Bataille du Rocher de La Piochais (26 juillet 1795)
La première bataille du Rocher de la Piochais a lieu le pendant la Chouannerie. Un convoi républicain tombe dans une embuscade tendue par les Chouans.
Date | 26 juillet 1795 |
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Lieu | Entre Landéan et Louvigné-du-Désert |
Issue | Victoire des Chouans |
RĂ©publicains | Chouans |
• Chamond | • Aimé Picquet du Boisguy • Guy Picquet du Boisguy †• Auguste Hay de Bonteville |
50 à 100 morts[1] - [2] 11 blessés[1] - [2] 13 prisonniers (exécutés)[1] - [2] | ~ 2 à 10 morts[3] - [2] |
Batailles
- Liffré
- 1re Argentré
- Expédition de Quiberon
- Plouharnel
- Quiberon
- Segré
- 1er Rocher de La Piochais
- La Ceriseraie
- La Cornuaille
- 1re La Croix-Avranchin
- La Vieuville
- 1re Saint-James
- 2e Rocher de La Piochais
- 2e La Croix-Avranchin
- Auverné
- Andigné
- Croix-Couverte
- Tinchebray
- L'Auberge-neuve
- Locminé
- Saint-Hilaire-des-Landes
- Val de Préaux
- Le Grand-Celland
- 2e Argentré
- Noyant-la-Gravoyère
- La Hennerie
- Le Mans
- Nantes
- Saint-Brieuc
- Le Lorey
- Mont-Guéhenno
- La Tour d'Elven
- 2e Saint-James
- Pont du Loc'h
- Les Tombettes
Coordonnées | 48° 26′ 31″ nord, 1° 08′ 31″ ouest |
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Prélude
À la fin du mois de , un convoi sortit de Fougères et se dirigea vers Louvigné-du-Désert, il devait y ravitailler la garnison qui manquait de vivres et d'armes; un fourgon parti de Rennes et devant se rendre à Caen se trouvait également dans le convoi qui était défendu par 125 à 140 soldats du bataillon d'infanterie légère de Nantes et d'une compagnie de la garde territoriale de Fougères[2]. Aimé Picquet du Boisguy, chef des Chouans de la division de Fougères, prévenu la veille de ce convoi, rassembla ses hommes et s'embusqua au lieu-dit du Rocher de la Plochais, situé entre Louvigné-du-Désert et Landéan[3].
Forces en présence
Les estimations des forces divergent. Selon le colonel chouan Toussaint du Breil de Pontbriand, le convoi républicain était fort de 600 hommes portant le nom de division nantaise et de 60 gardes territoriaux. Quant aux chouans de Boisguy, ils étaient au nombre de 700[3].
Du côté républicain, un premier rapport évalue le nombre de soldats défendant le convoi à 125 hommes, un deuxième à 140 et porte le nombre des chouans à 1 200, ce qui semble, à cette période, surévalué. La présence de soldats du premier bataillon d'infanterie légère de Nantes et de gardes territoriaux est attestée[2].
— Rapport de l'administration républicaine du district de Fougères au département |
— Mémoires de Toussaint du Breil de Pontbriand |
La bataille
Embuscade au Rocher de la Piochais
La position des Chouans leur est très favorable ; les Républicains traversent la forêt de Fougères, puis le bourg de Landéan. Arrivés à Plochais, ils sont forcés de s'engager sur une route très étroite et resserrée sur les côtés par des marais presque infranchissables. Les Chouans sont embusqués en arc de cercle et ouvrent le feu presque à bout portant des Républicains. Ceux-ci, surpris et ne pouvant se mettre en ligne de bataille à cause du terrain, ne peuvent riposter efficacement. Après une courte résistance, les Républicains tentent de battre en retraite, mais celle-ci se transforme rapidement en déroute. Les Chouans sortent alors de leurs couverts et se lancent à la poursuite des fuyards jusque dans la forêt de Fougères, leur infligeant de très lourdes pertes. Plusieurs dizaines de Républicains sont tués, d'autres sont faits prisonniers, au nombre de 45 selon Pontbriand, une quinzaine selon les rapports républicains[3] - [2].
— Rapport de l'administration républicaine du district de Fougères au département |
— Mémoires de Toussaint du Breil de Pontbriand |
Mort de Guy du Boisguy
Sur son flanc, Guy du Boisguy mène la poursuite sur les Républicains mais distance ses hommes, il rejoint un groupe d'une vingtaine de gardes territoriaux et les somme de se rendre. Arrivé face à un marais, il met pied à terre et le traverse difficilement[3]. Les Républicains ouvrent alors le feu sur lui et un garde territorial l’atteint de deux ou trois balles puis le frappe à coups de crosse[2]. Selon un premier rapport le soldat ayant tué Guy du Boisguy est un Allemand nommé Zemmer, volontaire dans la garde territoriale de Fougères, d'après un second rapport il s'agit d'un certain Jorse, également garde territorial[2]. Selon Lemas il s'agit du même soldat et « Jorse » est un surnom[2], Le Bouteiller en revanche, juge cela « peu compréhensible[1] ». Peu après les Chouans trouvent leur chef grièvement blessé, Guy du Boisguy est retiré du marais et conduit au village de la Charbonnais, près de Landéan où il décède deux heures plus tard[3].
— Mémoires de Toussaint du Breil de Pontbriand |
— Rapport de l'administration républicaine du district de Fougères au département |
— Rapport de l'administration républicaine |
Renforts et contre-attaque des républicains
Une partie des Chouans menés par Aimé du Boisguy occupent Landéan, une commune dont la population leur est acquise, Boisguy fait enfermer ses prisonniers puis fait reposer ses hommes. De son côté, Auguste Hay de Bonteville continue un temps de talonner les Républicains dans la forêt de Fougères. Finalement, les Chouans abandonnent la poursuite et s'en retournent vers Landéan[3].
Mais le bruit de la fusillade étant parvenu jusqu'à Fougères, la garnison de la ville forte de 200 hommes se porte à marche forcée sur les lieux du combat, elle traverse la forêt de Fougères, ralliant au passage des fuyards[2]. Les Républicains joignent les chouans aux abords de Landéan, ces derniers désorganisés par la poursuite opposent une courte résistance avant de battre en retraite abandonnant une bonne partie du champ de bataille, sans subir cependant de pertes significatives. Les Chouans finissent par reprendre pied et un assez long et indécis combat s'engage, les deux camps finissent par se séparer.
— Mémoires de Toussaint du Breil de Pontbriand |
— Rapport de l'administration républicaine du district de Fougères au département |
Massacre des prisonniers républicains
C'est vraisemblablement au début de la contre-attaque des Républicains qu'Aimé du Boisguy ordonne l'exécution des prisonniers, au nombre de 13 ou 15 selon les rapports. Cet épisode n'est pas mentionné par Pontbriand. Le chef chouan vient d'apprendre que son frère est grièvement blessé, et selon les témoignages recueillis auprès des survivants, Boisguy alors en proie à une grande fureur tue plusieurs prisonniers de sa main, en particulier les gardes territoriaux, peut-être informé que c'étaient des hommes de cette unité qui avaient tué son frère. D'autres sont fusillés cependant les exécutions se font dans la précipitation car les renforts républicains gagnent du terrain, plusieurs des prisonniers exécutés ne sont ainsi que blessés et peuvent être secourus par leurs compagnons d'armes[2] - [1].
— Rapport de l'administration républicaine du district de Fougères au département |
Suites
Assassinats de deux voyageuses par les Chouans
Quelques heures après le combat, les Républicains retournent sur les lieux de l’affrontement afin de constater les dégâts et de voir ce qui pouvait être sauvé.
— Rapport de l'administration républicaine du district de Fougères au département |
Les Républicains découvrent les cadavres de deux jeunes femmes assassinées par les Chouans. Pendant le combat, alors que les Républicains venaient d'être mis en déroute un groupe de Chouans s'était emparé du convoi et des voitures qu'ils détournèrent à l'intérieur du pays. Dans une des voitures, se trouvaient les deux jeunes femmes, Mlle Chobé et Mlle Fesselier ; cette dernière devait se marier en Normandie et transportait dans sa voiture une grande somme d'argent qui était en fait sa dot. L'officier chouan présent renvoya ses hommes prétextant qu'il avait des ordres et ne garda que 5 hommes avec lui : ils tuèrent les deux femmes et s'emparèrent de l'argent[2] - [3].
— Rapport de l'administration républicaine du district de Fougères au département |
Informé de ces meurtres après la bataille, Boisguy ordonne l'ouverture d'une enquête[3]. Un officier chouan, le capitaine Julien Boismartel dit « Joli-Cœur » est fortement suspecté mais finalement acquitté faute de preuve[1]. En revanche, deux autres chouans sont arrêtés et passent en jugement devant conseil de guerre chouan à l'issue duquel ils sont jugés, reconnus coupables des meurtres et exécutés[3].
— Mémoires de Toussaint du Breil de Pontbriand |
Occupation du champ de bataille par les RĂ©publicains
Le lendemain matin, les troupes républicaines reviennent explorer le champ de bataille, il enterrent les derniers morts. Le fourgon avait été presque entièrement vidé, les Chouans s'étaient emparés de son contenu, en revanche, les deux caissons destinés à ravitailler les troupes étaient peu endommagés et peuvent gagner Louvigné-du-Désert[2].
— Rapport de l'administration républicaine du district de Fougères au département |
Les pertes
Le 31 juillet, Le Beschu écrivit un bref rapport au représentant Lebreton:
« Le 26 de ce mois, un convoi de onze voitures, escorté de cent-vingt-cinq hommes, a été enlevé par les Chouans, sur la route de Caen, entre Plochais et le Rocher. Cent hommes de l'escorte ont été tués, la diligence a été pillée[4]. »
— Rapport de Le Beschu
Un officier chouan Marie Eugène Charles Tuffin de La Rouërie écrivit également un mémoire dans lequel il fait une brève mention du combat, à lequel il n'était cependant pas présent:
« Au Rocher de la Plochais, sur la route de Fougères à Louvigné, les Républicains, au nombre de six cents, escortant un convoi, furent battus avec perte de deux cent cinquante hommes et du convoi[5]. »
— Marie Eugène Charles Tuffin de La Rouërie
Contrairement à son habitude, le colonel de Pontbriand ne donna pas d'estimation des pertes pour cette bataille, ni pour les chouans, ni pour les républicains.
Du côté républicain, un premier rapport donna les pertes suivantes : 80 à 100 morts et 13 prisonniers exécutés pour les républicains[1]. En revanche un deuxième rapport donna les chiffres de 50 morts au moins, 11 blessés et d'une quinzaine de prisonniers exécutés[2] - [1]. Toutefois il rapporte aussi que plusieurs prisonniers fusillés furent retrouvés vivants et purent être secourus[2]. 25 chasseurs nantais et gardes territoriaux républicains trouvent refuge au Loroux pendant la déroute, le ils gagnent Louvigné-du-Désert[2] - [5].
« Notre perte, indépendamment de onze blessés, consiste au moins en cinquante morts, parmi lesquels, outre indépendamment des deux femmes, on compte un sous-lieutenant de l'infanterie légère de Nantes, deux commissaires civils pour les réquisitions de grains, les citoyens Cloutier et Vincent, négociants de Fougères, et quelques autres voyageurs[2]. »
— Rapport de l'administration républicaine
Concernant les chouans, le rapport républicain précise également que les chouans « ne perdirent qu'un petit nombre des leurs[2] ».
Ce combat est brièvement évoqué lors d'une fête républicaine organisée à Nantes le , appelée « fête de la Reconnaissance et des Victoires » ; « Un détachement de 100 hommes, commandé par Chamond, entouré à l'affaire de Fougères, le 8 thermidor an 3 par 3 000 Chouans, refusent de se rendre, ils sont tous tués[6] ».
Bibliographie
- Toussaint du Breil de Pontbriand, Mémoire du colonel de Pontbriand sur les guerres de la Chouannerie, édition Plon, Paris, (réimpr. Y. Salmon, 1988), p. 175-179.
- Théodore Lemas, Le district de Fougères pendant les Guerres de l'Ouest et de la Chouannerie 1793-1800, Rue des Scribes Éditions, , p. 183-188.
- Christian Le Boutellier, La Révolution dans le Pays de Fougères, Société archéologique et historique de l'arrondissement de Fougères, , p. 433-440.
- Marie-Paul du Breil de Pontbriand, Un chouan, le général du Boisguy, édition Honoré Champion, Paris, (réimpr. La Découvrance, 1994), p. 135-144.
Notes et références
- Christian Le Bouteiller, La Révolution dans le Pays de Fougères, p.433-440.
- Théodore Lemas, Le district de Fougères pendant les Guerres de l'Ouest et de la Chouannerie, p. 183-188.
- Toussaint du Breil de Pontbriand, MĂ©moires du colonel de Pontbriand sur les guerres de la Chouannerie, p. 175-179.
- Marie-Paul Du Breil de Pontbriand, Un chouan, le général du Boisguy, p. 141.
- F. J. Verger, Archives curieuses de la ville de Nantes et des départements de l'Ouest, 1837, tome I, p. 248.