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Chimie organique physique

La chimie organique physique, discipline baptisée par Louis Plack Hammett en 1940, est une branche de la chimie organique qui se concentre sur la relation entre structure chimique et réactivité en appliquant les méthodes de la chimie physique à l'étude des molécules organiques.

La chimie organique physique étudie notamment les vitesses des réactions chimiques organiques, la stabilité chimique relative, les intermédiaires réactionnels, les états de transition, et les effets non covalents de la solvatation et des interactions moléculaires sur la réactivité chimique. De telles études fournissent des cadres théoriques et pratiques pour comprendre comment des changements de structure en solution impactent le mécanisme et la vitesse d'une réaction organique donnée. Les spécialistes de chimie organique physique utilisent des approches théoriques et expérimentales pour comprendre ces problÚmes fondamentaux de la chimie organique : thermodynamique classique et statistique, mécanique quantique, chimie numérique, spectroscopie (RMN), spectrométrie (spectrométrie de masse) et cristallographie.

Portée

Le champ d'application de la chimie organique physique est vaste : électrochimie, photochimie, polymérisation et chimie supramoléculaire, chimie bioorganique, enzymologie, biochimie, mais également dans l'industrie avec la chimie des procédés, le génie chimique, la science des matériaux et les nanotechnologies, et l'industrie pharmaceutique.

Structure chimique et thermodynamique

Thermochimie

Les chimistes organiciens emploient les outils de la thermodynamique pour Ă©tudier la stabilitĂ© de la liaison chimique et l'Ă©nergie des systĂšmes chimiques. Cela inclut notamment des expĂ©riences pour mesurer ou dĂ©terminer l'enthalpie (ΔH), l'entropie (ΔS), et l'enthalpie libre (ΔG) d'une rĂ©action. Les chimistes peuvent Ă©galement utiliser des analyses mathĂ©matiques variĂ©es comme le graphe de Van't Hoff pour calculer ces valeurs.

Des constantes empiriques comme l'Ă©nergie de dissociation, l'enthalpie standard de formation (ΔHf°) et de combustion (ΔHc°), sont utilisĂ©es pour prĂ©dire la stabilitĂ© des molĂ©cules et la variation d'enthalpie (ΔH) au cours d'une rĂ©action. Pour des molĂ©cules complexes, la valeur de l'enthalpie de formation peut ĂȘtre inconnue mais peut ĂȘtre estimĂ©e en dĂ©composant la molĂ©cule concernĂ©e en fragments molĂ©culaires d'enthalpies de formation connues. Cette mĂ©thode est souvent rapportĂ©e Ă  la thĂ©orie d'incrĂ©ment de groupe de Benson (Benson group increment theory BGIT), en l'honneur du chimiste Sidney Benson qui passa sa carriĂšre Ă  dĂ©velopper ce concept[1] - [2].

La thermochimie des intermĂ©diaires rĂ©actionnels - carbocations, carbanions et radicaux - est Ă©galement un sujet d'intĂ©rĂȘt pour les spĂ©cialistes de chimie organique physique. Les donnĂ©es d'incrĂ©ment de groupe sont disponibles pour les systĂšmes radicaux. La stabilitĂ© des carbocations et des carbanions peut ĂȘtre estimĂ©e en utilisant respectivement les affinitĂ©s ioniques hybrides et les valeurs de pKa.

Analyse conformationnelle

Une des méthodes principales pour estimer la stabilité chimique et énergétique est l'analyse conformationnelle. Les spécialistes de chimie organique physique utilisent l'analyse conformationnelle pour évaluer les différents types de contraintes présentes dans une molécule et prédire les produits de réaction[3].

En plus de prĂ©dire la stabilitĂ© molĂ©culaire, l'analyse conformationnelle prĂ©dit Ă©galement les produits de rĂ©action. Un exemple frĂ©quemment citĂ© de l'utilisation de l'analyse conformationnelle est la rĂ©action d'Ă©limination bimolĂ©culaire (E2). Lors de cette rĂ©action, le nuclĂ©ophile attaque le site qui est en position antipĂ©riplanaire par rapport au groupe partant. Une analyse orbitalaire de ce phĂ©nomĂšne suggĂšre que cette conformation fournit le meilleur recouvrement entre les Ă©lectrons de l'orbitale liante σ de la liaison R-H qui est en train d'ĂȘtre attaquĂ©e par le nuclĂ©ophile, et l'orbitale antiliante σ* de la liaison R-X qui est en train de se rompre[4]. En exploitant cet effet, l'analyse conformationnelle peut ĂȘtre utilisĂ©e afin de crĂ©er des molĂ©cules possĂ©dant une meilleure rĂ©activitĂ©.

Les processus physiques qui donnent lieu à des barriÚres de rotation de liaison sont complexes, et ces barriÚres ont été largement étudiées par des méthodes expérimentales et théoriques[5] - [6] - [7]. Des articles scientifique ont traité le sujet de la prédominance des contributions stériques, électrostatiques, et d'hyperconjugaison aux barriÚres rotationnelles dans l'éthane, le butane, et d'autres molécules substituées[8].

Interactions non covalentes

Cryptand avec un cation métallique. Les cryptands sont des composés tricycliques qui encapsulent fermement le cation via des interactions électrostatiques (interaction ion-dipÎle).

Les chimistes Ă©tudient les interactions non covalentes intramolĂ©culaires et intermolĂ©culaires dans les molĂ©cules afin d'Ă©valuer leur rĂ©activitĂ©. Ces interactions incluent notamment la liaison hydrogĂšne, des interactions Ă©lectrostatiques entre molĂ©cules chargĂ©es, des interactions dipĂŽle-dipĂŽle, et les liaisons halogĂšnes. En outre, l'hydrophobie due Ă  l'association de composĂ©s organiques dans l'eau est une interaction Ă©lectrostatique non covalente d'intĂ©rĂȘt pour les chimistes. L'origine physique prĂ©cise de l'hydrophobie est liĂ©e Ă  de nombreuses interactions complexes. L'Ă©tude des interactions non covalentes permet Ă©galement de comprendre les liaisons et la coopĂ©rativitĂ© des Ă©difices supramolĂ©culaires et des composĂ©s macrocycliques tels que les Ă©thers couronne ou les cryptands.

Acido-basicité

Les principes de l'induction et de la mĂ©somĂ©rie peuvent ĂȘtre utilisĂ©s pour expliquer la diffĂ©rence de pKa entre le phĂ©nol (A) et le paranitrophĂ©nol (B). Dans le composĂ© B, le groupe nitro Ă©lectroattracteur stabilise la base conjuguĂ©e par induction et par mĂ©somĂ©rie en dĂ©localisant la charge nĂ©gative.

L'acido-basicité relÚve de la chimie organique physique. Les chimistes organiciens s'intéressent surtout aux acides/bases de BrÞnsted qui échangent un proton, et aux acides/bases de Lewis qui échangent un électron. Les chimistes utilisent une série de facteurs, provenant de la chimie physique - électronégativité/induction, force de liaison, mésomérie, hybridation, aromaticité et solvatation - pour prédire les acidités et basicités relatives.

La thĂ©orie HSAB est utilisĂ©e pour prĂ©dire les interactions molĂ©culaires et le sens de rĂ©action. En gĂ©nĂ©ral, les interactions entre molĂ©cules de mĂȘme type sont favorables. Cela signifie que les acides durs rĂ©agiront de prĂ©fĂ©rence avec les bases dures, et les acides mous avec les bases molles. Le concept d'acides et de bases durs est souvent exploitĂ© dans la synthĂšse de complexes de coordination.

Cinétique

Les spĂ©cialistes de chimie organique physique utilisent les bases mathĂ©matiques de la cinĂ©tique chimique pour Ă©tudier les vitesses de rĂ©action et leur mĂ©canisme. Contrairement Ă  la thermodynamique qui traite de la stabilitĂ© relative des produits et des rĂ©actifs (ΔG°) et leur concentration Ă  l'Ă©quilibre, la cinĂ©tique traite, elle, de l'Ă©nergie d'activation (ΔG‡)- qui est la diffĂ©rence d'enthalpie libre entre la structure du rĂ©actif et celle de l'Ă©tat de transition - d'une rĂ©action, ce qui permet au chimiste d'Ă©tudier le procĂ©dĂ© d'Ă©quilibre. Certains principes venant des mathĂ©matiques comme le postulat de Hammond, le principe de Curtin-Hammett et la thĂ©orie de la rĂ©versibilitĂ© microscopique sont souvent appliquĂ©s Ă  la chimie organique. Les chimistes jouent sur le conflit entre contrĂŽle thermodynamique et contrĂŽle cinĂ©tique pour avoir un produit de rĂ©action plutĂŽt qu'un autre.

Lois de vitesse

La cinĂ©tique chimique est utilisĂ©e pour dĂ©terminer la loi de vitesse d'une rĂ©action. La loi de vitesse fournit une relation quantitative entre l'avancement d'une rĂ©action chimique et les concentrations ou pressions des espĂšces chimiques en jeu. Les lois de vitesse sont dĂ©terminĂ©es par des mesures expĂ©rimentales et ne peuvent en gĂ©nĂ©ral pas ĂȘtre dĂ©duites de l'Ă©quation de rĂ©action. La vitesse de rĂ©action dĂ©terminĂ©e expĂ©rimentalement correspond Ă  la stƓchiomĂ©trie de la structure de l'Ă©tat de transition relativement Ă  la structure de l'Ă©tat fondamental. La dĂ©termination de la loi de vitesse a Ă©tĂ© historiquement accomplie en suivant la concentration d'un rĂ©actif pendant la rĂ©action par analyse gravimĂ©trique, mais est aujourd'hui presque exclusivement faite par des techniques spectroscopiques rapides et sans ambiguĂŻtĂ©s. Dans la plupart des cas, la dĂ©termination de la loi de vitesse est simplifiĂ©e en ajoutant un large excĂšs de tous les rĂ©actifs sauf un.

Catalyse

Diagramme d'énergie pour des réactions non catalysées et catalysées, et dans ce dernier cas avec ou non changement de mécanisme. A représente le chemin réactionnel de la réaction sans catalyse (orange) ainsi que son énergie d'activation. B représente le chemin réactionnel de la réaction catalysée sans changement de mécanisme (bleu) avec abaissement de l'énergie d'activation. C représente le chemin réactionnel de la réaction catalysée avec changement de mécanisme, impliquant deux intermédiaires réactionnels distincts.

L'Ă©tude de la catalyse et des rĂ©actions catalytiques est un domaine trĂšs important de la chimie organique physique. Un catalyseur participe Ă  la rĂ©action chimique mais n'est pas consommĂ© au cours de celle-ci. Un catalyseur abaisse l'Ă©nergie d'activation (ΔG‡), ce qui permet d'augmenter la vitesse de la rĂ©action soit en stabilisant l'Ă©tat de transition soit en dĂ©stabilisant un intermĂ©diaire rĂ©actionnel clĂ©.

Notes et références

  1. (en) N. Cohen et Benson, S. W., « Estimation of heats of formation of organic compounds by additivity methods », Chemical Reviews, vol. 93, no 7,‎ , p. 2419–2438 (DOI 10.1021/cr00023a005)
  2. (en) Sidney W. Benson, Cruickshank, F. R., Golden, D. M., Haugen, Gilbert R., O'Neal, H. E., Rodgers, A. S., Shaw, Robert et Walsh, R., « Additivity rules for the estimation of thermochemical properties », Chemical Reviews, vol. 69, no 3,‎ , p. 279–324 (DOI 10.1021/cr60259a002)
  3. (en) Francis A. Carey, Organic Chemistry, Boston, MA, USA, McGraw-Hill, , 7th Ă©d. (ISBN 978-0-07-304787-4)
  4. (en) Neil S. Isaacs, Physical Organic Chemistry, Harlow, ESS, ENG, 2nd, , 877 p. (ISBN 0-582-21863-2)
  5. Yirong Mo et Gao, Jiali, « Theoretical Analysis of the Rotational Barrier of Ethane », Accounts of Chemical Research, vol. 40, no 2,‎ , p. 113–119 (DOI 10.1021/ar068073w)
  6. Shubin Liu, « Origin and Nature of Bond Rotation Barriers: A Unified View », The Journal of Physical Chemistry A, vol. 117, no 5,‎ , p. 962–965 (DOI 10.1021/jp312521z)
  7. Shubin Liu et Govind, Niranjan, « Toward Understanding the Nature of Internal Rotation Barriers with a New Energy Partition Scheme: Ethane and-Butane », The Journal of Physical Chemistry A, vol. 112, no 29,‎ , p. 6690–6699 (DOI 10.1021/jp800376a)
  8. Takuhei Yamamoto, Chen, Pi-Yu, Lin, Guangxin, BƂoch-Mechkour, Anna, Chen, Pi-Yu, Chen, Pi-Yu, Chen, Pi-Yu, Chen, Pi-Yu, Chen, Pi-Yu et Chen, Pi-Yu, « Synthesis and rotation barriers in 2, 6-Di-( -anisyl) anisole », Journal of Physical Organic Chemistry, vol. 25, no 10,‎ , p. 878–882 (DOI 10.1002/poc.2939)
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