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Complexe des protéines d'hibernation

Le complexe des protéines d’hibernation (HPC) est composé de quatre protéines, produites spécifiquement dans le foie, puis relâchées dans le sang de certains mammifères[1]. Les protéines d’hibernation HP20, HP25 et HP27 ont des structures homologues et une région N-terminale ressemblant au collagène[2]. Ces trois protéines forment ensemble le complexe HP20c, qui s'associe à la quatrième protéine d’hibernation HP55[2]. HP55 est analogue à la molécule α 1-antitrypsine, faisant partie de la famille des serpines[2].

La découverte de ce complexe protéique est généralement attribuée à l’équipe de Noriaki Kondo, suivant la publication d’un article en 2006 détaillant le complexe chez le tamia de Sibérie (Tamias sibiricus). Leurs travaux ont aussi montré que le retrait du HPC dans le sang au début de l’hibernation concorde avec sa présence dans le liquide cérébrospinal.

L’expression et le transport des protéines d’hibernation au cerveau seraient régulés par des rythmes circannuels endogènes[2]. Ces protéines seraient non seulement exprimées chez les mammifères qui hibernent, mais aussi chez des espèces divergentes qui n’hibernent pas[3] . Par exemple, les travaux de Seldin et al. (2014) démontrent que les niveaux du HPC oscillent dans le système nerveux central (SNC) des tamias (mammifères qui hibernent), mais aussi dans le SNC des vaches (mammifères qui n’hibernent pas)[3]. Cette oscillation suit un rythme saisonnier, avec une quantité maximale de complexes de protéines d’hibernation lors de la période hivernale[3]. Lors de l’hibernation (début de la saison hivernale), les protéines du HPC s’accumulent dans le cerveau, puis sont libérées lorsque l’été arrive pour mettre fin à l’hibernation[4].

Plus récemment, des travaux ont démontré que les trois gènes du complexe protéique d’hibernation (HP20, HP25 et HP27) sont aussi régulés de façon épigénétique[5]. Ce processus de régulation épigénétique serait présent autant chez les tamias qui hibernent de façon saisonnière, que ceux qui n’hibernent pas du tout . Cela indique donc que les modifications des histones pour des gènes spécifiques peuvent jouer un rôle majeur dans les cycles d’hibernation[5].

Complexe chez les hibernants

Comme mentionnĂ© prĂ©cĂ©demment, l’étude de Kondo et al., 2006 a permis de tirer des conclusions essentielles quant Ă  la comprĂ©hension du mĂ©canisme du complexe HPC. En bref, l’expĂ©rience consistait Ă  sĂ©parer les tamia de SibĂ©rie en deux groupes. Un groupe est plongĂ© dans l’état d’hibernation grâce Ă  des conditions de froid et de noirceur, alors que l'autre groupe subit plutĂ´t une stimulation de ses niveaux d'activitĂ© d'Ă©tĂ© en Ă©tant exposĂ© Ă  des longues journĂ©es chaudes[2]. L'expression gĂ©nique du complexe HPC a Ă©tĂ© mesurĂ©e dans le foie et ses niveaux de protĂ©ines ont Ă©tĂ© mesurĂ©es dans le sang[2]. Une rĂ©alisation très importante dĂ©coulant de cette expĂ©rience est le fait que les niveaux de protĂ©ines du complexe varient grandement selon l'Ă©tat d'hibernation dans lequel les hibernants se trouvent, ce qui suggère ultimement que la rĂ©gulation de la production du complexe HPC est intrinsèque[2]. Ces chercheurs ont d'autant plus Ă©tĂ© capables de dĂ©montrer que l'hormone d'hibernation Ă©voluait au niveau cĂ©rĂ©bral[2]. Il est intĂ©ressant de voir que pendant l'hibernation, le complexe HPC est retrouvĂ© dans le plexus choroĂŻde et Ă©galement dans le liquide cĂ©rĂ©brospinal (CSF). Le mĂ©canisme gĂ©nĂ©ralement  acceptĂ© dans la littĂ©rature Ă©nonce que le complexe des protĂ©ines d’hibernation se scinde en deux parties dans le liquide cĂ©rĂ©brospinal, soit HP20c et HP55[6]. HP20c Ă©tant libre, il est transportĂ© activement au cerveau, lĂ  oĂą elle peut complĂ©ter son activitĂ© rĂ©gulatrice sur les fonctions cĂ©rĂ©brales lors de l’hibernation[6]. Cela amène donc les auteurs Ă  se questionner sur le rĂ´le du complexe au niveau du système nerveux central[7]. Des anticorps de HP20c ont Ă©tĂ© administrĂ©s dans le but de freiner l'activitĂ© de cette protĂ©ine au sein du CSF[7]. L'interruption de l'hibernation a Ă©tĂ© totale chez certains animaux qui venaient d’entamer leur hibernation. Pour ceux ayant reçu une dose Ă  des stades plus avancĂ©s de leur hibernation, il y a eu accĂ©lĂ©ration de la fin de celle-ci[8]. Somme toute, ces observations renvoient Ă  l'idĂ©e qu'une inhibition de l'activitĂ© de HP20c au sein du CSF par des anticorps conduit au dĂ©clin du temps d'hibernation[8]. Bien que le rĂ´le exact du complexe HP dans le système nerveux ne soit pas tout Ă  fait compris encore, il est possible de le mettre en parallèle avec d'autres membres similaires Ă  la famille de protĂ©ines de HP20c. Tel est le cas pour la famille des facteurs de nĂ©crose tumorale (TNF), qui intervient au niveau de la survie des cellules, de l'inflammation, de l'Ă©nergie d'homĂ©ostasie et de l'immunitĂ© (TNF)[9]. Étant donnĂ© que HP20c prĂ©sente une structure ainsi que des effets biologiques similaires Ă  ces protĂ©ines, son augmentation dans le cerveau pendant l'hibernation est associĂ©e Ă  la protection des animaux contre une chute de leur mĂ©tabolisme et la mort cellulaire[8]. Il est possible de rattacher ces donnĂ©es au fait que HP20c assure la survie des organismes mĂŞmes Ă  de très basses tempĂ©ratures corporelles, ce qui s’enligne dans le sens des mĂŞmes rĂ´les conclus prĂ©cĂ©demment[8].

Complexe chez les non-hibernants

Le HPC n’est pas exclusif aux hibernants. De nombreux animaux non hibernants, notamment des mammifères, ont montré la présence d’un HPC où l’on retrouve les trois gènes du complexe protéique d’hibernation (HP20, HP25 et HP27). Par exemple :

  • Chez les Ă©cureuils (hibernants) et chez la vache (non-hibernant) on a observĂ© la prĂ©sence du HPC, dont l’expression des gènes qui y sont associĂ©s fluctue de manière saisonnière au niveau du système nerveux central, avec un pic du taux d’expression en hiver[8].

Pour la plupart des mammifères non-hibernants, ce complexe de protéines d’hibernation est à la fois régulé et exprimé tout au long de l’année de manière saisonnière mais fonctionne indépendamment du cycle d’hibernation[3].

Parmi ces mammifères non-hibernants, des gènes homologues au HPC ont été identifiés par l’analyse et le séquençage du génome d’une liste exhaustive de mammifères[3].

Dans l’ensemble, les gènes du HPC se regroupent sur le même chromosome, le chromosome 22[3], avec un écart se situant entre 5 et 30kb entre chaque séquence. Ceci nous indique donc une certaine conservation du locus du gène dans l’évolution des mammifères.

L’existence de deux autres gènes s’apparentant aux gènes HPC a également été démontrée chez des non-hibernants, notamment chez le cochon, le tatou à neuf bandes ainsi que le lapin de garenne et un taux élevé de mutations a été identifié par l’analyse de leur génome. Ces résultats suggèrent un taux d’évolution élevé au niveau du locus des gènes du HPC bien que le séquençage du génome de primates africains tels que l’otolemur et le Microcèbe mignon[3] ont montré un locus intact au niveau de ces gènes.

Applications humaines

La littérature actuelle ne démontre pas la présence du complexe des protéines d’hibernation chez les humains, bien que l’équivalent ait été trouvé chez certains bovins[10]. L’étude des processus moléculaires d’hibernation chez les organismes qui n’hibernent pas est tout de même pertinente dans le cadre de la santé humaine. Approfondir ces connaissances pourraient être bénéfique pour certains processus médicaux où il serait approprié de ralentir le métabolisme humain lors de traitements particuliers[10].

Notes et références

  1. N Takamatsu, K Ohba, J Kondo et N Kondo, « Hibernation-associated gene regulation of plasma proteins with a collagen-like domain in mammalian hibernators. », Molecular and Cellular Biology, vol. 13, no 3,‎ , p. 1516–1521 (ISSN 0270-7306 et 1098-5549, PMID 8441393, PMCID PMC359463, DOI 10.1128/mcb.13.3.1516, lire en ligne, consulté le )
  2. (en) Noriaki Kondo, Tsuneo Sekijima, Jun Kondo et Nobuhiko Takamatsu, « Circannual Control of Hibernation by HP Complex in the Brain », Cell, vol. 125, no 1,‎ , p. 161–172 (ISSN 0092-8674 et 1097-4172, PMID 16615897, DOI 10.1016/j.cell.2006.03.017, lire en ligne, consulté le )
  3. Marcus M. Seldin, Mardi S. Byerly, Pia S. Petersen et Roy Swanson, « Seasonal oscillation of liver-derived hibernation protein complex in the central nervous system of non-hibernating mammals », Journal of Experimental Biology, vol. 217, no 15,‎ , p. 2667–2679 (ISSN 0022-0949, PMID 25079892, PMCID PMC4117459, DOI 10.1242/jeb.095976, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Michael H. Hastings et Francis J. P. Ebling, « Hibernation Proteins: Preparing for Life in the Freezer », Cell, vol. 125, no 1,‎ , p. 21–23 (ISSN 0092-8674 et 1097-4172, PMID 16615885, DOI 10.1016/j.cell.2006.03.019, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Daisuke Tsukamoto, Michihiko Ito et Nobuhiko Takamatsu, « Epigenetic regulation of hibernation-associated HP-20 and HP-27 gene transcription in chipmunk liver », Biochemical and Biophysical Research Communications, vol. 495, no 2,‎ , p. 1758–1765 (ISSN 0006-291X, DOI 10.1016/j.bbrc.2017.12.052, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Yuuki Horii, Takahiko Shiina et Yasutake Shimizu, « The Mechanism Enabling Hibernation in Mammals », dans Survival Strategies in Extreme Cold and Desiccation: Adaptation Mechanisms and Their Applications, Springer, coll. « Advances in Experimental Medicine and Biology », (ISBN 978-981-13-1244-1, DOI 10.1007/978-981-13-1244-1_3, lire en ligne), p. 45–60
  7. Teresa Valencak, « PROTEIN COMPLEX IS CANDIDATE HORMONE FOR HIBERNATION », Journal of Experimental Biology, vol. 209, no 15,‎ , vii–vii (ISSN 0022-0949, DOI 10.1242/jeb.02410, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) N. Kondo, « Endogenous Circannual Clock and HP Complex in a Hibernation Control System », Cold Spring Harbor Symposia on Quantitative Biology, vol. 72,‎ , p. 607–613 (ISSN 0091-7451 et 1943-4456, PMID 18419320, DOI 10.1101/sqb.2007.72.028, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Uday Kishore, Christine Gaboriaud, Patrick Waters et Annette K. Shrive, « C1q and tumor necrosis factor superfamily: modularity and versatility », Trends in Immunology, vol. 25, no 10,‎ , p. 551–561 (ISSN 1471-4906 et 1471-4981, PMID 15364058, DOI 10.1016/j.it.2004.08.006, lire en ligne, consulté le )
  10. S. Fujita, R. Okamoto, M. Taniguchi et T. Ban-Tokuda, « Identification of bovine hibernation-specific protein complex and evidence of its regulation in fasting and aging », Journal of Biochemistry, vol. 153, no 5,‎ , p. 453–461 (ISSN 0021-924X, DOI 10.1093/jb/mvt008, lire en ligne, consulté le )
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