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Georges Lamirand

Georges Lamirand, né à Toulouse, le et mort à Juvisy-sur-Orge, le est un ingénieur des Arts et manufactures et homme politique français. Il a été maire de La Bourboule (Puy-de-Dôme) de 1955 à 1971.

Georges Lamirand
Georges Lamirand en couverture d'une brochure de propagande vantant les chantiers de la jeunesse française du régime de Vichy, 1941.
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  94 ans)
Juvisy
Nationalité
Activités

Ingénieur, catholique « social »

Il reçut une éducation à la fois républicaine, par son père, et catholique, par sa mère. Son père Jean-Baptiste (1871-1959), d'esprit scientifique (reçu major de l'École normale supérieure), fut professeur agrégé (1894) de physique-chimie au Lycée de Toulouse, puis au Lycée Saint-Louis de Paris en 1904, avant d'être nommé inspecteur général de l'enseignement à 35 ans en 1910. Sa mère, Jeanne Guiraud, très pieuse, fréquentait les cercles dominicains. Après des études à Paris au Lycée Henri-IV (où il eut notamment pour condisciple et ami Léo Lagrange), il réussit le concours de Centrale (préparé pendant un an à Louis-le-Grand) en 1923 et devint Ingénieur des Arts et Manufactures (Promotion 1923), tout en passant une licence en droit de l'Université de Paris. Mobilisé en 1918, il servit peu de temps avant l'Armistice en tant qu'aspirant d'artillerie. Il obtint un premier poste d'Ingénieur aux Hauts-Fourneaux des Aciéries de Denain-Anzin et Béthune en 1923, puis à celles de Pompey en 1928, comme ingénieur principal (dans l'usine qui abrita la première section jociste de France). Très jeune, il milita dans les équipes sociales de Robert Garric, qui devait devenir son ami intime. Il devint vice-président du mouvement au niveau national[1]. Il y défendit l'action sociale, notamment en favorisant l'institution de cours du soir pour les travailleurs et d'une formation professionnelle pour les jeunes apprentis.

Par l'aumônier de la JEC de Nancy, le Père Lejosne, et Garric, il rencontra le maréchal Lyautey en 1926, et lui dédicaça un article destiné à La Revue des Jeunes de Garric sur le rôle social de l'ingénieur. Lyautey, qui l'avait invité à déjeuner, lui ordonna d'en faire un ouvrage, qu'il préfaça avec le directeur de Centrale. Dans ce livre publié en 1932 aux éditions de la Revue des jeunes dirigées par des Dominicains, Lamirand cite souvent le Père Sertillanges, son directeur de conscience et son ami. Ouvrage qui évoque son action aux aciéries de Pompey et dans lequel il exalte le rôle paternaliste de l’ingénieur. L’ingénieur, qui doit « servir et commander » se doit « d’aller dans la cité, au milieu de ses ouvriers, et de se mettre à leur disposition pour les conseiller, les aider, les instruire » car il « faut avec l’autorité et la douceur d’un chef de famille, panser le cœur qui saigne et raffermir le courage qui chancelle ». Son action sociale doit permettre le rapprochement des ouvriers et des chefs d’entreprise. Rapprochement qu’il prôna dans des articles, par exemple dans la revue des jésuites ou dans la Revue des jeunes, lors de meetings – celui des Amis de Sept en à la Mutualité par exemple - et lors des nombreuses conférences qu’il donna à travers la France. Telles celle donnée pour le Redressement français ou bien celle qu’il donna sous les auspices des Nouveaux cahiers, en , intitulée « Pour le rétablissement de relations confiantes entre patrons et ouvriers ». L’année précédente, il estimait dans une conférence à Reims que les contrats collectifs initiés par le Front populaire « doivent conduire à d’excellents résultats » mais que « l'équivoque politique et sociale » du Front populaire, du fait de son matérialisme, a conduit à « l’application sans préparation de réformes sociales excellentes en soi, mais qui auraient gagné à être étudiées et réalisées en dehors de toute menace révolutionnaire »[2].

Il a aussi militĂ© Ă  l’USIC (Union sociale des ingĂ©nieurs catholiques) et Ă  la ConfĂ©dĂ©ration française des professions (CFP) : il prĂ©sida la section de Melun de cette association patronale catholique lorsqu’il dirigea l’usine de la sociĂ©tĂ© Isidore Leroy (papiers peints) Ă  Ponthierry, près de Melun, vers 1934-1937[3]. Il livra un rapport sur l’organisation dans l’entreprise au comitĂ© d’élaboration du manifeste de la CFP de .

À la déclaration de guerre, en 1939, Lamirand, revenu à Paris comme directeur du personnel des Messageries Hachette, fut mobilisé comme officier d'artillerie (il eut le grade de commandant à l'Armistice). Raoul Dautry, ministre de l'Armement, le convoqua et le promut Ingénieur général, avec la mission de réorganiser très vite diverses unités. Dautry lui offrit ensuite le poste de directeur d'une usine de guerre de Moulins. Venant le visiter un jour en compagnie de Louis Renault, ce dernier, séduit par son efficacité, lui proposa de le nommer directeur de ses usines de Billancourt, ce qu'il accepta.

Secrétaire d'État à la jeunesse du gouvernement de Vichy

Georges Lamirand dans un chantier de la jeunesse française. Carte postale de propagande du régime de Vichy.

Il occupe ce poste ministériel du au dans les gouvernements Laval, Flandin et Darlan.

Lamirand ne reçut aucune consigne précise de la part de Pétain qui lui déclara d'entrée : « J'ai décidé de vous confier la jeunesse de France. D'après ce que je sais sur vous, vous connaissez les questions sociales et les problèmes de jeunesse. Ce que vous ferez, ce sera bien. La seule chose que je vous demande, c'est de me tenir au courant »[4]. S’il est demeuré pour un temps à son poste après le retour de Laval, ses collaborateurs ont été écartés et remplacés par des hommes d’Abel Bonnard et il s’est opposé à la mise en place d’une jeunesse unique de type totalitaire[5].

Lors de son procès, en , la Haute Cour reconnaît qu'il a tenté de protéger de jeunes israélites. Il aurait cherché à convaincre Pétain de partir pour l'Afrique du Nord au moment du débarquement des Alliés et de l'invasion de la zone Sud[6]. Le , il bénéficie d'un non-lieu[7].

Après guerre

Après son procès, il s'installe au Maroc, alors protectorat français, oĂą il fonde et dirige une sociĂ©tĂ© d'investissements, SIGMA (Études, investissements et gestion au Maroc)[8]. Il a militĂ© avec le banquier FĂ©lix Nataf et AndrĂ© de Peretti, Ă  l’association les AmitiĂ©s marocaines, Ă  Paris et au Maroc, jusqu’à l’indĂ©pendance en 1956. Ă€ l’origine association apolitique fondĂ©e par Nataf en 1951, rassemblant des musulmans, des juifs et des chrĂ©tiens, cette petite association s’est mĂŞlĂ©e de politique, dans la mouvance des « libĂ©raux Â» au Maroc[9]. Il est restĂ© fidèle Ă  ses convictions. On le trouve ainsi impliquĂ© dans l’ouvrage collectif paru en 1953 et dirigĂ© par le Père assomptionniste Fulbert CayrĂ©, Dieu vit en l’homme – il rĂ©dige le chapitre IX sur la « responsabilitĂ© personnelle des employeurs Â» - aux cĂ´tĂ©s de Gaston Tessier et de Jean de Fabrègues notamment. Son livre de 1932, rĂ©Ă©ditĂ© en 1937, est une nouvelle fois rĂ©Ă©ditĂ© en 1954. Il est recrutĂ© comme P-DG de la SociĂ©tĂ© Lamirand et Cie en par Jean Capelle (homme politique) pour donner des cours Ă  l'Institut national des sciences appliquĂ©es de Lyon[10]. Lamirand a Ă©tĂ© aussi l’un des intervenants au CUCES de Nancy (Centre universitaire de coopĂ©ration Ă©conomique et sociale), fondĂ© par Capelle lorsqu’il fut recteur de l’acadĂ©mie de Nancy (1949-54) pour complĂ©ter la formation des Ă©lèves-ingĂ©nieurs et assurer le perfectionnement des ingĂ©nieurs. Il fut chargĂ© en 1958 de tirer les conclusions des stages ouvriers des Ă©lèves ingĂ©nieurs, dont ceux de l’ENSEM. La prĂ©sence de Lamirand, du fait de son passĂ© vichyste, aurait suscitĂ© certaines rĂ©serves dans certaines Ă©coles[11].

Il a Ă©tĂ© l'un des vice-prĂ©sidents fondateurs du Centre d'Ă©tudes politiques et civiques, club de rĂ©flexion associant des patrons chrĂ©tiens et des intellectuels pĂ©tainistes - dont RenĂ© Gillouin et Louis Salleron - fondĂ© en 1954 et pour lequel il donna des confĂ©rences en province, notamment Ă  Bordeaux. Élu conseiller municipal « rĂ©publicain indĂ©pendant » de La Bourboule en 1955 Ă  la faveur d'une Ă©lection municipale partielle pour remplacer le maire dĂ©cĂ©dĂ©, il est dans la foulĂ©e Ă©lu maire et exerce ce mandat jusqu'en 1971[12]. Il prĂ©side aussi la FĂ©dĂ©ration thermale d'Auvergne[13].

Son témoignage sur Vichy apparaît dans le documentaire Le Chagrin et la Pitié alors qu’il est encore maire de La Bourboule. Il a été président de l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain du à [14] ; il est désigné à cette date président d'honneur et le reste jusqu'à sa mort.

Vie privée

Sa fille Geneviève épouse en 1955 Jean-Marie Bastien-Thiry (1927-1963)[15].

Publications

  • 1932 : Georges Lamirand, Le rĂ´le social de l'ingĂ©nieur : scènes de la vie d'usine, Éditions de la Revue des jeunes, 255 p. Prix Fabien de l’AcadĂ©mie française en 1933
  • 1941 : Georges Lamirand, Messages Ă  la jeunesse, F. Sorlot, 60 p. (Volume 8 de Cahiers français)

Notes et références

  1. Yves Cohen, RĂ©mi Baudoui, Les chantiers de la paix sociale : 1900-1940, ENS Ă©ditions, 1995 : cf. les communications d’AndrĂ© Grelon, « L’ingĂ©nieur catholique et son rĂ´le social Â», et surtout de RĂ©mi Baudoui, « Un technicien social du service public, Raoul Dautry (du chemin de fer de l’État au CEA) Â». Les Équipes sociales ont Ă©tĂ© fondĂ©es par Garric en 1920 et visent Ă  constituer une Ă©lite sociale et Ă  former la population ouvrière.
  2. Henri Lasserre, Le pouvoir de l’ingĂ©nieur, L’Harmattan, 1989, p. 24 ; Bulletin du diocèse de Reims, 3-4-1937 : sĂ©ance du secrĂ©tariat social, Ă  destination des syndiquĂ©s de la CFTC, confĂ©rence de Lamirand, « les chrĂ©tiens bâtisseurs de l’ordre nouveau Â». Cf. aussi GĂ©rard Reyre, Évaluation du personnel : histoire d’une mal-posture, L’Harmattan, 2007, p. 81-82, Le Figaro, 20-6-1937, Eudes, octobre 1933, Bulletin de la chambre de commerce de Paris, 2-11-1935 ; La Croix, 11-8-1936, 29-12-1936, 17-12-1938, Sept, 27-11-1936, 25-6-1937
  3. Cf. La manufacture de papiers peints Leroy, collection Parcours du patrimoine, région Ile-de-France, 2009, n° 353
  4. Michel Bergès 1997.
  5. Cf. notamment Jérôme Cotillon, "Jeunesses maréchaliste et collaborationniste dans la France de Vichy", dans Matériaux pour l'histoire de notre temps, 2004, vol. 74
  6. Témoignage de Lamirand sur sa visite au maréchal le 9 novembre 1942, remis en avril 1983 à Jean Borotra, in Jacques Le Groignec ( alors président de l’ADMP ), Pétain et les Américains, NEL, 1996, p. 325
  7. Le Monde, 26/7/1947: il est relevĂ© de l'indignitĂ© nationale pour faits de rĂ©sistance : il aurait hissĂ© le drapeau tricolore au faĂ®te des usines Renault en aoĂ»t 1944 sous le feu des SS...
  8. Il est administrateur de la société Vermiculite Maroc ( société anonyme fondée en août 1952 à Casablanca, au capital de 6 millions de francs )
  9. FĂ©lix Nataf, TĂ©moignage d’action au Maroc, 1950-1956 : les AmitiĂ©s marocaines, 1957, L’indĂ©pendance du Maroc, Plon, 1975,  Juif maghrĂ©bin : une vie au Maghreb racontĂ©e Ă  ma fille, Fayolle, 1978, AndrĂ© de Peretti, L’indĂ©pendance du Maroc et la France, 1947-1956 : mĂ©moires et tĂ©moignage, 2006 ; HervĂ© Bleuchot, Les libĂ©raux français au Maroc, 1947-1955, Ed. de l’UniversitĂ© de Provence, 1973 ; Camille Brugidou-RĂ©chard, Cinq annĂ©es au Maroc : Une jeune Niortaise dĂ©couvre le Maroc de 1951 Ă  1956, L’Harmattan, 2005, p. 124 et 217-218
  10. Les Cahiers du CEPEC, n° 33: conférence de Capelle en 1967 donnée au CEPEC, avec une allocution de Lamirand, Georges-Paul Menais, Géographie industrielle de Lyon, vol. 1, Hachette, 1958, p. 303 ( Il évoque Lamirand et d’autres patrons ou administrateurs de la région lyonnaise, chargés de cours, comprenant de 25 à 50 auditeurs )
  11. François Birck, « L’IEN et les milieux industriels ( 190-1960 ) Â», in François Birck et AndrĂ© Grelon, Un siècle de formation des ingĂ©nieurs Ă©lectriciens. Ancrage local et dynamique europĂ©enne, l’exemple de Nancy, Ed. MSH, 2006, p. 184-187.
  12. Le Monde, 15/3/1955, Le Monde, 18/3/1955
  13. Le Monde, 17/4/1961, G. Lamirand, "Renouveau du thermalisme en Auvergne", 13/4/1964, G. Lamirand, "Centre incomparable de santé et de détente", 21/9/1966, 23/9/1968
  14. Le Monde, 25/7/1981, Le Monde, 5/5/1982
  15. Lacouture 2010, p. 274-275.

Bibliographie

  • Jean Lacouture, Charles de Gaulle – Le souverain 1959-1970, t. 3, Paris, Seuil, coll. « Biographie », , 2e Ă©d. (1re Ă©d. 1986), 865 p. (ISBN 978-2-02-103090-7 et 2021030903). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Pierre Giolitto, Histoire de la jeunesse sous Vichy, Paris, Perrin, , 698 p. (ISBN 978-2-262-00800-0, OCLC 23732418),
  • Michel Bergès (prĂ©f. Jean-Louis Loubet Del Bayle), Vichy contre Mounier : les non-conformistes face aux annĂ©es 40, Paris, Economica, , 406 p. (ISBN 978-2-7178-3343-0, OCLC 416932517).
  • Yves Cohen et RĂ©mi BaudouĂŻ, Les Chantiers de la paix sociale (1900-1940), Fontenay-aux-Roses (France), ENS Fontenay/Saint-Cloud, coll. « SociĂ©tĂ©s, espaces, temps », , 335 p. (ISBN 978-2-902126-16-3, OCLC 34705578, lire en ligne).

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