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Torture au Tibet

La torture est l'imposition volontaire de sévices d'ordre physique ou psychologique qui visent à faire souffrir un individu. Elle a pour but d'obtenir des aveux ou de terroriser des populations. La torture est proscrite par le droit international depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

La torture Ă©tait prĂ©sente dans la sociĂ©tĂ© tibĂ©taine avant l'« invasion chinoise Â» ou « libĂ©ration pacifique Â» de 1950. Mais Ă  partir du soulĂšvement tibĂ©tain de 1959 suivi de la rĂ©volution culturelle au Tibet, les actes de torture auraient entraĂźnĂ© la mort de plusieurs milliers de TibĂ©tains selon l'administration centrale tibĂ©taine. Ainsi en 1993, Bernard Kouchner Ă©voque 92 000 TibĂ©tains morts sous la torture[1].

En 2005, aprÚs 10 ans de négociation entre l'Organisation des Nations unies et les autorités chinoises, Manfred Nowak, le rapporteur spécial sur la torture de la Commission des droits de l'homme des Nations unies, a pu visiter du au la Chine et en particulier le Tibet, il y a noté la persistance de tortures en mentionnant toutefois la diminution de celles-ci.

Tortures avant la « libération pacifique » de 1950

La période du protectorat mandchou

Avant le XIXe siĂšcle, ainsi qu'en fait Ă©tat Conrad Malte-Brun dans son « PrĂ©cis de gĂ©ographie universelle » publiĂ© en 1820, le code criminel tibĂ©tain Ă©tait constituĂ© de 41 articles extrĂȘmement sĂ©vĂšres : « le coupable et le complice d'un crime (Ă©taient) tous deux punis de mort; le voleur (Ă©tait) condamnĂ© Ă  la restitution du double de ce qu'il a(vait) pris, Ă  avoir les yeux crevĂ©s, le nez coupĂ©, ou bien les mains et les pieds ». Malte-Brun ajoute que la torture y Ă©tait pratiquĂ©e « avec un tel raffinement de cruautĂ© » qu'il prĂ©fĂšre ne pas « en faire la peinture »[2].

Au dĂ©but du XIXe siĂšcle, les Chinois remplacĂšrent le code tibĂ©tain par leurs propres lois, et sous certains aspects les TibĂ©tains y gagnĂšrent. Selon la loi chinoise de cette Ă©poque, en Chine, les exĂ©cutions ne sont pratiquĂ©es qu'une fois par an, par strangulation ou dĂ©capitation. En Chine, bien que la torture fĂ»t alors lĂ©galement abolie, elle Ă©tait pratiquĂ©e arbitrairement par les magistrats, surtout dans les provinces Ă©loignĂ©es. Selon un missionnaire de l'Ă©poque, quand un suspect Ă©tait arrĂȘtĂ© et n'avouait pas, il Ă©tait soumis « Ă  la question » et l'on « redoublait de cruautĂ© » jusqu'Ă  ce qu'il avoue, il Ă©tait rare que le suspect survive longtemps Ă  ce qu'il avait endurĂ©[2].

Sous le 13e dalaĂŻ-lama

Ces chĂątiments furent interdits en 1898 par le 13e dalaĂŻ-lama Thubten Gyatso en mĂȘme temps que la peine de mort, sauf pour les cas de haute trahison et de conspiration contre le rĂ©gime[3]. Cependant, selon le tibĂ©tologue Alex McKay, il y eut des cas isolĂ©s de peine capitale dans les annĂ©es qui suivirent. Citant Melvyn C. Goldstein, il Ă©voque la mort de Padma Chandra. Selon Dundul Namgyal Tsarong, ce gĂ©nĂ©ral indien en fuite a Ă©tĂ© tuĂ© par des troupes tibĂ©taines auxquelles il aurait rĂ©sistĂ©[4]. Citant l'Oriental and India Office Collection, McKay mentionne l'exĂ©cution d'un jeune homme impliquĂ© dans le vol du cheval de l'administrateur du Tibet occidental. McKay rappelle qu'on continuait Ă  infliger, pour de nombreux dĂ©lits, des chĂątiments corporels entraĂźnant souvent la mort[5]. Il ajoute que le dalaĂŻ-lama avait interdit les peines de mutilation, et qu’en raison de son abolition de la peine de mort, « les exĂ©cutions Ă©taient rares, en particulier au niveau de l'État »[6].

Sous la RĂ©gence

Heinrich Harrer, alpiniste et explorateur autrichien vĂ©cut au Tibet de 1944 Ă  1951, sous la RĂ©gence du 3e Taktra RinpochĂ© (1941–1950). Il indique dans son livre, Lhassa : le Tibet disparu qu'il « arrivait que l'on batte certains criminels coupables de dĂ©lits graves. Dans ce cas, on fouettait l'homme jusqu'Ă  lui briser les tendons derriĂšre les genoux, si bien qu'il en demeurait infirme Ă  vie ». Par ailleurs il mentionne qu'avant la mise en Ɠuvre des rĂ©formes du 13e dalaĂŻ-lama, on punissait les grands criminels en leur coupant la main puis le moignon Ă©tait plongĂ© dans du beurre en Ă©bullition[7].

Selon Rebecca Redwood French, pour appuyer la procédure criminelle, le juge se servait d'au moins trois types de fouets ou rta-lcag. Le byor lcag, fouet d'accueil du prévenu. Le dri-lchags, fouet réservé à la question du criminel, le thon-lcag, fouet d'exécution et d'application des peines. Le criminel était fouetté au moins deux fois avant la peine. Lorsque l'affaire était jugée à Lhassa, la peine se déroulait sur la place de la flagellation, à cÎté du Nang-tsé-shag ou tribunal de la ville[8].

Tortures aprĂšs l'invasion chinoise de 1950

Positions des autorités chinoises

La Chine a signĂ© en 1988 la Convention contre la torture autres peines et traitements cruels ou dĂ©gradants s'interdisant ainsi d'utiliser ces pratiques envers les opposants au rĂ©gime chinois, les prisonniers d'opinion ou de droit commun et les manifestants. Cependant Wang Zhenchuan, procureur adjoint du parquet suprĂȘme de la RĂ©publique populaire de Chine, a indiquĂ© publiquement en 2006 que « la plupart des erreurs judiciaires en Chine sont la consĂ©quence d'aveux extorquĂ©s sous la torture »[9].

En , pour la premiÚre fois la Chine met en place un plan d'action national en faveur des droits de l'homme pour les années 2009-2010[10].

Morts sous la torture

Phuntsok Lhundup, un moine du monastĂšre de Drepung, ĂągĂ© de 32 ans, fut arrĂȘtĂ© le lors des troubles au Tibet en mars 2008, est mort en dĂ©tention en . Selon le Centre tibĂ©tain pour les droits de l'homme et la dĂ©mocratie, le moine serait dĂ©cĂ©dĂ© du fait de tortures, de mauvais traitements et de l'isolement qu’il a subi[11].

En , Kunchok Dhakpa, ĂągĂ© d'environ 20 ans, un TibĂ©tain arrĂȘtĂ© en 2013 lors d'une manifestation contre les activitĂ©s miniĂšres de la montagne de Naglha Dzamba dans le comtĂ© de Driru est mort Ă  la suite de tortures. Son corps a Ă©tĂ© remis Ă  sa famille le [12].

Interventions d'organisations internationales

  • En , la Ligue internationale des droits de l'homme, organisation non gouvernementale dotĂ©e du statut consultatif spĂ©cial, indique devant la commission des Droits de l'homme de l'ONU[13] les cas de torture au Tibet en ces termes:
« L'article premier de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dĂ©gradants, Ă  laquelle la Chine est partie, interdit toute forme de torture. Aucune source indĂ©pendante n'a pourtant fait Ă©tat d'une amĂ©lioration dans le traitement des prisonniers politiques tibĂ©tains. La torture reste courante dans les centres de dĂ©tention et prisons et de nouvelles mĂ©thodes, comme l'"exercice Ă  outrance", se rĂ©pandent et viennent s'ajouter aux mĂ©thodes habituelles : dĂ©charges Ă  l'aide d'une matraque Ă©lectrique; passage Ă  tabac; marquage au fer rouge; Ă©bouillantage; suspension par les pieds ou par les pouces; coups de pied; attaques par des chiens; exposition Ă  des tempĂ©ratures extrĂȘmes; privation de sommeil, de nourriture et d'eau; mise au cachot; violences sexuelles; menaces de torture et de mort.»
  • En 2005, Manfred Nowak a invitĂ© le gouvernement chinois Ă  supprimer ses dispositifs de rĂ©Ă©ducation par le travail : « Ces mĂ©thodes comprennent une pression psychologique trĂšs forte sur les dĂ©tenus pour qu’ils changent leur personnalitĂ© en confessant leur culpabilité». Selon Manfred Nowack, ces dispositifs de rĂ©Ă©ducation par le travail contreviennent Ă  la convention sur les droits civils et politiques[14].
  • En 2006, le parlement europĂ©en adopte une rĂ©solution demandant Ă  la Chine des explications pour diffĂ©rents cas de tortures au Tibet concernant[15]
    • Un moine tibĂ©tain Ngawang Jangchub est dĂ©cĂ©dĂ© en octobre 2005 dans le monastĂšre de Drepung durant une session "d'Ă©ducation patriotique".
    • Cinq autres moines tibĂ©tains du monastĂšre de Drepung eux aussi arrĂȘtĂ©s en 2005, et incarcĂ©rĂ©s qui auraient probablement Ă©tĂ© torturĂ©s.
  • Amnesty International signale la mort de neuf dĂ©tenus en 1998 essentiellement des moines et des nonnes dans la prison de Drapchi. Selon Amnesty, « Ces neuf dĂ©tenus seraient morts des suites de passages Ă  tabac et de diverses autres formes de torture et de mauvais traitements que leur auraient administrĂ©s des surveillants»[16]. De mĂȘme en 2007, des enfants tibĂ©tains ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s pour avoir Ă©crit des slogans en faveur de l'indĂ©pendance du Tibet. DĂ©tenus dans la province du Gansu, Amnesty indique qu'ils sont menacĂ©s de mauvais traitements et de tortures, un des enfants est hospitalisĂ© avec des blessures Ă  la tĂȘte[17].
  • En 2008, Amnesty-International demande « qu’une enquĂȘte impartiale soit menĂ©e sans dĂ©lai sur les actes de torture et autres types de mauvais traitements qu’auraient subis des dĂ©tenus tibĂ©tains, afin que les responsables prĂ©sumĂ©s puissent ĂȘtre dĂ©fĂ©rĂ©s Ă  la justice Â»[18].

Tortures pendant la révolution culturelle

Selon Gilles van Grasdorff, les exactions commises lors de la rĂ©volution culturelle par les gardes rouges envers la communautĂ© religieuse, conduisent Ă  des persĂ©cutions et des humiliations notamment Ă  travers les thamzings. De nouveaux camps furent ouverts, les TibĂ©tains y Ă©taient « enchainĂ©s, battus Ă  mort, obligĂ©s de travailler par des tempĂ©ratures polaires Â». Outre les sĂ©vices physiques, il existait la « torture mentale Â». « Battus, humiliĂ©s, torturĂ©s, les prisonniers en arrivaient Ă  remercier leurs tortionnaires Â»[19].

Selon Pierre-Antoine Donnet, les tortures comprennent des viols de TibĂ©taines, et mĂȘme d'enfants. On coupe aussi les mains, les oreilles, le nez et la langue des victimes qui doivent parfois creuser leur propre tombe avant d'ĂȘtre exĂ©cutĂ©s[20].

Tortures Ă  la suite des troubles au Tibet en 2008

Tortures de femmes tibétaines

  • Ghang Lhamo alors ĂągĂ©e de 22 ans, diplĂŽmĂ©e de l'universitĂ© du Tibet[23] fut arrĂȘtĂ©e le Ă  la suite de sa participation Ă  une manifestation d'Ă©tudiants contre la politique chinoise. ArrĂȘtĂ©e, elle fut emprisonnĂ©e pendant un an Ă  TaktsĂ©, oĂč elle subit des tortures en prison ce qui affecta gravement sa santĂ©. Sa famille donna des pot-de-vin aux fonctionnaires de la prison pour qu'elle puisse recevoir un traitement mĂ©dical[24]. Elle fut ensuite transfĂ©rĂ©e Ă  Gutsa, oĂč durant trois ans, elle est contrainte aux travaux forcĂ©s, et Ă  une forme de rĂ©Ă©ducation. AprĂšs que sa santĂ© se soit dĂ©tĂ©riorĂ©e, elle fut transfĂ©rĂ©e Ă  Lhassa, oĂč elle travailla quelques annĂ©es dans une Ă©cole pour les orphelins de Choshor Ă  Lhassa[25]. Elle a Ă©tĂ© libĂ©rĂ©e en 1993, Ă  l'issue de sa peine[26].
  • Lors des manifestations de 1998 dans la prison de Drapchi, Amnesty International rapporte les tortures subies par la religieuse Drugkyi Pema. « La jeune fille aurait confiĂ© Ă  une codĂ©tenue qu’on lui avait appliquĂ© une matraque Ă©lectrifiĂ©e sur le visage et sur les seins et qu’on lui avait Ă©galement enfoncĂ© cette matraque dans le vagin  Â». Drugkyi Pema est dĂ©cĂ©dĂ©e Ă  Drapchi, elle avait 21 ans[27]
  • Lhundrub Sangmo et Rizin Choekyi, deux nonnes bouddhistes qui ont passĂ© 12 et 9 ans dans les geĂŽles chinoises et ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©es respectivement en 1999 et en 2002, rapporte avoir vĂ©cu tortures, passages Ă  tabac, et privation de nourriture, ce qui est corroborĂ© par leur Ă©tat de santĂ© dĂ©plorable et leur maigreur effrayante. Rizin Choekyi dĂ©clara « DĂšs le premier jour, l'interrogateur m'a enfoncĂ© une matraque Ă©lectrique dans la bouche. Au moindre Ă©cart, nous Ă©tions pendues Ă  un arbre, dĂ©shabillĂ©es et battues sur tout le corps. »[28].
  • En 1999, la Ligue internationale des droits de l'homme, organisation non gouvernementale dotĂ©e du statut consultatif spĂ©cial, indique devant la commission des Droits de l'homme de l'ONU[13] Ă©voque les cas d'avortements et de stĂ©rilisations forcĂ©s:
« RĂ©gulation forcĂ©e des naissances. Bien que la Chine ait ratifiĂ© la Convention sur l'Ă©limination de toutes les formes de discrimination Ă  l'Ă©gard des femmes, la violence d'État Ă  l'encontre des femmes est chose courante. L'article 16 de la Convention reconnaĂźt aux femmes le droit de dĂ©cider du nombre et de l'espacement des naissances et interdit la stĂ©rilisation et l'avortement obligatoires. Dans la pratique, des mesures rigoureuses de contrĂŽle des naissances sont imposĂ©es au Tibet par la force et la contrainte. On continue Ă  recevoir des informations faisant Ă©tat de campagnes d'avortement et de stĂ©rilisation forcĂ©s dans les villages, ou mĂȘme en ville, par exemple dans le quartier de Chushur Ă  Lhasa, oĂč 308 femmes ont Ă©tĂ© stĂ©rilisĂ©es en un mois vers la fin de 1996. Des rĂ©fugiĂ©s parvenus en Inde et au NĂ©pal signalent aussi des mesures coercitives, y compris le refus de dĂ©livrer une carte d'enregistrement et d'accorder diverses prestations sociales pour les nouveau-nĂ©s au-delĂ  du nombre fixe d'enfants, ainsi que la perte de l'emploi ou de lourdes amendes si une femme ne consent pas Ă  se faire avorter ou stĂ©riliser.»

Les types de torture

La sociĂ©tĂ© pour les peuples menacĂ©s, une organisation non gouvernementale dotĂ©e du statut consultatif spĂ©cial auprĂšs des Nations unies, indique dans un rapport de 1997 : « la pratique de la torture Ă©tait endĂ©mique dans les commissariats de police et les centres de dĂ©tention au Tibet (E/CN.4/1997/7, par. 59). Dans les commissariats, les formes de tortures et de mauvais traitements signalĂ©s Ă©taient notamment les suivantes : coups de pied; passage Ă  tabac; dĂ©charges Ă©lectriques provoquĂ©es avec des matraques ou de petits gĂ©nĂ©rateurs Ă©lectriques; utilisation de menottes autoserrantes; privation de nourriture; exposition Ă  des valeurs extrĂȘmes de tempĂ©rature (alternance de chaud et de froid); obligation de rester dans des positions difficiles; obligation de rester debout dans de l'eau froide; enchaĂźnement prolongĂ© de dĂ©tenus placĂ©s bras et jambes Ă©cartĂ©s contre un mur; application d'objets chauffĂ©s sur la peau; coups donnĂ©s avec des barres de fer sur les articulations ou les mains.» . Ce rapport prĂ©cise que des mĂ©decins ont pu constater des traces de tortures lors d'examens mĂ©dicaux de rĂ©fugiĂ©s tibĂ©tains, confirmant ainsi celles-ci notamment sur des enfants[29]. Un ancien prisonnier tibĂ©tain, Tenzin Bagdro, fait Ă©tat d'Ă©lectrochocs, de coups et de brĂ»lures de cigarettes sur le visage[30].

TĂ©moignages

Palden Gyatso, en juillet 2000, en France
  • Palden Gyatso (1933-) un moine tibĂ©tain fera la description de 33 ans de prison dans un livre Le Feu sous la neige traduit en 9 langues. Il dĂ©crit en particulier les tortures infligĂ©es dont le thamzing qui est une sĂ©ance d'autocritique oĂč la victime doit avouer ses fautes devant d'autres prisonniers qui l'accuseront, l'insulteront et le tabasseront. Cette torture peut durer des semaines et conduire au suicide[31]. Il dĂ©crit Ă©galement les tortures infligĂ©es Ă  l'aide d'une matraque Ă©lectrique :

« Il s’était rapprochĂ© du rĂątelier Ă  matraques. Il en sĂ©lectionna une, plus courte, d’une trentaine de centimĂštres de long, et la brancha afin de la recharger. Il y eut des Ă©tincelles accompagnĂ©es de crĂ©pitements. "Pourquoi es-tu ici ?" poursuivit-il. "Parce que j’ai placardĂ© des affiches Ă  Lhassa rĂ©clamant l’indĂ©pendance du Tibet." "Alors tu veux toujours Rang-tsĂšn ?" demanda-t-il d’un ton plein de dĂ©fi. Il n’attendit pas ma rĂ©ponse. Il dĂ©brancha la matraque Ă©lectrique et commença Ă  me titiller ici et lĂ  avec son nouveau joujou. À chaque dĂ©charge, je tressaillais des pieds Ă  la tĂȘte. Puis tout en criant des obscĂ©nitĂ©s, il m’enfonça la pointe dans la bouche, la sortit, l’enfonça de nouveau. Il retourna ensuite prĂšs du mur et en choisit une plus longue. J’avais l’impression que mon corps se dĂ©sintĂ©grait. Je me rappelle vaguement qu’un des gardes fourra ses doigts dans ma bouche pour me tirer sur la langue afin de m’empĂȘcher d’étouffer. Il me semble aussi qu’un des Chinois prĂ©sents, Ă©cƓurĂ©, sortit prĂ©cipitamment de la piĂšce. Je me souviens comme si c’était hier des vibrations qui me secouaient tout entier sous l’effet des dĂ©charges : le choc vous tenait sous son emprise, pareil Ă  un violent frisson. Je sombrai dans l’inconscience et en me rĂ©veillant, je dĂ©couvris que je gisais dans une mare de vomissures et d’urine. Depuis combien de temps Ă©tais-je lĂ  ? Je n’en avais pas la moindre idĂ©e. J’avais la bouche enflĂ©e, je pouvais Ă  peine bouger la mĂąchoire. Au prix d’une souffrance indicible, je crachai quelque chose : trois dents. Plusieurs semaines s’écouleraient avant que je puisse Ă  nouveau manger des aliments solides. En dĂ©finitive, je perdis toutes mes dents[32]. »

  • Tenzin Choedrak (1922-2001) est l'ancien mĂ©decin du dalaĂŻ-lama, arrĂȘtĂ© comme tel, il est jetĂ© dans une prison oĂč les cellules comprenaient 10 Ă  20 dĂ©tenus. Il a subi des sĂ©ances de rĂ©Ă©ducations ou lavage de cerveau, et fut condamnĂ© au supplice du gyanching (carcan emprisonnant le cou et les poignets fixĂ© sur les Ă©paules, obligeant Ă  Ă©tendre les bras comme un crucifiĂ©). Il a aussi reçu des coups de bottes sur la poitrine et fut aspergĂ© d’eau. ConsidĂ©rĂ© comme irrĂ©cupĂ©rable il fut dĂ©placĂ© en Chine. Sur 76 prisonniers qui l’accompagnaient, 21 ont survĂ©cu. Puis il fut ramenĂ© au Tibet, et emprisonnĂ© Ă  Drapchi[33] En 1976, il fut envoyĂ© comme mĂ©decin au camp de Trigung jusque fin 1978[34]. La durĂ©e totale de son emprisonnement a durĂ© prĂšs de 22 ans de 1959 Ă  1980.
  • Thakgyam est un TibĂ©tain de 77 ans qui a vĂ©cu la terreur dans l'Amdo en 1958 : « une fois, ils m'ont forcĂ© Ă  entourer de mes bras le tuyau en fer d'un poĂȘle. Ils ont avivĂ© le feu et l'ont laissĂ© flamber jusqu'Ă  ce que mes vĂȘtements brĂ»lent. Ma sueur coulait jusqu'au sol et ma poitrine est devenue rouge trĂšs sombre. Et, une autre fois encore, ils ont fait tremper une corde dans l'eau et m'ont attachĂ© les mains dans le dos en serrant et ont tirĂ© mes bras vers le haut jusqu'Ă  ce qu'ils touchent l'arriĂšre de ma tĂȘte. »[35]

Notes et références

  1. « Bernard Kouchner Ă©voque plus de 1 million de victimes »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?)
  2. Conrad Malte-Brun, Jean Jacques Nicola Huot, Précis de géographie universelle, 1836, t. XII, livre cent quarantiÚme. - Suite de la Description de l'Asie. - Empire chinois. - CinquiÚme section. - Le Tibet et le Bhoutan, p. 304-305.
  3. (en) « Traditional society and democratic framework for future Tibet », Tibetan Government-in-Exile, (consulté le )
  4. Dundul Namgyal Tsarong, In the service of his country: the biography of Dasang Damdul Tsarong
  5. (en) Alex McKay, Introduction, dans The History of Tibet: the modern period: 1985-1959, the encounter with modernity, edited by Alex McKay, RoutledgeCurzon, 2003, p. 32, note 2 (voir aussi note 5) : « The death penalty was abolished around 1898. Isolated cases of capital punishment did, however, take place in later years; see, for example, M. Goldstein, a History of Modern Tibet, 1913-1951: The Demise of the Lamaist State (London/Berkeley: University of California Press, 1989), pp. 126-30 in regard to the death of Padma Chandra. But for an example of a more despotic kind, see Oriental and India Office Collection (hereafter OIOC), L/P&5/7/251, in regard to the execution of a youth involved in stealing the western Tibetan administrator's horse. It must not be forgotten that corporal punishment continued to be inflicted for numerous offences and often proved fatal ».
  6. (en) Alex McKay, Tibet and the British Raj: the frontier cadre, 1904-1947, Routledge, 1997, p. 109, 114 : « The Dalai Lama had forbidden the use of mutilation as a punishment (...) The 13th Dalai Lama had abolished the death penalty in Tibet, so executions were rare, particularly at state level, but whether Chandra was guilty of these crimes or just a convenient scapegoat, remains a mystery. »
  7. 'Lhassa : le Tibet disparu, texte et photographies de Heinrich Harrer, pages 138 et 139 Édition de La Martiniùre, 1997, (ISBN 2-7324-2350-5).
  8. (en) Rebecca Redwood French, The Golden Yoke: The Legal Cosmology of Buddhist Tibet, Snow Lion Publications, 1er mars 2002, 404 pages, p. 322.
  9. Bruno Philip, « Chine : le pouvoir reconnaßt l'usage de la torture par la police », dans Le Monde du 22/11/2006, [lire en ligne]
  10. Source : Le Courrier International
  11. Un moine tibétain mort dans une prison chinoise, La Croix, avec Asia News.it
  12. (en) Tibetan man 'tortured' to death in custody, Phayul.com, 7 février 2014
  13. Source : Commission des Droits de l'homme de l'ONU
  14. Visite en Chine
  15. Intervention du parlement européen concernant le Tibet
  16. « Source Amnesty International »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?)
  17. « Rapport d'Amnesty-international »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?)
  18. Amnesty-International demande l'ouverture d'une enquĂȘte
  19. Gilles van Grasdorff Panchen Lama, otage de Pékin (en collaboration avec Edgar Tag), préface de Louis de Broissia et Claude Huriet, Ramsay, 1999, Pages 233 et suivantes
  20. Pierre-Antoine Donnet, Tibet mort ou vif Paris, Gallimard (Folio/Actuel), 1992, p. 132
  21. (en) Tibetan political prisoner on ‘medical parole’ dies of torture injuries, TCHRD, 21 mars 2014
  22. (en) Goshul Lobsang tortured with pain-inducing injections, leaves a defiant note after untimely death, TCHRD, 31 mars 2014
  23. (en) Kunleng invites Kunga Tashi, China expert at Office of Tibet, New York, and Ghang Lhamo, a graduate of Tibet University, Lhasa, to discuss Chinese dissident Liu Xiaobo's involvement with Charter 08, and the implications of his imprisonment to the advocacy of greater freedoms in China., 19 janvier 2010, Voice of America
  24. (en) Patrick Burke, Tibetan Prison Survivor: ‘I Needed To Live To Tell My Story’, Cybercast News Service (en), 14 juin 2012
  25. Ghang Lhamo - Candidate
  26. (en) Ghang Lhamo, p. 6
  27. « Rapport d'Amnesty »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?)
  28. Pierre Prakash, Des geÎles de Lhassa à Dharamsala, dans Libération du 14 juin 2006
  29. (fr) Rapport présenté aux Nations Unies, (en) Written statement submitted by the
  30. Bagdro, moine tibétain emprisonné et torturé par les Chinois
  31. Journal Libération
  32. Palden Gyatso, Le Feu sous la neige, Actes Sud, .
  33. Le vieil homme et la mort
  34. Heinrich Harrer, Retour au Tibet, Éditeur Arthaud, 1985 (ISBN 2700305086)
  35. Franck Renaud, Le vieil homme qui voulait “parler avant de mourir”, 9 mars 2012, Courrier International

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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