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Fernsehsender Paris

Fernsehsender Paris, en français Paris-Télévision, est une chaîne de télévision créée par l'occupant allemand et diffusée à Paris du au à 23 h 30. La chaîne exploite alors le canal 1 en France.

Fernsehsender Paris
Caractéristiques
Création
Disparition
Propriétaire
Langue
Pays
Statut
Généraliste publique
Siège social
Ancien nom

Histoire de la chaîne

Depuis 1938, la chaîne de télévision de la Radiodiffusion nationale, Radiodiffusion nationale Télévision, est diffusée sur la bande VHF au standard de 455 lignes depuis un émetteur de télévision installé au pied de la tour Eiffel et relié par deux énormes câbles coaxiaux à des jeux d'antennes fixés à son sommet, dont la puissance de 30 kW est déjà la plus forte dans le monde et permet une bonne réception dans un rayon de 60 à 80 kilomètres autour de la capitale. Radiodiffusion Nationale Télévision cesse ses programmes le lors de la déclaration de guerre et son émetteur est saboté par les techniciens de la Radiodiffusion nationale le . Ainsi, lorsque la Wehrmacht allemande prend possession de Paris le , tous les émetteurs de radiodiffusion publics et privés ont été sabotés afin qu'il ne tombent pas aux mains de l'ennemi.

L'occupant n'accorde d'abord aucun intérêt à cet émetteur jusqu'à ce qu'un ordre de , visant à réduire les sites de transmission en zone occupée afin de récupérer les matières premières, et ainsi récupérer certains éléments de l'émetteur 455 lignes français intéressant Telefunken, mène à des discussions sur la réhabilitation et l'utilisation de cet émetteur pour la télévision. Opposé à ce démantèlement, l'officier Kurt Hinzmann, ancien directeur des programmes de la télévision de Berlin Paul Nipkow, qui a réussi à convaincre les autorités allemandes de poursuivre la diffusion des programmes de sa station pendant la guerre en proposant son utilisation pour distraire les blessés de guerre dans les hôpitaux, reprend cette idée pour l'appliquer à la capitale française et sauver ainsi l'émetteur parisien. Il préconise de remettre l'émetteur de la tour Eiffel en service pour diffuser une chaîne de télévision destinée à distraire les soldats allemands hospitalisés dans les Kriegslazaretts de Paris. En outre, cette chaîne de télévision permettrait d'ouvrir le marché français à l'industrie électrique allemande par l'adoption de la norme allemande de diffusion à 441 lignes mise au point par Telefunken. Enfin, d'un point de vue militaire, la réparation de cet émetteur pourrait permettre de l'utiliser comme brouilleur pour les avions ennemis.

Sur ordre de l'Oberkommando der Wehrmacht au ministère des PTT le , les travaux de remise en service de l'émetteur de la tour Eiffel sont confiés à la Compagnie des compteurs de Montrouge et à la firme allemande Telefunken, à la suite d'un accord de collaboration entre les deux sociétés pour bâtir ensemble les infrastructures techniques de cette nouvelle chaîne de télévision. Le matériel de la Compagnie des Compteurs étant jugé inintéressant, Telefunken fournit le nouvel émetteur de télévision au standard allemand de 441 lignes, récupéré à la Reichspost en Allemagne, et qui est installé par des techniciens venus de Berlin .

Fernsehsender Paris (Paris-TĂ©lĂ©vision) s'installe dans une grande salle de bal de 3000 places, vestige de l'ancien parc d'attractions Magic-City fermĂ© en 1926, inutilisĂ©e depuis le dĂ©but de la guerre. Cette installation permet de dĂ©buter les programmes de façon rĂ©gulière le seulement en tĂ©lĂ©cinĂ©ma, car les travaux de la scène en forme de V, permettant un recul des camĂ©ras pour des prises de vues plus larges, ne sont pas terminĂ©s. Elle Ă©met en allemand et en français quatre jours sur sept de 10 h Ă  midi, trois jours de 15 h Ă  20 h et tous les soirs de 20 h 30 Ă  22 h, diffusant des variĂ©tĂ©s et du théâtre Ă  destination des hĂ´pitaux de campagne (Kriegslazarett) de la Wehrmacht installĂ©s dans la rĂ©gion parisienne et des rĂ©sidents allemands Ă  Paris (environ 1 000 rĂ©cepteurs, dont une centaine pour les tĂ©lĂ©spectateurs français). La station est inaugurĂ©e officiellement le avec le dĂ©but de la diffusion des Ă©missions en direct.

Une semaine avant la libération de Paris, Fernsehsender Paris interrompt définitivement ses programmes le samedi à 23 h 30. Les Allemands emportent le matériel de prise de vue et le représentant de la Reichspost Fernsehgesellschaft remet au responsable français des bâtiments un inventaire du matériel abandonné. Le , l'ordre est donné à Hinzmann de faire dynamiter l’émetteur de la tour Eiffel, ce qu'il refuse, se contentant de faire tirer quelques coups de feu symboliques dans des équipements sans importance. Les Allemands quittent les studios en laissant aux Français une station de télévision totalement opérationnelle et parmi les plus performantes du monde, ce qui permet à la télévision française d'être la première en Europe à reprendre ses émissions depuis l'ancien studio et avec le matériel de Fernsehsender Paris, dès le par intermittence et en circuit fermé, car les Américains interdisent l'utilisation de l'émetteur de la tour Eiffel jusqu'au .

Identité visuelle et sonore

Le logo de la chaîne représente la tour Eiffel d'où partent différents cercles concentriques symbolisant les ondes, par-dessus lesquelles apparaît la mention Fernsehsender Paris.

L'indicatif sonore de Fernsehsender Paris est La tour Eiffel est toujours là, une chanson de Marc Lanjean et Francis Llenas créée par Mistinguett en 1942[1].

La musique de la chanson traditionnelle Sur le pont d'Avignon jouée à l'accordéon est également utilisée ponctuellement.

Organisation

Créée sur ordre de l'Oberkommando der Wehrmacht, la station passe sous la responsabilité de la Militärbefehlshaber Frankreich (MBF) dirigée par Carl-Heinrich von Stülpnagel, où la Propaganda-Abteilung de la MBF est responsable des programmes et la France Advanced Message Guide (MUFS) de la technique. Les équipes techniques sont placées sous la tutelle officielle du Höhere Nachrichten Führer.

L'équipe comprend 120 personnes, sans compter les intermittents, et un orchestre permanent de cinquante musiciens de jazz. Vingt nationalités différentes s'y côtoient et on y compte même des Juifs, des anarchistes, des jeunes réfractaires au STO, des évadés et des résistants protégés de la Gestapo par Hinzmann. On trouve ainsi dans l'équipe Léon Smet — le père de Johnny Hallyday — qui y travaille comme metteur en scène, le jeune Mouloudji, le chorégraphe Serge Lifar, Serge Reggiani et l’acteur Jacques Dufilho.

Dirigeants

  • Directeur : Dr. Alfred Böfinger
  • Directeur artistique : Kurt Hinzmann

Capital

Le financement des travaux nécessaires à la réparation de l'émetteur de la tour Eiffel et à la construction d'un studio est assuré conjointement par la Radiodiffusion nationale et par la Reichspost.

Siège

Le studio de télévision de la Radiodiffusion nationale situé au 103 rue de Grenelle étant jugé trop petit, un studio de fortune est aménagé au 15 avenue Charles-Floquet, dans l'ancienne ambassade de Tchécoslovaquie, située juste à côté de la tour Eiffel. Il est utilisé pour les premiers essais début .

Hinzmann exige de choisir lui-même les futurs studios aux frais de l’État Français et se met à la recherche d'un local plus grand. Il repère un ancien dancing faisant partie du défunt parc d'attractions Magic City, fondé par Ernest Cognacq, au 176-180 rue de l'Université, dont la salle de danse du premier étage est suffisamment vaste pour être transformée en studio de télévision ouvert au public[2]. L'immeuble du Magic-City est cependant insuffisant pour accueillir les ateliers de construction de décors, les télécinémas, les services de maintenance et les bureaux. Derrière l'immeuble se trouve un garage abandonné pouvant servir d'atelier et qui jouxte un bel immeuble de huit étages, La Familiale de l'Alma, une pension de famille de standing située au numéros 13-15 de la rue Cognacq-Jay, qui peut servir aux services administratifs et techniques. Les autorités allemandes l'annexent et en font la façade de Fernsehsender Paris. Ces futurs studios ont l'avantage de la proximité de la tour Eiffel, résolvant ainsi les problèmes de liaisons avec l'émetteur car les câbles coaxiaux ne peuvent dépasser quelques centaines de mètres sans déperdition de la qualité d'image. Cet ensemble idéal est immédiatement réquisitionné par la préfecture de la Seine et l'administration française s'en porte acquéreur au nom de la Radiodiffusion nationale. Le propriétaire de l'ancienne pension de famille est définitivement exproprié en . Ce fut ainsi le siège de la Télévision française jusqu'en .

Programmes

Fernsehsender Paris diffuse jusqu’à douze heures de programmes par jour, toujours en direct, qui se composent principalement de divertissement, de spectacles de danses, des marionnettes, des interviews, du cirque, des récitations de poésies, des reportages filmés en extérieur, du théâtre et des talk-shows animés par un présentateur vedette, l’acteur américano-suisse Howard Vernon. Les sports et dramatiques sont aussi souvent diffusés. Les programmes sont complétés par quelques bobines de film d'actualité en provenance de Berlin diffusées deux fois par semaine et des courts et longs métrages. Hormis les films de télécinéma, toutes les émissions se font en direct, aucun moyen d'enregistrement n'existant à cette époque.

La programmation est établie de façon à être comprise par le plus grand nombre. Alors que la danse et la chanson n'ont pas besoin de traduction, certaines émissions font l'objet de diffusions séparées en français et en allemand, notamment pour le théâtre et les actualités cinématographiques de propagande allemande Die Deutsche Wochenschau et France-Actualités du gouvernement de Vichy.

En dehors des émissions télévisées, Fernsehsender Paris se contente de relayer la radio Deutschlandsender Berlin[3] en accompagnement sonore de sa mire .

Programme de la Radio Nationale du (un jour après le débarquement en Normandie) :

  • Mire Ă  l'Ă©cran avec diffusion de Höhere Nachrichten FĂĽhrer
  • 10 h : La Puce Ă  l'oreille (tĂ©lĂ©film)
  • 11 h 13 : Riz et bois au pays du Mikado
  • 11 h 27 : Lore
  • 11 h 40 : La Boutique de montres
  • Mire avec diffusion de Höhere Nachrichten FĂĽhrer
  • 20 h 30 : Des questions d'actualitĂ©
  • 20 h 45 : direct de l'atelier - Mariage vĂ©nitien (en allemand)
  • 21 h 05 : Dresde baroque (tĂ©lĂ©film)
  • 21 h 19 : En 40 minutes
  • 21 h 31 : Le Berceau de la forĂŞt
  • 21 h 42 : Bonne soirĂ©e, bonne nuit
  • Mire avec diffusion de Höhere Nachrichten FĂĽhrer

Audience

Fernsehsender Paris est principalement suivie par les soldats allemands blessés dans les hôpitaux militaires parisiens via 300 téléviseurs de fabrication allemande qui y ont été installés et dans les résidences de quelques officiers allemands. Selon la propagande allemande, la population française regarde aussi Paris-Télévision qui peut être reçu dans une qualité d'image légèrement plus pauvre sur les postes de télévision français, mais les estimations du nombre de récepteurs existants estimés à 1000 sont très éloignées des quelques centaines réellement détenus. La station de l'occupation allemande est en fait globalement plutôt ignorée du public français.

Références

  1. La tour Eiffel est toujours là chanté par Mistinguett sur YouTube.
  2. Jusqu'en 1942, cette salle continue à servir pour des rassemblements. Ainsi, le 22 mars 1942 elle est le lieu de rassemblement d'un meeting du Front Social du Travail. Il est annoncé notamment dans Le Matin du 20 mars 1942, page 2, 8e colonne. Voir l'annonce reproduite dans Commons.
  3. Thierry Kübler et Emmanuel Lemieux, Cognacq-Jay 1940. La télévision française sous l'occupation, Editions Plume, , p. 145

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

  • Thierry Kubler et Emmanuel Lemieux, Cognacq-Jay 1940 : La TĂ©lĂ©vision française sous l'Occupation, Ă©ditions Plume / Calmann-LĂ©vy, 1990.
  • Emmanuel Lemieux, On l'appelait TÉLÉ-PARIS : L'histoire secrète des dĂ©buts de la tĂ©lĂ©vision française (1936-1946), Ă©ditions L'Archipel, 2013.

Cinéma

Liens externes

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