob Anderson. En dernière position, Clark accuse déjà plus de treize secondes de retard ; il est revenu dans les roues de la Cooper de Joakim Bonnier, en difficulté sur ce circuit à cause de rapports de boîte inadaptés[Note 8]. Au cours du deuxième tour, Richie Ginther, qui évoluait en milieu de peloton au volant de sa Cooper, effectue un tête-à-queue au virage du casino et repart dernier. Surtees et Rindt se détachent progressivement de Hill, tandis que Jochen Rindt (sur Cooper) a doublé Anderson et se rapproche rapidement de Hulme qu'il dépasse peu après, s'emparant de la quatrième place. En tête, Surtees doit attaquer en permanence pour maintenir sa lourde Ferrari devant l'agile BRM de Stewart, qui tourne sur le même rythme. Après cinq tours, l'écart entre les deux premiers est toujours d'une demi-seconde, Hill venant cinq secondes plus loin, maintenant menacé par Rindt qui se rapproche progressivement. Hulme est cinquième, loin devant la Ferrari de Lorenzo Bandini, revenue en sixième position après un mauvais départ. Remonté à la onzième place, Clark poursuit sa progression. Rindt profite des problèmes d'embrayage affectant la BRM de Hill pour prendre l'avantage sur le Britannique, le «piquant» au freinage du virage du Bureau de tabac au cours du huitième tour, et se retrouve troisième, à treize secondes du duo Surtees-Stewart. Clark est maintenant septième, plus de dix secondes derrière Bandini. Hulme déborde bientôt Hill, toujours en difficulté, et tente de se rapprocher de Rindt. Stewart est dans les roues de Surtees lorsque, au début du quinzième tour, celui-ci s'écarte pour laisser passer son adversaire ; le comportement de la Ferrari s'est subitement dégradé, et le pilote anglais ne tarde pas à rentrer au stand. Il en repartira après plusieurs minutes pour abandonner une boucle plus tard, différentiel hors d'usage. Hulme a également dû renoncer, arbre de transmission désaccouplé. Stewart se retrouve seul devant, avec vingt-cinq secondes d'avance sur Rindt et vingt-sept sur Hill, maintenant talonné par Bandini. Clark est désormais cinquième, onze secondes plus loin, ne parvenant pas à réduire son retard sur la Ferrari du pilote italien. À plus d'une minute de la BRM de tête, Jack Brabham est sixième précédant de peu la Lotus de Mike Spence et la Cooper de Ginther, mais le pilote-constructeur australien est depuis plusieurs tours en difficulté avec sa boîte de vitesses et va abandonner peu après, bloqué en quatrième.
Alors que Stewart contrôle la course, Bandini et Rindt se disputent la deuxième place, Hill suivant à quelques secondes. Malgré le handicap de son embrayage, il conserve une avance de sept secondes sur Clark tandis que beaucoup plus loin Ginther et Spence comptent déjà près d'un tour de retard. Calquant son allure sur celle de ses poursuivants, Stewart déborde Spence au cours de son vingt-troisième tour et Ginther trois boucles plus tard. Au trentième passage devant les tribunes, Stewart a très légèrement accru son avance sur Bandini (environ vingt-huit secondes), alors que Rindt commence à être handicapé par un problème de boîte de vitesses (la première saute par moments) ; il a perdu le contact avec la Ferrari et Hill est revenu dans ses roues. Une boucle plus tard, le Britannique (dont l'embrayage semble alors mieux fonctionner) a repris la troisième place et commence à grignoter son retard sur Bandini. Rindt se maintient quelques secondes devant Clark lorsqu'une baisse de puissance soudaine lui fait perdre quelques secondes, permettant au champion du monde de le rattraper et de s'emparer de la quatrième place. Stewart possède alors vingt-sept secondes d'avance sur Bandini et Hill, Clark étant huit secondes plus loin. Le pilote Lotus va alors aligner une série de tours très rapides, améliorant à plusieurs reprises le record de la piste et se rapprochant de Hill. À la mi-course, L'écart entre Stewart et Bandini n'a pas varié ; Hill a perdu le contact avec la Ferrari et n'a plus qu'une seconde d'avance sur Clark. Rindt, dont le moteur émet un bruit inquiétant, est vingt secondes plus loin et ne va pas tarder à abandonner. Pendant une dizaine de tours, Hill et Clark vont se livrer un duel serré pour la troisième place, le pilote BRM parvenant à se maintenir, malgré ses problèmes d'embrayage et un moteur qui désamorce dans la partie rapide du circuit[15], devant la Lotus. Clark finit pourtant par trouver l'ouverture au cours du soixante-et-unième tour, piquant son adversaire au freinage du virage de Sainte-Dévote. Il n'ira cependant pas beaucoup plus loin : à peine une minute plus tard, alors qu'il s'apprête à négocier l'épingle du Gazomètre, la suspension arrière gauche de sa monoplace se brise et il abandonne sur place. Hill récupère la troisième place, avec un tour d'avance sur Ginther. Déconcentré par la sortie de Clark, le Britannique commet une petite faute au virage de la gare, dérape et cale son moteur. Il va perdre une demi-minute avant de pouvoir repartir, ayant perdu toute chance de revenir sur Bandini mais conservant néanmoins plus d'un tour d'avance sur Ginther. Celui-ci s'est alors rapproché à seize secondes de Stewart, mais le pilote écossais parvient à contrôler son avance. La situation va rester pratiquement inchangée jusqu'au quatre-vingtième tour, avec un écart de dix-sept secondes entre les deux premiers. Toujours troisième, Hill, soucieux de ménager son embrayage, a cependant nettement levé le pied ; il est sur le point de se faire rattraper par son coéquipier. Très loin derrière, Ginther est toujours quatrième lorsque la casse de l'arbre de met un terme à sa course. Il ne reste alors plus que six voitures en piste, dont trois très attardées : la BRM de Bob Bondurant et les Cooper privées de Guy Ligier et de Joakim Bonnier, ces deux dernières ayant été immobilisées beaucoup trop longtemps au stand pour pouvoir être classées.
Bandini se montre de plus en plus rapide et améliore à plusieurs reprises le record du circuit. À dix tours de la fin, alors qu'il vient de porter le record à 126 km/h de moyenne, il ne compte plus que douze secondes de retard sur la monoplace de tête. Mais les freins avant de la Ferrari commencent à perdre de leur efficacité et le pilote italien doit relâcher son effort, laissant filer la BRM. Sans avoir à forcer, Stewart s'impose, franchissant la ligne avec quarante secondes d'avance sur son rival. Seuls les deux premiers terminent dans le même tour, Hill ayant considérablement ralenti en fin d'épreuve pour assurer sa troisième place. Bondurant se classe quatrième, mais avec cinq tours de retard sur le premier, alors que Ligier et Bonnier terminent mais n'ont accompli que les trois quarts de la distance prévue.
Classements intermédiaires
Classements intermédiaires des monoplaces aux premier, troisième, cinquième, huitième, dixième, quinzième, vingtième, trentième, quarantième, cinquantième, soixantième, soixante-dixième, quatre-vingtième et quatre-vingt-dixième tours[12].
Après 1 tour
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Après 3 tours
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Après 5 tours
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Après 8 tours
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Après 10 tours
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Après 15 tours
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Après 20 tours
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Après 30 tours
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Après 40 tours
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Après 50 tours (mi-course)
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Après 60 tours
|
Après 70 tours
|
Après 80 tours
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Après 90 tours
|
Classement de la course
Pos | N° | Pilote | Écurie | Tours | Temps/Abandon | Grille | Points |
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1 | 12 | Jackie Stewart | BRM | 100 | 2 h 33 min 10 s 5 | 3 | 9 |
2 | 16 | Lorenzo Bandini | Ferrari | 100 | 2 h 33 min 50 s 7 (+ 40 s 2) | 5 | 6 |
3 | 11 | Graham Hill | BRM | 99 | 2 h 34 min 33 s 5 (+ 1 tour) | 4 | 4 |
4 | 19 | Bob Bondurant | BRM | 95 | 2 h 34 min 33 s 8 (+ 5 tours) | 16 | 3 |
Abd. | 9 | Richie Ginther | Cooper-Maserati | 80 | Arbre de transmission | 9 | |
N.C. | 21 | Guy Ligier | Cooper-Maserati | 75 | 2 h 33 min 48 s 3 (non classé) | 15 | |
N.C. | 18 | Jo Bonnier | Cooper-Maserati | 73 | 2 h 34 min 48 s 9 (non classé) | 16 | |
Abd. | 4 | Jim Clark | Lotus-Climax | 60 | Suspension arrière | 1 | |
Abd. | 10 | Jochen Rindt | Cooper-Maserati | 56 | Moteur | 7 | |
Abd. | 14 | Jo Siffert | Brabham-BRM | 35 | Embrayage | 13 | |
Abd. | 6 | Mike Spence | Lotus-BRM | 34 | Suspension arrière | 12 | |
Abd. | 7 | Jack Brabham | Brabham-Repco | 17 | Boîte de vitesses | 11 | |
Abd. | 17 | John Surtees | Ferrari | 16 | Différentiel | 2 | |
Abd. | 8 | Denny Hulme | Brabham-Climax | 15 | Arbre de transmission | 6 | |
Abd. | 2 | Bruce McLaren | McLaren-Ford | 9 | Fuite d'huile | 10 | |
Abd. | 15 | Bob Anderson | Brabham-Climax | 3 | Moteur | 8 |
Légende :
- Abd.=Abandon
Pole position et record du tour
- Pole position : Jim Clark (Lotus) en 1 min 29 s 9 (vitesse moyenne : 125,940 km/h). Temps réalisé lors de la séance d'essais du samedi [8].
- Meilleur tour en course : Lorenzo Bandini (Ferrari) en 1 min 29 s 8 (vitesse moyenne : 126,080 km/h) au quatre-vingt-dixième tour.
Évolution du record du tour en course
Le meilleur tour fut amélioré dix-neuf fois au cours de l'épreuve[12].
- deuxième tour : John Surtees en 1 min 34 s 0 (vitesse moyenne : 120,447 km/h)
- deuxième tour : Jackie Stewart en 1 min 33 s 9 (vitesse moyenne : 120,575 km/h)
- troisième tour : John Surtees en 1 min 33 s 6 (vitesse moyenne : 120,962 km/h) - temps aussitôt égalé par Jackie Stewart
- cinquième tour : John Surtees en 1 min 33 s 4 (vitesse moyenne : 121,221 km/h) - temps égalé au sixième tour
- septième tour : John Surtees en 1 min 32 s 8 (vitesse moyenne : 122,004 km/h)
- septième tour : Jackie Stewart en 1 min 32 s 5 (vitesse moyenne : 122,400 km/h)
- huitième tour : John Surtees en 1 min 31 s 9 (vitesse moyenne : 123,199 km/h)
- dixième tour : John Surtees en 1 min 31 s 6 (vitesse moyenne : 123,603 km/h) - temps aussitôt égalé par Jackie Stewart
- douzième tour : John Surtees en 1 min 31 s 5 (vitesse moyenne : 123,738 km/h)
- douzième tour : Jackie Stewart en 1 min 31 s 4 (vitesse moyenne : 123,873 km/h)
- trentième tour : Lorenzo Bandini en 1 min 31 s 1 (vitesse moyenne : 124,281 km/h)
- trente-cinquième tour : Graham Hill en 1 min 30 s 9 (vitesse moyenne : 124,554 km/h) - temps égalé par Lorenzo Bandini au trente-huitième tour
- quarante-sixième tour : Jim Clark en 1 min 30 s 7 (vitesse moyenne : 124,829 km/h) - temps égalé au quarante-huitième tour
- quarante-neuvième tour : Jim Clark en 1 min 30 s 6 (vitesse moyenne : 124,967 km/h) - temps égalé par Clark au cinquantième tour, puis par Lorenzo Bandini aux cinquante-troisième et cinquante-quatrième tours
- cinquante-cinquième tour : Jim Clark en 1 min 30 s 5 (vitesse moyenne : 125,105 km/h) - temps égalé par Lorenzo Bandini et par Clark au cinquante-sixième tour
- Quatre-vingt-troisième tour : Lorenzo Bandini en 1 min 30 s 4 (vitesse moyenne : 125,243 km/h)
- Quatre-vingt-quatrième tour : Lorenzo Bandini en 1 min 30 s 2 (vitesse moyenne : 125,521 km/h)
- Quatre-vingt-septième tour : Lorenzo Bandini en 1 min 30 s 1 (vitesse moyenne : 125,660 km/h)
- Quatre-vingt-dixième tour : Lorenzo Bandini en 1 min 29 s 8 (vitesse moyenne : 126,080 km/h)
Tours en tête
- John Surtees : 14 tours (1-14)
- Jackie Stewart : 86 tours (15-100)
Classement provisoire du championnat à l'issue de la course
- Attribution des points : 9, 6, 4, 3, 2, 1 respectivement aux six premiers de chaque épreuve.
- Pour la coupe des constructeurs, même barème et seule la voiture la mieux classée de chaque équipe inscrit des points.
- Seuls les cinq meilleurs résultats sont comptabilisés[8].
Pos. | Pilote | Écurie | Points | MON |
BEL |
FRA |
GBR |
NL |
ALL |
ITA |
USA |
MEX |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1 | Jackie Stewart | BRM | 9 | 9 | ||||||||
2 | Lorenzo Bandini | Ferrari | 6 | 6 | ||||||||
3 | Graham Hill | BRM | 4 | 4 | ||||||||
4 | Bob Bondurant | BRM | 3 | 3 |
Statistiques
- 2e victoire en championnat du monde pour Jackie Stewart.
- 13e victoire en championnat du monde pour pour BRM en tant que constructeur.
- 13e victoire en championnat du monde pour pour BRM en tant que motoriste.
- 1er Grand Prix de Formule 1 pour l'écurie McLaren.
Ce Grand Prix est resté célèbre comme le Grand Prix de championnat du monde avec le moins de pilotes classés : seuls six participants atteignent l'arrivée, quatre seulement ayant accompli la distance minimale pour être classés, et les points réservés aux cinquième et sixième ne sont pas attribués. Le record du peu de pilotes à l'arrivée sera battu au Grand Prix de Monaco 1996 avec trois participants finissant la course, mais l'édition de 1966 conserve le record du peu de pilotes classés, car en 1996 sept pilotes le sont (tout participant ayant accompli au moins 90 % de la distance totale est classé, qu'il finisse la course ou non).
Notes et références
Notes
- En 1965, jack Brabham s'était procuré un lot de moteurs V8 Oldsmobile F85, dont le projet de lancement en série avorta. Il demanda alors à son partenaire Repco, fabricant de composants pour le marché automobile, de ramener la cylindrée de 3,5 litres à 3 litres pour les adapter à la nouvelle Formule 1.
- voiture utilisée lors de la séance d'essais du samedi par Joakim Bonnier (n° T18).
- voiture construite en 1965 mais utilisant la plaque d'identification d'une BT11 construite en 1964.
- Graham Hill a également testé des pneus Goodyear durant les essais.
- John Surtees a également testé des pneus Firestone durant les essais.
- voiture initialement engagée pour Richard Attwood (n° 5), testée par Joakim Bonnier lors de la séance d'essais du samedi.
- Voiture-caméra non engagée officiellement, utilisée pour le tournage du film Grand Prix.
- Alors que les rapports des deux Cooper d'usine ont pu être modifiés lors des essais, les Cooper privées ont conservé une démultiplication longue et, durant la course, Joakim Bonnier et Guy Ligier n'ont utilisé que les trois premières vitesses de leur boîte «cinq».
Références
- Johnny Rives, Gérard Flocon et Christian Moity, La fabuleuse histoire de la formule 1, Éditions Nathan, , 707 p. (ISBN 2-09-286450-5)
- Revue L'Automobile n°243 - juillet 1966
- Revue Sport Auto no 49 -
- Alex Rollo, The Monaco Grand Prix, Ian Allan Ltd, , 160 p. (ISBN 0-7110-1748-4)
- Rainer W. Schlegelmilch et Hartmut Lehbrink, Grand Prix de Monaco, Könemann, , 460 p. (ISBN 3-8290-0658-6)
- (en) Bruce Jones, The complete Encyclopedia of Formula One, Colour Library Direct, , 647 p. (ISBN 1-84100-064-7)
- (en) Mike Lang, Grand Prix volume 2, Haynes Publishing Group, , 260 p. (ISBN 0-85429-321-3)
- Alan Henry, Brabham : Les monoplaces de Grand Prix, Editions ACLA, , 285 p. (ISBN 2-86519-058-7)
- Christian Moity, « McLaren : 10 ans de Formule 1 », Revue L'Automobile, no 364,
- (en) Denis Jenkinson, « XXIV Monaco Grand Prix : The Wee Scot Win », Magazine MotorSport, no 6 Vol.XLII,
- (en) Autocourse : The Review of International Motor Sport 1966, Autocourse Publications Ltd, , 216 p.
- Edmond Cohin, L'historique de la course automobile, Editions Larivière, , 882 p.
- Graham Hill, Au seuil du danger, Solar, , 317 p.
- Revue Sport Auto no 55 -