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Conservatisme de niche

La phylogĂ©nie est l'Ă©tude des relations de parentĂ© entre les ĂȘtres vivants et permet l'inscription des espĂšces dans une histoire Ă©volutive et leur regroupement en groupes taxonomiques. Cette histoire joue un rĂŽle fondamental dans la dĂ©termination des niches Ă©cologiques de chaque espĂšce et l'Ă©tudier nous permet de comprendre comment les diffĂ©rents mĂ©canismes Ă©volutifs existants ont permis la rĂ©partition actuelle des espĂšces dans leur niche Ă©cologique. Elle propose ainsi des hypothĂšses sur le rĂŽle du conservatisme de niche dans la spĂ©ciation et le maintien de la diversitĂ© spĂ©cifique.

Représentation de l'impact de la phylogénie et d'autres phénomÚnes dans la détermination de la niche écologique des espÚces d'une communauté [1]:(1): Filtration des espÚces non adaptées aux paramÚtres biogéographiques; (2) : AccÚs à une communauté; (3): Exclusion compétitive; (4): Répulsion phylogénétique; (5): Coexistence (processus de non-séparation de la niche)

La mise en relation des donnĂ©es Ă©volutives et des donnĂ©es Ă©cologiques, impliquant les traits phĂ©notypiques et les donnĂ©es molĂ©culaires d'une espĂšce, bien que plus utilisĂ©e aujourd'hui qu'au siĂšcle dernier, n'est pas un concept nouveau. DĂ©jĂ , Darwin, dans "L'Origine des espĂšces" Ă©voquait le fait que des espĂšces appartenant Ă  un mĂȘme genre et donc proches phylogĂ©nĂ©tiquement puissent prĂ©senter des conditions de vie et de ressources similaires indiquant ainsi qu'il existe trĂšs probablement un lien entre phylogĂ©nie et Ă©cologie :

« Les espĂšces appartenant au mĂȘme genre ont presque toujours, bien qu'il y ait beaucoup d'exceptions Ă  cette rĂšgle, des habitudes et une constitution presque semblables; la lutte entre ces espĂšces est donc beaucoup plus acharnĂ©e, si elles se trouvent placĂ©es en concurrence les unes avec les autres, que si cette lutte s'engage entre des espĂšces appartenant Ă  des genres distincts. »

— Charles Darwin, "L'Origine des espùces"

Aujourd'hui, il existe un grand nombre de mĂ©thodes permettant la mise en relation des donnĂ©es Ă©cologiques et des donnĂ©es Ă©volutives afin de trouver les niches Ă©cologiques de certaines espĂšces. Les recherches et les Ă©tudes appliquĂ©es au rĂŽle de la phylogĂ©nie dans la dĂ©termination de la niche Ă©cologique considĂšrent le terme "niche Ă©cologique" selon la dĂ©finition donnĂ©e par G.E. Hutchinson en 1957. Ici, la niche Ă©cologique correspond donc Ă  l'ensemble des conditions et des ressources oĂč une espĂšce donnĂ©e survit, en l'absence (niche fondamentale) ou en prĂ©sence (niche rĂ©alisĂ©e) des interactions Ă©cologiques telles que la compĂ©tition ou le mutualisme.

Conservatisme de niche (PNC)

Le conservatisme de niche écologique correspond à la similarité écologique entre des espÚces apparentées[2]. Par ailleurs, la tendance des lignées à conserver les caractéristiques des niches écologiques au cours du temps et des événements de spéciation est définie comme le conservatisme phylogénétique de la niche écologique [3] - [4]. Actuellement, il existe un débat au sein de la communauté scientifique pour savoir si le conservatisme phylogénétique de la niche (PNC : Phylogenetic Niche Conservatism) est un processus évolutif (issu de l'anglais : "process") notamment impliqué dans la structure des communautés ou une conséquence de processus évolutifs (issu de l'anglais : "pattern")[5]. Ce phénomÚne de conservatisme de niche est dépendant de deux conditions majeures : un trait inhérent à la niche écologique des organismes et héritable[6].

Les effets du PNC

Le conservatisme phylogĂ©nĂ©tique de la niche a plusieurs consĂ©quences sur l'Ă©volution des espĂšces. Dans cette partie, le conservatisme de niche est considĂ©rĂ© comme un processus Ă©volutif en lui-mĂȘme.

Spéciation allopatrique et vicariance

Exemple hypothétique illustrant comment le « niche conservatism » est à l'origine de la séparation allopatrique vicariance[7].

Lors de changement climatique, il peut y avoir déplacement géographique des niches écologiques. Dans ce cas, plutÎt que de rester sur place et de s'adapter aux nouvelles conditions climatiques de leur milieu, les espÚces préfÚrent suivre le déplacement de leur niche

qui requiert moins d’efforts que l’adaptation, protĂ©geant l’espĂšce d’une baisse de sa fitness.

Cela s’observe trĂšs bien avec le phĂ©nomĂšne de la vicariance. La vicariance est l’apparition d’une barriĂšre gĂ©ographique entre des populations d'une espĂšce. Cette barriĂšre correspond Ă  des conditions suboptimales pour l'espĂšce. S'il y a conservatisme de la niche, les individus d’une mĂȘme espĂšce vont se retrouver sĂ©parĂ©s car ils n'auront pas pu s’adapter aux conditions de cette barriĂšre[7]. Il y aura arrĂȘt des flux de gĂšnes entre ces deux populations qui, Ă  terme, formeront deux espĂšces distinctes. Si l'espĂšce est capable d'Ă©tendre sa niche aux conditions de la barriĂšre, cet isolement par arrĂȘt de flux de gĂšne ne se produira pas[8].

Par exemple, pour une population vivant au niveau d’un col de montagne, l’espĂšce se rĂ©partit sur tout le niveau correspondant Ă  cette altitude, Ă  la fois sur la montagne et dans le col. Si, lors d’un changement de conditions climatiques, le lieu oĂč se trouve cette espĂšce se rĂ©chauffe, l'espĂšce va se dĂ©placer dans les hauteurs de la montagne afin de retrouver un climat plus froid, correspondant Ă  sa niche Ă©cologique. Le col correspondra dĂ©sormais Ă  une zone avec des conditions suboptimales, car sera une zone trop chaude pour l’espĂšce. Le col va sĂ©parer l’espĂšce en deux espĂšces A et B, car l'espĂšce n'aura pas pu s'adapter Ă  une tempĂ©rature plus chaude en raison du conservatisme de la niche[7].

La biogéographie

Les arbres phylogénétiques mettent souvent en évidence une certaine constante écologique entre clades. Cette constance écologique peut avoir un impact sur la répartition géographique des espÚces, il est donc possible de chercher des explications à cette répartition dans les phylogénies[9]. C'est ce que fait la biogéographie: utiliser la phylogénie pour expliquer la répartition géographique des espÚces. Elle permet d'expliquer notamment pourquoi des espÚces sont présentes dans certaines zones géographiques et pas dans d'autres qui leur sont attenantes.

Le fait que la niche Ă©cologique impose des conditions climatiques particuliĂšres Ă  l'espĂšce est important pour la biogĂ©ographie de nombreux clades. En effet, la spĂ©cialisation climatique de la niche va contraindre les espĂšces Ă  se rĂ©partir dans des zones gĂ©ographiques restreintes, oĂč ces conditions sont retrouvĂ©es. Lorsque cette rĂ©partition atypique est constatĂ©e chez des espĂšces anciennes, cela suggĂšre que la niche Ă©cologique de cette espĂšce est conservĂ©e depuis longtemps. Le conservatisme climatique de la niche est donc Ă  l'origine d'une rĂ©partition gĂ©ographique particuliĂšre des espĂšces[8].

L'utilisation de la biogĂ©ographie peut-ĂȘtre intĂ©ressante pour prĂ©voir les aires de rĂ©partition potentielle d'espĂšces invasives. Si le conservatisme de la niche, considĂ©rĂ© d'un point de vue climatique, limite l'expansion des espĂšces hors de leur niche fondamentale (ensemble des conditions oĂč l'espĂšce peut maintenir un taux de croissance intrinsĂšque supĂ©rieur Ă  1), on s'attend Ă  une relation entre la distribution climatique des espĂšces invasives et les conditions climatiques de leur zone d'origine. Au contraire, si des espĂšces se rĂ©pandent dans des zones oĂč le climat ne correspond pas Ă  leur rĂ©gion originelle, d'autres mĂ©canismes comme la compĂ©tition seront plus importants que la biogĂ©ographie[8].

Structure des communautés

En écologie, une communauté est composé de populations occupant un ensemble de niches écologiques.

Le conservatisme de la niche a un impact sur la structure des communautĂ©s, notamment en limitant la dispersion des lignĂ©es, c'est-Ă -dire le dĂ©part d'un organisme de son lieu de naissance vers un nouveau lieu de reproduction voire de colonisation. Également, le conservatisme de le niche rĂ©duit la variation de leurs traits Ă©cologiques entre les diffĂ©rentes rĂ©gions oĂč elles Ă©voluent[8] - [10].

La structure phylogĂ©nĂ©tique de la communautĂ© est utilisĂ©e pour clarifier les processus dĂ©terministes et les rĂšgles d’assemblage d’une communautĂ©.

Un facteur dominant liĂ© Ă  la phylogĂ©nie et impliquĂ© dans la structure de l’assemblage non-alĂ©atoire des espĂšces dans une communautĂ© est le filtrage environnemental. Ce filtrage met en Ă©vidence les regroupements phylogĂ©nĂ©tiques. C’est un facteur visible lorsque des espĂšces sympatriques sont plus apparentĂ©es que ne le prĂ©voit le hasard, en partageant un trait en commun qui a Ă©tĂ© conservĂ©, par exemple dans la tolĂ©rance physiologique Ă  leur environnement[8] - [10].

Gradient représentant la richesse des espÚces de mammifÚres à travers le monde[11]. Ces données sont séparées en 20 catégories différentes chacune ayant une couleur associée, les couleurs chaudes indiquant les zones de fortes richesses.

Un autre facteur influant la structure des communautés est le gradient latitudinal des espÚces. Cette gradation latitudinale correspond à une diversité spécifique importante dans les régions tropicales et qui décroit avec la latitude dans les régions tempérées puis froides. L'hypothÚse du conservatisme tropical est une théorie qui peut expliquer cette gradation latitudinale. Elle repose sur trois hypothÚses :

  • les rĂ©gions tropicales sont plus anciennes que les autres, donc les espĂšces qui s'y trouvent sont Ă©galement plus anciennes et ont eu plus de temps pour s'adapter et se diversifier ;
  • dans les temps gĂ©ologiques rĂ©cents, les zones tropicales Ă©taient plus Ă©tendues, ce qui explique que les taxons les plus abondants soient originaires des tropiques ;
  • les espĂšces originaires des rĂ©gions tropicales vont rarement se disperser dans les rĂ©gions tempĂ©rĂ©es Ă  cause du conservatisme de leur niche, qui rend difficile leur adaptation Ă  ces nouvelles conditions climatiques.

Ces trois hypothÚses sont des hypothÚses de structuration des communautés. La gradation latitudinale de la diversité des espÚces peut donc s'expliquer en partie par le conservatisme de la niche. Les zones tempérées ont une richesse spécifique plus faibles que les zones tropicales car les espÚces tropicales ne peuvent pas se disperser dans les zones tempérées; Cependant, ce phénomÚne seul ne peut pas tout expliquer car il prévoit l'absence d'espÚces dans les régions tempérées, ce qui n'est pas le cas[1] - [8].

MĂ©canismes supportant le PNC

Si le conservatisme phylogénétique de la niche est parfois contesté au sein de la communauté scientifique, il est possible de discuter de processus directs et indirects supportant ce conservatisme.

SĂ©lection naturelle stabilisante

La sĂ©lection naturelle stabilisante est considĂ©rĂ©e comme le facteur principal appuyant ce phĂ©nomĂšne de conservatisme de niche au cours du temps. En effet, si des conditions environnementales alternatives entraĂźnent une diminution de la fitness ou de la croissance de la population (donc modifient leur niche Ă©cologique), la sĂ©lection naturelle va favoriser des traits qui maintiennent les individus dans leur niche originelle[12] - [13]. C’est notamment le cas lors des processus de sĂ©lection comportementale de l’habitat. Les organismes vont consciemment Ă©viter les habitats oĂč leurs capacitĂ©s de survie et de reproduction seront rĂ©duites, dans un objectif de maximisation de la fitness[14]. A l’échelle du microhabitat, les ressources les mieux adaptĂ©es vont ĂȘtre choisies par certains organismes, si bien que certaines espĂšces vont se spĂ©cialiser Ă  l'utilisation ou la consommation d'un type de ressources particulier. L'adaptation Ă  des ressources diffĂ©rentes pourra donc s'avĂ©rer difficile.

Flux de gĂšnes

Les flux de gĂšnes peuvent Ă©galement empĂȘcher une Ă©volution de la niche, notamment dans les petites populations dont la rĂ©partition est limitĂ©e par des conditions environnementales dĂ©favorables.

Dans le cas d'espÚces à mobilité importante, une partie des individus va se retrouver à la limite de l'aire de répartition, donc en contact avec des conditions environnementales non optimales. Les gÚnes issus de la source (centre de l'aire de répartition) et apportés par des individus dispersants vont réduire la possibilité d'adaptation à ces conditions. Ces flux de gÚnes limitent l'adaptation à de nouvelles conditions environnementales et causent donc du conservatisme de niche[15]. Les flux de gÚnes issus de la source ne permettent pas aux individus "puits" de s'adapter.

Pléiotropie et Compromis évolutifs

L’évolution de la niche peut ĂȘtre influencĂ©e par une sĂ©lection antagoniste liĂ©e aux compromis Ă©volutifs (trade-off) entre traits. En effet, certains traits permettant d'augmenter l'aire de rĂ©partition des individus semblent Ă©galement rĂ©duire la fitness.

On parle Ă©galement de traits Ă  effet plĂ©iotrope, correspondant Ă  deux traits liĂ©s gĂ©nĂ©tiquement. Si deux traits sont gĂ©nĂ©tiquement liĂ©s, toute modification de la moyenne du premier trait, sous l’effet d’une sĂ©lection par exemple, se rĂ©percute sur la moyenne du second : si la corrĂ©lation est positive, les caractĂšres Ă©voluent dans le mĂȘme sens, si elle est nĂ©gative, les caractĂšres Ă©voluent en sens opposĂ© (plĂ©iotropie).

C’est notamment le cas chez une espĂšce de drosophile australienne (Drosophila serrata), pour laquelle l’augmentation de la rĂ©partition dans les rĂ©gions froides-tempĂ©rĂ©es serait limitĂ©e par le fait que l’évolution de la rĂ©sistance au froid est liĂ©e gĂ©nĂ©tiquement Ă  une diminution de la fĂ©conditĂ©[16].

D'autres trade-off peuvent avoir le mĂȘme effet. Dans le cas des plantes ligneuses, le diamĂštre des vaisseaux de xylĂšme est issu d'un compromis entre la circulation de la sĂšve permettant la photosynthĂšse et la rĂ©sistance aux Ă©pisodes de gel-dĂ©gel. Ce trait limite la dispersion de ces plantes dans les rĂ©gions froides-tempĂ©rĂ©es[17] - [6].


Manque de variabilités sur un trait

Un manque de variabilitĂ© sur un trait peut restreindre les possibilitĂ©s de modifications de la niche Ă©cologique[18]. Il ne s’agirait pas d’une explication universelle au conservatisme de niche[19]. Cependant, ce processus peut constituer une hypothĂšse majeure dans l’explication des phĂ©nomĂšnes de conservatisme, notamment lorsqu’il est observĂ© sur des traits d’importance Ă©cologique majeure[20].

MĂ©thodes mettant en Ă©vidence le PNC

Il existe 3 principes principaux mettant en évidence le conservatisme phylogénétique de la niche écologique.

Maintien de la niche (« niche retention »)

Les niches des ancĂȘtres et de leurs descendants directs sont davantage similaires que ce qui serait attendu sous le modĂšle du mouvement brownien. Dans certains cas, les ancĂȘtres et les descendants peuvent avoir des niches Ă©cologiques quasi identiques. Le maintien de la niche peut ĂȘtre le rĂ©sultat de la sĂ©lection stabilisante et de diverses contraintes Ă©volutives comme celles imposĂ©es par les facteurs gĂ©nĂ©tiques, dĂ©veloppementaux ou physiologiques[21].

Deux tests sont utilisables dans l'Ă©tude du maintien de la niche :

  1. Le test de Blomberg : un modĂšle oĂč K est la mesure de la force du signal phylogĂ©nĂ©tique. K est une valeur qui varie entre 0 et 1. Ainsi, plus la valeur de K tend vers 1, plus les espĂšces sont apparentĂ©es phylogĂ©nĂ©tiquement. Dans le cas oĂč K>1, cela indique une plus forte similaritĂ© du trait entre les espĂšces que ne le voudrait le hasard.
  2. Le test de Pagel ÎŽ, oĂč ÎŽ permet d’estimer les changements du traits au cours du temps. Dans le cas oĂč ÎŽ<1, le trait change rapidement au dĂ©but de l’histoire d’un clade, puis ralentit avec le temps, preuve du conservatisme de niche. Lorsque ÎŽ>1, le changement du trait se fait plus tardivement et augmente au fil du temps[21] - [22] - [23]

Colonisation et déplacement de la niche ("niche filling" et "niche shifting")

Deux principes antagonistes sont distinguables dans l’évolution de la niche Ă©cologique :

La colonisation est un processus dans lequel, au fil de l’évolution, des espĂšces colonisent de nouvelles niches, ce qui implique une rĂ©duction de la distance phĂ©notypique entre espĂšces apparentĂ©es de l’ancienne et de la nouvelle niche au fil du temps. Les niches des nouvelles espĂšces diffĂšrent moins des niches de leurs ancĂȘtres.

En modĂ©lisation, ce principe est dĂ©signĂ© par le terme « niche filling » (pouvant ĂȘtre traduit par : remplissage de la niche »).

Le dĂ©placement de la niche est un cas oĂč les espĂšces Ă©voluent simultanĂ©ment avec leur niche. Les niches des nouvelles espĂšces diffĂšrent de celles de leurs ancĂȘtres.

En modĂ©lisation, ce principe est dĂ©signĂ© par le terme « niche shifting » (pouvant ĂȘtre traduit par : dĂ©placement de niche).

Deux types de tests peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©s pour dĂ©tecter une preuve du PNC :

  1. Le test de Pagel ÎŽ, vu prĂ©cĂ©demment. Dans le cas oĂč ÎŽ<1, cela soutient l’hypothĂšse d’un remplissage de niche et correspond Ă  la diminution du changement du trait au fil du temps[21].
  2. Le test de randomisation de Freckleton et Harvey est un test prenant les donnĂ©es d’un trait dans un arbre phylogĂ©nĂ©tique et permettant de calculer la variance du trait Ă©tudiĂ©. Cela permet de rĂ©aliser une estimation des diffĂ©rences distribuĂ©es alĂ©atoirement dans l’arbre choisi. Il s’agit ensuite de mesurer la variance et la covariance de chaque trait rĂ©pliquĂ©. La variance du trait rĂ©pliquĂ© est comparĂ©e Ă  celle du trait observĂ©. Si cette variance est plus faible que ne le voudrait le hasard, alors il y a peu de diffĂ©rences entre les parents et la descendance d’une mĂȘme espĂšce. Dans le cas oĂč la variance est plus grande que prĂ©dit par le hasard, cela indique un dĂ©placement de niche, la descendance prĂ©sente des diffĂ©rences avec leurs ancĂȘtres[21] - [24].

Inertie Phylogénétique

L’inertie phylogĂ©nĂ©tique se traduit par un retard dans le changement d’un trait par rapport Ă  la vitesse de changement d’un facteur biotique ou abiotique (une modification de l’environnement, par exemple). De ce fait, les espĂšces mettent du temps pour atteindre le nouvel optimum pour un trait considĂ©rĂ©, dans un environnement modifiĂ©.

L'inertie phylogĂ©nĂ©tique peut ĂȘtre dĂ©tectĂ© en utilisant un modĂšle Ă©volutif appelĂ© processus d'Ornstein-Uhlenbeck. Ce modĂšle permet de dĂ©montrer que les traits Ă©voluent vers un phĂ©notype optimal Ă©voluant sous le mouvement brownien (de maniĂšre alĂ©atoire)[22].

On Ă©tudie le taux Ă©volutif pour quantifier l’inertie phylogĂ©nĂ©tique.

En effet, ce modĂšle permet de tester l’hypothĂšse qu’un taux Ă©volutif faible au sein d’un clade rend compte du conservatisme de niche.

Deux estimations sont envisageables pour Ă©tudier le taux Ă©volutif[21] :

  1. L’estimation de Θ, un paramĂštre qui mesure le rapport entre le taux Ă©volutif d’un trait sur les branches d’un clade par rapport aux branches d’un autre clade[25].
  2. L’estimation du paramĂštre σ2, correspondant Ă  la vitesse Ă  laquelle un trait partagĂ© entre espĂšces apparentĂ©es diverge au cours du temps[26].

Modification de la niche

Dérive génétique (modÚle null)

La dĂ©rive gĂ©nĂ©tique est un processus montrant que les espĂšces hĂ©ritent de la niche Ă©cologique de leur ancĂȘtre commun, puis divergent et Ă©voluent de maniĂšre alĂ©atoire au cours du temps. Les diffĂ©rences de traits entre les espĂšces s’accumulent au fil du temps selon le modĂšle de mouvement brownien (au hasard)[21].

Selon Blomberg (2001)[22], la notion de signal phylogĂ©nĂ©tique dĂ©crit que deux espĂšces ont des caractĂšres d’autant plus similaires que leur ancĂȘtre commun est rĂ©cent [2].

Il existe deux types de tests permettant de voir si les traits de la niche Ă©voluent selon le modĂšle de mouvement brownien [27] :

  1. Le test de Pagel ÎŽ, un paramĂštre permettant de mesurer l’apparentement entre espĂšces. La valeur de ÎŽ varie entre 0 et 1, plus ÎŽ s’approche de 1, plus les traits partagĂ©s entre les espĂšces Ă©voluent de maniĂšre alĂ©atoire.
  2. Le test de Blomberg, vu précédemment.

Par exclusion compétitive

D'un point de vue Ă©volutif, ça demande moins d'efforts pour une population de se dĂ©placer avec sa niche lorsque celle-ci se dĂ©place plutĂŽt que de rester sur place et de s'adapter aux nouvelles conditions climatiques de son milieu. Cependant, il n'est pas toujours possible pour l'espĂšce de se dĂ©placer. Il lui arrive d’ĂȘtre confrontĂ©e Ă  de l’exclusion compĂ©titive inter-espĂšces[27] : l'espĂšce se retrouve exclue de sa niche et devra donc s’adapter Ă  un nouvel environnement, Ă  de nouvelles ressources et survivre dans un environnement dans lequel elle n’est pas apte. Cette espĂšce de s’adapter Ă  un nouvel environnement via la sĂ©lection des gĂšnes permettant une meilleure fitness dans les nouvelles conditions environnementales, c'est la sĂ©lection naturelle. C’est ainsi qu’apparaissent sur l’arbre phylogĂ©nĂ©tique les « pas Ă©volutifs ». Cette espĂšce qui a dĂ» s’adapter Ă  un nouvel environnement devient une nouvelle espĂšce. Cette adaptation se fait gĂ©nĂ©ralement par la perte ou l’apparition d’un caractĂšre pour s’adapter Ă  sa nouvelle niche.

Par exemple, l’ancĂȘtre des champignons serait une simple forme aquatique avec des spores flagellĂ©s mais, au cours de l’évolution, il y aurait eu disparition du caractĂšre "spores flagellĂ©s", permettant d’étendre l’aire de rĂ©partition des champignons au milieu terrestre[28]. La disparition de ce caractĂšre aurait donc entraĂźnĂ© une modification de la niche Ă©cologique de ces espĂšces. Les hypothĂšses faites concernant cette perte de flagelle sont que les individus avec des cellules flagellĂ©es seraient un groupe frĂšre au sein des champignons n’ayant pas de cellules flagellĂ©es, induisant que cette perte du flagelle coĂŻncide avec une adaptation Ă  un environnement terrestre. L'affinement de cette adaptation au milieu terrestre se caractĂ©rise par la prĂ©sence de deux nouveaux caractĂšres qui sont le fruit de l'Ă©volution des espĂšces de champignons en milieu terrestre : la croissance de filament et la dispersion aĂ©rienne des spores[28].

Par Ă©volution rapide

Lorsque l'arrivĂ©e d'individus d'une espĂšce dans un nouvel habitat cause des modifications telles dans la survie et la reproduction de ces individus que la population est contre sĂ©lectionnĂ©e dans cet environnement, cela favorise le conservatisme de la niche. Cependant, si la survie et la reproduction ne sont affectĂ©es Ă  un taux permettant la survie dans cette nouvelle niche, la niche de l’espĂšce va changer car l'espĂšce va pouvoir s'adapter Ă  ces nouvelles conditions[2]. Parfois, cette Ă©volution est rapide, c'est-Ă -dire qu'elle se produit Ă  des Ă©chelles de temps comparables Ă  celles considĂ©rĂ©es en Ă©cologie (classiquement, l'Ă©volution s'Ă©tudie sur une Ă©chelle de temps du millier d'annĂ©es et l'Ă©cologie sur une Ă©chelle de la centaine d'annĂ©es[29]

Ces évolutions rapides sont fortement documentées L'évolution rapide dans le cadre des interactions hÎtes-parasites est un bon exemple des changements de niches. Lorsqu'un hÎte développe un mécanisme de résistance à un parasite, cette résistance entraßne une modification de la niche écologique du parasite. Le parasite répond à cette modification par le développement d'une contre-résistance. Il s'adapte donc de façon rapide à sa nouvelle niche[30]. Ce double phénomÚne va ainsi se répéter en boucle, selon l'hypothÚse de la reine rouge, modifiant toujours la niche écologique du parasite.

Similarités de la niche écologique sans lien phylogénétique

Des similaritĂ©s de niche Ă©cologique entre espĂšces Ă©loignĂ©es phylogĂ©nĂ©tiquement peuvent exister malgrĂ© le fait que ces espĂšces aient un ancĂȘtre commun relativement Ă©loignĂ©[1].

Une niche Ă©cologique est Ă©galement caractĂ©risĂ© par de nombreux rĂ©seaux trophiques spĂ©cialisĂ©s Ă  cette niche[31]. Les espĂšces faisant partie de cette chaĂźne ne sont pas forcĂ©ment liĂ©es phylogĂ©nĂ©tiquement. Les donnĂ©es sur ce sujet restent encore trĂšs pauvres mais il y a nĂ©anmoins plusieurs mĂ©canismes pouvant expliquer cela. Avant tout, les chaines trophiques sont prĂ©sentes dans tous les milieux, mĂȘmes les milieux natifs, s'ajoute ensuite Ă  cela le cas de la migration, du dĂ©placement d'une espĂšce qui peut ĂȘtre dĂ» au fait que l’espĂšce soit spĂ©cialiste, c'est-Ă -dire, spĂ©cialiste d’un seul type de ressource alimentaire. Par exemple, le changement climatique peut faire migrer la proie d’une espĂšce prĂ©datrice dans une autre niche qui lui sera adaptĂ©e. Les prĂ©dateurs de cette proie se voient alors dans l’obligation de la suivre et se retrouvent ainsi faisant partie d’une niche sans raison phylogĂ©nĂ©tique mais Ă  cause de leur place dans le rĂ©seau trophique.

Mais les espÚces généralistes, c'est-à-dire, les espÚces pouvant se nourrir de plusieurs types de ressources, sont aptes à vivre plus facilement dans une autre niche ce qui peut faciliter la dispersion pour des raisons de reproduction par exemple[32].

Et enfin, il est possible de constater également que lors d'une exclusion compétitive, l'espÚce qui se trouve exclue est forcée à s'habituer à un nouvel environnement, et se trouve alors dans une nouvelle niche sans avoir de liens phylogénétiques avec les autres individus de cette niche[27].

Annexes

Articles connexes

Notes et références

  1. (en) Campbell O. Webb, David D. Ackerly, Mark A. McPeek et Michael J.Donoghue, « Phylogenies and Community Ecology », Annual Review of Ecology, Evolution, and Systematics, vol. 33,‎ , p. 475-505
  2. (en) Peter B. Pearman, « Niche dynamics in space and time », Trends in Ecology and Evolution, vol. 23,‎ , p. 149-158
  3. (en) N. Cooper, R. P. Feckleton et W. Jetz, « Phylogenetic conservatism of environmental niches in mammals », Proceedings of the Royal Society, vol. 278,‎ , p. 2384–2391
  4. (en) John J. Wiens et al., « Niche conservatism as an emerging principle in ecology and conservation biology », Ecology Letters, vol. 13,‎ , p. 1310-1324
  5. (en) François Chapleau, Peter H. Johansen et Mark Williamson, « The Distinction between Pattern and Process in Evolutionary Biology: The Use and Abuse of the Term 'Strategy », Oikos, no 53,‎ , p. 136-138 (lire en ligne)
  6. (en) Michael D. Crisp et Lyn G. Cook, « Phylogenetic niche conservatism: what are the underlying evolutionary and ecological causes? », New phytologist, vol. 196,‎ , p. 681-694 (DOI 10.1111/j.1469-8137.2012.04298.x)
  7. (en) John J. Wiens, « SPECIATION AND ECOLOGY REVISITED: PHYLOGENETIC NICHE CONSERVATISM AND THE ORIGIN OF SPECIES », Evolution, vol. 58(1),‎ , p. 193-197
  8. (en) John J. Wiens et Catherine H. Graham, « Niche Conservatism: Integrating Evolution, Ecology, and Conservation Biology », Annual Review of Ecology, Evolution, and Systematics,‎ , p. 519-539
  9. (en) Wiens JJ et Donoghue MJ, « Historical bio-geography, ecology, and species richness », Trends in Ecology and Evolution, vol. 19,‎ , p. 639:644
  10. (en) J. Cavender-Bares, K. H. Kozak, P. V. A. Fin et S. W. Kembel, « The merging of community ecology and phylogenetic biology », Ecology Letters, vol. 12,‎ , p. 693–715
  11. (en) L. B. Buckley et al., « Phylogeny, niche conservatism and the latitudinal diversity gradient in mammals », Proc. R. Soc. B, vol. 277,‎ , p. 2131-2138
  12. (en) R.D. Holt, « Demographic constraints in evolution: towards unifying the evolution ary theories of senescence and niche conservatism », Evolutionary Ecology, vol. 10,‎ , p. 1-11
  13. (en) R.D. Holt et M.S. Gaines, « Analysis of adaptation in heterogeneous landscapes: implications for the evolution of fundamental niches », Evolutionary Ecology, vol. 6,‎ , p. 433-447
  14. (en) R.D. Holt et M. Barfield, « Habitat selection and niche conservatism », Israel Journal of Ecology & Evolution, vol. 54,‎ , p. 295-309
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