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Carrières d'Oncin

Un site exceptionnel

carrières d'Oncin
carrières d'Oncin

Les carrières de calcaire d’Oncin ou de Glay sont situées dans le Beaujolais méridional, à l’extrême nord de la commune de Saint-Germain-Nuelles. Alléon Dulac dans son mémoire de 1765 en a décrit 19, regroupées dans deux ensembles proches topographiquement mais bien individualisés : 8 sont dans les Monts-d’Or, aux portes de Lyon, et les 11 autres dans le pays des Pierres Dorées. Les carrières d'Oncin qui font partie de ces dernières se recommandent particulièrement à l’attention par divers caractères exceptionnellement réunis. Elles sont les seules à se dresser sur un site perché à 427 mètres d’altitude d’où l’on découvre un vaste panorama. La durée de leur exploitation est parmi les plus longues, du XVe siècle jusqu’en 1947. Le front de taille est parfaitement conservé. Leur visite peut être complétée par celle du hameau de Glay en contrebas où était concentré le peuple des carriers. Pour toutes ces raisons, le département du Rhône et la communauté de communes du Pays de l’Arbresle se sont joints à la commune de Saint-Germain-Nuelles pour leur mise en valeur. Les travaux ont été terminés en 2005 par la fin de l’aménagement de l’aire d’accueil desservie par une bonne route. Des panneaux explicatifs sur le métier de tailleur de pierre, son outillage, les méthodes d’extraction, le paysage, la faune et la flore ont été installés. Les seules carrières de la région aujourd’hui encore en activité sont celles qui alimentent l’usine des ciments Lafarge sur la commune de Châtillon-d’Azergues dont l’accès est évidemment interdit au public. Mais cette entreprise est, en collaboration, à l’origine du musée des Pierres Folles sur la commune de Saint-Jean-des-Vignes dont la visite pourra compléter celles de nos carrières[1].

Les conditions géologiques

coupe géologique des carrières d'Oncin
coupe géologique des carrières d'Oncin

Il y a environ 170 à 174 millions d’années, à l’époque du Jurassique moyen ou Dogger des coraux vivaient dans une mer bordière de faible profondeur. L’étage géologique correspondant est appelé aalénien du nom d’une ville allemande du Bade-Wurtemberg. Les calcaires d’Oncin sont les fossiles d’animaux marins de la famille des crinoïdes ce qui leur vaut l’appellation de bioclastiques (débris d’êtres vivants). Pour être plus précis, Ils en sont les tiges et les bras articulés entre eux de ces animaux d’où le nom d’entroques. Ils sont disposés en bancs de 10 à 40 cm d’épaisseur bien marqués au sommet et jointifs et plus compacts à la base. Leur belle coloration jaune est due à la présence d ’oxyde de fer. Leur exondation hors des fonds marins et leur soulèvement ne se sont pas faits sans déformation de leur disposition originelle horizontale et ils se présentent en strates inclinées vers l’est (le pendage des géologues) de 5 à 10 degrés[2].

Des carriers-paysans

cadastre de Glay en 1829
cadastre de Glay en 1829

Si l’intérêt de cette étude porte sur l’activité des carrières, il importe de souligner que nous avons affaire à un monde de paysans pour lesquels « les travaux des champs étaient prioritaires ; ceux-ci terminés, on allait à la carrière ». C’était aussi une occupation permanente alors que les commandes de pierre variaient selon les aléas du marché avec des hauts et des bas. Les semailles permettaient de s’assurer une existence autarcique. Mais cette terre calcaire du Beaujolais convenait aussi très bien à la culture de la vigne qui y a conservé une grande importance. Chaque propriété était formée de parcelles allongées dans le sens de la pente comme le révèle le plan cadastral de 1829[3]. La qualité de laboureur est le signe manifeste d’une certaine aisance et d’une certaine fierté. Le tissage apportait un complément de revenus apprécié. Il s’agit, dans les temps anciens du chanvre cultivé dans les chènevières. Les consoles sur certaines façades à Glay et à Conzy en témoignent encore : c’est sur elles qu’on posait les perches servant à faire sécher les fils après le teillage avant tissage. Au XVIIe siècle, la référence aux peigneurs de chanvre est une banalité. Au XIXe siècle, la soierie lyonnaise a dispersé ses ateliers dans l’ensemble de la région dont celle de l’Arbresle et dans le trousseau de la future épouse figurait régulièrement un métier à tisser[4].

maison Rivière
maison Rivière
maison Pignard
maison Pignard

L’autarcie n’est cependant synonyme d’isolement. Les contacts étaient nombreux avec les villages des alentours et particulièrement ceux dans lesquels on exploitait d’autres carrières comme Chessy, Bagnols, Theizé, Charnay, Châtillon. Sans aller jusqu’à parler d’endogamie, c’est là qu’une partie de la jeunesse trouvait sa conjointe. Le propriétaire exploitait habituellement sa propre carrière. Son fils était encouragé à se former au métier en étant intégré dans l'équipe. Ainsi le métier de carrier s'est transmis de génération en génération au fil des siècles dans les mêmes familles. Il y a 11 Rivière connus dont les quatre générations descendant de Pierre-Paul[5]. Très fournie est celle des Pignard[6]. On n'en comptait pas moins sept pour celle des Sourd, originaires de Theizé mais tôt installés à Glay[7] ou celle des Merlin, « très ancienne famille qui aura donné des tailleurs de pierre pendant plus de 200 ans[8] ». Pour être venue plus tardivement dans la confrérie «puisqu’il suffit de remonter simplement trois générations pour trouver l’arrière-grand-père Jean-Claude né en 1798, premier mentionné tailleur de pierre à Glay » celle des Dessainjean y a tenu cependant une place exceptionnelle[9]. Le propriétaire pouvait aussi embaucher du personnel et former des apprentis. « En 1761, Damien Perra, vigneron, met son fils Claude en apprentissage pour trois années consécutives" promettant ledit Humbert Merlin d'apprendre audit apprenti... le métier de tailleur de pierre sans rien lui cacher... de le nourrir, coucher et chauffer et au cas où il voudrait s'absenter son père sera tenu de le faire réintégrer et au cas que son fils vint à ne pas demeurer lesdittes trois années, Perra père payera par forme de dommages et intérêts la somme de 60 livres et si le fils Perra vint à être malade son père fera remplacer le temps perdu ». Les brevets entre les parties étaient enregistrés devant notaire[10].

Travaux en carrière

Avant d’être en mesure d’extraire la pierre, il fallait procĂ©der Ă  la dĂ©couverte, c’est-Ă -dire arriver jusqu’à la roche saine. Ces travaux prĂ©liminaires pouvaient ĂŞtre plus ou moins importants suivant la quantitĂ© de terre et de mauvaise pierre Ă  enlever avant d’atteindre le premier banc de roche. Comme ils ne requĂ©raient aucune qualification particulière, ils Ă©taient le plus souvent confiĂ©s Ă  des manouviers ou terrassiers payĂ©s Ă  la journĂ©e. Pour que toutes les conditions d’extraction soient rĂ©unies, il fallait d’abord pouvoir accĂ©der au front de taille par son propre chemin ; disposer d’aisances c’est-Ă -dire d’un espace suffisant pour « Ă©baucher, tailler la pierre  jusqu’aux finitions de dĂ©tail avant sa livraison au client » ; construire une loge, petit bâtiment servant d’abri pour le travail et l’entreposage des outils, parfois mĂŞme avec une forge ;  s’assurer de pouvoir trouver un dĂ©versoir, c’est-Ă -dire un terrain pour y dĂ©charger les compres, c’est-Ă -dire toute la terre et la mauvaise pierre qu’il fallait avant d’atteindre la bonne roche ainsi que le marrain c’est-Ă -dire les dĂ©chets de pierre provoquĂ©s par la taille. On imagine aisĂ©ment que ces conditions n’étaient pas toujours faciles Ă  rĂ©unir. C’était le cas particulièrement pour les dĂ©versoirs. Un dĂ©bordement Ă©ventuel vers l’extĂ©rieur Ă©tait plus ou moins prĂ©judiciable selon qu’il s’agissait de vierre paquerrage (prairie naturelle non entretenue) ou de vigne. Il Ă©tait parfois nĂ©cessaire d’ériger des murs de part et d’autre de ce , en dĂ©versoir. Au moment de signer un contrat de vente, « ledit l’acquĂ©reur fera bastir et construire un mur dans la feste de Saint-Jean-Baptiste prochaine et en cas que les compres et marrins viennent dans la terre du vendeur...ledit acquĂ©reur fera entrer ses compres et marrins en sa perrière (carrière) »[11]. Malheureusement des Ă©boulements pouvaient se produire. Ainsi les 6 et 7 juillet 1783, en rĂ©cidive d'un premier incident, « le talus de pierres oĂą l’on avait continuĂ© d’amener les dĂ©blais de carrière d’une Ă©lĂ©vation considĂ©rable… s’est glissĂ© sur lui-mĂŞme avec fracas en se portant au nord sur les propriĂ©tĂ©s de BenoĂ®t Palmier et Fleury Degoutte… Monsieur le juge de paix saisi, reconnut que les fonds avaient Ă©tĂ© recouverts de dĂ©combres et de pierres d’une quantitĂ© et d’une Ă©paisseur telle qu’elles s’opposaient Ă  toute culture et  Ă  toute vĂ©gĂ©tation…Les parties, sur sollicitation  du juge de paix consentirent pour Ă©viter un procès long et dispendieux …à s’en rapporter Ă  des arbitres dont elles firent le choix »[12].

Le  contact avec le banc de roche

méthodes d'extraction
méthodes d'extraction

Une fois Ă©vacuĂ©es terre et mauvaise pierre et atteint le premier banc de roche, l’extraction peut commencer. La mĂ©thode va Ă©voluer au fil des siècles. Cela commence par l’extraction par gradins. Ces derniers forment des surfaces de dĂ©nivellement partant de la partie supĂ©rieure de la carrière, semblables Ă  des marches. Le front de taille recule au fur et Ă  mesure de la multiplication du nombre de ces gradins. Tel qu’on l’observe aujourd’hui, tel il Ă©tait dĂ©jĂ  au dĂ©but du XXe siècle. Au fur et Ă  mesure de la multiplication des gradins, compte tenu du pendage, il peut se faire qu’on se trouve de plus en plus Ă©loignĂ© du banc royal, celui de la meilleure qualitĂ©. Mieux vaut alors, plutĂ´t que d’avoir Ă  enlever 10 Ă  12 mètres de terres et de pierres impropres Ă  la taille, changer de mĂ©thode et passer Ă  l’extraction par tunnels. Il est possible qu’on y ait eu dĂ©jĂ  recours dès les annĂ©es 1750-1780. Celle-ci comporte deux phases. On commence par creuser des galeries horizontales qui conduisent au cĹ“ur du banc royal. Leur entrĂ©e est encore visible actuellement au bas du mur de taille. Il y en avait trois dont une a Ă©tĂ© dĂ©gagĂ©e en 1997. Des deux autres, la plus profonde Ă  gauche s ’enfonce Ă  26 mètres contre 16 pour celle de gauche. La progression a Ă©tĂ© stoppĂ©e parce qu’on s’est trouvĂ© en prĂ©sence d’une veine de mauvaise qualitĂ©. L’extraction proprement  dite se fait ensuite par le creusement de puits jusqu’à une profondeur qu’on peut Ă©valuer Ă  10 ou 12 mètres, ce qui imposera d’avoir Ă  remonter les blocs de pierre une fois dĂ©coupĂ©s par une grue. Les anciens ancrages faits de barres de fer pour fixer les grues sont encore visibles. La progression dans les galeries comporte des risques d’éboulement Il faut donc en renforcer le ciel (le toit)  au fur et Ă  mesure,  ce qui se fait par une sorte de cintrage : ce ciel est renforcĂ© par des arches maçonnĂ©es qui viennent s’appuyer sur la partie supĂ©rieure du bon banc[13].

  • sud du front de taille sud
    sud du front de taille sud
  • front de taille vue plongeante
    front de taille vue plongeante
  • front de taille vue plongeante
    nord du front de taille
  • entrĂ©e des galeries
    entrée des galeries
  • potence de la grue
    potence de la grue

Le découpage des blocs

Une strate gĂ©ologique est composĂ©e de bancs parallèles. A Oncin ces bancs ne sont pas très Ă©pais Ă  la diffĂ©rence de ceux de Villebois, dans le Bugey, oĂą ils atteignent de  0,4  Ă  1,20 mètre.  Il faut d’abord dĂ©limiter les dimensions horizontales des blocs Ă  extraire ce qui se fait en dĂ©limitant des tranches, l’une parallèle au front de taille, les deux autres perpendiculaires. Ces tranches se faisaient Ă  l’aide de longues barres d’acier appelĂ©es aiguilles pour obtenir une saignĂ©e verticale. Ce travail Ă©tait confiĂ© Ă  des trancheurs. Il faut ensuite sĂ©parer ce compartiment de roche de la roche en place par une action verticale de rupture. Des diffĂ©rentes mĂ©thodes la plus employĂ©e consistait Ă  enfoncer des coins de bois très secs, Ă  les battre Ă  refus, puis Ă  les asperger d’eau pour qu’ils se gonflent. Les carriers procĂ©daient Ă  cette opĂ©ration en fin de journĂ©e. Lorsqu’ils revenaient le lendemain matin, ils   trouvaient le bloc rompu. Mais il ne semble pas que cette mĂ©thode ait Ă©tĂ© pratiquĂ©e Ă  Glay. L’emploi de la poudre dans ce genre d’opĂ©ration n’était pas recommandĂ© car il se faisait toujours au dĂ©triment de la pierre. L’effort de la poudre occasionnait un Ă©branlement gĂ©nĂ©ral dans le bloc et il en rĂ©sulte des fissures imperceptibles mais qui ne sont pas moins nuisibles lorsqu’on en vient Ă  tailler les parties des blocs sĂ©parĂ©s[14].

De la loge   au client

Le transport des blocs Ă  l’intĂ©rieur de la carrière Ă©tait assurĂ© par des bardeurs ainsi dĂ©nommĂ©s parce qu’ils utilisaient Ă  cette fin  des bards. Ce terme recouvrait aussi bien les civières Ă  bras que les chariots Ă  deux roues ou des brouettes surbaissĂ©es. L’usage des roules en bois sur des chemins en bois a Ă©tĂ© en vigueur avant la mise en place des wagonnets Decauville.  La pierre brute une fois amenĂ©e devant la loge, il fallait dĂ©grossir le bloc soit avec un tĂ©tu soit avec un pic pour approcher plus vite de l’état de surface finie sans Ă©branler le bloc au risque de fissures : cette tâche Ă©tait confiĂ©e aux Ă©baucheurs. -L’exĂ©cution de ce travail devait ĂŞtre conduite en fonction des caractĂ©ristiques de la pièce demandĂ©e par le client tout en tenant compte de la nature du bloc, de ses mensurations en particulier, pour avoir le moins de dĂ©chets possible. Il fallait se conformer aux indications, dont la forme gĂ©omĂ©trique complète, prĂ©cisĂ©es dans le calepin d’appareil d’oĂą l’expression d’appareillage. Seul l’appareilleur avait la parfaite connaissance de ces donnĂ©es et c ’est sous les ordres de ce spĂ©cialiste hautement qualifiĂ© que travaillaient les Ă©baucheurs. Le client devait donner le maximum de prĂ©cision sur la nature de sa commande. Il le faisait par le truchement de gabarits encore appelĂ©s panneaux, rĂ©alisĂ©s selon des Ă©pures soit en bois soit en zinc. Si l’appareilleur connaissait bien son mĂ©tier, il Ă©tait capable de faire ces panneaux, ayant dĂ©jĂ  lui-mĂŞme relevĂ© les cotes du travail Ă  exĂ©cuter sur place. Mais les panneaux pouvaient aussi lui ĂŞtre fournis par l’entrepreneur ou le maçon qui commandait la pierre. Ainsi, en 1689, pour une maison en construction dans le    quartier Saint-Nizier de Lyon, il est spĂ©cifiĂ© qu’il s’agit de « quatre croisĂ©es Ă  la française … avec les feuillures et autrement de la manière des panneaux fournis par lesdits  architectes dont ils ont conservĂ© le double ». GĂ©nĂ©ralement les blocs Ă©taient livrĂ©s finis, prĂŞts Ă  la pose. Si, au moment de la pose, il y avait des retouches Ă  faire, celles-ci Ă©taient faites par un tailleur de pierre nommĂ© compagnon du tas. Mais Ă  la demande de l’architecte, les blocs pouvaient ĂŞtre livrĂ©s simplement Ă©bauchĂ©s par exemple lorsque ceux-ci devaient ĂŞtre sculptĂ©s. C’est le cas des chapiteaux de l’église de Sain-Bel livrĂ©s en1894 qui n’ont jamais Ă©tĂ© sculptĂ©s pour des raisons de coĂ»t [15].

On peut s’interroger sur la prĂ©sence au-dessus de la loge, de la statue de saint Laurent. Celui-ci est facilement identifiable grâce au gril, instrument de son martyre visible sur son cĂ´tĂ© droit tant qu’il tient sur son bras gauche la palme des martyrs. Il avait d’ailleurs Ă©galement sa statue et sa chapelle dans l’ancienne Ă©glise de la paroisse dĂ©molie en 1874. Lors de la visite pastorale de Mgr Camille de Neuville en mars 1657 il est prĂ©cisĂ© que « du cĂ´tĂ© de l’épĂ®tre il y a la chapelle la plus proche du chĹ“ur dĂ©diĂ©e Ă  saint Laurent, oĂą est la confrĂ©rie de ce saint ». Plusieurs carriers ont demandĂ© Ă  ĂŞtre enterrĂ©s dans cette chapelle. Quant Ă  la statue, elle a Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©e, mais dĂ©capitĂ©e, par une famille. Sur son  socle est sculptĂ© un cartouche avec les attributs des tailleurs de pierre et des lettres entremĂŞlĂ©es qui permettent d’identifier Pierre et  BenoĂ®t  Buatier tailleurs de pierre  en 1620. Nous ne savons pas pourquoi saint Laurent a Ă©tĂ© choisi comme protecteur des tailleurs de pierre.  Son culte Ă©tait, par ailleurs, très rĂ©pandu dans la rĂ©gion lyonnaise (Chazay-d’Azergues, Saint-Laurent-d’Oingt, Saint-Laurent-de-Chamousset, Saint-Laurent-d’Agny) et la façade  de l’église de Couzon s’enrichit de sa statue  offerte par les tailleurs de pierre des Monts d’Or en 1862[16].

savons pas pourquoi saint Laurent a Ă©tĂ© choisi comme protecteur des tailleurs de pierre.  Son culte Ă©tait, par ailleurs, très rĂ©pandu dans la rĂ©gion lyonnaise (Chazay-d’Azergues, Saint-Laurent-d’Oingt, Saint-Laurent-de-Chamousset, Saint-Laurent-d’Agny) et la façade  de l’église de Couzon s’enrichit de sa statue  offerte par les tailleurs de pierre des Monts d’Or en 1862[16].

  • loge de la carrière de Glay
    loge de la carrière de Glay
  • Vermorel, famille de tailleurs
    Vermorel, famille de tailleurs
  • Ă©baucheur au travail
    Ă©baucheur au travail
  • saint Laurent patron des carriers
    saint Laurent patron des carriers
  • ancienne maison de carrier
    ancienne maison de carrier
  • loge de carrier
    loge de carrier
  • autre loge
    autre loge

Des siècles d’exploitation

Nous devons l’unique texte de 1765 sĂ©rieusement documentĂ© sur les carrières d’Oncin Ă  AllĂ©on Dulac dĂ©jĂ  citĂ©. Il les localise avec prĂ©cision : « Au sommet de la montagne, vis-Ă -vis, dans le hameau d’Oncin, dĂ©pendant de Saint-Germain-sur-l’Arbresle, on voit encore des carrières immenses qui ont plus de cent pieds de profondeur ». Nous sommes mĂŞme amplement informĂ©s sur la stratigraphie (« En gĂ©nĂ©ral, les bancs  supĂ©rieurs ont le grain plus fin et les infĂ©rieurs l’ont plus gros ; ceux-ci reçoivent mieux la taille ») ; sur leur couleur « d’un jaune brun » ; sur leur utilisation  (« Il est rare que l’on tire de ces carrières des  blocs considĂ©rables  parce que le transport en serait trop difficile ») ; on se borne Ă  en faire des croisĂ©es, des portes et des cheminĂ©es de cuisine ») ; sur les perspectives d’exploitation (« On les abandonnerait bientĂ´t si les propriĂ©taires des carrières de Couzon et de Saint-Romain daignaient creuser davantage pour descendre aux bonnes qualitĂ©s, et se procurer des chemins convenables pour le transport »).

Avant cette date, il faut se contenter de dĂ©ductions tirĂ©es de l’analyse de la pierre dont sont constituĂ©s une Ă©glise comme Saint-Jean-Baptiste de l’Arbresle dont la construction remonte aux annĂ©es 1440-1480, pour partie le château de Bully bâti entre 1480 et 1490 ou une simple croix comme celle sur le parvis de l’église de Sourcieux-les-Mines qui porte la date de 1482. On peut donc affirmer avec certitude que l’exploitation des carrières a commencĂ© au plus tard au XVe siècle.  Dans les Temps modernes, du XVIe au XVIIIe siècle, d’autres jalons nous sont fournis au hasard d’un texte par la mention en 1558 de l’existence d’une perrière (carrière de pierre) ou, mais cette fois Ă  d’innombrables exemplaires par des prix-faits (devis) entre des maĂ®tres-tailleurs et des clients quasiment tous Lyonnais.  C’est, par exemple, le cas d’un armurier demeurant, rue de la Payalerie, (Poulaillerie) quartier Saint-Paul qui noue contrat en septembre 1641 avec deux thailleurs de pierre du lieu de Glay pour la construction d’une maison de trois Ă©tages en ceste ville de Lyon avec prĂ©cision sur la manière de traiter la façade et ses ouvertures, la livraison devant avoir lieu pour  le carnaval prochain. Ou celui de  Claude Jannon, conseiller du Roy en sa cour des aydes de Guyenne, qui passe commande en janvier 1677 Ă  deux associĂ©s maistres tailleurs de pierre de Saint-Germain-en-Lyonnais pour  toute l’œuvre de pierre de taille jaune qu’il conviendra et sera nĂ©cessaire pour la  construction d’une maison au sise rue Gentil scavoir… Suit le dĂ©tail des ouvrages Ă  fournir mais, souligne-t-il, les croisĂ©es seront de la mesme hauteur, largeur, qualitĂ©, façon  et architecture que lesdits entrepreneurs ont fourni au sieur Quinsson…rue du Petit Soulier »[17].

La grande pĂ©riode, l’âge d’or peut-on dire, des carrières commence Ă  la fin du XVIIIe siècle (on compte 15 propriĂ©taires en 1798). Elle durera jusque vers 1880. « Il n’est que de voir le nombre d’écoles, de mairies et d’églises construites pour la plupart Ă  partir des annĂ©es 1850 pour se persuader que les carrières ont livrĂ© quantitĂ© de pierre ». Soulignons comme symbolique la participation Ă  l’amĂ©nagement du rĂ©seau ferroviaire : le viaduc de SolĂ©my sur la ligne Lyon-Roanne en 1865 est entièrement en pierre de Glay.  La crise qui commence après 1880 suit de trop près celle du phylloxĂ©ra pour ne pas bouleverser complètement l’économie. Elle est gĂ©nĂ©rale et va jusqu’à la fermeture de nombreuses carrières locales. Les entreprises ne sont plus concurrentielles car les pierres de l’Isle CrĂ©mieu, dont celles de Montalieu, arrivent Ă  plus bas prix par le RhĂ´ne sur le marchĂ© lyonnais. Nos carrières n’ont pas fermĂ© mais il ne reste que trois maĂ®tres carriers en1890 dont la dynamique  Dessainjean. Sans doute ont-elles fait de grands progrès de productivitĂ© car elles jettent leurs derniers feux en enlevant de gros marchĂ©s comme le sĂ©minaire de Sainte-Foy-lès-Lyon (1900-04) oĂą tout est en pierre : fenĂŞtres, portes, maçonnerie en moellons ; divers châteaux et rĂ©sidences dans le voisinage Ă  Villefranche-sur-SaĂ´ne Lacenas, Bully et l’église de TheizĂ© ou Ă  bien plus grande distance (Villars-les-Dombes, Voiron, dans la Loire près de BoĂ«n). L’activitĂ© reprend sur un rythme très modeste après la Grande Guerre mais on est Ă  l’ère du bĂ©ton armĂ© : mĂŞme les entreprises les mieux placĂ©es comme celles de Villebois ou Montalieu cessent leur activitĂ©. Et c’est dans la très grande proximitĂ© que se trouvent les deux derniers  tĂ©moignages du passĂ© : la ferme des Oncins pendant la Deuxième Guerre mondiale ; la croix de la paix  en limite des   communes de Nuelles et de Châtillon  en 1946. « L’exploitation cesse dĂ©finitivement en 1947.  Joseph Dessainjean, dernier hĂ©ritier d’une longue tradition, dĂ©cède en 1961 et avec lui les grandes carrières d’Oncin se sont tues Ă  tout jamais »[18].

  • sĂ©minaire Saint-IrĂ©nĂ©e
    séminaire Saint-Irénée
  • croix de la Paix
    croix de la Paix
  • ferme des Oncins
    ferme des Oncins
  • rue Desainjean Ă  Glay
    rue Desainjean Ă  Glay

Quel bilan ?

Un bilan a pu ĂŞtre dressĂ© des ouvrages construits avec de la pierre des carrières d’Oncin. Il s’appuie sur un recensement de 92 d’entre eux pour lesquels nous avons une certitude de provenance soit par l’examen de la pierre soit par l’existence de documents Ă©crits. En croisant les trois critères de l’époque, de l’aire gĂ©ographique et de la nature des travaux, ce bilan conforte les impressions laissĂ©es par le rĂ©cit historique. Il est Ă©vident que la situation Ă  l’écart des grands moyens de communication n'a pas favorisĂ© la vente au loin d’un matĂ©riau pondĂ©reux, grevĂ©e de ce fait de lourds frais d’acheminement jusque sur le chantier. C’est pourquoi les 15 tĂ©moignages portants sur les Temps modernes (XVe-XVIIIe siècle) concernent essentiellement la livraison d’élĂ©ments de construction pour des demeures des anciens quartiers de Lyon. A l’âge d’or des carrières, le nombre des clients va en se gonflant considĂ©rablement : 5 dans les annĂ©es 1860 ; 2 dans les annĂ©es 1870 ; 12 dans les annĂ©es 1880 ; 20 dans les annĂ©es 1890 ; 29 de 1900 Ă  1914. L’aire gĂ©ographique reste limitĂ©e au voisinage du rĂ©seau hydrographique de l’Azergues jusqu’à Ternand et de ses affluents : le Soanan avec Saint-ClĂ©ment-sur-Valsonne et la BrĂ©venne jusqu’à Brussieu. Le dĂ©veloppement du rĂ©seau ferroviaire explique, Ă©videmment la part prise dans sa construction avec le proche viaduc de SolĂ©my ainsi que des lots sur la ligne de Lamure Ă  Lozanne et, vraisemblablement, les exceptions d’Amplepuis au cĹ“ur de la montagne beaujolaise, de Villars-les-Dombes dans l’Ain et de Voiron dans l’Isère. Les liens nouĂ©s Ă  cette occasion avec FĂ©lix Mangini, crĂ©ateur de la voie ferrĂ©e de Lyon-Saint-Paul Ă  Montbrison expliquent les nombreuses interventions pour son château de la PĂ©rollière. La demande la plus forte correspond au redoublement de la ferveur religieuse qui se traduit pas les nombreuses constructions d’églises (leur longue Ă©numĂ©ration en serait fastidieuse) ou de leurs clochers (Ă   Brullioles, Chevinay et bien Ă©videmment   Saint-Germain mĂŞme) ainsi  que des presbytères (Ă  Saint-VĂ©rand, Ă  Pontcharra- sur-Turdine) sans oublier le sĂ©minaire de Sainte-Foy-les-Lyon. La participation Ă  des constructions d’écoles suscitĂ©e par les lois Jules Ferry  paraĂ®t ,  en revanche, peu importante (Sain-Bel, Saint-Laurent-de-Chamousset, Villechenève, LĂ©tra et Saint-Germain-au-Monts d’Or et Albigny[19].

  • Chapelle des Grâces Voiron
    Chapelle des Grâces Voiron
  • château de Bionnay
    château de Bionnay
  • Ă©glise de l'Arbresle
    Ă©glise de l'Arbresle
  • croix de Sourcieu-les-Mines
    croix de Sourcieu-les-Mines

Le hameau de Glay

Le hameau de Glay est situĂ© Ă  340 mètres d’altitude sur le versant Ă  l’ouest des carrières qui le dominent d’environ 80 mètres. Cette proximitĂ© devait faciliter les dĂ©placements quotidiens des tailleurs de pierre.  Plus que par l’étymologie controversĂ©e du nom, la prĂ©sence humaine aux temps gallo-romains a Ă©tĂ© attestĂ©e par la dĂ©couverte en 1996 dans les fondations d’une maison d’une pierre qui prĂ©sente des caractĂ©ristiques familières aux archĂ©ologues. Il s’agit du fond ou radier d’un bassin et du solin en forme de quart de rond assurant l’étanchĂ©itĂ© avec la paroi verticale. Si sa destination est incertaine (pour l’agrĂ©ment ou comme rĂ©servoir d’eau ?) la technique de fabrication est propre aux Romains. Il s’agit d’un enduit hydraulique très lisse fait de mortier de chaux, de sable et de terre cuite concassĂ©e[20].

Bien entendu, ce passĂ© lointain est sans rapport avec l’exploitation des carrières qui n’est attestĂ©e qu’à partir du XVe siècle. Les noms des 15 familles rĂ©sidentes du dĂ©but du XIXe siècle sont celles des propriĂ©taires exploitants des carrières. Tel qu’on le dĂ©couvre aujourd’hui physiquement en descendant le versant, tel devait-il se prĂ©senter depuis des siècles. Il y a peu de diffĂ©rence entre le cadastre de 1829 et la situation au dĂ©but du XXIe siècle.  Toutes les demeures prĂ©sentent une grande unitĂ© de construction en pierre dorĂ©e avec leurs toits de tuiles rouges.

Mais le visage dĂ©mographique est entièrement renouvelĂ©. Glay Ă©tait autrefois le hameau le plus peuplĂ© de la commune. En 1829, on y comptait 65 maisons contre 23 au bourg et 47 Ă  la Charrière pour une population totale de 750 habitants. En 1880, sur les 900 Germinois 256 vivaient Ă  Glay et 129 Ă  la Charrière. Les habitants du hameau « qui est aussi considĂ©rable que le reste de la commune et est Ă©loignĂ© du bourg de plus d’une demi-heure » estimaient avoir  droit Ă   leur  propre Ă©cole, droit qui ne devait leur ĂŞtre reconnu que très tardivement en 1934. Au dĂ©but du XXe siècle sont ouverts un cafĂ©-Ă©picerie et…un atelier de photographie ; l’électrification est amorcĂ©e prĂ©cocement en 1911.Le hameau de Glay a perdu aujourd’hui la double vocation hĂ©ritĂ©e de son long passĂ©. DĂ©jĂ  difficilement remis de la crise du phylloxĂ©ra, après la fermeture de ses carrières en 1947, sa population rĂ©sidente entièrement renouvelĂ©e migre quotidiennement vers l’agglomĂ©ration lyonnaise oĂą elle trouve Ă  s’employer tandis que son Ă©cole a fermĂ© en 1991.

  • croix de Glay
    croix de Glay
  • plans de Glay
    plans de Glay
  • maison aux colonnes
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  • maison en Ă©querre
    maison en Ă©querre
  • maison de carrier
    maison de carrier
  • maison au porche
    maison au porche
  • maison en angle
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  • encore des maisons de Glay
    encore des maisons de Glay

Bibliographie

  • Pierre Forissier, Carrières d'Oncin ou carrières de Glay, , 2e Ă©d., 218 p. (ISBN 2-9511228-3-7).
  • collectif, Saint-Germain-sur-l'Arbresle, Mairie de Saint-Germain-sur-l'Arbresle, , 3e Ă©d., 116 p. (ISBN 2-9511228-2-9).

Notes et références

  1. Saint-Germain-sur-l'Arbresle 2006, p. 92-102.
  2. Forissier 2006, p. 22-25.
  3. Forissier 2006, p. 75.
  4. Forissier 2006, p. 11-17.
  5. Forissier 2006, p. 76.
  6. Forissier 2006, p. 69.
  7. Forissier 2006, p. 55-57.
  8. Forissier 2006, p. 46-52.
  9. Forissier 2006, p. 177-195.
  10. Forissier 2006, p. 107.
  11. Forissier 2006, p. 82.
  12. Forissier 2006, p. 94.
  13. Forissier 2006, p. 96-102.
  14. Forissier 2006, p. 99.
  15. Forissier 2006, p. 102-110.
  16. Forissier 2006, p. 171-175.
  17. Forissier 2006, p. 27-38.
  18. Forissier 2006, p. 39-43.
  19. Forissier 2006, p. 14-151.
  20. Saint-Germain-sur-l'Arbresle 2006, p. 84-87.

    Voir aussi


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