Bracelet de cheville
Un bracelet de cheville, souvent nommĂ© chaĂźne de cheville, est un bracelet portĂ© Ă la cheville. Cet article de joaillerie est originaire d'Inde et traditionnellement portĂ© par la gent fĂ©minine. En Inde, les bracelets de cheville ornent en gĂ©nĂ©ral des pieds nus et complĂštent la parure du pied constituĂ©e par les bagues d'orteil. Aujourd'hui, s'ils sont portĂ©s par les jeunes des deux sexes dans les pays occidentaux, ils n'en demeurent pas moins l'apanage des femmes en Asie et en Afrique. Le bracelet de cheville dans sa forme la plus traditionnelle est en or ou en argent, mais il existe aujourd'hui des bracelets constituĂ©s d'autres matĂ©riaux - les formes et les matiĂšres dĂ©pendent exclusivement de la crĂ©ativitĂ© du joaillier. Si la large majoritĂ© des bracelets de cheville possĂšdent un fermoir permettant le retrait du bijou, il existe Ă©galement des bracelets de cheville permanents, fermĂ©s au moyen d'une soudure. Avec les bagues d'orteil et les boucles d'oreille, le bracelet de cheville fait partie des rares bijoux conçus pour ĂȘtre portĂ©s par paire.
Europe
Des bracelets de cheville en bronze font leur apparition à l'ùge du bronze en Europe, et en particulier sur les rives du Danube, dans les régions des Alpes. Une large partie du sud de la France possÚde des traces de ces pratiques. Ces bracelets font partie de trésors issus de tumulus (autour de 1800 av. J-C) et ont été retrouvés avec d'autres bijoux typiques de cette époque[1].
Asie
Chine
Traditionnellement, les enfants chinois devaient porter des bracelets de cheville afin dâĂ©carter les mauvais esprits et servir de talisman. Devenu rĂ©cemment un objet de mode, Qeelin sort dans sa collection Ling Long un bracelet de cheville en or blanc et pavĂ© de diamant. Ce dernier cĂ©lĂšbre la fĂ©minitĂ© et la sĂ©duction. Le grelot contient un diamant pour produire le son[2].
Inde
Pendant la pĂ©riode Sunga, le bracelet de cheville est, au mĂȘme titre que la ceinture, lâun des incontournables de la parure fĂ©minine. Câest de plus pendant cette pĂ©riode un attribut exclusivement fĂ©minin. Au travers de la littĂ©rature, la forme la plus commune de chaĂźne de cheville est dĂ©crite comme un assemblage dâanneaux fins, alignĂ©s ou entrelacĂ©s. Il peut arriver que les anneaux situĂ©s aux extrĂ©mitĂ©s du cylindre formĂ© par le bracelet aient des propriĂ©tĂ©s diffĂ©rentes: on a vu des bracelets pour lesquels ces anneaux Ă©taient beaucoup plus imposants ou dĂ©corĂ©s. Par exemple, ceux de Sirima Devata Ă©taient gravĂ©s Ă leur extrĂ©mitĂ©s de tĂȘtes de Makara. Les bracelets de cheville portĂ©s par les femmes dâun statut social moins Ă©levĂ© ne possĂšdent gĂ©nĂ©ralement pas ces subtilitĂ©s et sont simplement formĂ©s dâun assemblage dâanneaux simple. Dans les rĂ©gions du Sanchi, ces bracelets atteignent des tailles record, et peuvent parfois sâĂ©tendre de la cheville jusquâau genou. Le second type de bracelet de cheville portĂ© Ă lâĂ©poque se prĂ©sente sous la forme dâun cylindre rond, souvent trĂšs lourd. Les femmes portaient souvent les deux types de bracelets simultanĂ©ment, en installant le plus lĂ©ger (anneaux spiralĂ©s) sous le plus lourd (cylindre forgĂ©). Ce dernier possĂšde en gĂ©nĂ©ral une lĂ©gĂšre bosse latĂ©rale. Les femmes de lâĂ©poque apprĂ©cient Ă©galement les sons produits lors de la marche, câest pourquoi des petites cloches sont souvent - mais pas toujours - suspendues au bracelets de cheville. Ces clochettes pouvaient Ă©ventuellement ĂȘtre remplacĂ©es par des petites pierres ou des coquillages qui frappent le mĂ©tal du bracelet lorsque la jambe est en mouvement. Ce type de bracelet de cheville est portĂ© en particulier par les danseuses de lâĂ©poque[3].
Un conte Ă©pique issu de la littĂ©rature tamoule et datant du premier siĂšcle de notre Ăšre a pour sujet principal un bracelet de cheville. Ce texte intitulĂ© Cilappatikaram («L'histoire du bracelet de cheville») raconte l'histoire d'une femme dont l'Ă©poux est assassinĂ© alors qu'il essayait de vendre un bracelet de cheville Ă un orfĂšvre malhonnĂȘte. Ce poĂšme dĂ©crit les bracelets avec une grande prĂ©cision.
En hindi et en panjÄbÄ«, jhangheer est le terme correspondant au mot bracelet de cheville, mais signifie Ă©galement chaĂźne. Cette chaĂźne devait traditionnellement ĂȘtre portĂ©e par la femme le jour des noces. Certains bracelets de cheville Ă©taient trĂšs lourds et il Ă©tait difficile pour la femme de se mouvoir lorsqu'elle les portait. En Inde, la mode des bracelets de cheville trĂšs lourds s'est Ă©teinte dans les zones urbaines, mais demeure assez prĂ©sente en milieu rural.
Asie du Sud
Les femmes rajasthanies portent les bracelets de cheville les plus lourds au monde. Ces derniers sont généralement en argent et sont symbole d'une appartenance à la communauté tribale. Ces femmes les portent également en tant qu'objet de parure dans leur costume traditionnel, mais cela représente surtout la bravoure au sein de la tribu et contre les autres tribus.
Beaucoup plus rarement, les bracelets de cheville ont pu ĂȘtre portĂ©s par paire et reliĂ©s par une chaĂźne, afin de limiter les mouvements du porteur. Cette pratique a d'abord Ă©tĂ© prĂ©sente en Asie du Sud-Est, oĂč les petits pas Ă©taient considĂ©rĂ©s comme un idĂ©al de la marche fĂ©minine. Aujourd'hui, certaines femmes d'Occident en portent Ă©galement, mais rarement en public.
Afrique & Moyen-Orient
Ăgypte
Dans l'Ăgypte antique, le port de bracelets de cheville est lâune des marques de la prostitution. En effet, la fille publique doit se distinguer des femmes chastes en portant des vĂȘtements dâhomme. Sa fĂ©minitĂ© et lâĂ©rotisation de sa personne sont assurĂ©s par un soin particulier du corps (pommades, huiles, parfums) et le port de nombreux bijoux, dont les bracelets de cheville[4]. De maniĂšre similaire, le «khalkhal» - bracelet de pied - participe directement Ă lâĂ©rotisation du corps selon Mariem Derwich[5] - [N 1].
Moyen-Orient
- Le conte du bracelet de cheville[N 2] est le titre du vingtiĂšme chapitre du livre Les Mille et Une Nuits[6].
Au XVIe siĂšcle en Orient, la prostitution - y compris la prostitution masculine - utilisait encore les bracelets de cheville comme marqueur[7].
Afrique de l'Ouest
Parmi les Senoufo, le bracelet de cheville est portĂ© lors des rites initiatiques, les fĂȘtes et funĂ©railles. Ce bracelet en bronze est rigide, et mesure jusquâĂ 16 cm de long. Il nâest pas rare dâobserver des gravures dâanimaux, tels que le saurien ou le crocodile. Ces bracelets sont confectionnĂ©s Ă la cire perdue. Les Senoufo portent Ă©galement un bracelet de cheville en forme de pirogue, la plupart du temps en laiton. Ce bracelet est portĂ© par les femmes comme par les hommes et sert de dâobjet rituel pour les forgerons. Un lĂ©zard gravĂ© Ă lâune des extrĂ©mitĂ©s reprĂ©sente le gĂ©nie protecteur[8].
Les femmes peulh sont rĂ©putĂ©s pour ĂȘtre trĂšs coquettes et arborent volontiers des braclets de cheville, au mĂȘme titre que leurs imposantes paires de boucles dâoreille ou leur coiffures trĂšs travaillĂ©es. Le nombre de bijoux et leur valeur marchande Ă©tant directement reliĂ© avec la richesse de la famille, il nâest pas rare que les femmes fortunĂ©es portent plusieurs anneaux de cheville par jambe, ou bien aussi aux bras. Les mĂ©taux varient Ă©galement, on trouve notamment des bracelets de cheville en aluminium, en argent, en bronze ou en or.
Les anneaux de chevilles portĂ©s lors de la cĂ©lĂ©bration du mariage sont gĂ©nĂ©ralement incurvĂ©s en forme de V et peuvent peser relativement lourd (1,7 kg). En wolof, le bracelet de cheville ââLamon tank Khalissââ est un bracelet rĂ©servĂ© aux aristocrates[8].
Au Niger, les femmes Peulh Bororo du Niger portent Ă©galement des bracelets de cheville, par deux ou trois. Ces bracelets sont portĂ©s pendant lâenfance jusquâĂ la naissance du premier enfant[8].
Au Burkina Faso, les femmes appartenant Ă lâethnie Kassena Ghana reçoivent des bracelets de cheville pour dot. Le bracelet, selon es critĂšres esthĂ©tiques et selon sa valeur marchande dĂ©finit donc le rang social du futur couple. Celui-ci est souvent plus lĂ©ger que les prĂ©cĂ©dents (300 g) et plus finement travaillĂ©. On observe notamment des motifs torsadĂ©s[8].
Afrique Centrale
En RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo, les femmes mongos portent en parure des bracelets de cheville. Ce bracelet, Ă mi-chemin entre la sphĂšre et le tore, est important dans lâĂ©conomie du village puisquâil est utilisĂ© en tant que dot. En effet, le fiancĂ© doit offrir cinq paires de bracelets Ă sa fiancĂ©e avant de pouvoir envisager lâunion. Ces bracelets, rigides et forgĂ©s, ne portent pas de dĂ©coration et peuvent atteindre 1 kg par bracelet[8].
Parmi les Fangs, les femmes portent un bracelet imposant, moulĂ© Ă la terre. Ce bracelet peut atteindre 1,5 kg et prĂ©sente trois lignes saillantes en guise de dĂ©coration. De maniĂšre analogue aux traditions mongos, ce bracelet fait partie intĂ©grante de la dot, mais il peut Ă©galement ĂȘtre utilisĂ© comme monnaie dâĂ©change lors de troc[8].
L'ornement
Vers la fin du XXe siĂšcle, les bracelets de cheville - sous leur forme traditionnelle ou bien en tant que bijou de fantaisie - deviennent Ă la mode aux Ătats-Unis puis en Europe.
Les chaßnes de cheville sont traditionnellement faites en argent ou en or, mais il en existe également en cuir ou en matériaux moins précieux tels que la matiÚre plastique ou le nylon : à l'instar de nombreux bijoux, la forme et les matériaux utilisés dépendent essentiellement de la créativité du joaillier. En occident, les chaßnes de cheville sont principalement portées par les jeunes filles, mais certaines femmes plus ùgées en portent également.
Les bracelets de cheville peuvent ĂȘtre de deux types.
- Les bracelets flexibles, souvent appelés paayal, pajeb ou encore jhanjhar en Inde, sont constitués d'une chaßne dont les maillons sont mobiles les uns par rapport aux autres. Ces derniers peuvent se voir attacher des grelots de maniÚre que le pas du porteur du bijou soit accompagné d'un cliquetis sonore plaisant à l'oreille. Pendant la période Purdah, le son des grelots permettait d'avertir de la présence d'une femme aux alentours.
- Les bracelets rigides sont constituĂ©s d'une plaque forgĂ©e. Si ces derniers peuvent ĂȘtre enlevĂ©s, cette plaque prĂ©sente une charniĂšre. Ce type de bracelet peut Ă©galement ĂȘtre soudĂ© et donc non enlevable. L'immense majoritĂ© des bracelets de cheville portĂ©s en Afrique est de ce type.
Les Salangai et Ghunghru sont deux types de grelots portés aux chevilles au moyen de bracelets par les danseurs bharata natyam, kathak, kuchipudi et odissi.
Signification
Dans la culture occidentale, le bracelet de cheville n'a plus rĂ©ellement de signification symbolique et peut ĂȘtre portĂ©e sur la cheville gauche ou droite, ou mĂȘme par paire. Cependant il est courant chez les femmes hĂ©tĂ©rosexuelles de le porter Ă la cheville droite, la gauche "reprĂ©sentant" le contraire.
Notes et références
Notes
- Citation exacte:« Ce jeu de sĂ©duction a plutĂŽt ses racines dans notre culture du mot, notre culture de lâaspect, oĂč une cheville ornĂ©e dâun ââ « khalkhal » ââ est susceptible de provoquer chez le poĂšte une intense transe amoureuse. » Mariem Derwich, « Nouakchott ville ouverte », Espace Calme, no 5,â
- (en) Titre exact sur la version anglaise du livre: « The Tale of the Anklet »
Références
- Sherratt, 2001
- Jacqueline Tsai, La Chine et le luxe, Paris, Odile Jacob, coll. « Histoire et document », , 258 p. (ISBN 978-2-7381-2138-7, lire en ligne)
- (en) Solochana Ayyar, Costumes & Ornaments As Depicted in the Early Sculpture of Gwalior Museum, South Asia Books, , 199 p. (ISBN 978-81-7099-002-4, lire en ligne), p. 56
- Elizabeth Abbott (trad. de l'anglais par Paule Pierre), Histoire universelle de la chasteté et du célibat, Saint-Laurent (Québec)/Paris, Fides, , 615 p. (ISBN 978-2-7621-2507-8, lire en ligne), p. 87
- Mariem Derwich, « Nouakchott ville ouverte », Espace Calme, no 5,â
- Geraldine McCaughrean, One Thousand and One Arabian Nights, OUP Oxford Ădition, coll. « Oxford Story Collections », , 288 p. (ISBN 978-0-19-275013-6, lire en ligne)
- Bernard Yvelise, L'Orient du XVIe siÚcle : Une société musulmane florissante (lire en ligne), p. 200
- Tamaro TourĂ©, Bracelets d'Afrique, Dakar/Paris, LâHarmattan, , 183 p. (ISBN 978-2-296-10302-3)