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Exode palestinien de Lydda et Ramle

L'Exode palestinien de Lydda et Ramle, auquel les Palestiniens font référence en tant que Marche de la Mort de Lydda[1], se produisit en durant la Première Guerre israélo-arabe. Entre 50 000 et 70 000 Palestiniens s'enfuirent ou furent expulsés de ces deux villes et des 25 villages environnants[2] après la conquête de la zone par les Israéliens au cours de l'Opération Dani[Note 1] - [3].

Réfugiés escortés hors de Ramle.

Les habitants de Ramle furent pour la plupart conduits en bus jusqu'à al-Qubab d'où ils marchèrent jusqu'aux lignes de la Légion arabe à Latroun et Salbit. Ceux de Lydda n'avaient pas de moyens de transport ; ils marchèrent 6 kilomètres jusqu'à Beit Nabala puis 11 kilomètres jusqu'à Barfiliya, sous des températures de 30-35 °C, transportant tout ce qu'ils avaient pu prendre avec eux. De là, la Légion arabe aida la plupart à atteindre le camp de réfugiés de Ramallah à quelque 50 kilomètres[4] - [5].

Entre 290 et 450 Palestiniens et 9 à 10 soldats israéliens perdirent la vie durant la bataille de Lydda et dans les violences qui suivirent[Note 2]. Le bilan des morts à Ramle est inconnu mais vraisemblablement moindre étant donné que la ville se rendit immédiatement.

Le nombre de réfugiés qui moururent durant la marche est également inconnu et varie selon les sources. Les estimations vont « d'une poignée, et peut-être des dizaines » à 355, principalement des suites de la fatigue et de la déshydratation, mais des témoignages affirment également que des réfugiés furent tués pour avoir refusé d'abandonner leurs biens aux soldats israéliens. Au total, de l'ordre de 1000 personnes perdirent la vie au cours des événements[Note 3].

Les expulsions comptent pour un dixième de l'exode palestinien de 1948, un événement commémoré dans le monde arabe en tant que « la catastrophe » (al-Naqba)[6].

Contexte

Brigade du 1er bataillon avant l'opération Dani, 1948.

Le , après 30 ans de conflits entre Juifs et Arabes en Palestine mandataire, l'Organisation des Nations unies vota le Plan de Partage de la Palestine, divisant la région entre un État juif, un État arabe et la zone de Jérusalem et sa banlieue, sous contrôle international. Ce fut le début la Guerre de Palestine de 1948, connue dans le monde arabe en tant que « Première Guerre de Palestine », chez les Palestiniens en tant que « la Catastrophe » (al-Naqba) et chez les Israéliens en tant que « Guerre d'indépendance » [7].

Dans une première phase, jusqu'en , tandis que le pays restait sous contrôle britannique, les communautés juives et arabes de Palestine s'affrontèrent dans une guerre civile qui résulta avec l'effondrement de la société arabe palestinienne et l'exode massif de sa population tandis que les 100 000 habitants juifs de Jérusalem se retrouvaient isolés du reste de leur communauté principalement établie dans la plaine côtière.

Le , dernier jour du Mandat britannique, l'Indépendance d'Israël fut déclarée. Plusieurs États arabes opposés au Plan de partition, principalement l'Égypte, la Jordanie, l'Irak et la Syrie, intervinrent militairement. Après un mois de durs combats, les Israéliens restaient invaincus. Épuisés et affaiblis par de lourdes pertes, les deux camps acceptèrent un cessez-le-feu de quatre semaines[8]. Le jour précédant la fin de la trêve, les Égyptiens lançaient une offensive, espérant prendre les Israéliens par surprise tandis que ces derniers avaient organisé trois offensives, l'une d'entre elles, l'Opération Dani, dans le secteur de Lydda et Ramle[9].

Lydda et Ramle

Importance stratégique

Vieille Ville de Lydda

La fondation de Lydda remonte à 6000 avant Jésus-Christ, ce qui en fait une des plus vieilles villes de Palestine. Ramla, 3 km au sud, fut fondée au VIIIe siècle[10]. Les deux villes bénéficièrent d'une position stratégique importante de par leur situation au carrefour des routes principales est-ouest et nord-sud de la région[11].

En 1948, le plus grand camp militaire britannique était situé à quelques kilomètres au sud-ouest de Lydda à Sarafand, et un des plus importants dépôts britannique était situé à Beit Nabala, sept kilomètres au nord. L'aéroport principal de Palestine était situé juste au nord de Lydda d'où il était connecté au chemin de fer. La source principale d'approvisionnement en eau de Jérusalem était à Ras al-Ayn, à 15 kilomètres au nord de Lydda[11].

Durant la guerre civile, les milices arabes s'attaquèrent au trafic juif sur les routes aux abords des deux villes. La Haganah lança une attaque de représailles le et le , l'Irgoun fit exploser une bombe dans le marché de Ramle, tuant 7 personnes et en blessant 24. Toujours en février, l'Irgoun tua neuf Arabes et une femme à Abu al-Fadl, près de Ramle[12]. Dans le contexte de la bataille de Latroun, des attaques se produisirent les nuits du 21 au , du 24 au et du quand les israéliens bombardèrent les deux villes[12].

Population

À la suite des attaques et parce que l'approvisionnement en électricité et en eau était souvent interrompu et qu'il y avait pénurie de fioul, le moral de la population arabe était bas. Une des conséquences fut l'exode massif des femmes, des enfants et des vieillards de Ramla malgré les tentatives faites par les miliciens arabes pour les en empêcher[12].

La présence de nombreux réfugiés dans les villes n'améliora pas la situation. En , il y avait entre 50 000 et 70 000 personnes vivant dans les deux villes dont environ 20 000 réfugiés de Jaffa et d'ailleurs, se considérant en sécurité dans les villes parce qu'elles étaient situées en dehors des territoires attribués à l'État juif par le Plan de partage de l'ONU et parce que les troupes du roi Abdallah y étaient déployées, ce qui impliquait que la région était sous sa protection[12].

La présence des réfugiés était source de difficultés et de chaos : la plupart n'avaient ni argent ni nourriture et organisaient des expéditions de pillage en dehors des villes pour rassembler de la nourriture malgré le risque des ripostes de l'armée israélienne[12]. Spiro Munayyer, qui travaillait au central téléphonique de Lydda mais qui servit comme membre du personnel paramédical écrivit que : « La vie dans la ville devint intenable. Les allées et les rues étaient bondées de personnes et jonchées de détritus ; bien que la cité employait des équipes sanitaires supplémentaires, les rues étaient à ce point obstruées de gens que les travailleurs étaient incapables d'effectuer leur travail »[13].

À l'époque, deux familles de notables, les Husseini et les Nashashibi étaient opposées par des rivalités dont l'enjeu était le contrôle politique de la Palestine[14]. Le , Alec Kirkbride, l'ambassadeur britannique à Amman, écrivit au Ministre des Affaires étrangères Ernest Bevin que les notables de Lydda et Ramle étaient « terrorisés par les suivants du Mufti [al-Husseini] qui avaient menacé de mort quiconque traiterait avec la Légion arabe »[15].

Annexes

Notes et références

Notes

  1. B. Morris (2004), p. 425 écrit qu'en juillet 1948, avant l'invasion israélienne, Lydda et Ramle avaient une population de 50 000 à 70 000 habitants, 20 000 desquels étaient réfugiés de Jaffa et des zones alentour ; tous furent expulsés, à l'exception de ceux qui restèrent pour travailler ou qui réussirent à revenir chez eux.
  2. Selon Morris (2004), p. 426, le détail de pertes à Lydda est : 1. 11 juillet : 6 morts et 21 blessés du côté israélien et "des douzaines d'arabes (peut-être 200)" durant le raid conduit par Moshe Dayan. Les services de renseignements du 3e bataillon parlent de 40 morts chez les Arabes. 2. 12 juillet : À la suite de l'incident durant lequel les soldats israéliens reçurent l'ordre de tirer sur toute personne vue dans les rues, 3-4 Israéliens furent tués et environ une douzaine blessés. Côté arabe, 250 personnes furent tuées et de nombreuses blessées.
    • Morris (1989) p. 204-211 écrit : "Tous les Israéliens qui furent témoins des événements furent d'accord que l'exode, sous un chaud soleil de juillet, fut un épisode de longue souffrance pour les réfugiés, particulièrement pour ceux de Lydda. Certains furent dépossédés par les soldats de leurs biens quand ils quittèrent la ville ou aux postes de contrôle le long du chemin… Peu de réfugiés moururent - de fatigue, déshydratation et maladie".
    • Morris (2003) p. 177, il écrit : "Une poignée, et peut-être des dizaines, moururent de déshydratation et de fatigue". Dans Morris (2004), p. 433, il écrit : "Quelques réfugiés moururent sur la route.", attribuant le chiffre de 335 morts à Nimr al-Khatib, qu'il qualifie d'"exagéré".
      * Gilbert (2008), p. 218-219 rapporte les chiffres de 355 morts et les propos du commandant britannique de la Légion arabe, Glub Pacha, selon lesquels : "on ne saura jamais combien d'enfants moururent."
      * Dans son introduction à l'article de Spiro Munayyer's "The Fall of Lydda", Journal of Palestine Studies, Vol. 27, No. 4, p. 80-98, 1998, Walid Khalidi donne le chiffre de 350 morts rapportant une estimation d'Aref al-Aref. Selon Henry Laurens (2007), p. 145, les chiffres d'Aref al-Aref se décomposent comme suit : 426 morts lors des événements du dont 176 dans la mosquée et un total de 1300 morts lors des événements, 800 lors des combats dans la ville et le reste au cours de l'exode.
      * Plusieurs témoins parlent de réfugiés tués pour avoir refusé d'abandonner leurs biens comme Rantisi, Audeh and Beebe, Ralph K. Blessed are the peacemakers: The story of a Palestinian Christian. Eagle 1990, p. 24. (le récit de Rantisi peut également être lu dans Rantisi, Audeh G. and Amash, Charles. Death March, The Link, Volume 33, Issue 3, juillet-août 2000.) ou George Habache dans une interview donnée à A. Clare Brandabur (Reply To Amos Kenan's "The Legacy of Lydda" and An Interview With PFLP Leader Dr George Habash, Peuples & Monde', The Nation, 1er janvier 1990.

Références

  1. Fraser (2001), p. 64.
  2. Morris (2004), p. 435-436.
  3. B. Morris (2003), p. 176–177; Said and Hitchens (1998), p. 90-93.
  4. Morris (2004), p. 432
  5. Gilbert (2008), p. 218–219, et Rantisi (1990), p. 25
  6. Morris (1986), p. 82-109.
  7. Morris (2008), p. 77
  8. Morris (2008), p. 263
  9. Morris (2008), p. 273
  10. Golan, Arnon (2003).
  11. Khalidi (1998), p. 80–98.
  12. Morris (2004), p. 424.
  13. Munayyer (1998), p. 87.
  14. Morris (2004), p. 37.
  15. Kirkbride to Bevin (No. 225), 13 April 1948, PRO FO 816\117 quoted in Morris, 2003, p. 128.

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