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François-Marie-Thomas Chevalier de Lorimier

François-Marie-Thomas-Chevalier de Lorimier (Saint-Cuthbert, - Montréal, , à l'âge de 35 ans) est un notaire et chef patriote canadien-français[1]. Trouvé coupable de haute trahison par les autorités à la suite des rébellions de 1837-1838, il est condamné à mort et est pendu à la prison du Pied-du-Courant de Montréal[1].

François-Marie-Thomas Chevalier de Lorimier
François-Marie-Thomas-Chevalier de Lorimier
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  35 ans)
Montréal
Nationalité
Activités

La Société Saint-Jean Baptiste le considère comme un héros national québécois[2].

Jeunesse

Né dans la noblesse canadienne-française, Chevalier de Lorimier (comme il signait toujours[1]) est issu de la branche de Verneuil de la famille de Lorimier[3]. Il voit le jour à Saint-Cuthbert, au Bas-Canada, le . Il est baptisé le même jour sous le nom de François-Marie-Thomas Verneuil de Lorimier[4]. C'est son oncle et parrain, François-Chevalier de Lorimier[4], qui lui aurait donné le prénom de Chevalier, qui lui est resté[1].

En 1813, il commence ses études classiques au petit séminaire de Montréal, qu'il termine en 1820. En 1823, il devient apprenti clerc sous la direction du notaire Pierre Ritchot. Il obtient son diplôme de notaire en 1829 et installe son bureau dans une bâtisse du faubourg Saint-Antoine. En 1832, il épouse Henriette Cadieux, fille du notaire Jean-Marie Cadieux, et s'établit alors sur la rue Saint-Jacques[1], dans le quartier des affaires. La noblesse canadienne-française étant en déclin, Lorimier intègre alors le cercle de la petite bourgeoisie professionnelle montréalaise[1].

Premiers pas dans la politique

Chevalier de Lorimier

Dès ses années de jeunesse, Lorimier s'intéresse à la politique. Idéaliste, nationaliste épris de liberté, il prend parti pour Louis-Joseph Papineau et le Parti canadien dans leurs luttes autonomistes contre le gouverneur Dalhousie et son Conseil exécutif non élu. En 1822, il participe activement à la campagne contre le projet d'union du Haut et du Bas-Canada. En 1827, il est parmi les signataires d'une pétition demandant à Londres le rappel de Dalhousie et condamnant ses politiques jugées arbitraires et despotiques par les pétitionnaires.

En 1834, l'Assemblée législative vote les Quatre-vingt-douze Résolutions, demandant à Londres sa complète autonomie, ce qui lui donnerait à peu près les mêmes pouvoirs que la Chambre des communes britannique. Lorimier prend une part active à la campagne électorale qui suit en soutenant les candidats du Parti patriote favorables à ces résolutions. Ce parti remporte la victoire avec 77 sièges sur 88.

La RĂ©bellion de 1837

En mars 1837, Ă  Londres, les RĂ©solutions Russell sont votĂ©es, rejetant non seulement les Quatre-vingt-douze RĂ©solutions, mais assurant Ă©galement la mainmise de l'exĂ©cutif sur le TrĂ©sor public. Comme plusieurs de ses amis, Lorimier prĂ©conise la rĂ©sistance. Le 15 mai, il est secrĂ©taire de l'assemblĂ©e du comtĂ© de MontrĂ©al, au cours de laquelle les participants crĂ©ent un comitĂ© central de rĂ©sistance. Le « ComitĂ© central et permanent du district de MontrĂ©al Â» doit veiller aux intĂ©rĂŞts du comtĂ© et coordonner le rĂ©seau de rĂ©sistance avec les comitĂ©s des autres comtĂ©s. Lorimier et George-Étienne Cartier sont Ă©lus cosecrĂ©taires.

Le 6 novembre, Lorimier participe à la manifestation de la Société des Fils de la Liberté et est blessé d'une balle à la cuisse au cours de l'échauffourée qui suit avec les membres du Doric Club, partisans du gouverneur et de sa politique. Le nouveau gouverneur Gosford lance alors des mandats d'arrestation, dont l'un contre Lorimier. Celui-ci fuit Montréal le 14 ou le 15 novembre et se réfugie dans le comté des Deux-Montagnes, où les chefs du comité de l'endroit le nomment capitaine du bataillon de milice.

AccompagnĂ© de ses hommes et de ses deux frères cadets, Jean-Baptiste-Chamilly, avocat, et GĂ©dĂ©on-Georges, Ă©tudiant en mĂ©decine, il se rend Ă  Saint-Eustache se placer sous les ordres de Jean-Olivier ChĂ©nier. Plus de 1 000 hommes des troupes du gĂ©nĂ©ral britannique, Colborne, avancent vers le village pour Ă©craser la rĂ©volte. Voyant l'inutilitĂ© du combat, il conseille en vain Ă  ChĂ©nier de dĂ©poser les armes. Le 14 dĂ©cembre, la bataille de Saint-Eustache se conclut par une grave dĂ©faite pour les patriotes et la mort hĂ©roĂŻque de ChĂ©nier. Lorimier fuit alors vers Trois-Rivières, traverse le Saint-Laurent puis les Cantons de l'Est. Il entre finalement aux États-Unis vers la fin dĂ©cembre pour y rejoindre les insurgĂ©s qui ont rĂ©ussi Ă  fuir.

La RĂ©bellion de 1838

Le , Lorimier se retrouve à Montpelier, dans le Vermont, avec Papineau, Robert Nelson et d'autres afin de discuter de la possibilité de créer une nouvelle insurrection. L'attitude hésitante de Papineau le déçoit quelque peu. Le 9 janvier, une nouvelle assemblée a lieu à Swanton, où Lorimier se rallie aux vues de Robert Nelson et Lucien Gagnon, qui proposent un plan d'invasion du Bas-Canada.

Le 28 février, c'est comme capitaine de milice qu'il franchit la frontière, accompagné de Nelson, qui lit sa fameuse déclaration d'indépendance du Bas-Canada le même jour, à Moore's Corner (aujourd'hui Noyan). L'expédition est cependant un échec, l'arrivée de miliciens britanniques les obligeant à repasser les frontières. Lorimier est alors arrêté par les autorités américaines, qui l'accusent d'avoir violé la neutralité de leur pays. Un jury visiblement sympathique à ses vues l'acquitte cependant rapidement.

Lorimier habite alors Plattsburgh. Au printemps, il aide Nelson Ă  mettre sur pied l'Association des Frères chasseurs, qui doit recruter des volontaires pour soutenir l'armĂ©e patriote lors du prochain soulèvement dans le Bas-Canada. Pendant l'Ă©tĂ©, il se rend secrètement dans la province y faire du recrutement avec ses compagnons, parvenant Ă  faire lever une troupe de 10 000 hommes.

En novembre 1838, Lorimier est l'un des principaux meneurs de la seconde insurrection. Le 7, il prend la direction de Sainte-Martine avec 200 Frères chasseurs pour en rejoindre 300 autres commandés par le docteur James Perrigo. Ils parviennent à repousser les miliciens britanniques, mais cette victoire est assombrie par la défaite de Nelson à la bataille d'Odelltown. Le 10 novembre, les Patriotes se dispersent. Lorimier tente de rejoindre la frontière américaine, mais il s'égare dans les bois et est appréhendé par les troupes britanniques le 12 novembre au matin. Le 22 ou le 23, il est transféré à la prison de Montréal.

Procès et exécution

Le , Lorimier et treize de ses compagnons comparaissent devant le conseil de guerre. On lui refuse le procès devant un tribunal civil qu'il réclamait. Il se défend tout de même très bien, contestant toutes les preuves que la Couronne dresse contre lui. Cependant, l'un de ses coaccusés, Jean-Baptiste-Henri Brien, signe des aveux l'incriminant au plus haut point, pour éviter l'échafaud. Les autorités britanniques, faute d'avoir pu s'emparer des grands chefs de la Rébellion, ont décidé de s'acharner sur lui et d'en faire un exemple. Le 21 janvier, lui et ses compagnons sont déclarés coupables de haute trahison et condamnés à être pendus. Le 15 février, il monte sur l'échafaud avec Charles Hindenlang, Amable Daunais, François Nicolas et Pierre-Rémi Narbonne.

La veille, il avait Ă©crit son testament politique :

« Le public et mes amis en particulier, attendent peut-ĂŞtre une dĂ©claration sincère de mes sentiments. Ă€ l'heure fatale qui doit nous sĂ©parer de la terre, les opinions sont toujours regardĂ©es et reçues avec plus d'impartialitĂ©. L'homme chrĂ©tien se dĂ©pouille en ce moment du voile qui a obscurci beaucoup de ses actions, pour se laisser voir en plein jour, l'intĂ©rĂŞt et les passions expirent avec sa dĂ©pouille mortelle. Pour ma part, Ă  la veille de rendre mon esprit Ă  son crĂ©ateur, je dĂ©sire faire connaĂ®tre ce que je ressens et ce que je pense. Je ne prendrais pas ce parti, si je ne craignais qu'on ne reprĂ©sentât mes sentiments sous un faux jour ; on sait que le mort ne parle plus, et la mĂŞme raison d'État qui me fait expier sur l'Ă©chafaud ma conduite politique pourrait bien forger des contes Ă  mon sujet. J'ai le temps et le dĂ©sir de prĂ©venir de telles fabrications et je le fais d'une manière vraie et solennelle Ă  mon heure dernière. Non pas sur l'Ă©chafaud, environnĂ© d'une foule stupide et insatiable de sang, mais dans le silence et les rĂ©flexions du cachot. Je meurs sans remords, je ne dĂ©sirais que le bien de mon pays dans l'insurrection et l'indĂ©pendance, mes vues et mes actions Ă©taient sincères et n'ont Ă©tĂ© entachĂ©es d'aucun des crimes qui dĂ©shonorent l'humanitĂ© et qui ne sont que trop communs dans l'effervescence de passions dĂ©chaĂ®nĂ©es. Depuis 17 Ă  18 ans, j'ai pris une part active dans presque tous les mouvements populaires, et toujours avec conviction et sincĂ©ritĂ©. Mes efforts ont Ă©tĂ© pour l'indĂ©pendance de mes compatriotes ; nous avons Ă©tĂ© malheureux jusqu'Ă  ce jour. La mort a dĂ©jĂ  dĂ©cimĂ© plusieurs de mes collaborateurs. Beaucoup gĂ©missent dans les fers, un plus grand nombre sur la terre d'exil avec leurs propriĂ©tĂ©s dĂ©truites, leurs familles abandonnĂ©es sans ressources aux rigueurs d'un hiver canadien. MalgrĂ© tant d'infortune, mon cĹ“ur entretient encore du courage et des espĂ©rances pour l'avenir, mes amis et mes enfants verront de meilleurs jours, ils seront libres. Un pressentiment certain, ma conscience tranquille me l'assurent. VoilĂ  ce qui me remplit de joie, quand tout est dĂ©solation et douleur autour de moi. Les plaies de mon pays se cicatriseront après les malheurs de l'anarchie et d'une rĂ©volution sanglante. Le paisible canadien verra renaĂ®tre le bonheur et la libertĂ© sur le Saint-Laurent ; tout concourt Ă  ce but, les exĂ©cutions mĂŞmes, le sang et les larmes versĂ©s sur l'autel de la libertĂ© arrosent aujourd'hui les racines de l'arbre qui fera flotter le drapeau marquĂ© de deux Ă©toiles des Canadiens. Je laisse des enfants qui n'ont pour hĂ©ritage que le souvenir de mes malheurs. Pauvres orphelins, c'est vous que je plains, c'est vous que la main ensanglantĂ©e et arbitraire de la loi martiale frappe par ma mort. Vous n'aurez pas connu les douceurs et les avantages d'embrasser votre père aux jours d'allĂ©gresse, aux jours de fĂŞtes! Quand votre raison vous permettra de rĂ©flĂ©chir, vous verrez votre père qui a expiĂ© sur le gibet des actions qui ont immortalisĂ© d'autres hommes plus heureux. Le crime de votre père est dans l'irrĂ©ussite. Si le succès eut accompagnĂ© ses tentatives, on eut honorĂ© ses actions d'une mention honorable. « Le crime et non pas l'Ă©chafaud fait la honte. Â» Des hommes, d'un mĂ©rite supĂ©rieur au mien ont battu la triste voie qui me reste Ă  parcourir de la prison obscure au gibet. Pauvres enfants ! vous n'aurez plus qu'une mère tendre et dĂ©solĂ©e pour soutien. Si ma mort et mes sacrifices vous rĂ©duisent Ă  l'indigence, demandez quelque fois en mon nom, je ne fus jamais insensible aux malheurs de mes semblables. Quant Ă  vous, mes compatriotes, mon exĂ©cution et celle de mes compatriotes d'Ă©chafaud vous seront utiles. Puissent-elles vous dĂ©montrer ce que vous devez attendre du gouvernement anglais ! ... Je n'ai plus que quelques heures Ă  vivre, et j'ai voulu partager ce temps prĂ©cieux entre mes devoirs religieux et ceux dus Ă  mes compatriotes. Pour eux je meurs sur le gibet de la mort infâme du meurtrier, pour eux je me sĂ©pare de mes jeunes enfants et de mon Ă©pouse sans autre appui, et pour eux je meurs en m'Ă©criant : Vive la libertĂ©, vive l'indĂ©pendance! »

Notoriété

Le film Quand je serai parti... vous vivrez encore (1999), réalisé par Michel Brault, met en scène Chevalier de Lorimier, incarné par le comédien David Boutin.

Le film 15 février 1839 (2001), réalisé par Pierre Falardeau, évoque les dernières heures de Chevalier de Lorimier dans la prison du Pied-du-Courant. Chevalier est joué par Luc Picard.


Le musée Pied-du-Courant, dans le sous-sol de l'ancienne prison du même nom, relate l'histoire des patriotes, dont celle de Lorimier. Un monument sur le même terrain commémore les 12 pendus. L'adresse du musée est sur l'avenue De Lorimier.

Hommages

  • Un buste Ă  son effigie lui rend hommage Ă  cĂ´tĂ© du presbytère de Saint-Cuthbert, son village natal.
  • Une rue a Ă©tĂ© nommĂ©e en son honneur dans l'ancienne ville de Sainte-Foy , maintenant fusionnĂ©e avec la ville de QuĂ©bec, en 1954.

Sources

Bibliographie

  • Annik-Corona Ouelette, « 300 ans d'essais au QuĂ©bec », Beauchemin, 2007, p.27-32. (ISBN 9782761647052).
  • Chevalier de Lorimier, Lettres d’un patriote condamnĂ© Ă  mort, Ă©dition prĂ©parĂ©e par Marie-FrĂ©dĂ©rique Desbiens et Jean-François Nadeau, Lux Éditeur, 2001.

Notes et références

  1. Michel de Lorimier, Dictionnaire biographique du Canada, « Chevalier de Lorimier », sur biographi.ca, (consulté le )
  2. « N’oublions jamais Henriette Cadieux », sur Société Saint-Jean-Baptiste, (consulté le )
  3. Yves Drolet, Dictionnaire généalogique de la noblesse de la Nouvelle-France, Montréal, Québec, Canada, Éditions de la Sarracénie, , 3e éd., 879 p. (ISBN 978-2-921177-16-0, lire en ligne), p. 516
  4. « Acte de baptême de François Marie Thomas Verneuil des registres de l'état-civil de Saint-Cuthbert », sur FamilySearch (consulté le )

Liens externes

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