Droit du Tibet avant 1959
Le code juridique tibétain remonte au règne du roi Songtsen Gampo au VIIe siècle. Pendant les 350 ans qui suivirent la fin de la dynastie Yarlung, les règles juridiques de l'ancien gouvernement central restèrent en vigueur dans plusieurs des petits États qui lui avaient succédé.
Au XIIIe siècle, l'école sakya du bouddhisme tibétain utilise le code pénal mongol. Au XIVe siècle, Changchub Gyaltsen, fondateur et régent de la lignée Phagmodrupa, abolit les lois mongoles en faveur de l’ancien code tibétain, auquel il ajoute dix articles inspirés des préceptes bouddhistes. Le système pénal, qui jusque-là autorisait l'exécution des criminels sans procès, est remplacé par une gradation des peines, dont la peine de mort.
Les années 1560 voient la naissance du royaume Tsang et la rédaction d'un code de loi, le code Tsang, rédigé par le 4e roi Tsang après 1623. Il restera en usage, sous différentes versions, jusqu'au milieu du XXe siècle.
En 1642, le 5e dalaï-lama est installé à la tête du Tibet par le Mongol Gushi Khan. De nouveaux codes juridiques, largement inspirés du code des Tsang, voient le jour. Ils ne subiront que peu de modifications jusqu'à la fin de l'État lamaïste.
Dans la période de l'empire mandchou, divers châtiments sont introduits par les Mandchous au Tibet (« mort des mille coupures », port de la cangue). Au tournant du XXe siècle, les peines en vigueur vont de l'administration de centaines de coups de fouet à la peine capitale où le condamné, cousu dans un sac de peau ou lesté d'une grosse pierre, est jeté à l'eau.
Au cours de son règne, le 13e dalaï-lama interdit la peine de mort et les châtiments physiques mais, à en croire les témoignages de voyageurs de l'époque, ces interdictions ne sont pas toujours suivies d'effets.
L'établissement du code juridique tibétain (VIIe siècle)
Selon Rebecca Redwood French, le code juridique tibétain remonte au règne du roi Songtsen Gampo au VIIe siècle [1].
Ce code édictait trois types de règles :
- les « quatre lois fondamentales » interdisant le meurtre, le vol, la lubricité et le faux témoignage ;
- les « dix actes non vertueux » ;
- les « seize principes moraux ».
Les « quatre lois fondamentales » et les « dix actes non vertueux » étaient issus directement du canon bouddhiste tibétain. La liste des délits était fortement ancrée dans la doctrine bouddhiste. La liste des « seize principe moraux » formulés pat Tsongtsen Gampo était encore très connue dans le Tibet du XXe siècle[2].
Pendant les 350 ans qui suivirent la fin de la dynastie Yarlung, les règles juridiques de l'ancien gouvernement central restèrent en vigueur dans plusieurs des petits États qui lui avaient succédé[3].
La période sakya (XIIIe siècle)
Selon Rebecca Redwood French, au XIIIe siècle, l'école sakya du bouddhisme tibétain, avec l'aide d'adeptes mongols, prend le pouvoir dans une bonne partie du Tibet central, instaurant la première période théocratique tibétaine[4].
Selon Rebecca Redwood French, qui cite Giuseppe Tucci, les Sakyapa utilisèrent les lois mongoles durant cette période. Le code pénal mongol introduit au Tibet fut, soit le Yassa de Genghis Khan, soit plus probablement ses élaborations et adaptations successives incorporées dans les lois Yuan. Il fut introduit au Tibet par la dynastie Yuan et les sakyapa l'auraient accepté et mis en application[5]. Pour autant, selon Tsepon W. D. Shakabpa et Dinesh Lal, quand Sakya Pandita rejoignit en 1247 le camp de Godan à Liangzhou dans l'actuelle province de Gansu, et qu'il constata que les troupes mongoles y exterminaient les Chinois Han en les jetant dans un fleuve, il fut horrifié et donna des instructions religieuses, indiquant notamment que l'acte de tuer un être humain est l'un des pires selon le Dharma du Bouddha[6] - [7].
La période Phagmodrupa
Changchub Gyaltsen (1302–1364), fondateur et régent de la lignée Phagmodrupa, renversa en 1354 la théocratie sakya[8]. Le premier code rédigé durant la dynastie Phamogru, le Code Phamogru ou Neudong, aborde dans sa 2e partie, entre autres sujets, le meurtre, le vol, l'adultère[9].
Changchub Gyaltsen remplaça la division en treize myriarchies datant des Mongols (de la dynastie Yuan) par des rdzong ou dzong (districts) et abolit les lois mongoles en faveur de l’ancien code tibétain, auquel il ajouta dix articles inspirés des préceptes bouddhistes[10] - [11]. Selon Michael von Brück, il réforma le système pénal qui jusque-là autorisait l'exécution des criminels sans procès, par une justice ayant à sa disposition une gradation des peines, dont la peine de mort[12].
La période du royaume Tsang
Les années 1560 voient la naissance du royaume Tsang. Un code de loi, le code Tsang, est rédigé par le 4e roi Tsang après 1623. Selon Rebecca Redwood French, il restera en usage, sous différentes versions, jusqu'au milieu du XXe siècle[13].
Le Ganden Phodrang (1642-1959)
En 1642, le 5e dalaï-lama est installé à la tête du Tibet par le Mongol Gushi Khan. C'est le début de la 2e période théocratique du Tibet, laquelle devait durer trois siècles. Selon Rebecca Redwood French, de nouveaux codes juridiques, largement inspirés du code des Tsang, voient le jour. Ils ne subiront que peu de modifications jusqu'à la fin de l'État lamaïste[14].
Selon Dawa Norbu, la diffusion du bouddhisme au Tibet devait atténuer la sévérité de ce code, et que la peine de mort et les châtiments cruels furent supprimés par le 13e dalaï-lama[15].
Selon Sarat Chandra Das, les Kalon et les dzongpon exercent des fonctions judiciaires. Les abbés des monastères de Sera et de Drépung règlent les délits mineurs survenus dans leurs monastères, mais confient les inculpations plus importantes à la Cour du régent et aux Kalon. Les autres monastères ne traitent que les infractions à la loi commune. Quand l'affaire est examinée, le juge fixe le coût du procès qui doit être payé à égalité par les deux parties. Habituellement, les disputes sont gérées par les doyens des villages, mais en général, les procès sont rares, les Tibétains étant d'un naturel paisible, raisonnable, ayant bon cœur, et respectueux des lois[16]. Lors d'un procès, les deux parties constituent des dossiers par écrit lus devant la cour[17].
La période de l'empire mandchou
Selon Charles Alfred Bell, les Mandchous ont notamment introduit au Tibet le châtiment de l’implantation de tiges de bambous sous les ongles[18]. Jamyang Norbu signale le fait que, le , à Lhassa, 17 Tibétains furent exécutés par les bourreaux du corps expéditionnaire mandchou. Treize furent décapités et deux hauts lamas furent lentement étranglés jusqu’à la mort. Les prisonniers principaux, deux ministres du Kashag, Ngabo et Lumpa, furent mis à mort par une forme d'exécution chinoise appelée lingchi, traduite parfois par « mort languissante » ou « mort des mille coupures », qui prévoit que la personne condamnée ait le corps méthodiquement découpé en de petites portions avec un couteau sur une période prolongée dans le temps – pouvant s’étendre même sur un jour complet – jusqu'à ce qu’elle meure enfin. Cette forme d'exécution fut utilisée en Chine entre l’an 900 et son abolition officielle qui intervint en 1905. Une étude récente mentionne toutefois des exécutions par lingchi au Tibet oriental, dans le Kham, jusqu’en 1910, perpétrées par l'administration de Zhao Erfeng[19].
La poétesse tibétaine Woeser, dans un entretien récent qui, selon Jamyang Norbu, réfute la propagande officielle chinoise sur le « servage féodal barbare » (immanquablement « prouvé » par des expositions d'instruments de torture utilisés prétendument au Tibet comme les cages, les manilles, le pilori du cou, les pierres, et les couteaux utilisés pour enlever les globes oculaires), a déclaré que les « instruments de la torture les plus brutaux provenaient de la Chine intérieure – les émissaires impériaux de la dynastie Qing les ayant apportés au Tibet »[19] - [20].
Selon William Woodville Rockhill la cangue, un châtiment chinois était adopté dans l'ensemble du Tibet. Les criminels qui la portaient étaient aussi lourdement enchaînés[21]. Selon Jamyang Norbu, une des contributions chinoises fut le mu jia (木枷), appelé la cangue. Cette méthode est similaire au pilori en Occident, à la différence que le bord de la cangue n'était pas fixé à une base, et devait être porté par le prisonnier. Au Tibet, ce système appelé gya-go ou « la porte chinoise », était largement utilisé par l'administration chinoise mandchoue. La cangue, en plus d'être une forme restriction efficace, était aussi une des formes les plus pénibles de punition à cause de son poids. La méthode tibétaine traditionnelle pour restreindre des prisonniers utilisait les fers aux jambes (kang-chak)[19].
Selon le site de Jean Dif, le moine bouddhiste japonais Ekai Kawaguchi, qui s'illustra par un périple de trois ans au Tibet au tournant du XXe siècle, rapporte dans ses mémoires les supplices alors en vigueur au Tibet : l'empilement de bonnets de pierre sur la tête jusqu'à éjection des globes oculaires; l'administration de 300 à 700 coups de fouet tailladant les chairs du dos; l'amputation des mains pour les voleurs récidivistes, pendus au préalable par les mains; l'énucléation; le nez fendu et les oreilles coupées en cas d'adultère de l'épouse, châtiment éventuellement dispensé par le mari lui-même; l'exil; la condamnation à mort, le condamné étant cousu dans un sac de peau ou lesté d'une grosse pierre puis jeté à l'eau. Kawagushi note que les mendiants aveugles et privés de mains ne manquent pas à Lhassa [22].
Sarat Chandra Das précise que la peine de mort n'est prononcée qu'en cas de dacoït (chagpa, cas de brigands ayant torturé leurs victimes pour leur extorquer leurs biens). Les délits moins haineux sont passibles d'exil, du fouet, de la prison ou d'amendes. Un meurtrier est condamné à quatre amendes : (1) le prix du sang à la famille de la personne tuée, (2) pour les funérailles, (3) à l'État et (4) un don pour se réconcilier avec la famille et les amis de la victime. Le montant varie du poids de la personne tuée en or, cinq onces d'argent ou un équivalent en nature. En l'absence de paiement, le meurtrier est emprisonné. Si le meurtrier est un malade mental ou un mineur de moins de huit ans, ses parents ou proches doivent s'acquitter de l'amende. Si un animal est responsable de la mort, le propriétaire doit payer les funérailles. Quand un voleur est un récidiviste, à la 5e condamnation, il peut avoir les mains coupées, et être amputé des jarrets à la 7e. Il peut avoir les yeux ex-orbités lors de sa 9e condamnation. Si un voleur est puni par sa victime, la cour ne jugera pas ce cas, mais si le voleur est tué, le prix du sang doit être payé à sa famille. On ne peut punir les enfants de moins de 13 ans, mais leurs parents reçoivent des remontrances. Si une femme est coupable d'un vol, les amendes et punitions corporelles éventuelles doivent être partagées par son mari. Aucune punition corporelle ne peut être administrée à une femme enceinte, une personne malade, endeuillée récemment de ses parents ou âgée de plus de 70 ans[23].
Abolition de la peine de mort (1898)
Selon Jamyang Norbu, après l’intronisation en 1895 du 13e dalaï-lama, l'ancien régent Demo Rinpoché, qui avait abandonné le pouvoir, aurait, avec ses deux frères, Norbu Tsering et Lobsang Dhonden, projeté d’assassiner son successeur. Le complot fut découvert et les trois instigateurs arrêtés. L’Assemblée nationale tibétaine (tsongdu), prononça la peine de mort mais le dalaï-lama refusa cette décision, déclarant son opposition à la peine de mort en raison des principes bouddhistes. Le professeur Melvyn Goldstein rapporte une rumeur selon laquelle Demo Rinpoché fut secrètement tué en prison : il fut plongé, à ce que l'on dit, dans un énorme récipient de cuivre rempli d'eau jusqu'à ce qu'il se noie[24]. S’il est possible qu'un officiel zélé ait pu être impliqué dans une telle action, ce n'est, selon Jamyang Norbu, qu'une rumeur sans substance. Sir Charles Bell, dans sa biographie du 13e dalaï-lama, écrit que ce dernier lui a déclaré que « jusqu'au moment de sa fuite en Inde, il n'a autorisé aucune peine de mort sous aucune circonstance que ce soit »[19] - [25].
Le 13e dalaĂŻ-lama a aboli la peine de mort en 1898[26] - [27].
La période 1912-1951
Les troupes et les autorités officielles chinoises sont expulsées du Tibet en 1912 par les Tibétains. Selon les Tibétains en exil et certaines sources, le 13e dalaï-lama déclare l'indépendance du Tibet en 1912, selon Barry Sautman, il s'agit non pas de déclarations politico-juridiques mais simplement du constat que la relation prêtre-protecteur (mchod-yon) entre les dalaï-lamas et les empereurs chinois s'est éteinte du fait de la fin de l'empire[28] - [29].
Interdiction de châtiments physiques tels que l'amputation
Après son retour de l'exil, dans sa proclamation d'indépendance, le 13e dalaï-lama annonça l'interdiction des amputations de membres – en plus de son abolition précédente de la peine de mort. La déclaration est tout à fait spécifique : « Divers châtiments physiques sont bannis [interdits] : ainsi, l’amputation de membres était pratiquée en guise de punition. Dorénavant, des traitements aussi sévères sont interdits ». Des exemplaires de la proclamation furent envoyés dans tout le Tibet et durent être gardés dans le bureau de chaque district[19].
TĂ©moignages
Dans l'ancien Tibet, la justice pouvait être rendue par les monastères. Chögyam Trungpa Rinpoché, une réincarnation d'un grand lama, rapporte une bastonnade infligée, un peu avant 1950, à un musulman coupable d'avoir tué un animal sauvage : la sentence avait été exécutée par les moines eux-mêmes[30]. L'alpiniste autrichien Heinrich Harrer, qui vécut au Tibet de 1944 à 1951, rapporte que les crimes et les délits, dont les jeux d’argent, étaient punis avec une sévérité toute particulière à Lhassa durant les festivités du nouvel an. Les moines, qui étaient nommés à cette occasion par les autorités civiles, étaient des juges implacables qui avaient pour habitude d’infliger de terribles fustigations, lesquelles causaient parfois la mort du supplicié, auquel cas le régent intervenait à l'encontre des responsables[31].
Le communiste tibétain Phuntsok Wangyal rapporte la colère qui l'avait saisi lorsqu'il avait vu, un jour de 1945, des oreilles coupées de fraîche date accrochées à l'entrée du bâtiment de l'administration du comté de Damshung au nord de Lhassa[32].
Robert W. Ford, un Britannique qui séjourna au Tibet de 1945 à 1950 et fut envoyé en 1950 par le gouvernement tibétain comme opérateur radio à Chamdo, rapporte que partout au Tibet il avait vu des hommes dont on avait coupé un bras ou une jambe pour cause de vol. Les peines d'amputation, précise-t-il, étaient faites sans antiseptiques ni pansements stériles[33].
Selon l'Américain Frank Bessac (en), nez et/ou oreilles coupées furent les peines prononcées en 1950 par le tribunal militaire de Lhassa aux garde-frontières qui avaient tué ou blessé ses compagnons, dont Douglas Mackiernan (en), alors que ces derniers, fuyant devant les communistes chinois, avaient pénétré au Tibet. Bessac, explique que les Bouddhistes tibétains ne pratiquant pas la peine de mort, des mutilations sont les peines les plus dures pratiquées au Tibet. Trouvant les peines trop sévères, il demanda qu'elles soient allégées, ce qui fut accepté, les nouvelles peines prononcées furent des coups de fouet en proportion de la responsabilité de chaque prévenu[34].
Stuart et Roma Gelder, deux écrivains britanniques autorisés par les autorités chinoises dans les années 1960 à visiter le Tibet, alors fermé aux voyageurs étrangers, rapportent[35] avoir interrogé un ancien serf, Tserek Wang Tuei, qui avait volé deux moutons appartenant à un monastère. En guise de peine, il avait eu les yeux énucléés et les mains mutilées[36]. Selon le journaliste de Radio Free Asia et historien Warren W. Smith Jr, s’ils ont reconnu que des Tibétains pouvaient leur dire ce qu’ils souhaitaient entendre, les Gelder ne semblaient pas savoir que certains anciens serfs qui faisaient le récit des pires sévices avaient été encouragés à développer leur histoire et avaient fait carrière en racontant leur conte aux Chinois, aux Tibétains, et aux visiteurs étrangers[37].
Selon Jean Dif, une scène similaire est rapportée par l'exploratrice Léa Lafugie dans les années 1930 : à Gyantsé, elle croisa des prisonniers aux chevilles passées dans de lourdes barres de fer qui les obligeaient à marcher les jambes écartées. Lâchés à l'aube et repris au crépuscule, ils mendiaient leur nourriture, l'administration pénitentiaire n'y pourvoyant pas [38].
Heinrich Harrer, dans son livre Retour au Tibet (1985), précise que ces châtiments avaient existé avant leur abolition par le 13e dalaï-lama, mais qu’ils n’avaient plus cours lors de son séjour au Tibet, à la fin des années 1940 [39].
Le système judiciaire et les peines
Selon Heinrich Harrer, il n'y a pas d'organisation judiciaire au Tibet. Les délits sont soumis au jugement de deux ou trois personnes de la noblesse dont la vénalité est courante[40]. Si l'accusé s'estime injustement condamné, il lui est loisible de faire appel auprès du dalaï-lama, mais il risque le doublement de peine si sa culpabilité est confirmée[41].
Il n'y a pas de peine de mort : le meurtrier, entravé aux chevilles, est simplement fouetté mais il meurt généralement des suites de la fustigation [42]. Le vol et autres petits délits sont punis de la fustigation en public et de l'exposition au pilori pendant quelques jours. Aux bandits de grand chemin et autres détrousseurs, on coupe la main ou le pied[43]. La peine toutefois n'est plus appliquée à Lhassa [44].
Selon Harrer les « délits politiques » sont sévèrement réprimés, ainsi le monastère de Tengyeling fut démoli et ses moines dispersés en 1914 pour collusion avec les Chinois[45] - [46]. Selon Sanderson Beck, ce monastère fut privé de financement, les traîtres furent bannis et les moines restants répartis entre différents monastères[47].
Sous la RĂ©publique populaire de Chine de 1951 Ă 1959
Le 14e dalaï-lama, à l’âge de 16 ans, accède au pouvoir par anticipation le , près d'un mois après le début de l'intervention militaire chinoise au Tibet. Choqué par l'utilisation de la cangue, il libère tous les prisonniers[48].
Durant les quelques années où il dirige le Tibet, dans une collaboration difficile avec le gouvernement central, le dalaï-lama a établi un système judiciaire indépendant et aboli le système de la dette héréditaire, décrit comme « le fléau des paysans et de la communauté rurale »[49].
Dans la seconde moitiés des années 1950, les sanctions en République populaire de Chine sont le plus souvent extrajudiciaires. Seuls quelques coupables symboliques sont livrés à la police. Répondant à des troubles armés qui s'étendent depuis 1956 au Tibet, la répression de la République populaire de Chine est forte[50].
Selon le gouvernement tibétain en exil, en 1956, à la suite des révoltes de la résistance tibétaine dans l'est du Tibet, l'armée chinoise arrête des nobles, des moines âgés et des chefs de la résistance, les torturant et les exécutant en public pour décourager la résistance[51].
Voir aussi
Liens externes
- From Darkness to Dawn (Jamyang Norbu sur l'abrogation par le 13e dalaï-lama de la peine de mort et des châtiments hérités de l'administration chinoise d'avant 1913)
Bibliographie
- (en) Rebecca Redwood French, The golden yoke: the legal cosmology of Buddhist Tibet, Cornell University Press, 1995, 404 p. (ISBN 0801430844), (ISBN 9780801430848), en part. chap 2, Reading Law Codes as Tibetan History, p. 41-44, chap. 3, The Dalai Lamas and Recent History, et chap. 24, Crime and Punishment in Tibet, pp. 315-326
Notes et références
- (en) Rebecca Redwood French, The golden yoke: the legal cosmology of Buddhist Tibet, Chapter 2, Reading Law Codes as Tibetan History, pp. 41-44.
- Rebecca Redwood French, op. cit., pp. 41-42.
- Rebecca Redwood French, op. cit., p. 42.
- Rebecca Redwood French, op. cit., p. 42 : « In the thirteenth century the Sakya Pa sect of Tibetan Buddhism, with the help of Mongolian supporters, gained control of much of central Tibet and thereby began the first real Tibetan theocratic period. »
- Rebecca Redwood French, op. cit., p.42
- (en) Dinesh Lal, Indo-Tibet-China conflict, Gyan Publishing House, 2008, (ISBN 8178357143 et 9788178357140), p. 42.
- (en) Tsepon W. D. Shakabpa, Tibet: A Political History, p. 63.
- Rebecca Redwood French, op. cit., p. 42 : « In 1354 a young former Sakya monk overthrew the Sakya theocracy and established the first of three secular dynastic lines - known as the Three Kingdoms - that were to rule central Tibet for the next three hundred years. The reign of the first of these, the Phamogru dynasty, was a dynamic period in Tibetan history. The young former monk, Changchub Gyalsen, was a brilliant soldier, administrator, and organizer by all historical accounts. He has also been credited by several scholars with the drafting of a new legal code [...]. »
- Rebecca Redwood French, op. cit., p. 43 : « The second part of the Neudong law code begins with a plain list of fifteen substantive laws [...]. The list covers murder, theft, oath-taking, adultery [...]. »
- (en) Dawa Norbu, China's Tibet Policy, RoutledgeCurzon, 2001, p. 57.
- (en) Victor Chan, TIBET. Le guide du pèlerin, Éditions Olizane, 1998, (ISBN 2880862175 et 9782880862176).
- (en) Michael von Brück, Tibet, the "hidden country in Exile as Challenge: the Tibetan diaspora, éditeurs : Dagmar Bernstorff, Hubertus von Welck, Orient Blackswan, 2003, (ISBN 8125025553 et 9788125025559), 488 p., p. 22 : « He also reformed the penal system which until then had allowed the execution of criminals without trial, but now demanded an orderly process resulting in varying degrees of punishment, including the death sentence. »
- Rebecca Redwood French, op. cit., pp. 43-44.
- Rebecca Redwood French, op. cit., pp. 45-46 : « In 1642, [...] the Mongolian Gushri Khan swept into Tibet and put his religious sage, the Fifth Dalai Lama, in charge of the country. Secular rule under the Tsang kings gave way to the three-hundred-year rule of the Gelukpa sect - the second theocratic period in Tibet. [...] First, it [the goal] was embodied in the new law codes, which were compiled only a few years after the installation of thre Fifth Dalai Lama and used without major changes for the rest of the three-hundred-year reign of the Gelupka. Despite their ostensible newness, the codes took their structure, form, and a large part of their content from the code of the Tsang kings. »
- (en) Dawa Norbu, Tibet : the road ahead. Rider & Co, 1998, (ISBN 978-0712671965), p. 66.
- Sarat Chandra Das, Voyage Ă Lhassa et au Tibet central, Edition Olizane, (ISBN 9782880861476), 1994, p. 188
- Sarat Chandra Das, op. cit., p. 197
- (en) Charles Alfred Bell, Portrait of a Dalai Lama: the Life and Times of the Great Thirteenth, Publisher: Wisdom Publications (MA), January 1987, (ISBN 9780861710553) (first published as Portrait of the Dalai Lama: London: Collins, 1946), p. 62 : « Sharpened bamboos were driven under the finger-nails, a punishment introduced into Tibet by the Manchus. ».
- (en) Jamyang Norbu, From Darkness to Dawn, site Phayul.com, 19 mai 2009. Celui-ci cite la référence suivante : Shakabpa, W.D., Tibet: A Political History, Yale, 1967, p. 248 : « After His return from exile, on the eighth day of the fourth month of the water Ox Year (1913) the Great Thirteenth, in his declaration of independence, announced the ending of what we might now call “cruel and unusual” punishments – in addition to his earlier abolishment of the death penalty. The statement is quite specific. “Furthermore, the amputations of citizens’ limbs has been carried out as a form of punishment. Henceforth, such severe punishments are forbidden.”[13] Copies of the proclamation were sent out throughout Tibet, and copies had to be maintained in the office of every district ».
- (en) Jamyang Norbu, FROM DARKNESS TO DAWN, 17 mai 2009 : « The Tibetan poet [...], Woeser, in a recent interview refuting official Chinese propaganda about “barbaric feudal serfdom” (invariably “proven” by exhibitions of torture instruments allegedly used in Tibet such as cages, shackles, neck pillory, stones, and knives used to dig out one’s eyeballs) said that “the most brutal torture instruments came from the inland – the imperial envoys from the Qing Dynasty brought them to Tibet.” »
- William Woodville Rockhill, in Sarat Chandra Das, op. cit., p. 316
- Les trois ans au Tibet de Kawagushi, résumé de Jean Dif.
- Sarat Chandra Das, op. cit., p. 197-198
- (en) Melvyn C. Goldstein, A History of Modern Tibet, 1913-1951: The Demise of the Lamaist State, op. cit., pp. 41-43, The Early Years of the Thirteenth Dalai Lama : « Demo Rimpoche died while under house arrest in Lhasa and is said to have been killed by being immersed in a huge copper water vat until he drowned. Norbu Tsering and Nyagtrü Lama were imprisoned and either died or were killed there. »
- Jamyang Norbu : FROM DARKNESS TO DAWN, op. cit. : « The first clear indication of the Dalai Lama’s enlightened intentions for his nation’s future came after his enthronement in 1895. The former regent Demo Rinpoche after relinquishing power began to plot with his two brothers, Norbu Tsering and Lobsang Dhonden, to murder the Dalai Lama. The plot was discovered and Demo and his two brothers arrested. An outraged National Assembly (tsongdu), called for the death penalty but the Dalai Lama rejected their decision declaring his opposition to capital punishment on Buddhist principles. Professor Melvyn Goldstein retails a rumour that Demo was secretly killed in prison. There is a possibility that an overzealous official could have done something like that, but there is no evidence beyond the rumour. Sir Charles Bell, in his biography of the Great Thirteenth, writes that the Dalai Lama told him that “… until the time of his flight to India he allowed no capital punishment in any circumstances. »
- (en) The third World day against Death Penalty, Jean-François Leclere.
- Florence Perret, La répression est féroce, sur le site helvétique 24 heures (entretien avec Katia Buffetrille), 26 mars 2008.
- (en) Barry Sautman, “All that Glitters is Not Gold”: Tibet as a Pseudo-State, in Maryland Series in Contemporary Asian Studies, No 3-2009, téléversable sur le site cctr.ust.hk : « A US international law scholar who studied Tibet’s “declarations of independence” found they were not political-legal declarations at all, but merely the 13th Dalai Lama’s affirmations that the mchod-yon (priest-patron) relationship between Dalai Lamas and Chinese emperors) had been extinguished due to the end of the empire (note : Alfred P. Rubin, “Tibet’s Declarations of Independence,” AJIL 60 (1966):812-814 and Rubin, “A Matter of Fact,” AJIL 60 (1966):586 ».
- Toutefois, dans cette période difficile, en dehors de la Mongolie par un traité, aucun pays ne reconnut le Tibet ni n'échangea d'ambassadeur avec lui. Il n'est représenté dans aucune instance internationale et reste fermé aux étrangers.
- Cf. Jean Dif, Chronologie de l'histoire du Tibet et de ses relations avec le reste du monde (Suite 3) : « Chögyam Trungpa, une réincarnation d'un grand lama qui se réfugiera en Occident, rapporte la bastonnade infligée à un musulman coupable d'avoir tué un animal sauvage, à l'intérieur d'un monastère, où la justice était rendue et la sentence exécutée par les moines eux-mêmes, peu de temps avant 1950 ».
- (en) Heinrich Harrer, Seven Years in Tibet, with a new epilogue by the author. Translated from the German by Richard Graves. With an introduction by Peter Fleming, First Tarcher/Putnam Hardcover Edition, 1997 (ISBN 0-87477-888-3) : « March had come and on the fourth of the month began the New Year Festival--the greatest of all Tibetan feasts, which lasts for three weeks. (…) On March 4 (or a date near to this, as the Tibetan New Year is flexible--similar to our Easter), the city magistrate hands over his authority to the monks--symbolizing the restoration by the secular power of its office to religion, to whom it originally belonged. This is the beginning of a strict and formidable regime. To start with, the whole place is tidied up, and during this season Lhasa is renowned for its cleanliness--which is not a normal condition. At the same time, a sort of civil peace is proclaimed. All quarrels cease. Public offices are closed, but the bargaining of street traders is livelier than ever, except during the festal processions. Crimes and offences, including gambling, are punished with especial severity. The monks are relentless judges and are accustomed to inflict fearful floggings, which occasionally cause the death of the victim. (Although it is true that in such cases the regent intervenes and deals with the persons responsible) ».
- (en) Melvyn C. Goldstein, Dawei Sherap, William R. Siebenschuh, A Tibetan revolutionary: the political life and times of Bapa Phüntso Wangye, University of California Press, 2004, 371 p., p. 90, (ISBN 0520240898), (ISBN 9780520240896) : « Everywhere we traveled on the road to Chamdo, we saw evidence of peasant's suffering. I still recall, for example, the day we arrived in Damshung, a nomad area north of Lhasa. As we passed the county headquarters, we saw freshly severed human ears hanging from its gate. This kind of barbaric punishment made us both sad and angry, so that evening we cut the ears down from the gate and hurled them against the country' commissioner's window in angry protest. »
- (en) Robert W. Ford, Wind Between the Worlds. Captured in Tibet, 1957, p. 37 : « All over Tibet I had seen men who had been deprived of an arm or a leg for theft (...). Penal amputations were done without antiseptics or sterile dressings ».
- (en) These Tibetans killed an American... and get the lash for it. This was the perilous trek to tragedy by Frank Bessac, as told to James Burke, Time-Life correspondent in New Delhi, Life, November 1950, pp. 130-136 : « Just before we left Lhasa, I was told that the six border guards had been tried and sentenced in Lhasa's military court. The leader was to have his nose and both ears cut off. The man who fired the first shot was to lose both ears. A third man was to lose one ear, and the others were to get 50 lashes each. (...) Since the Tibetan Buddhists do not believe in capital punishment, mutilation is the stiffest sentence given in Tibet. But I felt that this punishment was too severe, so I asked if it could be lightened. My request was granted. The new sentences were: 200 lashes each for the leader and the man who fired the first shot, 50 lashes for the third man and 25 each for the other ».
- (en) Stuart Gelder and Roma Gelder, The Timely Rain : Travels in New Tibet, Monthly Review Press, New York, 1964.
- (en) Michael Parenti, Le mythe du Tibet.
- (en) Warren W. Smith Jr, China's Tibet?: Autonomy or Assimilation, AltaMira Press, U.S, 16 mai 2008, (ISBN 0-7425-3989-X) : « They also recognized that "Tibetans were very ready to tell listeners what they think they would like to hear," without knowing that some former serfs with the worst stories of abuse had been encouraged to elaborate their stories and had made careers out of telling their tales to Chinese, Tibetans and foreign visitors ».
- Les voyages de LĂ©a Lafugie, site de Jean Dif.
- Heinrich Harrer, Retour au Tibet, Éditeur Arthaud, 1985 (ISBN 2-7003-0508-6)
- (en) Heinrich Harrer, Seven years in Tibet, translated from the German by Richard Graves, E. P. Dutton, 1954 ; « There is no organized system of law courts in Tibet. The investigation of offenses is entrusted to two or three persons of noble rank, but corruption is unfortunately very prevalent ».
- Heinrich Harrer, op. cit. ; « If a defendant considers that he has been unjustly condemned, he is allowed to appeal to the Dalai Lama. If he is thus proved innocent, he receives a free pardon, and if not his penalty is doubled ».
- Heinrich Harrer, op. cit. : « The victim often dies an agonizing death after the penalty has been inflicted. »
- Heinrich Harrer, op. cit. : « When highwaymen or robbers are caught, they are usually condemned to have a hand or a foot cut off. »
- Heinrich Harrer, op. cit. ; « In Lhasa such savage forms of punishment have now been discontinued. »
- Heinrich Harrer, op. cit. : « The penalties for political offenses are very strict. People still speak of the monks of Tengyeling, who forty years ago sought to come to terms with the Chinese. Their monastery was demolished and their names blotted out. »
- L’armée impériale mandchoue envahit le Tibet au début des années 1900 et occupa Lhassa en 1910, entraînant la fuite du dalaï-lama. À la suite de la révolution chinoise de 1911, une partie l’armée chinoise se rendit aux forces de l’armée tibétaine tandis qu’une autre partie trouvait refuge au monastère de Tengyeling où elle continua de combattre. Affamées, les troupes furent contraintes de se rendre; cf Michael van Walt van Praag, Le statut historique du Tibet : un résumé.
- (en) Sanderson Beck, Tibet, Nepal, and Ceylon 1800-1950 : « The Tengyeling monastery was disendowed; traitors were banished, and the rest of the monks were distributed to other monasteries ».
- Une histoire du Tibet : Conversations avec le DalaĂŻ Lama, de Thomas Laird, DalaĂŻ-Lama, Christophe Mercier, Plon, 2007, (ISBN 2259198910), p. 285.
- (en) Johann Hari, « Dalai Lama interview », The Independent,‎ (lire en ligne).
- Jean-Luc Domenach, Chine : l'archipel oublié, 1992, Ed. Fayard, (ISBN 2-213-02581-9), p. 278
- History Leading up to March 10th 1959, site du gouvernement tibétain en exil, 7 septembre 1998