Gérard Lhéritier
Gérard Lhéritier, né le à Nancy, est un homme d’affaires français, fondateur et président de la société Aristophil (aujourd'hui dissoute), et du Musée des lettres et manuscrits à Paris (fermé), mis en examen pour blanchiment et escroquerie en bande organisée[1] - [2] - [3].
Biographie
Issu d’une famille modeste (père artisan et mère employée), Gérard Lhéritier est autodidacte. Il grandit en Meuse, à Void-Vacon, puis vit à Strasbourg jusqu’en 1984 avant de s’installer à Nice.
Après une première carrière dans l’armée, il travaille dans la gestion de patrimoine et l'industrie du diamant, activité qui se termine en banqueroute[4]. Au début des années 1980, il découvre par hasard chez le marchand de timbres Roumet de la rue Drouot, une petite lettre portant la mention « par ballon monté », alors qu’il cherche pour son fils, philatéliste en herbe, un timbre rare[5]. Cette découverte l’amène à se documenter sur la communication via les ballons montés et les boules de Moulins. Il publie en 1995 un roman intitulé Les Ballons de la liberté à propos de cet épisode.
Aristophil et le Musée des lettres et manuscrits
Gérard Lhéritier fonde en 1990 la société Aristophil, spécialisée dans l’achat, la vente et l’expertise de lettres et manuscrits. En 2005, Aristophil ouvre une filiale en Belgique puis trois autres en Suisse, en Autriche et à Hong-Kong en 2011. Parallèlement à cette activité, Gérard Lhéritier crée en 2004 le Musée des lettres et manuscrits et rachète en 2006 le trimestriel Plume, consacré au patrimoine de l’écrit.
Les principales caractéristiques du système Aristophil se résument ainsi : ayant constaté sur une longue période (20 ans), l’appréciation de l'ordre de 10 % par an d’une centaine de manuscrits significatifs, Gérard Lhéritier a imaginé qu’il pouvait acheter à grande échelle des manuscrits et les vendre en indivision. Ainsi les acquéreurs étaient-ils propriétaires d’une part du document. Cette augmentation significative du nombre de propriétaires payant un ticket d’entrée moins lourd permettait de cibler une autre clientèle. Gérard Lhéritier ne garantissait ni rendement, ni plus value. En revanche, en cas de cession à un tiers de leurs parts par les indivisaires, ils avaient l'obligation de lui proposer l’achat au préalable à un prix convenu, incorporant la plus value éventuelle de ce type de documents. Ce chiffre se situant aux alentours de 8% au bout de huit ans, certains CGP (conseillers en gestion de patrimoine) ont pu tenter de le faire miroiter comme un véritable rendement à certains acquéreurs. À ce jour, deux courtiers ont ainsi été condamnés en première instance (sur environ 40 000 clients).
Le Musée des lettres et manuscrits, situé au 222 boulevard Saint-Germain, présente un millier de documents extraits d’un fonds de 135 000 pièces[6] parmi lesquels les deux Manifestes du surréalisme d’André Breton, la dernière correspondance d'Antoine de Saint-Exupéry, le manuscrit d’Albert Einstein ayant mené à la théorie de la relativité ou le testament de Louis XVI[7]. Un programme régulier d’expositions temporaires thématiques ou monographiques y complète les collections permanentes (histoire, art, littérature, musique, sciences et découvertes). Aucune institution en Europe, publique ou privée, ne met autant de manuscrits à la disposition du public[8]. Le Musée ferme en 2015 à la suite des problèmes judiciaires rencontrés par la société Aristophil, qui ont conduit à un jugement de liquidation[9].
En , Gérard Lhéritier ouvre un second Musée des lettres et manuscrits à Bruxelles, dans les galeries royales Saint-Hubert[10] ; le musée bruxellois ferme définitivement ses portes trois ans plus tard, en .
Soupçons, mises en examen et renvoi en correctionnelle
Le , Gérard Lhéritier est officiellement soupçonné d'escroquerie en bande organisée[11] dans le cadre des activités de sa société Aristophil. Celle-ci est placée en redressement judiciaire le [12] et sa mise en liquidation est publiée dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc)[13] du .
Le , Gérard Lhéritier est mis en examen pour « pratiques commerciales trompeuses, escroquerie en bande organisée, blanchiment, abus de confiance, abus de biens sociaux, et présentation de comptes infidèles[14] ».
La saisie de l'ensemble des comptes bancaires personnels, familiaux et professionnels d’une part, l’importance de la diffusion par les pouvoirs publics des chefs d’inculpation d’autre part et la reprise médiatique en boucle de la mise à jour d’un « Madoff français » conduisent le Tribunal de commerce à constater au bout de deux mois la liquidation judiciaire des sociétés de Gérard Lhéritier.
Fin , Patrick Poivre d'Arvor est placé en garde à vue et interrogé dans le cadre de cette affaire d'escroquerie en bande organisée[15].
En , le notaire Jérôme Gautry est mis en examen pour complicité de pratiques commerciales frauduleuses[16].
Fin 2017 débutent avec moult complications les premières ventes des biens saisis. Il est à noter que les biens de Gérard Lhéritier ont été saisis et la collection d’Aristophil dispersée alors qu’il n’a pas fait l’objet ni d’un renvoi en correctionnelle ni d’un jugement pénal et qu’il est donc, plus de six ans après les perquisitions, saisies et liquidations, présumé innocent.
Gérard Lhéritier, comme les autres dirigeants d'Aristophil Belgique, Christel Hautecoeur et Axel Schmidgall, fait l'objet, en juillet 2022, d'un renvoi en correctionnelle à la suite d'une réquisition du parquet général belge pour y répondre des chefs de « de faux en écritures authentiques et publiques, de faux nom, d'abus de biens sociaux et de dissimulation d'avantages patrimoniaux »[17].
Gagnant de l'Euro Millions ?
Le , Charlie Hebdo révèle que Gérard Lhéritier a gagné près de 170 millions d’euros au tirage de l’Euro Millions du [18] - [19]. Cette information est reprise ensuite par d'autres médias[20] - [21], l'information étant sortie à la suite de l'enquête policière sur Aristophil.
Avant ces révélations, la Française des jeux avait seulement indiqué lors du gain que le ticket gagnant avait été acheté à La Trinité dans les Alpes-Maritimes, donc non loin du domicile de Gérard Lhéritier. Un an plus tard, le gagnant avait donné une interview à un journaliste de Nice Matin, Grégory Leclerc, sans que ce journal ne révèle son nom mais il y était précisé que l'homme était âgé de 65 ans, avait deux enfants et « avait déjà fait sa vie avec un certain succès dans le milieu de la culture »[22], portrait pouvant correspondre à Gérard Lhéritier et même penser qu'il voulait que l'on sache que c'était lui[23]. L’avocat qui le représente n’a jusqu’ici jamais ni infirmé ni confirmé cette information, pas plus que Grégory Leclerc, le journaliste de Nice Matin[24]. Le journal Le Point indique que Gérard Lhéritier et sa famille auraient joué ce jour-là plusieurs bulletins pour un montant de plus de 7 000 euros[24].
Publications
- Les Ballons montés – Boules de Moulins – pigeongrammes – papillons de Metz – historique évaluation classification cotation, édition Valeurs Aristophil ; tome 1 : 1990, tome 2 : 1992, tome 3 : 1994
- Les Ballons montés, Plon, 1995 (ISBN 2259182305)
- Intime corruption, l'affaire des timbres rares de Monaco, L'Archipel, 2006 (ISBN 2-84187-817-1)
- Livre des valeurs et cotations (1870-1871), Plume, 2008
- Valeurs et références – Collection 1870 – Ballons montés - Boules de Moulins, Aristophil, 2000
- Avec Christel Pigeon :
- L'Or des manuscrits : Les 100 manuscrits les plus précieux, Paris, Gallimard, coll. « Albums Beaux Livres », , 232 p. (ISBN 978-2-07-013942-2)
- L'Or des manuscrits : 100 manuscrits pour l'Histoire, Paris, Gallimard, coll. « Albums Beaux Livres », , 232 p. (ISBN 978-2-07-014271-2)
- L'Or des manuscrits : 100 lettres illustres et illustrées, Paris, Gallimard, coll. « Albums Beaux Livres », , 232 p. (ISBN 978-2-07-014660-4)
Notes et références
- Voir sur estrepublicain.fr.
- Voir sur lyoncapitale.fr.
- Voir sur franceinter.fr.
- (en-US) David Segal, « A Billion-Dollar Scandal Turns the ‘King of Manuscripts’ Into the ‘Madoff of France’ », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
- Voir sur republicain-lorrain.fr.
- Voir sur medefparis.fr.
- Voir sur parisinfo.com.
- Seule la fondation Bodmer à Cologny (Suisse), œuvre d’un héritier d’une fortune bancaire dont la collection a débuté au début du XXe siècle peut à ce moment-là lui être comparée.
- Thierry Vallat, « Le point du dossier Aristophil après le jugement de liquidation judiciaire », Le blog de Thierry Vallat, (lire en ligne, consulté le ).
- Voir sur rtbf.be.
- « Descente de police au Musée des lettres et manuscrits » sur lepoint.fr du 18 novembre 2014.
- Vincent Monnier, « Aristophil : le Madoff des lettres en redressement judiciaire », L'Obs, 18 février 2015.
- Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
- Article de Gilles Pouzin sur Deontofi.com, le 20 mars 2015.
- Voir sur europe1.fr.
- Voir sur estrepublicain.fr.
- « Nicolas Keszei, "Les dirigeants d'Aristophil renvoyés en correctionnelle" », L'Echo, 4 juillet 2022
- Voir sur quechoisir.org.
- Voir sur charliehebdo.fr.
- « Ça s'est passé un vendredi 13, un millionnaire suspecté d'escroquerie », reportage LCI, 13 mars 2015.
- « Aristophil, la chute d'un empire de papiers », L'Express, 10 mars 2015.
- « Le gagnant à 169 millions d'euros de l'Euromillion se confie à Nice Matin », Nice Matin, 12 novembre 2013.
- « Gérard Lhéritier, itinéraire d’un aigrefin », sur lyoncapitale.fr (consulté le ).
- « Nice : Gérard Lhéritier, escroc ou gros gagnant du loto ? », sur Club de Mediapart (consulté le ).