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Charles Taylor (Liberia)

Charles Ghankay Taylor, né le à Arthington au Liberia, est un homme politique libérien, président de la République du au .

Charles Taylor
Illustration.
Charles Taylor en 2004.
Fonctions
Président de la République du Liberia
–
(6 ans et 9 jours)
Élection
Vice-président Enoch Dogolea
Moses Blah
Prédécesseur Ruth Perry
(prĂ©sidente du Conseil d'État)
Samuel Doe
(président de la République)
Successeur Moses Blah
Biographie
Nom de naissance Charles McArthur Ghankay Taylor
Date de naissance
Lieu de naissance Arthington (Liberia)
Nationalité Libérienne
Parti politique Parti national patriotique
Conjoint Jewel Taylor (1997-2006)
DiplÎmé de Bentley College
Religion Protestantisme

Charles Taylor (Liberia)
Présidents de la République du Liberia

Il est un acteur de la premiĂšre guerre civile libĂ©rienne, qui s’étale de 1989 Ă  1997, annĂ©e de son Ă©lection Ă  la tĂȘte du pays. Il quitte le pouvoir six ans plus tard, partant en exil au NigĂ©ria.

Alors que Taylor est impliquĂ© dans la guerre civile sierra-lĂ©onaise, le Tribunal spĂ©cial pour la Sierra Leone le condamne en 2012 Ă  50 ans d’emprisonnement pour crimes contre l'humanitĂ© et crimes de guerre.

Biographie

Contexte

Créé en 1816, le Liberia est un pays constitué par des esclaves libérés et rapatriés du continent américain. Les descendants d'esclaves représentent seulement 5 % de la population totale, mais ont pratiquement toujours été au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1847.

Formation

Taylor est nĂ© le 28 janvier 1948 d'un pĂšre amĂ©ricano-libĂ©rien et d’une mĂšre autochtone. À 24 ans, Taylor quitte le LibĂ©ria pour travailler et Ă©tudier aux États-Unis et, en 1977, il est diplĂŽmĂ© en Ă©conomie du Bentley College dans le Massachusetts.

Durant ses Ă©tudes, Taylor dĂ©veloppe un intĂ©rĂȘt pour la politique et dĂ©cide de joindre l'Union of Liberian Associations (ULA) dont il devient prĂ©sident national. Ce groupe dĂ©nonce le rĂ©gime du prĂ©sident libĂ©rien de l'Ă©poque, William Tolbert. Peu de temps aprĂšs, ce dernier est assassinĂ©, victime d'un coup d'État de Samuel Doe. Doe devient prĂ©sident, nomme Taylor conseiller et lui confie les services gĂ©nĂ©raux du gouvernement. AprĂšs avoir dĂ©tournĂ© 900 000 $ en trois ans, Taylor perd son poste et fuit aux États-Unis.

Guerre civile

ArrĂȘtĂ© puis emprisonnĂ©, il rĂ©ussit Ă  s'enfuir et se rĂ©fugie aux États-Unis, puis en Libye en 1985 oĂč il se forme aux techniques de guĂ©rilla, avant de rejoindre la CĂŽte-d'Ivoire afin de prĂ©parer une rĂ©bellion contre Samuel Doe. Il crĂ©e le Front patriotique national du LibĂ©ria (National Patriotic Front of Liberia - NPFL).

En dĂ©cembre 1989, il lance l'insurrection contre le rĂ©gime de Doe. Les rebelles sont d'abord considĂ©rĂ©s comme des libĂ©rateurs par la population, le rĂ©gime de Doe Ă©tant particuliĂšrement impopulaire[1]. Rapidement, Taylor contrĂŽle une grande partie du pays, mais un Ă©clatement au sein du NPLF ralentit sa conquĂȘte. De fait, un de ses principaux lieutenants, Prince Johnson, se dissocie de son leader et fonde avec prĂšs de 1 000 hommes l'INPLF (Independent National Patriotic Front of Liberia). En septembre 1990, Prince Johnson et ses troupes prennent le contrĂŽle de la capitale Monrovia et assassinent Samuel Doe. Les troupes de Taylor et Johnson s'affrontent et la guerre civile prend toute son ampleur pendant les sept annĂ©es qui suivent. Pendant cette pĂ©riode, un rĂ©gime de transition est mis en place, prĂ©sidĂ© d'abord par Amos Sawyer puis par un Conseil d'État.

Présidence

Le , des élections législatives et présidentielle sont organisées et Taylor est élu avec 75 % des voix face à Ellen Johnson-Sirleaf. Le scrutin est jugé juste par les observateurs internationaux, mais des doutes persistent quant à sa validité.

Pendant son rĂšgne Ă  la tĂȘte de l'État, Taylor continue de combattre tous ceux qui s'opposent Ă  son pouvoir. La rĂ©pression contre l'opposition fera 150 000 morts jusqu'en 1995. Par ailleurs, il suspend les libertĂ©s individuelles dans son pays et centralise le pouvoir entre ses mains en instaurant un vĂ©ritable rĂ©gime autoritaire. Petit Ă  petit, la rĂ©sistance au rĂšgne de Taylor prend forme. Les troupes de Taylor subissent dans un premier temps les offensives du groupe des LibĂ©riens unis pour la rĂ©conciliation et la dĂ©mocratie (LURD), mouvement soutenu par les États-Unis et par le rĂ©gime guinĂ©en frontalier, puis par la suite, les offensives du Mouvement pour la dĂ©mocratie au Liberia (MODEL), groupe constituĂ© principalement de membres de l'ethnie de Samuel Doe, le prĂ©dĂ©cesseur de Taylor.

ParallĂšlement, sur le plan international, Taylor est de plus en plus isolĂ©, malgrĂ© la dĂ©pense d'au moins 2,6 millions de dollars afin de redorer son image aux États-Unis, via des lobbyers tels Lester Hyman (en), qui a arrangĂ© un rendez-vous entre sa femme et Hillary Clinton, ou le tĂ©lĂ©vangĂ©liste Pat Robertson, qui obtint en Ă©change une concession sur une mine d'or, ou encore le gĂ©nĂ©ral Robert Yerks[2].

Il s'est vu imposer des sanctions par le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies tel un embargo sur les exportations de diamants de la guerre et de bois et l'interdiction de voyager pour lui et son Ă©quipe prĂ©sidentielle. Taylor fait face Ă  d'Ă©normes pressions de toutes parts pour quitter le pays. Des responsables de la CommunautĂ© Ă©conomique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) se sont mĂȘme rendus au Liberia pour demander Ă  Taylor de quitter le pouvoir afin de mettre fin au conflit.

Poussé dans ses retranchements, Charles Taylor quitte le pouvoir en août 2003 pour un exil au Nigéria.

Conflit en Sierra Leone

Charles Taylor débute également un trafic d'armes avec le pays voisin, la Sierra Leone, qu'il échange contre des diamants (voir Diamants de conflits).

Charles Taylor a parrainĂ© le Front rĂ©volutionnaire uni (RUF) sierra-lĂ©onais de Foday Sankoh et Sam Bockarie, mouvement rebelle qui fait preuve de violence extrĂȘme. À ce titre, il est accusĂ© et condamnĂ© pour crimes contre l'humanitĂ© pour extermination, assassinats, viols, esclavage sexuel, et conscription d'enfants soldats.

Poursuites pour crimes contre l'humanité

  • Il doit rĂ©pondre de onze chefs d'inculpation de crimes de guerre et crimes contre l'humanitĂ©. Il est accusĂ© d'avoir soutenu le Front rĂ©volutionnaire uni (RUF) et le Conseil des forces armĂ©es rĂ©volutionnaires (AFRC), deux groupes rĂ©volutionnaires sierra-lĂ©onais. Il est, selon l'accusation, la figure centrale des guerres civiles qui ont ravagĂ© le Liberia et la Sierra Leone entre 1989 et 2003 et fait prĂšs de 400 000 morts. Des milliers de personnes ont Ă©tĂ© amputĂ©es, violĂ©es et rĂ©duites en esclavage sexuel durant ce conflit largement financĂ© par le trafic des "diamants du sang" ("Blood diamonds").
  • 29 mars 2006 : Charles Taylor est arrĂȘtĂ© au Nigeria et extradĂ© vers la Sierra Leone pour y subir son procĂšs par la Cour spĂ©ciale pour la Sierra Leone (CSSL). Pour des raisons de sĂ©curitĂ©, la CSSL a demandĂ©, le 31 mars 2006, le dĂ©paysement du procĂšs Ă  La Haye, capitale de la justice internationale. L'arrestation de Charles Taylor a Ă©tĂ© rendue possible grĂące Ă  l'Ă©lection d'Ellen Johnson Sirleaf Ă  Monrovia et Ă  l'espoir de stabilisation du pays. Les puissances occidentales et les dirigeants d'Afrique de l'Ouest ont finalement lĂąchĂ© celui qu'ils avaient exilĂ© au Nigeria aprĂšs lui avoir promis l'impunitĂ© en Ă©change de son dĂ©part de la prĂ©sidence et de sa non-intervention dans les affaires libĂ©riennes.

Dans une lettre lue par son avocat Karim Khan, Charles Taylor écrit qu'il en est « arrivé à la conclusion que je ne bénéficierai pas de procÚs équitable devant le Tribunal spécial » et qu'il refuse donc de comparaßtre à ce qu'il nomme une comédie « injuste pour le peuple du Liberia et pour le peuple de Sierra Leone »[5]. L'Union européenne a promulgué plusieurs rÚglements sanctionnant des proches de Taylor, en accord avec la décision du Comité des sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU imposant le gel des avoirs de certaines personnes[6].

Le 26 avril 2012, le Tribunal spĂ©cial pour la Sierra Leone le reconnaĂźt coupable de crimes contre l'humanitĂ© et de crimes de guerre[7]. Il devient le premier ex-chef d'État Ă  ĂȘtre condamnĂ© pour crimes contre l'humanitĂ© et crime de guerre depuis le procĂšs de Nuremberg[8]. Le , le Tribunal SpĂ©cial pour la Sierra Leone le condamne Ă  une peine de 50 ans de prison[9].

Cette condamnation est confirmĂ©e en appel le 26 septembre 2013, faisant de Charles Taylor le premier ex-chef d'État Ă  ĂȘtre dĂ©finitivement condamnĂ© par un tribunal international depuis la Seconde Guerre mondiale[10]. Comme prĂ©vu dans un accord confidentiel conclu en 2007, il purge sa peine dans une prison britannique[11].

D'aprĂšs certains tĂ©moignages, dont celui de Prince Johnson, des hommes de Charles Taylor auraient Ă©tĂ© impliquĂ©s en 1987 dans l'assassinat du prĂ©sident burkinabĂ© Thomas Sankara Ă  la demande de Blaise CompaorĂ©, qui une fois au pouvoir a soutenu la rĂ©bellion libĂ©rienne. L’enquĂȘte menĂ©e Ă  partir de 2015 afin d'Ă©claircir les circonstances de cet assassinat semble toutefois Ă©carter cette hypothĂšse, bien que des doutes perdurent[12].

Vie privée

Entre 1997 et 2006, il est marié à Jewel Taylor.

Notes et références

  1. « Charles Taylor, itinéraire d'un criminel de guerre », sur Franceinfo,
  2. Colum Lynch, Liberia's Charles Taylor, now facing trial, was no stranger to Washington, Washington Post, 15 février 2010
  3. "Entretien avec Noam Chomsky", LĂ -bas si j'y suis, Radio France, 29 mars 2011, 11'
  4. L'ex-président libérien Charles Taylor a refusé de comparaßtre devant les juges, Le Monde, 4 juin 2007 et Charles Taylor, le bréviaire de l'horreur, Le Monde, 2 juin 2006
  5. L'ex-président Taylor refuse de comparaßtre à son procÚs à La Haye, AFP, 4 juin 2007
  6. RÈGLEMENT (CE) N o 275/2009 DE LA COMMISSION du 2 avril 2009 modifiant le rÚglement (CE) n o 872/2004 du Conseil concernant de nouvelles mesures restrictives à l'égard du Liberia
  7. Libération, Charles Taylor, coupable de crimes contre l'humanité, 26.04.2012.
  8. Peter Dejong, « http://www.leparisien.fr/international/sierra-leone-charles-taylor-juge-coupable-de-crimes-contre-l-humanite-26-04-2012-1972966.php », sur leparisien.fr,
  9. (en)"Liberia ex-President Charles Taylor get 50 years in prison", sur le site de la BBC.
  10. 50 de prison confirmĂ©s en appel pour l’ex-prĂ©sident libĂ©rien, Euronews, 26 septembre 2013
  11. « Charles Taylor transféré dans une prison anglaise », in Le Figaro, mercredi 16 octobre 2013, page 8.
  12. Bruno Jaffré, « Mais qui a assassiné Thomas Sankara ? », sur Le Monde diplomatique,

Annexe

Cinématographie

  • Le film Lord of War Ă©voque un chef de guerre ressemblant fort Ă  Charles Taylor qui prend le pouvoir en 1989 au Liberia.
  • Le film Blood Diamond a pour thĂšme ce drame.

Livres

  • Allah n'est pas obligĂ© (Seuil, 2000) de l'Ă©crivain francophone Ahmadou Kourouma (1927-2003), originaire de CĂŽte-d'Ivoire, raconte les annĂ©es de guerre civile au Liberia et Sierra Leone par la voix d'un enfant soldat. Ce roman a remportĂ© le prix Renaudot 2000.
  • Le livre American Darling de Russell Banks qui dĂ©crit ces annĂ©es sombres de guerre civile au Liberia Ă  travers le destin romancĂ© d'une amĂ©ricaine expatriĂ©e et mariĂ©e Ă  l'un des membres du gouvernement libĂ©rien. Elle s'occupe d'un sanctuaire pour protĂ©ger et sauvegarder des chimpanzĂ©s.
  • La nouvelle L'arbre Yama de J.M.G. Le ClĂ©zio (in Histoire du pied et autres fantaisies, Paris, Gallimard, 2011) a les annĂ©es de guerre civile au Liberia en toile de fond.
  • Le roman Salone, de Laurent Bonnet, Ă©voque l'influence de C. Taylor en Sierra Leone, ainsi que les enjeux du TSSL (Vents d'Ailleurs 2012)

Émission

  • Émission sur France Culture du 21 novembre 2007 Sur les docks, Charles Taylor seigneur de la guerre, avec A. Bourgi, W. Bourdon, P. Robert, J-P Mari, S. Smith, P. de Saint-ExupĂ©ry, A. Glaser, P. Hirtz, E. Morris, Moustapha B. Sow par A. HĂ©raud

Liens externes

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