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Botr

Botr, Butr ou al-Butr, est le nom donnĂ© Ă  l’un des deux groupes de peuplades qui constituent l’ensemble des BerbĂšres, l’autre Ă©tant celui de BranĂšs, selon l'hypothĂšse gĂ©nĂ©alogique mĂ©diĂ©vale arabe notamment celle d'Ibn Khaldoun. Ce cadre thĂ©orique est cependant aujourd’hui largement remis en question.

Étymologie

Le nom Botr, vraisemblablement attribuĂ© au moment de la conquĂȘte musulmane du Maghreb, est le pluriel de l’adjectif arabe abter ou abtar[1], qui signifie au sens premier : « sans descendance » ou encore, « celui Ă  qui on a coupĂ© la queue »[2]. Le mot Ă©voque ainsi ce qui est coupĂ©, tranchĂ©[1].

De lĂ  dĂ©rivent divers sens figurĂ©s, comme « celui qui n’a pas de couvre-chef », ou encore, selon De Slane, « l’homme sans postĂ©ritĂ© », qui n’a pas de descendance[1]. Ces dĂ©finitions semblent dĂ©pourvues de sens, mais qui semblent liĂ©s avec leur l’opposition avec les BranĂšs[2]. Selon une hypothĂšse, les BranĂšs seraient les porteurs de burnous tandis que les Botr ceux qui sont vĂȘtus de vĂȘtements courts (Ă  queue coupĂ©e ?)[2].

Dans un texte trĂšs ancien, de la fin du viiie siĂšcle, relevĂ© par RĂ©gis BlachĂšre, Abtar sert Ă  dĂ©signer l’homme dont les liens de sang ont Ă©tĂ© rompus, celui qui est sans famille et sans communautĂ©, exclu du monde civilisĂ©. En effet, par opposition aux BranĂšs, intĂ©grĂ©s Ă  l’Empire romain, et membres de la communautĂ© chrĂ©tienne, les BerbĂšres de Libye, notamment les Laguatan, Ă©taient extĂ©rieurs Ă  la romanitĂ© et paĂŻens[2].

La dichotomie Botr/BranĂšs

Ibn Khaldoun divise les BerbÚres entre deux grands groupements de tribus distingués selon des généalogies complexes exposées dans le Kitab al-ibar : un premier groupe correspondant aux descendants des BranÚs et identifié aux Sanhadja (mais aussi Awerba), censé regrouper les populations sédentaires des montagnes et un second, correspondant aux descendants des Botr et identifié aux ZénÚtes, formé par les nomades des plaines[3]. Ainsi, les deux groupes se distinguent surtout, par leur mode de vie. Les BranÚs sont donnés comme sédentaires, les Botr comme nomades (ils apparaissent surtout comme des éleveurs)[2].

Ces appellations ne reprĂ©sentent cependant aucune valeur, ethnologiquement parlant. Elles ont surtout servi aux nouveaux arrivants arabes pour distinguer les occupants de longue date de ceux qui apparaissent comme des Ă©trangers[2]. Ce cadre thĂ©orique est aujourd’hui largement remis en question. Yves ModĂ©ran soulignait « qu’entre au moins le milieu du VIIIe et la fin du XIVe siĂšcle (
) le peuple berbĂšre n’a jamais vĂ©cu son identitĂ© en termes d’appartenance aux Botr ou aux BranĂšs. Seuls comptaient les apparentements tribaux autour de quelques grands noms, Lawāta, Huwwāra, Zenāta, Kutāma, áčąanhāja »[3]. Il invite Ă  considĂ©rer les traitĂ©s gĂ©nĂ©alogiques qui ont servi de base Ă  Ibn Khaldoun comme des sources dont la valeur historique est plus que douteuse[3].

En dehors du Maghreb central, oĂč les oppositions de vie sont rĂ©elles, en allant vers l’Ouest ou vers les oasis du sud algĂ©ro-tunisien, il existe des Botr sĂ©dentaires tels les Nefoussa de Libye ou les Nefzaoua. Les Lawāta sont fixĂ©s de longue date un peu plus au sud. Au Maroc, la ville de MeknĂšs est liĂ©e Ă  l’histoire des Meknassas[2]. En effet, les oppositions constantes entre sĂ©dentaires et nomades ont Ă©tĂ© surtout trĂšs nettes aux Xe, XIe et XIIe siĂšcles, plus spĂ©cialement au Maghreb central oĂč les noms de Sanhadja (BranĂšs), montagnards, et de ZĂ©nĂštes (Botr), la plupart nomades, ont revĂȘtu un certain sens donnant aux conflits armĂ©s entre ces deux grandes tribus une coloration politico-religieuse par l’appui des grandes puissances de l’époque : Omeyyades de Cordoue qui soutiennent les Botr ; et les Fatimides, suzerains des Zirides (BranĂšs)[2].

Les Botr primitifs Ă©taient des tribus maures de Libye au moment de l’arrivĂ©e des Arabes en CyrĂ©naĂŻque : ce furent avant tout les Laguatan, puis les Nefoussa dans les montagnes tripolitaines. Tandis que les BranĂšs sont les chrĂ©tiens d'Ifriqiya[1].

Les principaux peuples qui le composaient Ă©taient les Lawāta, les Nefoussa, les Nefzaoua, les Beni Faten et les Meknassas[4]. Selon l'EncyclopĂ©die de l'Islam, ces tribus Ă  l’origine, des BerbĂšres libyens. Mais, trĂšs tĂŽt, plusieurs de ces peuples s’étaient dĂ©placĂ© dans le Maghreb occidental[4]. Les Botr Ă©taient ainsi dĂ©signĂ©s comme des BerbĂšres nomades. Ce genre de vie Ă©tait, peut-ĂȘtre, primitivement le leur ; et c’est sans doute pourquoi des historiens arabes rattachaient Ă  ce groupe des peuplades Ă  vocation nomade, comme les Houaras et les ZanĂąta[4].

Histoire

Au IXe siĂšcle, les Botrs jouent un rĂŽle politique important et ils constituent l’élĂ©ment technique essentiel et prĂ©pondĂ©rant dans la dynastie des RostĂ©mides. AprĂšs le triomphe des Fatimides, les ZĂ©nĂštes kharidijite, se soulĂšvent contre eux. Ils sont sur le point d’enlever Mahdia quand les troupes de Ziri ibn Menad arrivent et sauvent la dynastie[2].

Le XIe siĂšcle voit les ZĂ©nĂštes au sommet de leur puissance, leur chef, Ziri Ibn Attia tient tĂȘte aux armĂ©es sanhadjiennes. Son fils al-Mu’izz se voit confier le gouvernement de toute la BerbĂ©rie occidentale par les Omayyades de Cordoue, tandis que d’autres Botr de CyrĂ©naĂŻque s’opposent aux Fatimides et Ă  leurs alliĂ©s[2]. Dans l’Ifriqiya, Kairouan est un moment menacĂ©e. Tripoli, puis Djerba, tombent aux mains des ZĂ©nĂštes. Cependant au Maghreb central, les Hammadides contiennent leurs ambitions[2].

L'apparition des nomades arabes en BerbĂ©rie d’une part, et des Almoravides d'autre part, mettent un terme Ă  ces affrontements entre ces deux confĂ©dĂ©rations. DĂ©sormais, Botr et BranĂšs (Sanhadja et ZanĂąta) n’ont plus de sens et les vieilles querelles s’estompent pour tomber dans l’oubli[2].

Historiographie du dualisme berbĂšre

Dans les sources arabes puis coloniales

La distinction entre les Botr et des BranĂšs, attestĂ©e au temps de la conquĂȘte musulmane, a Ă©tĂ© trĂšs vite oubliĂ©e au Maghreb mĂȘme, ce qui rend peu vraisemblable qu’elle ait exprimĂ© une division ethnique ou sociologique fondamentale. Elle a cependant Ă©tĂ© conservĂ©e en Espagne, et a retrouvĂ© ensuite une seconde vie dans ce pays et au Maghreb, sous une forme dĂ©sormais essentiellement idĂ©ologique, grĂące Ă  l’Ɠuvre des gĂ©nĂ©alogistes berbĂšres et arabes et au livre d’Ibn Khaldoun, qui l’ont utilisĂ©e pour accentuer le principal clivage politique de leur temps, l’opposition ZĂ©nĂštes/Sanhadja[1].

C’est le rĂ©cit de l’Égyptien Ibn 'Abd al-Hakam qui mentionne pour la premiĂšre fois le mot barbar pour dĂ©signer des populations rurales du Maghreb au moment de la conquĂȘte, il cite les mots butr et barānis pour subdiviser ces populations en deux principales branches[5]. Ibn Abd al-Halim Ă©voque Ă©galement le dualisme butr/barānis, mais en rattachant les deux branches aux Arabes Qaysites et MuឍarÄ«tes. Pour lui, les Botr sont composĂ©s de communautĂ©s pastorales comme les Zanāta, les Luwāta et les Nafza[5].

Ibn Khaldoun, abordant l’histoire des BerbĂšres, note : « Quant aux peuples et aux tribus de cette race, ils se rattachent, d’aprĂšs l’opinion unanime des gĂ©nĂ©alogistes, Ă  deux grandes souches : celle de BernĂšs et celle de Madghis. Comme ce dernier Ă©tait surnommĂ© al-Abtar, les peuples issus de lui sont appelĂ©s al-Butr ; de mĂȘme, les peuples qui descendent de BernĂšs sont appelĂ©s al-BarĂąnis. »[6]. L’historiographie contemporaine attache une grande importance Ă  cette dichotomie. Cette attitude est toutefois relativement rĂ©cente. Jusqu’à la traduction partielle d’Ibn Khaldoun donnĂ©e entre 1852 et 1856 par De Slane sous le titre Histoire des BerbĂšres, Ă  peu prĂšs personne n’avait rĂ©ellement prĂȘtĂ© attention aux occurrences des noms Botr et BranĂšs dans les sources arabes[6].

C’est l’Ɠuvre de Émile-FĂ©lix Gautier qui est Ă  l’origine de l’importance accordĂ©e aujourd’hui Ă  la question Botr/BranĂšs, car face Ă  la quasi-totalitĂ© des savants arabes, jugĂ©s peu sĂ©rieux, il reprend les travaux d'Ibn Khaldoun[6]. Le bilan des rĂ©fĂ©rences de la dichotomie Ă©tablie par lui dans les sources les plus anciennes sur les BerbĂšres des viie et ixe siĂšcles s’avĂšre extraordinairement pauvre[7]. Personne jusqu’à prĂ©sent n’a pu prouver que la dichotomie Botr/BranĂšs reflĂ©tait une dualitĂ© sociologique ou ethnique du monde berbĂšre Ă  l’arrivĂ©e des conquĂ©rants musulmans[1].

C’était finalement pour Gautier, et aprĂšs lui pour Gabriel Camps : une opposition nomades/sĂ©dentaires, ou une distinction PalĂ©o/NĂ©oberbĂšres qui l’une et l’autre ne peuvent ĂȘtre Ă©tablies et sont dĂ©menties par les sources antiques comme par les textes arabes[1]. DĂšs 1929, William Marçais supposait que les Botr par opposition aux BranĂšs, avaient pu ĂȘtre les porteurs d’un vĂȘtement court, « coupĂ© », alors que le burnous est un long manteau. Mais il concluait que ces distinctions vestimentaires, n’avaient pas nĂ©cessairement un fondement ethnique ou mĂȘme sociologique et n’avaient eu d’intĂ©rĂȘt que pour un temps probablement bref[1].

Évolution de la dichotomie berbùre

AprĂšs l'apparition des termes Botr et BranĂšs dans le contexte de la conquĂȘte musulmane du Maghreb, chez le seul Ibn 'Abd al-Hakam, les termes semblent s’effacer complĂštement[7]. Pour cet auteur, les Botr, encore seuls mentionnĂ©s, sont d’abord les BerbĂšres qui accompagnaient Hassan Ibn Numan dans sa deuxiĂšme campagne au Maghreb, Ă  la fin des annĂ©es 690. Au viie siĂšcle, le sens d’une dichotomie n’a pas Ă©tĂ© une rĂ©alitĂ© vĂ©cue. Les deux termes Botr et BranĂšs semblent d’autant plus des crĂ©ations de ce temps qu’ils sont arabes[1]

La dichotomie Botr/BranĂšs est nĂ©e ainsi d’un regard arabe sur les premiers BerbĂšres soumis Ă  l’islam, elle n’a finalement semblĂ© avoir Ă©tĂ© Ă©laborĂ©e qu’en fonction du contexte de la conquĂȘte, opposant des Botr libyens tĂŽt ralliĂ©s et convertis Ă  des BranĂšs, les BerbĂšres chrĂ©tiens d’Ifriqiya longtemps, en liaison avec leurs alliĂ©s les RĂ»m, opposĂ©s aux Arabes[1]. Les termes Botr et BranĂšs, et la dichotomie Ă©tablie par Ibn ‘Abd al-Hakam, sont totalement absents de la littĂ©rature historique et gĂ©ographique consacrĂ©e au Maghreb entre le viiie siĂšcle et la fin du xive siĂšcle[7]. Ainsi, la tradition irakienne de la conquĂȘte de l’Afrique byzantine montre un monde Ă©clatĂ© en communautĂ©s n’ayant aucun lien entre elles, Ă  l’image des Luwāta, des NafĆ«sa, des Sanhadja et des ZĂ©nĂštes[5].

Les auteurs des textes les plus riches et les plus prĂ©cis les ignorent. Seule Ă©tait significative pour tous ces savants la partition du Maghreb en plusieurs grandes familles tribales, d’abord au viiie et au ixe siĂšcle en un nombre assez Ă©levĂ©, puis progressivement Ă  partir du xe siĂšcle en deux vastes systĂšmes d’apparentements, ZĂ©nĂštes et Sanhadja, qui n’engloberont cependant pas la totalitĂ© des tribus[7]. DerriĂšre l’opposition Botr/BranĂšs Ă  ses origines, c’est presque la distinction du vie siĂšcle entre Maures de l’extĂ©rieur et Maures de l’intĂ©rieur. Les Maures de l’intĂ©rieur Ă©taient Ă  l’arrivĂ©e des Arabes probablement plus christianisĂ©s et plus liĂ©s aux Byzantins, les Maures de l’extĂ©rieur plus indĂ©pendants, et plus attachĂ©s Ă  leur identitĂ© berbĂšre[1].

Ces thĂ©ories permettent de justifier les diffĂ©rentes versions du mythe de l’origine orientale des BerbĂšres. La trame de ces textes est toujours la mĂȘme : aprĂšs la mention de la prĂ©sence des BerbĂšres en Palestine ou en Égypte, est Ă©voquĂ©e une marche vers l’ouest au cours de laquelle se dispersent les tribus : certaines sont alors nommĂ©es et leur lieu « d’établissement » indiquĂ©, qui se situe presque toujours en CyrĂ©naĂŻque et en Tripolitaine[1]. Ce mythe se fonde sur des traditions des dĂ©buts de l’islam, et il dĂ©crit un Ă©tat du monde berbĂšre probablement assez proche de celui que dĂ©couvrirent les premiers conquĂ©rants, qui pĂ©nĂ©trĂšrent d’abord en Libye[1].

Tous les BerbĂšres sont soumis, et un mouvement progressif, de conversion se dĂ©clenche. Si la distinction Botr/BranĂšs survĂ©cut alors, c’est parce que les BerbĂšres eux-mĂȘmes se la rĂ©appropriaient, mais en faisant trĂšs vite Ă©voluer le sens. Dans une premiĂšre phase, il est probable que nombre de tribus cherchaient Ă  ĂȘtre reconnues comme Botr, parce que les tribus libyennes qui portaient ce nom avaient Ă  la fois le prestige de l’anciennetĂ© de la conversion et le pouvoir procurĂ© par leur prĂ©sence dans l’armĂ©e conquĂ©rante[1].

Ainsi, par affiliation onomastique : les AurĂšssiens ralliĂ©s, dont peut-ĂȘtre les Djerawa, deviennent des Botr[1]. Quelques annĂ©es aprĂšs, c'est aussi probablement le cas Maghraouas. Cette tribu du nord de l’Ouarsenis, formait un des plus anciens peuples de MaurĂ©tanie cĂ©sarienne. Ibn Khaldoun lui attribue pourtant une conversion prĂ©coce et une indiscutable identitĂ© Botr. Celle-ci ne dut ĂȘtre acquise que lorsque les musulmans atteignaient l’ouest algĂ©rien, et Ă  cause de ce ralliement[1].

Dans la sociĂ©tĂ© berbĂšre, ce qui comptait, est avant tout Ă©tait la tribu. Plus que d’ĂȘtre Botr, l’essentiel Ă©tait d’appartenir aux tribus libyennes qui composaient les Botr : les LawĂąta, les ZenĂąta et autres Houaras. Les affiliations onomastiques fictives Ă  ces tribus, qu’Ibn KhaldĂ»n a dĂ©crit dans ses ProlĂ©gomĂšnes, commencĂšrent certainement Ă  cette Ă©poque[1]. Mais ces noms, les Botr et les BranĂšs, avaient encore un sens en 711 quand de nombreux BerbĂšres passĂšrent en Espagne et ils exprimaient Ă  ce moment encore aussi de rĂ©elles alliances intertribales. Or, dans l’al-Andalus conquise, un contexte diffĂ©rent du Maghreb se dĂ©veloppa dĂšs le viiie siĂšcle. L’isolement des BerbĂšres, face Ă  aux autochtones, et aux Arabes, favorisait le maintien de vastes alliances[1].

Dans la pĂ©ninsule, les BerbĂšres ressentirent, dans un environnement doublement hostile, le besoin de liens Ă©largis, et ils les trouvaient dans la vieille dichotomie. Celle-ci perdit sa premiĂšre signification politique et religieuse, pour prendre de plus en plus une valeur clanique, aux ixe et xe siĂšcles. Et c’est sur cette rĂ©alitĂ© de l’Espagne mĂ©diĂ©vale que s’appuyĂšrent ensuite les gĂ©nĂ©alogistes pour Ă©laborer leurs savantes constructions, dans lesquelles ils ont habilement croisĂ© une dichotomie archaĂŻque et les apparentements onomastiques de leur temps[1].

Construction généalogique

Au dĂ©but du ixe siĂšcle, surgissaient les premiĂšres gĂ©nĂ©alogies des BerbĂšres, d’abord pour affirmer ou contester leur parentĂ© avec les Arabes, avec au cƓur des dĂ©bats deux personnages opportunĂ©ment sortis du nĂ©ant pour l’occasion : IfrĂźkush et Berr[7]. Les personnages Ă©ponymes BernĂšs et Madghis el Abter ayant Ă©tĂ© forgĂ©s plus tard : la premiĂšre mention date de la fin du ixe siĂšcle[1]. BernĂšs est donnĂ© comme le pĂšre des tribus donnĂ©es comme BranĂšs, et Madghis al-Abtar, pĂšre des tribus classĂ©es comme Botr[7]. C’est surtout au cours du xe siĂšcle que se forgĂšrent les grandes constructions gĂ©nĂ©alogiques autour de Madghis et de BernĂšs[7].

Voulant Ă  tout prix retrouver dans ces gĂ©nĂ©alogies les traces d’un clivage trĂšs ancien de la sociĂ©tĂ© berbĂšre, certains historiens ont cru dĂ©celer dans le schĂ©ma BranĂšs la preuve que ces populations correspondaient Ă  des « PalĂ©oberbĂšres ». En effet, dans leur ascendance seule, apparaĂźt le nom Mazigh, dans lequel on identifie l'Ă©ponyme des Mazices, des BerbĂšres connus en plusieurs points du Maghreb Ă  l’époque romaine[7]. Toutefois, cette interprĂ©tation est contredite par de multiples Ă©lĂ©ments[7].

Il existe d’abord des Mazices entre Tripolitaine et CyrĂ©naĂŻque au ive siĂšcle et dans le dĂ©sert libyo-Ă©gyptien au ve siĂšcle, qui Ă©taient dĂ©finis comme de terribles barbares, et qui devraient logiquement ĂȘtre classĂ©s comme NĂ©oberbĂšres et Botr[7]. D’autre part, dans les deux schĂ©mas gĂ©nĂ©alogiques, BernĂšs et Madghis al-Abtar ont le mĂȘme pĂšre, Berr, Ă©ponyme d’un peuple berbĂšre. Enfin, le schĂ©ma pris en rĂ©fĂ©rence n’est qu’un rĂ©sumĂ© de stemmas souvent bien plus riches, dans lesquels apparaissent des deux cĂŽtĂ©s des noms qui contredisent l’hypothĂšse avancĂ©e : selon Al-Bakri, la grand-mĂšre de Madghis al-Abtar s’appelait ainsi TamzĂźgh, un nom qui n’est autre que le fĂ©minin de Mazigh/Amazigh ; et Ibn Hazm propose une reconstruction dans laquelle Mazigh sera Ă  la fois l’ancĂȘtre de BernĂšs et de Madghis al-Abta[7].

Références

  1. Yves ModĂ©ran, « Chapitre 18. Les Botr, les BranĂšs, et le monde berbĂšre au viie siĂšcle », dans Les Maures et l’Afrique romaine (IVe-VIIe siĂšcle), Publications de l’École française de Rome, (DOI 10.4000/books.efr.1434, lire en ligne), p. 761–810
  2. L. Golvin, « Botr », EncyclopĂ©die berbĂšre, no 10,‎ , p. 1564–1565 (ISSN 1015-7344, DOI 10.4000/encyclopedieberbere.1789, lire en ligne, consultĂ© le )
  3. Elise Voguet, Chapitre IV - Histoire sociale (du VIIe au XVe siÚcle), Zaytûn, (ISBN 978-9931-9192-1-6, lire en ligne), p. 4
  4. Colin, G. S., “al-Butr”, EncyclopĂ©die de l'Islam. PremiĂšre publication en ligne: 2010
  5. Allaoua Amara, « L’évolution du discours sur les BerbĂšres dans les sources narratives du Maghreb mĂ©diĂ©val (ixe-xive siĂšcle) », dans Les BerbĂšres entre Maghreb et Mashreq (viie-xve siĂšcle), Casa de VelĂĄzquez, coll. « Collection de la Casa de VelĂĄzquez », (ISBN 978-84-9096-326-5, lire en ligne), p. 55–70
  6. Yves ModĂ©ran, « Introduction. La conquĂȘte arabe », dans Les Maures et l’Afrique romaine (IVe-VIIe siĂšcle), Publications de l’École française de Rome, coll. « BibliothĂšque des Écoles françaises d’AthĂšnes et de Rome », (ISBN 978-2-7283-1003-6, lire en ligne), p. 685–709
  7. Yves ModĂ©ran, « Chapitre 16. Botr et branĂšs dans les sources arabes avant Ibn KhaldĂ»n », dans Les Maures et l’Afrique romaine (IVe-VIIe siĂšcle), Publications de l’École française de Rome, coll. « BibliothĂšque des Écoles françaises d’AthĂšnes et de Rome », (ISBN 978-2-7283-1003-6, lire en ligne), p. 711–742

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