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Geltungsjude

Geltungsjude[1] est une catĂ©gorie raciale qui avait cours dans l’Allemagne nazie.

Bien que le concept de Geltungsjude ne figure en tant que tel ni dans les lois de Nuremberg, ni dans le premier dĂ©cret d’exĂ©cution (Erste Verordnung) de la loi sur la citoyennetĂ© allemande (ReichsbĂŒrgergesetz) du , ce terme Ă©tait nĂ©anmoins d’usage courant et servait Ă  dĂ©signer la fraction des Mischlinge (sangs-mĂȘlĂ©s[2]) qui Ă©taient Ă  considĂ©rer par dĂ©finition comme des juifs Ă  part entiĂšre, Ă  la diffĂ©rence des personnes qui aux termes du dĂ©cret d’exĂ©cution Ă©taient cataloguĂ©s comme Mischlinge juifs.

DĂ©finition

Dans le susmentionnĂ© premier dĂ©cret d’exĂ©cution de la loi sur la citoyennetĂ© allemande, le groupe de ceux appelĂ©s ultĂ©rieurement Geltungsjuden Ă©tait dĂ©fini au §5(2) ainsi que suit :

« Sera également à considérer comme juif tout Mischling juif descendant de deux grands-parents juifs,
a) qui [
] appartient à la communauté religieuse juive [
],
b) qui au moment de la promulgation de la loi était marié à un juif [
],
c) qui est issu d’un mariage avec un juif [
] conclu aprùs [
] le 15 septembre 1935[3],
d) qui est issu d’une union extraconjugale avec un juif [
] et nĂ© illĂ©gitimement aprĂšs le 31 juillet 1936. »

Toute personne rĂ©pondant Ă  cette dĂ©finition Ă©tait rĂ©putĂ© juif (gilt als Jude) pour les autoritĂ©s nazies, d’oĂč la dĂ©nomination de Geltungsjude. Le concept de Geltungsjude fut dĂ©fini comme suit dans un Meldung aus dem Reich (communiquĂ© secret Ă©tabli Ă  l’intention des hauts fonctionnaires par les services de renseignements et informant sur les sentiments de la population allemande) du , en l’espĂšce destinĂ© Ă  rendre compte des effets produits par l’obligation du port de l’étoile jaune[4] :

I. Portent le signe distinctif :
1. Juifs Ă  part entiĂšre (Volljuden, ayant 4 ou 3 grands-parents juifs)
2. Demi-juifs (Halbjuden), Mischlinge du premier degré éduqués dans la foi mosaïque, les dénommés Geltungsjuden.

Le concept lĂ©gal de Mischling juif Ă©tait rĂ©servĂ© aux demi-juifs et quarts de juif qui « n’inclinaient pas vers le judaĂŻsme », ce qui Ă©tait le cas lorsque le conjoint juif d’un mariage mixte n’appartenait pas Ă  la communautĂ© religieuse juive et que les enfants lĂ©gitimes Ă©taient Ă©levĂ©s chrĂ©tiennement. De telles unions Ă©taient qualifiĂ©es de « mariages mixtes privilĂ©giĂ©s », et Ă  ce titre le conjoint juif au plein sens du terme (Volljude) se trouvait dispensĂ© du port de l’étoile de David, moyennant que le couple eĂ»t des enfants.

Conséquences

Ni les juifs, ni les Geltungsjuden qui leur Ă©taient juridiquement assimilĂ©s, ne pouvaient prĂ©tendre Ă  la citoyennetĂ© du Reich (ReichsbĂŒrgerschaft) et ne jouissaient pas du droit de vote politique. Les Geltungsjuden Ă©taient assujettis aux mĂȘme dispositions discrimininatoires et aux mĂȘmes sanctions que les juifs au plein sens du terme.

Il Ă©tait interdit aux Geltungsjuden de contracter mariage avec un quart de juif.

Au moment de la dĂ©portation dans juifs allemands, les Geltungsjuden ne furent pas inquiĂ©tĂ©s dans un premier temps, voire seront Ă©pargnĂ©s, pour autant qu’ils n’étaient pas eux-mĂȘmes mariĂ©s Ă  un Volljude. En 1942, lors de la confĂ©rence de Wannsee, il fut dĂ©battu de la question de savoir si le politique d’anĂ©antissement devait s’appliquer aussi Ă  tous les Geltungsjuden ; Wilhelm Stuckart fit valoir qu’entre-temps plus de 3000 Geltungsjuden avaient sur leur demande vu leur statut changĂ© en Mischling juif, et toutes ces dĂ©cisions administratives, dĂ»ment autorisĂ©es par Hitler conformĂ©ment au §7 du premier dĂ©cret d’exĂ©cution du ReichsbĂŒrgergesetz, apparaĂźtraient totalement incomprĂ©hensibles si dans le mĂȘme temps les Geltungsjuden devaient tous dorĂ©navant ĂȘtre dĂ©portĂ©s sans exception[5].

DĂ©rogations

En 1939, 330 000 juifs et 64 000 Mischlinge juifs de premier degrĂ©, 7 000 Geltungsjuden et 42 000 Mischlinge juifs de second degrĂ© (n’ayant qu’un seul grand-parent juif) vivaient encore en Allemagne[6]. Aux termes du §7 du premier dĂ©cret d’exĂ©cution[7], Hitler s’était rĂ©servĂ© personnellement le droit de consentir ou non Ă  ce qu’il fĂ»t dĂ©rogĂ© aux critĂšres de catĂ©gorisation comme juif, resp. comme Geltungsjude ou Mischling juif.

Attestation de sang allemand et obtention d’un statut supĂ©rieur

Les demandes en vue d’accĂ©der Ă  un statut racial supĂ©rieur ou Ă  la catĂ©gorisation comme aryen Ă©taient prĂ©alablement examinĂ©es par plusieurs instances compĂ©tentes, avant que le ministĂšre de l’IntĂ©rieur ne statue, en concertation avec la chancellerie du NSDAP, sur l’opportunitĂ© de communiquer la demande Ă  la chancellerie du Reich. Hans Heinrich Lammers soumettait ensuite les requĂȘtes au FĂŒhrer en personne[8]. Sur les plus de 10 000 demandes de recatĂ©gorisation (Besserstellung), seules quelques rares demandes aboutirent. La participation des requĂ©rants Ă  la PremiĂšre Guerre mondiale, leurs mĂ©rites politiques au service du Mouvement, leur apparence raciale et l’évaluation caractĂ©rielle constituaient Ă  cet Ă©gard des critĂšres dĂ©terminants.

Jusqu’à 1941, 260 Mischlinge juifs de premier degrĂ© avaient obtenu d’ĂȘtre assimilĂ©s Ă  une personne de sang allemand (DeutschblĂŒtiger). De telles attestations de sang allemand (DeutschblĂŒtigkeitserklĂ€rungen, certificats de catĂ©gorisation au sens du premier dĂ©cret relatif au ReichsbĂŒrgergesetz du ) Ă©taient dressĂ©es, Ă  l’issue de la procĂ©dure de demande, par l’Office gĂ©nĂ©alogique du Reich (Reichsstelle fĂŒr Sippenforschung). De tels certificats n’étaient dĂ©livrĂ©s qu’en nombre extrĂȘmement limitĂ©.

Il n’y eut en tout que deux cas oĂč des Volljuden virent leur requĂȘte satisfaite et obtinrent une rĂ©Ă©valution de leur statut racial. Dans 1300 cas, le requĂ©rant fut recatĂ©gorisĂ© de Geltungsjude Ă  Mischling juif[9]. L’historienne Beate Meyer cependant tient des chiffres plus Ă©levĂ©s pour plus vraisemblables[10]. Uwe Dietrich Adam cite une lettre de Wilhelm Stuckart, datĂ©e de l’annĂ©e 1942, dans laquelle celui-ci fait Ă©tat de ce que jusque-lĂ  3000 Geltungsjuden s’étaient vu octroyer le statut de demi-juif (c’est-Ă -dire de Mischling juif de premier degrĂ©)[11].

Beate Meyer signale une consigne de simplification administrative du enjoignant de cesser, pour la durĂ©e de la guerre, de donner suite aux requĂȘtes de ce type visant Ă  obtenir une catĂ©gorisation plus favorable ou de les traiter[12]. Apparemment, des demandes venant de Geltungsjuden continuĂšrent nĂ©anmoins d’ĂȘtre examinĂ©es[13].

Aryens d’honneur

Toujours dans l’ordre des dĂ©rogations et recatĂ©gorisations, on relĂšve la mention faite occasionnellement d’une « nomination au rang d’aryen d'honneur » (Ernennung zum Ehrenarier)[14]. Beate Meyer n’utilise le terme d’Ehrenarier qu’incidemment, en rapport avec quelques cas d’exception, oĂč des « compagnons de route mĂ©ritoires » (verdiente WeggefĂ€hrten) ayant des ascendances juives s’étaient adressĂ©s, directement ou par le biais d’un intercesseur de haut rang, Ă  la Chancellerie du NSDAP, ou personnellement Ă  Hitler, et avaient ainsi rĂ©ussi Ă  obtenir, hors procĂ©dure formelle, une amĂ©lioration de leur statut[15]. Les auteurs Steiner et Cornberg font observer que la catĂ©gorie aryen d’honneur n’avait pas d’existence officielle et Ă©tait seulement d’usage dans la langue courante[16].

À l’époque, la rumeur s’était rĂ©pandue que l’officier supĂ©rieur d’aviation Erhard Milch Ă©tait un demi-juif et avait Ă©tĂ© fait aryen d’honneur par Hermann Göring ; effectivement, ses ascendances avaient Ă©tĂ© Ă©valuĂ©es par l’Office gĂ©nĂ©alogique du Reich. Karl Kaufmann, Gauleiter de Hambourg, dĂ©clara pour aryens les deux beaux-enfants demi-juifs d’un demandeur protĂ©gĂ© par lui, en rĂ©compense de quoi il reçut un don considĂ©rable au bĂ©nĂ©fice d’une fondation qu’il dirigeait personnellement[17]. Joseph Goebbels accorda Ă  plus de 275 artistes considĂ©rĂ©s comme mĂ©langĂ©s de juif ou comme Mischlinge une licence spĂ©ciale leur permettant de poursuivre leur activitĂ© professionnelle, mais n’impliquant pour autant aucune amĂ©lioration formelle de leur statut.

Bibliographie

  • John M. Steiner, Jobst Freiherr von Cornberg, WillkĂŒr in der WillkĂŒr. Befreiung von den antisemitischen NĂŒrnberger Gesetzen, dans : Vierteljahrshefte fĂŒr Zeitgeschichte, no 46 (1998), cahier no 1, p. 162, PDF consultable en ligne
  • Wilhelm Stuckart, Hans Globke, Kommentare zur deutschen Rassengesetzgebung, tome 1, Munich et Berlin, 1936.
  • Bundesminister der Justiz (Ă©d.), Im Namen des Deutschen Volkes. Justiz und Nationalsozialismus, catalogue de l’exposition, Cologne, Ă©d. Wissenschaft und Politik, 1989. (ISBN 3-8046-8731-8) (tableaux de la p. 115.).
  • Maria von der Heydt: Wer fĂ€hrt denn gerne mit dem Judenstern in der Straßenbahn? – Die Ambivalenz des ‚geltungsjĂŒdischen‘ Alltags zwischen 1941 und 1945, dans : Doris Bergen, Andrea Löw (Ă©d.), Der Alltag im Holocaust: JĂŒdisches Leben im Großdeutschen Reich 1941–1945, Munich, Ă©d. Oldenbourg, 2013, p. 65–79. (ISBN 978-3-486-70948-3).

Liens externes

Notes et références

  1. Mot composĂ© de Jude, juif, et de Geltung, substantif dĂ©rivĂ© du verbe gelten, valoir, Ă©quivaloir (d’oĂč le dĂ©verbal Geld, argent au sens pĂ©cuniaire du terme). Geltungsjude pourrait donc se traduire par personne Ă©quivalant Ă  un juif Ă  part entiĂšre. Le mot Jude est un masculin faible, c’est-Ă -dire qu’il prend la forme Jude au nominatif singulier, et Juden dans tous les autres cas, singulier et pluriel.
  2. Der Mischling au singulier, die Mischlinge au pluriel.
  3. Rem.: cette disposition rendait impossible le contournement de la loi par un mariage contractĂ© Ă  l’étranger ; en Autriche s’appliquera une autre date d’entrĂ©e en vigueur.
  4. Heinz Boberach, Meldungen aus dem Reich 1938–1945, Ă©d. Manfred Pawlak Verlagsgesellschaft, Herrsching 1984, tome 8, p. 3246 (ISBN 3-881-99158-1)
  5. Beate Meyer, „JĂŒdische Mischlinge“. Rassenpolitik und Verfolgungserfahrung 1933–1945, 2e Ă©d., Ă©d. Dölling und Galitz, Hambourg 2002, p. 105. (ISBN 3-933-37422-7)
  6. Beate Meyer, „JĂŒdische Mischlinge“, p. 162.
  7. Texte du premier dĂ©cret relatif au ReichsbĂŒrgergesetz (1935).
  8. John M. Steiner & Jobst Freiherr von Cornberg, WillkĂŒr in der WillkĂŒr. Befreiung von den antisemitischen NĂŒrnberger Gesetzen, dans : Vierteljahrshefte fĂŒr Zeitgeschichte, no 46 (1998), p. 147–148. (PDF)
  9. John M. Steiner & Jobst F. v. Cornberg, WillkĂŒr in der WillkĂŒr. Befreiung von den antisemitischen NĂŒrnberger Gesetzen, indique un taux d’agrĂ©ation des demandes de 6 %.
  10. Beate Meyer, „JĂŒdische Mischlinge“, p. 105, 108 et 157.
  11. Uwe Dietrich Adam, Judenpolitik im Dritten Reich, facsimilĂ© DĂŒsseldorf 2003, p. 228. (ISBN 3-7700-4063-5)
  12. Beate Meyer, „JĂŒdische Mischlinge“, p. 105. Cependant, dans l’ouvrage Ă©ditĂ© par Manfred Wichman (dir.), JĂŒdisches Leben in Rotenburg, Ă©d. PD-Verlag, Heidenau 2010, (ISBN 978-3- 86707-829-0), p. 53, se trouve reproduit un document portant la date du 17 avril 1944 relatif Ă  une « Exemption des prescriptions contenues dans le §5, alinĂ©a 2, du 1er dĂ©cret relatif au ReichsbĂŒrgergesetz »'.
  13. John M. Steiner & Jobst Freiherr von Cornberg, WillkĂŒr in der WillkĂŒr. Befreiung von den antisemitischen NĂŒrnberger Gesetzen, dans : Vierteljahrshefte fĂŒr Zeitgeschichte, no 46 (1998), p. 152.
  14. Wolfgang Benz (dir.), EnzyklopÀdie des Nationalsozialismus, 5e éd., Beck, Munich 2007, p. 483. (ISBN 978-3-423-34408-1)
  15. Beate Meyer, „JĂŒdische Mischlinge“, p. 152.
  16. John M. Steiner & Jobst Freiherr von Cornberg, WillkĂŒr in der WillkĂŒr. Befreiung von den antisemitischen NĂŒrnberger Gesetzen, p. 162.
  17. Beate Meyer, „JĂŒdische Mischlinge“, p. 155.
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