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Cirripedia

Les Cirripèdes (initialement orthographiĂ© Cirrhipèdes), ou Cirripedia, sont une infra-classe d’animaux, tous exclusivement marins, appartenant au sous-embranchement des CrustacĂ©s. Ils partagent donc un certain nombre de caractères fondamentaux avec des organismes comme le Homard, le Crabe ou le Cloporte, dont ils sont en apparence très diffĂ©rents sur le plan morphologique.

Morphologie

Anatife (Lepas anserifera).
Schéma de l'organisation d'une balane.

Les Cirripedia sont des Crustacés, comme le prouvent leurs stades larvaires. Ils comprennent notamment les Lépadomorphes (anatifes), les Balanomorphes (comme les balanes), et les parasites Rhizocéphales (comme la Sacculine, Sacculina carcini, parasite du Crabe vert Carcinus maenas), dont le corps est profondément modifié et ne peuvent être reconnus comme Cirripèdes que par l’anatomie de leurs larves. Celles-ci se fixent par les antennules sur un support quelconque, et entament une métamorphose complète qui produira les morphologies adultes très particulières de ce groupe[1]. Les animaux ainsi fixés ne se déplaceront plus jamais[2]. Quand ils ne sont pas parasites, les adultes peuvent être pédonculés ou operculés, et sessiles. Les Cirripèdes sont munis de fouets garnis de soies (les « cirres ») destinés à capter des particules organiques en suspension dans l’eau.

Les Cirripèdes sont tous fixés aux rochers, à des objets flottants divers, à des organismes vivants (tortues, mammifères marins) ou enfoncés dans des coquilles de mollusques ou dans le squelette d’un coralliaire.

Les formes libres (non parasites)[3]  les plus simples (ordre Pedunculata) sont fixĂ©es par l’intermĂ©diaire d’un long pĂ©doncule cylindrique, logeant principalement l’ovaire, au sommet duquel se trouve le corps de l’animal, protĂ©gĂ© par un ensemble de plaques et constituant le capitulum, aplati, symĂ©trique, et ouvert sur l’extĂ©rieur par un long orifice susceptible d’être fermĂ©.

Le pédoncule disparaît dans l’ordre des Sessilia, qui sont fixés directement sur le support, par exemple les balanes, très communes sur les rochers de l’estran.

Vues de l'anatife Lepas anatifera entier et en coupe par Ernst Haeckel.

Dans le corps des Cirripèdes libres on reconnaĂ®t deux parties (= tagmes) principales, dĂ©crites dans les sous-chapitre suivants.

La tête (céphalon)

Le céphalon est constitué des 5 métamères typiques des Crustacés, pourvus d’appendices, au moins chez les larves. Les antennules (A1) servent à la fixation : elles ne sont plus visibles chez les adultes. Les antennes (A2), bien développées chez les larves nauplius, disparaissent chez les adultes. Les pièces buccales, réunies en un mamelon centré sur la bouche, sont constituées par les mandibules (Md), les maxillules (Mx1) et les maxilles (Mx2).

Le thorax

Le thorax est constituĂ© de 6 mĂ©tamères porteurs chacun d’une paire d’appendices : les cirres. Ils comportent une base de 2 articles dont le dernier porte deux rames ; l’une interne (endopodite), l’autre externe (exopodite), d’aspect très semblable et formĂ©s de plusieurs articles garnis de soies. Les trois derniers possèdent des rames allongĂ©es sur lesquelles se trouvent des soies rigides très longes qui, en s’entrecroisant, constituent un filtre permettant la capture des particules en suspension dans l’eau de mer (phyto et zooplancton, dĂ©tritus divers) dont l’animal se nourrit. La capture de la nourriture[4] est, soit relativement passive, les cirres Ă©tant Ă©talĂ©s la plus grande partie du temps pour filtrer le courant d’eau qui les traverse (frĂ©quent chez les lepadomorphes), soit très active, les cirres accomplissant de rapides mouvements de va-et-vient afin de capturer les particules. Ces deux techniques peuvent cependant se combiner de manière variĂ©e, notamment chez les balanomorphes.

L’abdomen et le telson ont pratiquement disparu et ne sont représentés que par une aire vestigiale autour de l’anus, situé à l’arrière du thorax.

Un pénis impair, extrêmement extensible, est inséré à l’arrière du thorax, en avant de l’anus.

Reproduction

Les Cirripèdes sont en majoritĂ© hermaphrodites. La fĂ©condation croisĂ©e est rendue possible par leurs habitudes grĂ©gaires et l’extensibilitĂ© de leur pĂ©nis. Certaines espèces (genres Ibla et Scalpellum) possèdent en outre des mâles nains (« mâles complĂ©mentaires » de Darwin) qui vivent attachĂ©s dans la cavitĂ© pallĂ©ale des individus normaux, hermaphrodites, ou parfois seulement femelles[3].

Les Ĺ“ufs sont incubĂ©s dans la cavitĂ© pallĂ©ale de l’adulte et Ă©closent en libĂ©rant une larve nauplie caractĂ©risĂ©e notamment par la possession de cornes frontales de chaque cĂ´tĂ© de la carapace. La phase nauplius comporte 4 Ă  6 stades ; elle est suivie de la phase cypris, qui n’en comporte qu’un seul.

Historique du taxon Cirripedia

C’est Lamarck qui a reconnu l’originalitĂ© et l’unitĂ© de ce groupe dont il a forgĂ© le nom Ă  partir du latin cirrus (« boucle de cheveux ») et ped- (« pied »), faisant par lĂ  allusion Ă  la forme de leurs appendices thoraciques semblables Ă  des filaments recourbĂ©s. Mais Lamarck Ă©crit, dans « Philosophie zoologique »[5], que les Cirripèdes « ne peuvent ĂŞtre des CrustacĂ©s ». Il leur voit des affinitĂ©s avec les annĂ©lides et les mollusques (dans lesquels Cuvier les classe). C’est Thompson [3] qui, en 1830, Ă  la suite de l’observation de la mĂ©tamorphose d’une larve cypris, recueillie dans le plancton, en balane, dĂ©montre sans aucun doute possible l’appartenance de cet animal, et d’une manière gĂ©nĂ©rale des Cirripèdes, aux CrustacĂ©s. En fait Slabber avait dès 1767 observĂ© la larve nauplius caractĂ©ristique des CrustacĂ©s, dans un Lepas mais n’avait pas su en tirer les consĂ©quences.

C’est à Charles Darwin et à ses monographies sur les Cirripèdes (1851-1854) que nous devons ce qui constitue encore le socle de nos connaissances sur ces animaux.

À l’heure actuelle[6], les Cirripèdes sont rangés dans la classe des Maxillopodes dont ils constituent une infraclasse. Ils comprennent les quatre super-ordres des Acrothoracicanes, des Rhizocéphales, des Thoraciques et des Sessilies. Noter que l’ordre d'Apodes qui figurait dans les anciennes classifications a été retiré des Cirripèdes car son unique représentant est, en fait, le stade transitoire d’un isopode parasite[7].

La particularité des formes de certaines espèces de Cirripèdes ainsi que des observations mal interprétées ou fantaisistes ont trompé d’anciens observateurs qui ont cru voir dans ces organismes une étape dans le cycle biologique de certains oiseaux migrateurs comme les canards ou les oies bernaches. Ces oiseaux apparaissent en effet à chaque automne sans que l’on sût, à l’époque, où ni comment ils se reproduisaient. De ce mystère, ajouté au fait que l’on avait observé des branches mortes porteuses de cirripèdes tels que les anatifes, échouées sur les rivages, naquit, peut-être vers le VIIIe siècle[8], le mythe de l’« arbre à canards » rapporté par Claude Duret (1605) [9]. Ce mythe imagine un arbre qui pousse, fort opportunément, au bord des lacs ou de la mer, porte des feuilles (ou des fruits, selon les versions) qui tombent dans l’eau pour se transformer en poissons ou sur le sol pour se transformer en canards.

De cette lĂ©gende proviennent les noms des anatifes (bâti sur la racine « anas » = canard) et de l’espèce Lepas anatifera (Lepas porteur de canards). Elle explique l’appellation de bernaches, nom d’une oie, donnĂ© autrefois par les marins aux balanes[10], que les Anglais nomment « barnacles Â» . De mĂŞme, le nom « cravant » concernant une bernache se retrouve, dĂ©formĂ© en « gravants », dans le langage maritime, pour designer ces mĂŞmes balanes.

Impact Ă©conomique

Le pouce-pied (Pollicipes pollicipes), rĂ©coltĂ© sur le littoral atlantique en France et sur la pĂ©ninsule IbĂ©rique, constitue un mets très apprĂ©ciĂ© (c’est essentiellement l’ovaire de l’animal qui est consommĂ©). Mais l’importance Ă©conomique des Cirripèdes rĂ©side surtout dans le fait que ce sont des agents de salissure (« fouling Â»)[11] extrĂŞmement importants qui se fixent en masse sur les carènes des navires, dans les conduites d’eau de mer. Ils sont de ce fait responsables du ralentissement de la progression des bateaux, d’une augmentation de la consommation de carburant et de frais de carĂ©nage ainsi que de curage des canalisations extrĂŞmement coĂ»teux.

Systématique

Trois types de Cirripèdes sont aisément identifiables,

Selon World Register of Marine Species (10 mars 2017)[12] : ...

  • super-ordre des Acrothoracica Gruvel, 1905
    • ordre des Cryptophialida Kolbasov, Newman & Hoeg, 2009
    • ordre des Lithoglyptida Kolbasov, Newman & Hoeg, 2009
  • super-ordre des Rhizocephala MĂĽller, 1862
    • ordre des Akentrogonida Häfele, 1911
    • ordre des Kentrogonida Delage, 1884
  • super-ordre des Thoracica Darwin, 1854
    • ordre des Cyprilepadiformes Buckeridge & Newman, 2006 †
    • super-ordre Phosphatothoracica Gale, 2019
    • super-ordre Thoracicalcarea Gale, 2019
      • ordre Balanomorpha Pilsbry, 1916 (balanes)
      • ordre Calanticomorpha Chan, Dreyer, Gale, Glenner, Ewers-Saucedo, PĂ©rez-Losada, Kolbasov, Crandall & Høeg, 2021
      • ordre Pollicipedomorpha Chan, Dreyer, Gale, Glenner, Ewers-Saucedo, PĂ©rez-Losada, Kolbasov, Crandall & Høeg, 2021 (pouce-pieds)
      • ordre Scalpellomorpha Buckeridge & Newman, 2006 (anatifes)
      • ordre Verrucomorpha Pilsbry, 1916

Selon ITIS (10 mars 2017)[13] :

  • super-ordre des Acrothoracica Gruvel, 1905
    • ordre des Apygophora Berndt, 1907
    • ordre des Pygophora Berndt, 1907
  • super-ordre des Rhizocephala MĂĽller, 1862
    • ordre des Akentrogonida Häfele, 1911
    • ordre des Kentrogonida Delage, 1884
  • super-ordre des Thoracica Darwin, 1854


Dans la culture populaire

Les cirripèdes sont représentés dans la franchise de jeux Pokémon à travers deux créatures : Binacle et Barbaracle, en français Opermine et Golgopathe[14].

Voir aussi

Références taxinomiques

Lien externe

Articles connexes

Notes et références

  1. Guy Echallier, « CIRRIPEDES », sur le site de l'université Jussieu.
  2. « Cirripèdes », sur l'Encyclopaedia Universalis.
  3. Calman, W. T., 1909. Crustacea. In Lankester, R. A treatise on zoology. A & C. Black Ă©d. London.
  4. Schram, F. R., 1986. Crustacea. Oxford University Press. 606 p.
  5. Jean-Baptiste de Lamarck. 1809. Philosophie zoologique. RĂ©Ă©dition 1968, 10/18, 301 p.
  6. Martin, J. W., & Davis, G. E., 2001. An updated classification of the recent Crustacea. Natural Museum of Los Angeles County. Science Series 19, 132 p.
  7. Bocquet-VĂ©drine, J. 1972. Suppression de l’ordre des Apodes (CrustacĂ©s Cirripèdes) et rattachement de son unique reprĂ©sentant, Proteolepas bivincta, Ă  la famille des Crinoniscidae (CrustacĂ©s Isopodes, Cryptonisciens). C.R. Acad. Sc. Paris. 275 : 2145-2148.
  8. Beaulieu, de, F. 2000. Balanes, anatifes et pouces-pieds, d'Ă©tranges CrustacĂ©s. Penn Ar Bed, 176-177:71-78.
  9. « Arbres légendaires médiévaux », sur Krapo arboricole, (consulté le ).
  10. Lecomte, J. 1835. Dictionnaire pittoresque de la marine. Éditions de l’estran, 1982, 327 p.
  11. Anonyme. 1963. Catalogue of main marine fouling organisms (found on ships coming into European waters). Vol. 1 : Barnacles. Organisation for economic co-operation and development. 46 p.
  12. World Register of Marine Species, consulté le 10 mars 2017
  13. Integrated Taxonomic Information System (ITIS), www.itis.gov, CC0 https://doi.org/10.5066/F7KH0KBK, consulté le 10 mars 2017
  14. « Barbaracle », sur pokepedia.fr.
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