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Dumontinia tuberosa

Dumontinia

Dumontinia tuberosa
Description de cette image, également commentée ci-après
Dumontinia tuberosa, la Sclérotinie tubéreuse

Genre

Dumontinia
L.M. Kohn, 1979

Espèce

Dumontinia tuberosa
(Bull.) L.M. Kohn, 1979

Synonymes

  • Helvella tuberosa Dicks.[1]
  • Hymenoscyphus tuberosus (Bull.) W. Phillips[1]
  • Octospora tuberosa Hedw.[1] - [2]
  • Peziza tuberosa Bull. (basionyme)[1] - [2]
  • Sclerotinia tuberosa (Hedw.) Fuckel[1]
  • Sclerotinia tuberosum[1]
  • Whetzelinia tuberosa (Hedw. ex Wrat) Korf & Dumont[1]

Dumontinia tuberosa, la Sclérotinie tubéreuse, est une espèce de champignons ascomycètes de la famille des Sclerotiniaceae. Il s'agit de l'unique espèce du genre Dumontinia. Cette petite pézize brune qui ne dépasse pas trois centimètres de diamètre est un parasite phytopathogène de certaines Anémones, principalement l'Anémone sylvie, son long pied se rattachant profondément à un sclérote, c'est-à-dire à un amas souterrain de mycélium dur et noir, formant un manchon autour d'un vieux rhizome dont le champignon se nourrit et constituant une réserve nutritive depuis laquelle se développe la fructification printanière. L'espèce est présente sur l'ensemble de l'écozone holarctique.

Taxonomie

Une des premières illustrations connues de l'espèce par Pierre Bulliard en sous le nom Peziza tuberosa.
Illustration de Johannes Hedwig en , sous le nom Octospora tuberosa.

Il s'agit de l'une des pézizes les plus anciennement connues[3]. Elle est décrite pour la première fois par le botaniste allemand Johannes Hedwig en , sous le nom Octospora tuberosa[4]. Mais elle avait été récoltée et illustrée plus de dix ans auparavant, en , par son compatriote Johann Jacob Reichard (de). L'espèce est recombinée dans le genre Peziza en par l'Écossais James Dickson puis formellement décrite en , par le Français Pierre Bulliard[5], ce qui constitue son basionyme. Tout au long du XIXe siècle, son sclérote, son parasitisme sur les rhizomes d'Anémones et ses conidies attirent l'attention de mycologues de renom comme les Français Edmond Tulasne, Hector Léveillé et Jules de Seynes ou le Prussien Anton de Bary[3].

Cette espèce est recombinée en dans le genre Sclerotinia, qui regroupe les pézizes produisant des sclérotes. La mycologue américaine Linda Myra Kohn créé un genre distinct en pour rassembler les espèces de Sclerotinia à la structure cellulaire de l'excipulum particulière, c'est-à-dire aux cellules extérieures des apothécies à la texture prismatique et à la partie interne composée d’hyphes détachés dans une matrice gélatineuse[6] - [7]. Sclerotinia ulmariae, qui produit un sclérote sur la Reine des prés est également recombiné dans ce genre par Kohn sous le nom Dumontinia ulmariae. Cependant, son nom correct est depuis Hyalopeziza millepunctata, classé dans la famille des Hylopezizaceae. Le genre Dumontinia est donc monotypique[8] - [9].

Le nom de genre Dumontinia est un hommage au mycologue américain du Jardin botanique de New York Kent Parsons Dumont (d), collègue de l'auteure[10]. L'épithète spécifique « tuberosa » fait référence au sclérote, tuber signifiant « truffe, racine bombée »[6].

En français, l'espèce est nommée de son nom vulgarisé et normalisé « Sclérotinie tubéreuse[11] ». Le nom vulgarisé « Pézize tubéreuse » est également employé aux XVIIIe[5] et XIXe.

Description

Macroscopie

Jeunes spécimens de Dumontinia tuberosa et leur sclérote.

La SclĂ©rotinie tubĂ©reuse produit une apothĂ©cie d'abord profondĂ©ment bombĂ©e, puis en forme de cruche ou de coupe Ă©talĂ©e. Elle mesure de 10 Ă  30 mm de diamètre. Les surfaces interne et externe sont lisses, la marge est incurvĂ©e, droite et rĂ©gulière et l'ensemble est uniformĂ©ment colorĂ© de brun fonçant Ă  mesure du mĂ»rissement, l'extĂ©rieur Ă©tant parfois un peu plus clair et finement pruineux. Sa chair est cireuse, cassante et brunâtre. Le tout est prolongĂ© par un long pied fin, mesurant de 30 Ă  100 mm, plus ou moins dĂ©formĂ© et partiellement enfoui dans le sol. Il prend naissance d'un sclĂ©rote souterrain globuleux ou en forme de haricot, noir Ă  l'extĂ©rieur, blanc Ă  l'intĂ©rieur, dur et rĂ©sistant. Sa taille varie de celle d'une tĂŞte d'Ă©pingle Ă  celle d'une noisette et peut atteindre 15 mm de long[3] - [12] - [13] - [14].

Microscopie

Dumontinia tuberosa produit des spores elliptiques Ă  ellipsoĂŻdales, lisses, hyalines, biguttulĂ©es Ă  quadriguttulĂ©es, plus rarement garnies de six guttules et mesurant de 12 Ă  16 Âµm de long pour 6 Ă  8 Âµm de large. Ces spores sont produites par huit et disposĂ©es en une seule file dans des asques cylindriques et clavĂ©s qui mesurent de 150 Ă  180 Âµm de long pour 11 Âµm de diamètre et dont l'extrĂ©mitĂ© bleuie au bleu de mĂ©thylène. Les paraphyses sont minces, cylindriques, non cloisonnĂ©es et lĂ©gèrement Ă©largies aux extrĂ©mitĂ©s. Les cellules externes des apothĂ©cies prĂ©sentent une formation prismatique alors que la partie interne est composĂ©e d’hyphes dĂ©tachĂ©s dans une matrice gĂ©latineuse. Les hyphes constituant le sclĂ©rote sont longs, sinueux, anguleux, disposĂ©s sans ordre prĂ©cis et mesurent 10 Ă  12 Âµm de diamètre. Ceux de la partie interne sont hyalins alors que ceux de la couche externe sont noirâtres[12] - [13] - [14] - [11] - [7].

Écologie et répartition

DĂ©veloppement en troupe.
Floraison abondante de l'Anémone sylvie.

La Sclérotinie tubéreuse pousse tôt au printemps, de façon solitaire ou en troupe, parmi les Anémones en fleurs dans les forêts de feuillus humides notamment les ripisylves ainsi que dans les prairies humides[12] - [14].

Dumontinia tuberosa est dispersé, peu fréquent à courant, mais jamais en grand nombre[12] - [14] - [11] - [13].

L'espèce est présente en Europe dont les pays francophones, en Asie jusqu'au Japon et en Amérique du Nord[15].

Plantes hĂ´tes

La Sclérotinie tubéreuse a pour plantes hôtes des Anémones, essentiellement l'Anémone sylvie[14], mais également l'Anémone de Grèce et l'Anémone fausse-renoncule[13] - [16]. Selon certaines sources, Dumontinia tuberosa peut produire un sclérote à partir des rhizomes de la Renoncule ficaire[7] alors que d'autres le limitent aux Anémones[12] - [13] - [14]. Au Japon, l'espèce est aussi en association avec la variété japonica de l'Anémone hépathique[17].

Biologie

Dumontinia tuberosa et son sclérote.
Plante entière de l'Anémone sylvie avec son rhizome.
Différentes formes de Sclérotinie tubéreuse et de leur sclérote (1-5) ainsi que le développement des spores produisant des conidies (6) et du mycélium (7) (illustration de Tulasne, 1865)

Même si l'Anémone n'est pas totalement indispensable à la formation du sclérote, la relation entre la plante et Dumontinia tuberosa reste fréquente[18].

Le champignon est capable d'attaquer le rhizome par sa surface en traversant la cuticule et les parois cellulaires. Si elles existent, les blessures servent également de voie de pénétration. L'infestation concerne toujours les parties âgées du rhizome, à l'opposé du bourgeon terminal et n'atteint jamais les parties récentes ; ces zones anciennes étant souvent plus abimées et plus riches en amidon que les jeunes. Des coussinets d'infection se forment au contact de la cuticule où ils émettent des filaments d'infection qui traversent les couches cuticulaires de l'hôte par l'intermédiaire d'appressoria simples servant à franchir les parois cellulaires. Cependant, il ne forme pas d'haustoria. Le champignon s'y nourrit d'amidon, de pectine ainsi que d'acides aminés tout en délaissant les acides organiques. Bien qu'il soit capable de percer les parois cellulosiques, il ne digère pas la cellulose[19].

Petit à petit, le mycélium forme un manchon qui entoure le rhizome infecté, sans qu'il n'intègre la plante hôte. Cette gaine mycélienne est toujours mêlée d'humus et de débris végétaux et passe facilement inaperçue. Il s'ensuit une phase de dormance hivernale qui se lève au printemps suivant. La grande quantité de mycélium accumulée dans le sclérote permet d'amorcer le développement de la fructification, lequel coïncide, dans le cycle annuel, avec la période de végétation active de l'Anémone[19].

Les spores germent facilement, y compris au sein de la cupule, et produisent soit directement des conidies hyalines et sphériques soit un mycélium très mince, un promycélium, donnant naissance à un grand nombre de conidies[3]. Ces dernières produisent ensuite un mycélium qui cherche à se développer en parasitant le rhizome d'une nouvelle Anémone.

Une fois colonisés et vidés de leur réserve, les rhizomes peuvent subir des infestations secondaires de la part d'autres agents parasites ou saprobiontes, laissant in fine des « rhizomes fantômes » creux souvent rencontrés lors des prospections du champignon[19].

Étant donné que les jeunes rhizomes ne sont pas infectés, le parasitisme est limité et il serait possible de qualifier la relation de commensalisme[19]. Cependant, cette association est généralement considérée comme néfaste aux Anémones. C'est par exemple le cas dans le cas pour l'Anémone hépatique au Japon où il s'agit bien de parasitisme : les feuilles flétrissent en devenant brun rougeâtre alors que le collet et les racines pourrissent en présence du champignon[17].

Confusions possibles

Sclerotinia sclerotiorum (dont Sclerotinia ficariae est un synonyme courant) est morphologiquement similaire Ă  Dumontinia tuberosa. Cependant, son apothĂ©cie est brun dorĂ©, ses spores mesurent de 9 Ă  13 Âµm de long pour 4 Ă  6 Âµm de large et contiennent moins de quatre guttules. De plus, il est saprobionte d'un large Ă©ventail de plantes telles que la Renoncule ficaire et de plantes cultivĂ©es comme Phaseolus, Daucus, Helianthus et Solanum dans le tissu duquel s'enfonce le sclĂ©rote, ce dernier mesurant gĂ©nĂ©ralement 30 mm par 10 mm[12] - [20] - [6] - [21]. Dans le cas oĂą Dumontinia tuberosa est parasite de la Renoncule ficaire, les spĂ©cimens sont dĂ©licats Ă  diffĂ©rencier. D'autres critères plus tĂ©nus sont alors utilisables : la couche externe de l'apothĂ©cie de Dumontinia tuberosa est composĂ©e d'hyphes aux cellules distendues gĂ©nĂ©ralement noyĂ©es dans un gel et la partie externe du sclĂ©rote est composĂ©e d'une couche unique de cellules aux hyphes clavĂ©s. Ă€ l'inverse, la couche externe de l'apothĂ©cie de Sclerotinia sclerotiorum est composĂ©e de cellules globuleuses et la partie externe de son sclĂ©rote est composĂ©e de deux Ă  six couches d'hyphes globuleux[6] - [21].

Une autre espèce proche, Sclerotinia trifoliorum, est parasite de FabacĂ©es comme le genre Trifolium. Sa coloration tend plus vers le brun rougeâtre, sa taille est plus petite et ses spores mesurent de 13 Ă  17 Âµm de long pour 7 Ă  9 Âµm de large. Son sclĂ©rote noir est de forme irrĂ©gulière et peut mesurer jusqu'Ă  20 mm par 10 mm[12].

Stromatinia rapulum est Ă©galement une espèce de champignons phytopathogènes morphologiquement similaires mais il parasite les rhizomes du genre Polygonatum. Ses apothĂ©cies pĂ©donculĂ©es ressemblent Ă  celles de Dumontinia tuberosa et ses spores qui mesurent de 10 Ă  17 Âµm de long pour 5 Ă  8 Âµm de large, ont des dimensions proches[5] - [22]

Notes et références

  1. BioLib, consulté le 14 avril 2018
  2. V. Robert, G. Stegehuis and J. Stalpers. 2005. The MycoBank engine and related databases. https://www.mycobank.org/, consulté le 13 mai 2022
  3. Jules de Seynes (1833-1912), Recherches pour servir a l'histoire naturelle des végétaux inférieurs., vol. III partie 2 Quelques espèces de Pézizes, observations sur le Peziza tuberosa Bull., Paris, G. Masson, (lire en ligne)
  4. (la) Ioanne [Johannes, Johann] Hedwig (1730-1799), Descriptio et adumbratio microscopico-analytica muscorum frondosorum nec non aliorum vegetantium e classe cryptogamica Linnaei novorum dubiisque vexatorum, t. secundus, Lipsiensis, Georgio III. M. Britanniae regi potentissimo consecratus. Societatis Reg. Scient. Londinensis membro; honorarioque Physiophilorum Berol. et Oecon., , 156 p. (lire en ligne)
  5. Bulliard, Pierre (1742-1793), Histoire des champignons de la France, ou traité élémentaire. renfermant dans un ordre méthodique les descriptions et les figures des champignons qui croissent naturellement en France, Paris, Imprimerie de la Société typographique, , 424 p. (lire en ligne)
  6. (en) Linda Myra Kohn et al., « A monographic revision of the genus Sclerotinia », Mycotaxon, vol. 9, no 2,‎ , p. 365-444 (lire en ligne)
  7. Etienne Varney, « Récolte de Dumontinia tuberosa sous Ranunculus ficariae au Chesnay (78) », Bulletin des naturalistes des Yvelines,‎ (lire en ligne)
  8. Index Fungorum, consulté le 14 avril 2018
  9. V. Robert, G. Stegehuis and J. Stalpers. 2005. The MycoBank engine and related databases. https://www.mycobank.org/, consulté le 14 avril 2018
  10. (de) Burkhardt L., Eine Enzyklopädie zu eponymischen Pflanzennamen: Von Menschen & ihren Pflanzen, Berlin, Botanic Garden and Botanical Museum Berlin, Freie Universität Berlin, , 1726 p. (DOI 10.3372/epolist2022, lire en ligne)
  11. Patrice Tanchaud, « Dumontinia tuberosa », sur mycocharentes.fr,
  12. (it) Gianfranco Medardi, Atlante fotografico degli Ascomiceti d'Italia, Vicenza, Associazione micollogica Bresadola, Centro Studi Micologici, maggio 2006, 345 p.
  13. (en) R.W.G. Dennis (Royal Botanic Gardens Kew), British acomycèyes, Vaduz, J. Cramer, , 330 p. (ISBN 3768205525)
  14. J. Breitenbach et F. Kränzlin (trad. française J. Keller), Champignons de Suisse : contribution à la connaissance de la flore fongique de Suisse, vol. 1, Les Ascomycètes., Mykologia, (ISBN 978-3-85604-111-3)
  15. GBIF Secretariat. GBIF Backbone Taxonomy. Checklist dataset https://doi.org/10.15468/39omei accessed via GBIF.org, consulté le 14 avril 2018
  16. (en) Ellis M.B. & J.P, Microfungi on land plants, an identification handbook, London, The Richmond publishing, , 879 p. (ISBN 0855462450)
  17. (en) Uzuhashi, S., Ohtaka, N., Hirooka, Y. et al., « Dumontinia root rot of liver leaf caused by Dumontinia tuberosa », Journal of General Plant Pathology, vol. 76,‎ , p. 183–187 (DOI 10.1007/s10327-010-0235-4)
  18. Pepin R., « Modalités de la formation des sclérotes chez Sclerotinia tuberosa (Hedw.) Fuckel. », Le Naturaliste Canadien, vol. 102, no 5,‎ , p. 683-692 (lire en ligne)
  19. R. Pepin, « Le comportement parasitaire de Sclerotinia tuberosa (hedw.) Fuckel sur Anemone nemorosa L. Etude en microscopie photonique et electronique a balayage », Mycopathologia, vol. 72, no 2,‎ , p. 89–99 (DOI 10.1007/bf00493817)
  20. Patrice Tanchaud, « Dumontinia tuberosa », sur mycocharentes.fr,
  21. (en) G. S. Saharan & Naresh Mehta, Sclerotinia Diseases of Crop Plants: Biology, Ecology and Disease Management, New Delhi, Springer, , 531 p. (ISBN 978-1-4020-8408-9)
  22. (en) Chachuła, Piotr; Rutkowski, Ryszard; Mleczko, Piotr, « Presence and distribution of the rare ascomycete Stromatinia rapulum (Bull.: Fr.) Boud. (Sclerotiniaceae, Helotiales) in Central Europe with new localities from Poland », Nova Hedwigia, vol. 106, nos 3-4,‎ , p. 427-440 (DOI 10.1127/nova_hedwigia/2017/0443)

Liens externes

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