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Catastrophe nucléaire de Kychtym

La catastrophe de Kychtym est une contamination radioactive qui s'est produite le au complexe nucléaire Maïak, une usine de retraitement de combustible nucléaire située près de la ville d'Oziorsk en Union soviétique, dans l'actuelle Russie.

Catastrophe nucléaire de Kychtym
Carte de la zone contaminée par la catastrophe de Kychtym
Carte de la zone contaminée par la catastrophe de Kychtym

Type Accident nucléaire majeur de niveau 6
Pays Drapeau de l'URSS Union soviétique
Localisation RSFS de Russie Complexe nucléaire Maïak, Oziorsk, RSFS de Russie
CoordonnĂ©es 55° 42′ 45″ nord, 60° 50′ 53″ est
Date

GĂ©olocalisation sur la carte : Russie
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Catastrophe nucléaire de Kychtym
Géolocalisation sur la carte : Russie européenne
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Catastrophe nucléaire de Kychtym
GĂ©olocalisation sur la carte : oblast de Tcheliabinsk
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Catastrophe nucléaire de Kychtym

Classée au niveau 6 sur l'échelle internationale des événements nucléaires[1], c'est, après la catastrophe de Tchernobyl et celle de Fukushima, le troisième plus grave accident nucléaire jamais connu[2] - [3].

La catastrophe a été nommée d'après la ville de Kychtym, seule ville proche connue en raison du secret maintenu par les Soviétiques sur cet accident.

Contexte

Après la Seconde Guerre mondiale, l'Union des républiques socialistes soviétiques a un retard technique sur les États-Unis dans le développement et la mise au point d'armes nucléaires. Dans le cadre du projet de bombe atomique soviétique, elle se lance alors dans l'urgence dans un programme de recherche et développement dans le but d'obtenir une quantité suffisante d'uranium et de plutonium de qualité militaire. Le complexe nucléaire Maïak est très rapidement construit entre 1945 et 1948. Les physiciens soviétiques en physique nucléaire chargés du projet prennent des décisions peu judicieuses en matière de sécurité. L'impact écologique de la construction du site n'est, au début, pas non plus pris en compte. Par exemple, les premières années, le complexe ne stocke pas les déchets liquides hautement radioactifs qu'il génère, mais les rejette dans un cours d'eau à proximité, lequel se déverse dans le fleuve Ob, qui se jette à son tour dans l'océan Arctique. Plus tard, le lac Karachaï sera utilisé comme lieu d'entreposage à l'air libre[4].

Un site d'entreposage pour dĂ©chets nuclĂ©aires liquides est construit vers 1953. Il comprend des rĂ©servoirs en acier enveloppĂ©s de bĂ©ton, le tout enterrĂ© Ă  8,2 mètres de profondeur. Ă€ cause du taux Ă©levĂ© de radiations, les dĂ©chets ont une tempĂ©rature Ă©levĂ©e qui est provoquĂ©e par la chaleur de dĂ©sintĂ©gration (mĂŞme si une rĂ©action en chaĂ®ne n'est pas possible). Pour cette raison, un système de refroidissement de vingt rĂ©servoirs est construit autour de chaque dĂ©pĂ´t. Les systèmes de surveillance et de contrĂ´le des systèmes de refroidissement sont insuffisants[5].

Explosion

En , le système de refroidissement de l'un des rĂ©servoirs, qui contenait entre 70 et 80 tonnes de dĂ©chets nuclĂ©aires, tombe en panne. La tempĂ©rature du rĂ©servoir s'Ă©lève, ce qui provoque une explosion chimique des dĂ©chets secs (principalement du nitrate d'ammonium et des acĂ©tates). L'explosion, dont la puissance estimĂ©e Ă©quivaut Ă  celle de l'explosion de 70 Ă  100 tonnes de TNT, projette dans les airs le couvercle en bĂ©ton, d'une masse de 160 tonnes[5].

La radioactivitĂ© rĂ©sultant de l'explosion Ă©tait estimĂ©e initialement entre 2 et 50 MCi, mais a Ă©tĂ© rĂ©Ă©valuĂ©e rĂ©cemment Ă  environ 740 PBq (20 MCi) dont 10 % soit 74 PBq ont Ă©tĂ© dispersĂ©s dans l'atmosphère[4] - [6] - [7].

Dans les 10 Ă  11 heures suivantes, un nuage radioactif progresse vers le nord-est jusqu'Ă  une distance de 300 Ă  350 kilomètres du lieu de l'explosion. Les retombĂ©es radioactives provoquent une contamination Ă  long terme d'une rĂ©gion dont la superficie est de 800 km2. Les retombĂ©es radioactives ont Ă©tĂ© longtemps considĂ©rĂ©es comme surtout constituĂ©es de cĂ©sium 137 et de strontium 90[4], cependant les dernières Ă©valuations donnent une rĂ©partition de 66 % de cĂ©rium 144, 25 % de zirconium 95, 5,4 % de strontium 90, 3,7 % de ruthĂ©nium 106, et 0,35 % de cĂ©sium 137[7]. Cette rĂ©gion est souvent appelĂ©e « VOuRS » (ВУРС, Vostotchno-OuralskiĂŻ RadioactivnyĂŻ Sled, soit « Empreinte radioactive de l'Oural oriental »)[8].

Conséquences et révélations

Panneau de signalisation de la zone contaminée.
Panneau de signalisation de la zone contaminée.

Dans les jours qui suivent

Ă€ cause du secret entourant le site, les populations des zones touchĂ©es ne sont pas averties de l'explosion et de ses consĂ©quences. Une semaine plus tard, le , une opĂ©ration d'Ă©vacuation commence pour 10 000 personnes de la rĂ©gion touchĂ©e, mais aucune raison officielle n'est donnĂ©e. Les personnes « devinrent de plus en plus hystĂ©riques Ă  propos des consĂ©quences d'un mal mystĂ©rieux qui les frappait. Les victimes perdaient la peau du visage, des mains et d'autres parties exposĂ©es[trad 1] - [9] ». En revanche, des villages comme celui de Tatarskaya Karabolka, pourtant dans la zone irradiĂ©e, ne sont pas Ă©vacuĂ©s[10]. Les mĂ©decins ont interdiction d'Ă©voquer le sujet dans les rapports mĂ©dicaux[10].

Révélations et reconnaissance dans les années 1970-1980

En 1968, le gouvernement soviétique crée la réserve naturelle de l'Oural Est, région inaccessible sans autorisation, qui comprend la totalité du VOuRS.

Ce n'est qu'en 1976 que le biochimiste soviétique Jaurès Medvedev, dissident exilé au Royaume-Uni, révèle, dans un article de la revue New Scientist, les premières informations sur l'explosion[10]. En 1979, il publie un livre plus détaillé sur ses recherches, Nuclear Disaster in the Urals[11]. L’Académie des sciences d'URSS reconnaît officiellement l’accident en 1988[10].

MĂŞme si le gouvernement soviĂ©tique occulta l'Ă©tendue du dĂ©sastre, certaines personnes parvinrent Ă  estimer que 200 personnes moururent de cancers dus Ă  l'exposition directe aux radiations[12]. Selon un rapport de Greenpeace de 2017, « jusqu’à 20 000 personnes sont officiellement considĂ©rĂ©es comme ayant Ă©tĂ© affectĂ©es par les consĂ©quences de la catastrophe de 1957 et des activitĂ©s du complexe nuclĂ©aire MaĂŻak »[10]. Pour rĂ©duire la propagation de la contamination radioactive consĂ©cutive Ă  l'explosion, la terre contaminĂ©e fut ramassĂ©e et stockĂ©e dans des sites clĂ´turĂ©s qui furent appelĂ©s « cimetières de la Terre[trad 2] - [13] ».

Selon Gyorgy[14], qui a invoqué le Freedom of Information Act américain pour obtenir des informations de la CIA, cette dernière était au courant depuis 1957 de l'explosion, mais avait tenu secrètes ces informations dans le but de prévenir des conséquences fâcheuses sur l'industrie nucléaire américaine naissante. C'est en 1990 que le gouvernement soviétique a déclassé les documents relatifs au désastre[15].

Évolution de la radioactivité

Au dĂ©but du XXIe siècle, le niveau de radiation Ă  Oziorsk mĂŞme, d'environ 0,1 mSv par an[16], est inoffensif[17]. Cette ville d’environ 80 000 habitants demeure soumise Ă  un rĂ©gime spĂ©cial en raison de l’existence du site de MaĂŻak : comme une vingtaine d’autres villes en Russie, elle est fermĂ©e aux non-rĂ©sidents[10]. MĂŞme si officiellement la rĂ©gion du VOuRS est sĂ»re pour les hommes, des mĂ©fiances subsistent[12]. Dans le village de Muslimovo, situĂ© Ă  30 kilomètres du complexe nuclĂ©aire MaĂŻak, le nombre de cancers est 3,6 fois plus Ă©levĂ© que dans le reste de la Russie et les anomalies gĂ©nĂ©tiques 25 fois, selon le rapport Ă©tabli en 2017 par Jan Haverkamp, expert en Ă©nergie nuclĂ©aire pour Greenpeace[10].

Culture populaire

La catastrophe de Kychtym est décrite en détail par l'écrivain Stephen King dans son livre Les Tommyknockers paru en 1987. L'accident est évoqué par le héros, Jim Gardener, professeur de poésie contemporaine et militant antinucléaire[18].

La pièce de théâtre de Fabrice Murgia et Dominique Pauwels La Mémoire des arbres raconte cette tragédie.

Notes et références

Traductions de

  1. (en) « grew hysterical with fear with the incidence of unknown 'mysterious' diseases breaking out. Victims were seen with skin 'sloughing off' their faces, hands and other exposed parts of their bodies »
  2. (en) « graveyards of the earth »

Références

  1. Lollino et al. 2014, p. 192
  2. (en) Denis Pombriant, The Age of Sustainability, Page Publishing Inc, (ISBN 978-1-64214-771-1, lire en ligne) :
    « Today, Kyshtym is rated as the third-worst nuclear disaster on record, behind Chernobyl and Fukushima Daiichi nuclear disasters »
  3. Alain LIPIETZ, Green Deal: La crise du libéral-productivisme et la réponse écologique, La Découverte, (ISBN 978-2-7071-7392-8, lire en ligne).
  4. (en) « Chelyabinsk-65 », globalsecurity.org.
  5. (ru) « Conclusions of government commission », .
  6. (en) S. A. Kabakchi et A. V. Putilov, « Data Analysis and Physicochemical Modeling of the Radiation Accident in the Southern Urals in 1957 », Moscow Atomnaya Energiya, no 1,‎ , p. 46–50 (lire en ligne).
  7. (en) A. V. Akleyev, L. Yu Krestinina, M. O. Degteva et E. I. Tolstykh, « Consequences of the radiation accident at the Mayak production association in 1957 (the ’Kyshtym Accident’) », Journal of Radiological Protection, vol. 37, no 3,‎ , R19 (ISSN 0952-4746, DOI 10.1088/1361-6498/aa7f8d, lire en ligne, consulté le ).
  8. (en) Greta Joy Dicus, « Joint American-Russian Radiation Health Effects Research », United States Nuclear Regulatory Commission, (consulté le ).
  9. (en) Richard Pollock, « Soviets Experience Nuclear Accident », Critical Mass Journal,‎ .
  10. Estelle Levresse, « Trente ans avant Tchernobyl, la catastrophe nucléaire de Kychtym », sur Reporterre, (consulté le ).
  11. (en) Jaurès A. Medvedev (trad. George Saunders [du russe à l'anglais américain]), Nuclear disaster in the Urals, New York, Vintage Books, 1980, c1979 (ISBN 0394744454).
  12. (en) « The Southern Urals radiation studies. A reappraisal of the current status », Journal Radiation and Environmental Biophysics, vol. 41,‎ (lire en ligne).
  13. (en) John R. Trabalka, « Russian Experience », Environmental Decontamination: Proceedings of the Workshop, December 4–5, 1979, Oak Ridge, Tennessee, Oak Ridge National Laboratory,‎ , p. 3-8 (lire en ligne).
  14. (en) Gyorgy, A., No Nukes: Everyone's Guide to Nuclear Power, (ISBN 0919618952, lire en ligne).
  15. (ru) « The decision of Nikipelov Commission ».
  16. (en) KG Suslova, SA Romanov, AV Efimov, AB Sokolova, M Sneve et G Smith, « Journal of Radiological Protection, December 2015, pp. 789-818 », J Radiol Prot, vol. 35, no 4,‎ , p. 789–818 (PMID 26485118, DOI 10.1088/0952-4746/35/4/789)
  17. Sievert#Ordres_de_grandeur_et_réglementation
  18. le passage peut ĂŞtre lu en ligne

Liens externes

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