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Domestique (titre byzantin)

Le titre de « domestikos Â» (en grec : ÎŽÎżÎŒÎ­ÏƒÏ„ÎčÎșÎżÏ‚, du latin domesticus signifiant « qui appartient Ă  la maison ») ou « domestique Â» dĂ©signait, du IVe au VIIe siĂšcle dans l’Empire romain tardif puis dans l’Empire byzantin, le premier adjoint d’un gĂ©nĂ©ral, d’un ministre ou du gouverneur d’une province. Il Ă©tait utilisĂ© dans l’armĂ©e, l’administration palatiale, de mĂȘme que dans l’administration ecclĂ©siastique. Avec la crĂ©ation des thĂšmes et la disparition du magister militum (maitre des milices), les domestiques devinrent les commandants des six grands corps de l’armĂ©e byzantine non stationnĂ©s en province, les tagmata. Le plus important, le domestique des Scholes, prit Ă  partir du XIe siĂšcle le titre de « megas domestikos Â» ou « grand domestique Â».

Dans l’armĂ©e

À l’origine

Dans l’armĂ©e, le terme fut employĂ© pour dĂ©signer aussi bien des commandants de tagmata, tels le domestique des scholes, que divers officiers des tagmata ou des thĂšmes.

La fonction remonte au corps des protectores domestici (protecteur domestique) qui apparaissent en 346 et forment alors deux scholae, l'une d'infanterie et l'autre de cavalerie, composĂ©es de 500 hommes chacune et placĂ©es sous le commandement du comte des domestiques. Il ne s’agit pas dans ce cas d’une unitĂ© de combat, mais d’un corps qui se voit confier diverses missions de liaison et de renseignement ou se voit charger d’arrĂȘter de hauts dignitaires. Il servit Ă©galement d’école de formation pour les futurs officiers[1].

CrĂ©Ă©s au VIIe siĂšcle, les thĂšmes dĂ©signĂšrent Ă  l’origine les armĂ©es mobiles de l’empire stationnĂ©es dans des districts spĂ©cifiques, lesquels prirent Ă©galement le nom de « thĂšme »[2]. Ces armĂ©es Ă©taient dirigĂ©es par un strategos (stratĂšge) dont l’état-major comportait un domestikos probablement responsable des Ă©claireurs, des gĂ©omĂštres et des mĂ©decins du rĂ©giment[3].

Lorsque Constantin V crĂ©a de nouveaux rĂ©giments d’élite pour mettre un terme aux rĂ©voltes du thĂšme de l’Opsikion, quatre d’entre eux, soit les scholai (scholes), les excubitoi (excubites), les hikanatoi et les noumeroi furent dirigĂ©s par un domestikos, de mĂȘme que les optimatoi dont le domestikos devint en mĂȘme temps strategos du thĂšme du mĂȘme nom[4] - [5]. S’y ajouta au Xe siĂšcle le corps Ă©phĂ©mĂšre des athanatoi, rĂ©giment de jeunes nobles crĂ©Ă© par Jean TzimiskĂšs en 970[6].

Le plus important domestikos Ă©tait domestique des Scholes qui apparait en 759 et qui devint au Xe siĂšcle le commandant-en-chef de l’armĂ©e aprĂšs l’empereur. Lorsque vers 959 les scholes virent leur nombre augmenter, elles se divisĂšrent en deux forces et la fonction de domestique fut scindĂ©e entre le domestique d’Orient (domestikos tēs anatolēs) et le domestique d’Occident (domestikos tēs dyseƍs)[7]. Chacun d’eux avait un Ă©tat-major de dix officiers supĂ©rieurs, Ă©galement appelĂ©s domestiques ou protecteurs (assistant du commandant, vicarius, primicerius, adjutor, quatre centurions de cavalerie, campidoctor et actuarius). Un autre officier supĂ©rieur, appelĂ© « comte des domestiques Â», supervisait non seulement ces officiers supĂ©rieurs, mais Ă©galement d’autres domestiques chargĂ©s de commander divers corps des armĂ©es de campagne ou de frontiĂšres, de mĂȘme que ceux envoyĂ©s en missions spĂ©ciales[8].

L’importance des domestiques commandant les corps d’élite est attestĂ©e par le fait que plusieurs d’entre eux tentĂšrent et, dans certains cas, rĂ©ussirent Ă  s’emparer du pouvoir suprĂȘme. Ce fut le cas du domestique des Excubites qui prit le nom de Michel II aprĂšs l’assassinat de LĂ©on V en 820[9], de Constantin Doukas, domestique des Scholes qui tenta de s’emparer du pouvoir en 912[10], de Bardas SklĂšros, domestique d’Orient qui tenta de ravir le pouvoir Ă  Basile II en 986[11], et d’Alexis ComnĂšne, alors domestique d’Occident, qui prit le pouvoir en 1081 avec l’aide de la garde varĂšgue[12].

Le grand domestique

Vers le XIe siĂšcle, la fonction de domestikos ton scholon fut remplacĂ©e par celle de megas domestikos (en grec : ÎŒÎ­ÎłÎ±Ï‚ ÎŽÎżÎŒÎ­ÏƒÏ„ÎčÎșÎżÏ‚), alors que la fonction de domestique se transformait en simple titre honorifique et Ă©tait attribuĂ©e, sous la dynastie des PalĂ©ologues, Ă  des fonctionnaires ayant rang de gouverneurs[13] - [14]. L’origine de cette addition et la date Ă  laquelle le megas domestikos remplaça le simple domestikos sont incertaines. Elle semble toutefois avoir coĂŻncidĂ© avec la transformation des armĂ©es qui, de dĂ©fensives et cantonnĂ©es dans les provinces qu’elles Ă©taient du VIIe au Xe siĂšcle, devinrent au XIe siĂšcle des forces offensives, en particulier le long des frontiĂšres du Nord et de l’Est. Les deux fonctions semblent avoir coexistĂ© jusqu’au milieu du XIe siĂšcle, alors que celle de megas domestikos s’imposa et fut assumĂ©e par Jean ComnĂšne, frĂšre de l’empereur Isaac. Par la suite, on utilisa indiffĂ©remment les titres de « grand domestique Â», de « grand domestique des scholes Â» ou de « grand domestique de l’armĂ©e Â». Dans ce dernier cas, on se rĂ©fĂšre aux XIe – XIIe siĂšcles au commandant-en-chef de l’armĂ©e d’Orient ou de l’armĂ©e d’Occident, mais cette distinction fut abolie lorsque, l’empire se rĂ©trĂ©cissant, on ne put entretenir deux armĂ©es diffĂ©rentes[15]. La fonction comportait Ă©galement diverses tĂąches plus directement reliĂ©es Ă  la personne de l’empereur comme d’ĂȘtre aux cĂŽtĂ©s de celui-ci lors des banquets impĂ©riaux[16] - [17].

On ignore Ă©galement Ă  quel rang prĂ©cisĂ©ment se situait cette fonction dans la titulature impĂ©riale[N 1]. Au XIIIe siĂšcle, sous la dynastie des PalĂ©ologues, elle se situait sous les rangs de prƍtovestiarios et de megas stratopedarchēs[16]. Elle prit de l’importance par la suite, si bien qu’au milieu du XIVe siĂšcle, elle figurait parmi les plus Ă©levĂ©es, soit immĂ©diatement aprĂšs le rang de CĂ©sar[16]. Le titre de « megas domestikos Â» continua Ă  ĂȘtre associĂ© Ă  la fonction de commandant-en-chef de l’armĂ©e, mais il fut Ă©galement confĂ©rĂ© Ă  d’autres gĂ©nĂ©raux ou Ă  des membres de la cour comme Georges Mouzalon, Jean PalĂ©ologue (frĂšre de Michel VIII), Michel TarchaniotĂšs, Alexis Strategopoulos et Jean CantacuzĂšne (le futur Jean VI)[18], voire Ă  des Ă©trangers comme Guillaume II de Villehardouin qui le reçut de Michel VIII contre cession de diverses places fortes[19].

Fonctions civiles ou palatiales

Diverses sources attestent la fonction de domestici Ă  partir de 355 comme chefs de diffĂ©rents dĂ©partements de la bureaucratie impĂ©riale. Elle est alors identique Ă  celle de primikerios et diverses charges demeurĂšrent liĂ©es au titre de « domestikos Â» jusqu’à la fin de l’empire[20]. D’autres fonctions Ă©voluĂšrent avec la complexification de la bureaucratie et changĂšrent de nom. C’est ainsi que la charge de domestikos tēs basilikēs trapezēs ou « domestique de la table impĂ©riale Â», attestĂ©e en 680, succĂ©da Ă  celle de castrensis palatii[21], ou que le domestikos tēs thumelēs, successeur de l’ancien tribunus voluptatum du Ve siĂšcle, demeura l’intendant des jeux publics subventionnĂ©s par l’empereur[21].

Fonctions ecclésiastiques

Dans la hiĂ©rarchie ecclĂ©siastique, les domestiques dirigeaient certaines catĂ©gories de clercs chargĂ© des questions d'ordre et de rituel, comme les lecteurs, les sous-diacres et plus particuliĂšrement ceux qui exerçaient la fonction de maitre de chapelle. À ce titre, les domestikoi dirigeaient non seulement le chant lors des cĂ©rĂ©monies mais aussi les acclamations publiques en l’honneur de l’empereur et du patriarche[20] - [21].

Notes et références

Notes

  1. Pour la distinction entre « fonction » et « titre », se rapporter Ă  l’article « Glossaire des titres et fonctions dans l'Empire byzantin ».

Références

  1. Southern et Dixon 1996, p. 56-57.
  2. Treadgold 1995, p. 23.
  3. Treadgold 1995, p. 100.
  4. Kazhdan 1991, vol. 1, « Domestikos ton
 », p. 646-647.
  5. Treadgold 1995, p. 28.
  6. Kazhdan 1991, vol. 1, « Athanatoi », p. 220.
  7. Treadgold 1995, p. 78.
  8. Treadgold 1995, p. 92.
  9. Treadgold 1995, p. 31.
  10. Ostrogorsky 1983, p. 288.
  11. Treadgold 1995, p. 37.
  12. Treadgold 1995, p. 41.
  13. Kazhdan 1991, vol. 1, « Domestikos ton Scholon », p. 648.
  14. Kazhdan 1991, vol. 2, « Megas Domestikos », p. 1329.
  15. Kazhdan 1991, vol. 2, « Megas Domestikos », p. 1329-1330.
  16. Kazhdan 1991, vol. 2, « Megas Domestikos », p. 1330.
  17. Bartusis 1997, p. 282.
  18. Bartusis 1997, p. 241, 282.
  19. Ostrogorsky 1983, p. 477.
  20. Kazhdan 1991, vol. 1, « Domestikos », p. 646.
  21. Haldon 1997, p. 186, 193.

Bibliographie

  • (en) Mark C. Bartusis, The Late Byzantine Army : Arms and Society 1204–1453, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, , 438 p. (ISBN 0-8122-1620-2, lire en ligne).
  • Louis BrĂ©hier, Le monde byzantin, vol. II : Les institutions de l'Empire byzantin, Paris, Albin Michel, coll. « L’évolution de l’humanitĂ© », (1re Ă©d. 1949).
  • (en) John B. Bury, The Imperial Administrative System of the Ninth Century : With a Revised Text of the Kletorologion of Philotheos, Londres, Oxford University Publishing, .
  • (en) John F. Haldon, Byzantium in the Seventh Century : The Transformation of a Culture, Cambridge, Cambridge University Press, , 486 p. (ISBN 978-0-521-31917-1, lire en ligne).
  • (en) John F. Haldon, Warfare, State and Society in the Byzantine World, 565-1204, Londres, University College London Press (Taylor & Francis Group), , 389 p. (ISBN 1-85728-495-X, lire en ligne).
  • (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re Ă©d., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208).
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  • Georges Ostrogorsky (trad. de l'allemand), Histoire de l’État byzantin, Paris, Payot, , 649 p. (ISBN 2-228-07061-0).
  • (en) Pat Southern et Karen R. Dixon, The Late Roman Army, New Haven, Yale University Press, , 206 p. (ISBN 0-300-06843-3, lire en ligne).
  • (en) Warren T. Treadgold, Byzantium and Its Army, 284–1081, Stanford, Stanford University Press, (ISBN 0-8047-3163-2).
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