Emili (projet minier)
Emili, signifiant « Exploitation de MIca Lithinifère par Imerys », est un projet d'extraction minière situé en France, dans le département de l'Allier, portant sur l’exploration d'un important gisement de lithium. Il est localisé à l'emplacement d'une mine déjà en fonctionnement depuis le XIXe siècle.
Annoncé le , il est considéré comme étant l'un des plus grands projets miniers de l'Union européenne[1]. Porté par la société française Imerys, ce projet minier doit démarrer à l'horizon 2027[2]-2028[3] avec l'ambition de réduire la dépendance aux importations de la France en lithium, un matériau essentiel à la production de batteries, elles-mêmes indispensables à la transition énergétique. Avec une ambition d'extraction de 34 000 tonnes par an[4], sa production doit permettre la construction d'environ 700 000 véhicules électriques[5].
Historique
Ce site situé à Échassières racheté par Imerys depuis 2005, est connu de longue date pour son potentiel minier, un gisement de kaolin y étant exploité depuis 1850[5]. Cette mine à ciel ouvert, dite « de Beauvoir » (nom de l’ancienne société exploitante) située en bordure de la forêt des Colettes à la limite des départements de l’Allier et du Puy-de-Dôme, produit chaque année 25 000 à 30 000 tonnes de cette argile blanche, destiné à la céramique[6]. Jusqu'en 1976, le kaolin d'Échassières est notamment livré aux usines produisant la porcelaine de Limoges[7].
Dans les années 1960, le Bureau de recherches géologiques et minières identifie la présence de lithium, mais Imerys ignorait jusqu’alors sa teneur et donc son exploitation pouvait être rentable[8].
En 2015, l'État octroie à Imérys un permis exclusif de recherches sur une zone de zone de 12,17 km² sur le site de Beauvoir[9]. En 2017, la Commission européenne lance « l'alliance européenne pour les batteries » afin de créer une chaîne de valeur européenne pour les batteries complète, compétitive, et durable[10]. En 2018, un rapport du BRGM dresse un portrait positif des ressources et du potentiel français en lithium[11].
En 2021 et 2022, Imerys investit 30 millions d'euros pour financer une exploration et une analyse poussée du site[5]. En 2021, le groupe se voit accorder par le gouvernement une prolongation jusqu'en mai 2025 du permis de recherches de mines de lithium, étain, tantale, niobium, tungstène et béryllium dans le cadre du « Permis de Beauvoir »[12]. En octobre 2022, au bout de 18 mois de sondages et d’études, des spécialistes de l’extraction minière confirment l’intérêt économique de cette mine[8].
Selon Alessandro Dazza, directeur général d'Imerys, ce gisement serait deux fois et demie plus important qu'attendu avec un million de tonnes d'oxyde de lithium conte 320 000 tonnes estimés initialement[13], offrant au moins vingt-cinq ans d'exploitation[1]. D'après la feuille de route du projet Emili, un premier pilote à l'échelle laboratoire sera expérimenté en 2023, avant l'expérimentation du pilote industriel en 2024, puis sa mise en service en 2025, tandis que l'ouverture de l'usine commerciale est annoncée pour 2028[14].
Parties prenantes
Soutiens politiques
Ce projet minier, porté l'entreprise française Imerys, reçoit le soutien du gouvernement français qui octroie une aide d'un million de fonds publics provenant d'un plan de relance du gouvernement après la pandémie de Covid-19 pour financer les travaux de prospection du site entre 2021 et 2022[5].
Le président Emmanuel Macron déclare « Nous avons des mines de lithium et nous allons les développer […] C’est la clé pour notre souveraineté. »[11], tandis que son Ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire qui déclare : « Ce projet, exemplaire sur le plan environnemental et climatique, réduira drastiquement nos besoins d'importation de lithium. »[2]. En février 2022, la Ministre de la Transition écologique et solidaire, Barbara Pompili, affirmé avoir « besoin de matériaux comme le lithium afin de rentrer dans une société dans laquelle on émettra moins de gaz à effet de serre »[13]. Sa successeur Agnès Pannier-Runacher salue à son tour ce projet d'exploitation minière allant dans le sens de l'indépendance énergétique et industrielle de la France et de ses objectifs climatiques[15].
Le 24 octobre 2022, le lancement officiel du projet se fait en présence d'Alessandro Dazza, directeur général d’Imerys, et de plusieurs représentants locaux de l'État : Valérie Hatsch, préfète de l’Allier, Claude Riboulet, président du Conseil Départemental et Stéphanie Dupuy-Lyon, directrice de la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature[16]. Le mois suivant, des représentants régionaux du parti Europe Écologie Les Verts d'Auvergne-Rhône-Alpes se rendent à Échassières pour échanger avec l’équipe du projet d’exploitation de lithium EMILI[17].
Instituts de recherches
Le Centre national de la recherche scientifique et l'Université de Lorraine lancent le projet « Li-Beauvoir », pour apporter leur expertise scientifique sur ce premier projet Emili[18].
Acceptation par les habitants
Les habitants du village d'Échassières, enclavé et habitué à vivre de l'industrie minière, accueillent majoritairement avec satisfaction ce projet pour relancer l'économie locale, confrontée au déclin économique et démographique[19] - [20]. Le maire de la commune voisine de Coutansouze, Denis James, en poste depuis 2005, apporte son soutien au projet Emili en déclarant : « Les mines font partie de l’histoire de notre territoire »[9].
Certaines associations écologistes locales s'inquiètent de l'impact de cette exploitation sur la forêt des Colettes, classée site Natura 2000, ce à quoi Imérys répond que si cette forêt fait effectivement partie de la zone concernée par le permis de recherche, elle ne sera pas intégrée à la zone d'exploitation[9]. D'autres inquiétudes des habitants concernent les prélèvements en eau nécessaires à cette exploitation[9].
Une première réunion d'information est organisée à Lalizolle en mars 2023. Imerys déclare que l'extraction et la concentration doivent se faire sur le site de la carrière actuelle. Les produits seront ensuite chargés et acheminés en train jusqu'à l'usine finale de conversion, située sur une friche industrielle, dans un lieu qui reste encore à déterminer, à 100 km maximum du site de Beauvoir. La concentration en lithium du gisement se situe entre 0,9 % et 1 %. D'autres minéraux (feldspath, étain, tantale, etc.) seront valorisés. Mais les déchets (résidus et stériles) ne pourront pas tous être réintroduits sous terre. Une étude hydraulique sera lancée par le cabinet spécialisé Antea Group en 2023. La durée d'exploitation de la mine est estimée à 25 ans et son impact direct et indirect sur l'emploi à 1 000 personnes dans l'Allier[21].
Impact Ă©conomique
Rentabilité du projet
L'exploitation de lithium d'Imerys va coûter environ 1 milliard d'euros, sur la base d’un coût de production du lithium estimé entre 7 euros et 9 euros le kilo[6]. Imerys le juge « très compétitif, en particulier sur le marché européen, et pouvant garantir un retour sur investissement conformément aux orientations du groupe »[6] alors qu'2021 la tonne de lithium est 45 030 € la tonne avant de dépasser les 50 000 € en 2022[11].
Impact Ă©conomique local
Au niveau local, ce projet pourrait à terme entraîner la création de 1 000 emplois directs et indirects en région Auvergne-Rhône-Alpes, sur deux sites : la mine d’extraction souterraine et une usine de purification des minéraux et de transformation en hydroxyde de lithium, à moins de 100 kilomètres de la mine[8]. L'exploitation de ce projet minier devrait durer 25 ans[5]. Selon Imerys, ce projet contribuera à la création d'une filière européenne intégrée de la batterie pour véhicules électriques en proposant une solution locale pour le lithium[22]. Le lithium est utilisé dans la fabrication des cathodes, le pôle négatif des batteries électriques[13].
Les villes de Commentry et de Montluçon, situées respectivement à 22 km et 35 km du site minier, sont en concurrence pour accueillir l'usine de conversion du lithium extrait de cette exploitation[23].
Impact macroéconomique
Sur le plan macro-économique, ce projet doit permettre à l’Europe à ne pas devenir dépendant de la Chine pour le lithium nécessaire aux batteries des voitures électriques, censées être les seuls véhicules neufs qui pourront être vendus dans l’Union européenne à partir de 2035[8]. En effet, la production mondiale de lithium est très concentrée, quatre pays ayant la mainmise sur 95% de la production mondiale : la Chine, le Chili, l'Australie, et l'Argentine[13].
En mai 2023, le groupe chinois XTC et le français Orano annoncent leur intention d'investir 1,5 milliard d’euros et créer 1 700 emplois dans une usine de construction de production de matériaux de cathodes pour les batteries lithium dans le nord de la France (Dunkerque)[24].
Impact environnemental
Critiques et oppositions
Ce projet est critiqué pour ses conséquences environnementales par Antoine Gatet, le vice-président de France Nature Environnement (FNE), ainsi que par Michel Jarry, président de FNE pour la région Auvergne-Rhône-Alpes. Les critiques dont ce projet est la cible portent sur :
- Ce projet d'extraction est sur un site classé Natura 2000, en partie couvert par une forêt très ancienne, la forêt des Colettes décrite par l'office de tourisme comme encore sauvage[13].
- Si le lithium est très abondant sur ce site (près d'un million de tonnes), sa faible concentration, de l'ordre de 0,9 à 1 %, implique qu'il faudrait extraire près de 100 tonnes de roche pour n'obtenir qu'une seule tonne de lithium[20].
- La consommation très importante d'eau pour l'extraction de lithium (deux mille litres d’eau pour produire un gramme de lithium[11]), d'énergie, et de produits chimiques[25].
- L'absence de consultations publiques.
- Le fait que les bénéfices ne concerneront qu'une minorité d'individus puisqu'il s'agit de produire un véhicule très onéreux inaccessible au plus grand nombre[2] (ce qui n'empêche pas Michel Jarry de reconnaître « une bonne nouvelle peut-être pour les emplois mais pas pour la nature[26] »).
Mesures et réponses d'Imerys
De son côté, le groupe Imerys estime les émissions de CO2 générées par l’exploitation ne seront que de 8 kg par tonne de lithium extraite[8] ; cependant, il faut deux tonnes d’eau pour produire un gramme de lithium[11]. L’exploitation se fera en souterrain, ce qui minimisera les poussières, et le transport des roches se fera par canalisations et voie ferrée pour éviter les camions entre la mine et le site industriel[8]. En outre, Imerys a annoncé que la mine adopterait un standard international en cours d'élaboration, Initiative for Responsible Mining Assurance, qui vise à réduire les rejets toxiques et à minimiser la consommation d'eau[13].
Les organismes spécialisés chargés d’évaluer les impacts sur l’eau et la biodiversité sont Antea Group et Écosphère, tandis qu'Imerys a annoncé une étude sur les sources et les puits d’Échassières, supposée paraître en 2023[14].
Autre remarque
Les géologue et ingénieure en géochimie Marieke Van Lichtervelde et Laure Laffont saluent dans Libération un projet minier dont les conséquences environnementales néfastes sont relativement faibles, mais mettent en garde contre un effet rebond provoqué par cette offre supplémentaire de lithium ; elles appellent à ce que la sobriété des usages devienne « la norme »[27].
Notes et références
- « Automobile, batteries, lithium, Imerys : Emili joli », sur Les Echos, (consulté le )
- « Exploitation du lithium en France : quatre questions sur le projet de mine dans le Massif central », sur Franceinfo, (consulté le )
- Centre France, « Energie - Réunion publique sur le projet de mine de lithium à Echassières (Allier): un bon coup de com' mais peu d'infos », sur www.lamontagne.fr, (consulté le )
- « Lithium : la France prévoit d’ouvrir l’une des plus grandes mines d’Europe, dans le Massif central », sur Libération (consulté le )
- « Batteries: Imerys va exploiter un gisement de lithium dans l'Allier », sur Challenges, (consulté le )
- « Une première mine de lithium va être exploitée en France, avec l’ambition d’équiper 700 000 véhicules en batteries par an », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Rédaction de l'INA, « La mine de lithium d'Echassières, une «vraie mine d'or à exploiter» », sur ina.fr, (consulté le ).
- « Mine de lithium : quel est ce projet qui voir le jour en 2028 dans l’Allier ? », sur Le HuffPost, (consulté le )
- Emmanuel Clévenot, « Mine de lithium dans l'Allier, les habitants en colère », sur Reporterre, le média de l'écologie,
- « Alliance européenne pour la batterie : table-ronde avec des industriels français », sur www.economie.gouv.fr (consulté le )
- « Lithium : la France lancée dans la course à "l’or blanc" indispensable aux batteries électriques », sur ladepeche.fr (consulté le )
- Robert Jules, « Exploitation de lithium dans l'Allier : pourquoi le leader mondial Imerys temporise », sur La Tribune,
- « Quatre questions sur le vaste projet d'exploitation d'une mine de lithium en France », sur LExpansion.com, (consulté le )
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- « Imerys ambitionne de devenir un acteur majeur du lithium en Europe », Imerys,‎ (lire en ligne)
- « Représentants du Gouvernement et élus locaux répondent présent pour le lancement officiel d’EMILI », Imerys,‎ (lire en ligne)
- « Une délégation régionale d'EELV visite le site de Beauvoir | Beauvoir-lithium », sur emili.imerys.com (consulté le )
- Julien Mercadier, « Li-Beauvoir : un programme de recherche multidisciplinaire sur la future mine française de lithium », sur www.insu.cnrs.fr, (consulté le )
- « Reportage : dans l’Allier, le lithium donne bonne mine », La Nouvelle République,‎ (lire en ligne)
- « Exploitation du lithium : "Il ne faut pas passer à côté", estiment les riverains d'une future mine dans l'Allier », sur Franceinfo, (consulté le ).
- Lithium « made in France » : dans l'Allier, le projet de mine au banc d'essai, Les Échos, 2 mars 2023.
- « EMILI : Projet d’exploitation du Lithium de Beauvoir », sur emili.imerys.com (consulté le )
- « Économie - Bataille autour du lithium : Montluçon et Commentry rêvent d'accueillir l'usine de conversion du groupe Imerys », sur La Montagne, (consulté le )
- « Batteries lithium : Emmanuel Macron annonce à Dunkerque un investissement de 1,5 milliard d’euros », Ouest France,‎ (lire en ligne)
- « L'extraction de lithium : une technique gourmande en énergie et en eau », sur La Tribune, .
- « L'une des plus grandes mines européennes de lithium va ouvrir en France d'ici 2027 », sur France Inter, (consulté le ).
- Marieke Van Lichtervelde et Laure Laffont, « Du lithium "responsable", est-ce vraiment possible ? », sur Libération (consulté le ).