Eugénie de Rome
Eugénie de Rome ou sainte Eugénie est une vierge qui a subi le martyre à Rome en 257, du temps de l'empereur Valérien. Elle naquit à Rome ou à Alexandrie vers 183, et elle est fêtée respectivement par l'Église catholique et l'Église orthodoxe le 25 et le 24 décembre.
Eugénie de Rome | |
Sainte, martyre | |
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Naissance | vers 183 Rome ou Alexandrie, Empire romain |
Décès | 257 Rome, Empire romain |
Nationalité | Romaine |
Vénéré par | Église catholique, Église orthodoxe |
Fête | 25 décembre (catholiques), 24 décembre (orthodoxes) |
Histoire et légende
Les sources à son sujet sont des Vies d'Eugénie, rédigées en latin ou en grec aux VIe – VIIe siècles[1].
Fille du proconsul d'Égypte Philippe, elle suit des études de philosophie[1]. Un jour, elle se promène avec deux de ses valets eunuques, Prothe et Hyacinthe, lorsqu'elle entend une prédication et des chants qui la ravissent. Elle décide alors de rejoindre les chanteurs, qui sont des moines, et de mener leur vie. Pour cela, elle se fait couper les cheveux, revêt des habits d'homme et prend le nom d'Eugène. Elle acquiert une grande renommée au sein du monastère, notamment par son pouvoir de guérir les malades.
Apprenant cela, une femme nommée Mélanthia, gravement malade, la fait venir chez elle. Eugénie la guérit, mais Mélanthia, persuadée d'avoir un homme en face d'elle, souhaite la récompenser en lui offrant ses charmes. Bien entendu Eugénie refuse, et la dame, humiliée, la fait traîner devant le tribunal en l'accusant d'avoir voulu la violer.
Près d'être jetée aux lions, en présence du proconsul qui est son père, Eugénie décide de révéler la vérité : elle déchire sa tunique, montrant à la foule son sein et révélant ainsi sa féminité. Son père la reconnaît, et l'affaire s'arrête là . Dans la foulée, ses proches se convertissent au christianisme ; son père doit abandonner son poste et devient évêque[1].
Mais l'empereur Valérien a repris les persécutions contre les chrétiens. Eugénie est à nouveau arrêtée et condamnée à mort. Comme beaucoup d'autres saints, elle va subir sans dommages diverses épreuves telles que le bûcher ou l'immersion avec un lourd bloc de pierre attaché à ses pieds. En désespoir de cause, on décide de lui trancher la tête.
Selon les Itinéraires des pèlerinages médiévaux, destinés aux pèlerins, Eugénie aurait été inhumée dans la catacombe d'Aproniano (ou catacombe de la Via Latina). Ses restes auraient ensuite été déposés dans une chapelle de l'église qui lui est dédiée sur le côté droit de la Via Latina. Selon le Liber Pontificalis, au VIIIe siècle, les papes Jean VII et Adrien Ier restaurèrent l'église de sainte Eugénie et fondèrent un couvent à proximité.
Culte
Sainte Eugénie est très tôt l'objet d'un culte[1]. Celui-ci se répandit en Gaule et en Armorique, où il ne subsisterait plus aujourd’hui en dehors des Côtes-d'Armor. Ainsi, on l’invoque toujours, sous le nom de sainte Tujane, en la chapelle de Corseul, en la chapelle Notre-Dame du Haut Trédaniel, à la fontaine de Morieux, en la chapelle et à la fontaine de Plerneuf.
Durant le Moyen Âge, elle est célébrée en Occident comme en Orient, en témoignent les œuvres la figurant dans des églises (mosaïques, sculptures ou encore peintures). Des reliques sont conservées à Varzy (Bourgogne), en Grèce et en Croatie. Au XIIe siècle, Abélard suggère à Héloïse de prendre pour modèle « la bienheureuse Eugénie », qui « revêtit l'habit d'homme, et après avoir été baptisée [...] fut admise dans un collège de moines ». Au XIIIe siècle, elle suscite un regain d'intérêt, figurant dans des légendiers hagiographiques de Barthélémy de Trente (en), Jean de Mailly et Jacques de Voragine. La date de sa mort était fixée au 24 ou 25 décembre, il est cependant compliqué de la célébrer du fait de la plus grande importance de la naissance du Christ à ce moment de l'année. Jacques de Voragine trouve alors une solution en l'association au culte de ses compagnons Prother et Hyacinthe, morts eux le 11 septembre[1].
Les pèlerins l'invoquaient pour la guérison des maladies de tête, en particulier des migraines. Les futures mères la sollicitaient aussi pour s’assurer un heureux accouchement. On pouvait aussi brûler un cierge à son intention, la prier et lui offrir des messes. On l’invoque aussi et surtout pour la guérison des dermatoses, plus particulièrement d'eczémas, maladie Sainte Radegonde ou le mal Saint Aragon, qui est une maladie de la peau des enfants en bas âge à cause d’une allergie au lactose dès l’allaitement maternel.
Procès
Eugénie aurait passé une partie de sa vie vivant comme un homme, devenant même moine sous le nom d'Eugène. Accusée de viol, Eugénie dut prouver son innocence en montrant ses seins à un juge. Cette scène a été représentée sur l'église de Vézelay[2].
Iconographie
Dans le monde byzantin, elle est généralement représentée habillée en femme, comme sur une mosaïque de la basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf de Ravenne et, dans la même ville, sur un médaillon découvert dans la chapelle archiépiscopale construite à la même époque, au VIe siècle. Dans le manuscrit byzantin des Xe – XIe siècles Ménologe de Basile II, elle est en revanche représentée sur une enluminure en « moine noir », durant son martyre[1].
Le premier exemple iconographique occidental connu se trouve en France, dans la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay, un lieu de pèlerinage important au XIIe siècle, illustrant ainsi l'importance du culte de sainte Eugénie. Elle est figurée sur un chapiteau sculpté, portant la tonsure de moine, entre son accusatrice et son père et découvrant sa poitrine lors de son procès[1].
Dans le Miroir historial de Vincent de Beauvais en 1480, elle est représentée en femme lors de son procès, bien que le texte présente son personnage sous le nom d'Eugène[1].
- Autre
- Statue du XVIe siècle, en pierre polychrome, auteur inconnu, église Saint-Pierre de Varzy (précédemment dans l'église Sainte-Eugénie de Varzy).
Notes et références
- Clovis Maillet, « Eugène-Eugénie, être transgenre au Moyen Âge », L'Histoire n°476, octobre 2020, p. 64-67.
- Chloé Maillet, « Des seins de moine à Vézelay. Eugène-Eugénie, nouvelle image transgenre au xiie siècle », Gradhiva. Revue d'anthropologie et d'histoire des arts, no 28,‎ , p. 220–243 (ISSN 0764-8928, DOI 10.4000/gradhiva.3897, lire en ligne, consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
- Giovanni Battista de Rossi, La Roma Sotterranea Cristiana descritta ed illustrata (6 vol.), Rome, 1864-1877.
- Liber Pontificalis. Texte, introduction et commentaire par l'abbé L. Duchesne (2 vol.), Paris-Turin, 1886-1892.
- Bibliotheca Hagiographica Latina, antiquae et mediae aetatis, Société des Bollandistes, Bruxelles, 1900-1901.
- Bibliotheca Sanctorum (12 vol.), Institut Jean-XXIII de l'université pontificale du Latran, Vatican, Rome, 1961-1971.