Baguettes (couverts asiatiques)
Les baguettes sont des couverts de table permettant de saisir les aliments ; elles sont surtout utilisées en Asie et leur usage est traditionnel, en Chine, en Corée, au Japon et au Viêt Nam.
Histoire
Chinois | 筷子 |
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Hanzi | 箸 |
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L'historien de la dynastie Han Sima Qian dit que les baguettes étaient connues avant la dynastie Shang (1766-1122 avant notre ère). Mais il n'existe aucune preuve textuelle ou archéologique à l'appui de cette affirmation[1]. La preuve la plus ancienne découverte jusqu'à présent consiste en six baguettes en bronze, longues de 26 centimètres et larges de 1,1 à 1,3 centimètre, excavées dans le site Yin Xu près d'Anyang (Henan). Elles sont datées approximativement de 1 200 avant notre ère. On suppose qu'elles étaient utilisées pour cuisiner[2] - [3] - [4]. La plus ancienne référence textuelle connue à l'utilisation de baguettes provient du Han Feizi, un texte philosophique écrit par Han Fei (vers 280-233 avant J.-C.) au 3e siècle avant J.-C.[5].
Comme ustensiles de cuisine
Les premières baguettes étaient utilisées pour cuisiner, remuer le feu, servir ou saisir des morceaux de nourriture, et non pour se nourrir directement soi-même comme cela se fait dans les temps présents. L'une des raisons en est qu'avant la dynastie Han, le millet était prédominant en Chine du Nord, en Corée et dans certaines régions du Japon.
Les ryōribashi (料理箸) sont des baguettes de cuisine japonaises utilisées dans la cuisine japonaise. Elles sont utilisées pour la préparation des aliments japonais, et ne sont pas conçues pour saisir les aliments que l'on veut manger. Ces baguettes permettent de manipuler les aliments chauds d'une seule main et s'utilisent comme des baguettes ordinaires. Ces baguettes ont une longueur de 30 centimètres ou plus et peuvent être reliées par une ficelle au sommet. Elles sont généralement fabriquées en bambou. Toutefois, pour la friture, il est préférable d'utiliser des baguettes en métal avec un manche en bambou, car les extrémités des baguettes en bambou ordinaires se décolorent et deviennent grasses après un usage répété dans l'huile chaude. Les manches en bambou protègent de la chaleur.
De même, les cuisiniers vietnamiens utilisent des đũa cả (𥮊奇) ou « grandes baguettes » surdimensionnées pour cuisiner et pour servir le riz dans la marmite[6].
Comme ustensiles de repas
Les baguettes ont commencé à être utilisées comme ustensiles de cuisine au cours de la dynastie Han, lorsque la consommation de riz a augmenté. Au cours de cette période, les cuillères ont continué à être utilisées aux côtés des baguettes comme ustensiles de repas. Ce n'est qu'à partir de la dynastie Ming que les baguettes ont été utilisées exclusivement pour servir et manger. Elles acquièrent alors le nom de kuaizi et la forme actuelle[7].
Popularisation dans le monde
L'utilisation des baguettes comme ustensiles de cuisine et de repas s'est répandue dans toute l'Asie de l'Est au fil du temps. Des spécialistes tels que Isshiki Hachiro et Lynn White ont noté que le monde était divisé en trois coutumes alimentaires, ou sphères culturelles alimentaires. Il y a ceux qui mangent avec les doigts, et ceux qui utilisent des fourchettes et des couteaux. Puis il y a la « sphère culturelle des baguettes », composée de la Chine, du Japon, de la Corée, de Taïwan et du Viêt Nam.
Au fur et à mesure de l'émigration des Chinois de souche, l'utilisation de baguettes comme ustensiles de table pour certains aliments ethniques s'est imposée dans les pays d'Asie du Sud et du Sud-Est tels que le Cambodge, le Laos, le Népal, la Malaisie, la Birmanie, Singapour et la Thaïlande. À Singapour et en Malaisie, les Chinois de souche consomment traditionnellement tous les aliments avec des baguettes, tandis que les Indiens et les Malais de souche (surtout à Singapour) utilisent des baguettes uniquement pour consommer des plats de nouilles. Dans l'ensemble, l'utilisation d'une cuillère ou d'une fourchette est plus courante dans ces régions[8] - [9]. Au Laos, à la Birmanie, en Thaïlande et au Népal, les baguettes ne sont généralement utilisées que pour consommer des nouilles.
De même, les baguettes sont davantage acceptées en relation avec la nourriture asiatique à Hawaï, sur la côte ouest de l'Amérique du Nord[10] - [11], et dans les villes comptant des communautés asiatiques d'outre-mer tout autour du globe.
La première référence européenne aux baguettes se trouve dans le Suma Oriental portugais de Tomé Pires, qui écrit en 1515 à Malacca : « Ils [les Chinois] mangent avec deux baguettes et le bol en terre cuite ou en porcelaine dans la main gauche près de la bouche, avec les deux baguettes pour aspirer. C'est la manière chinoise »[12].
Nommage d'après différents pays
Dans l'ancien chinois écrit, les baguettes étaient appelées zhu (箸). Bien qu'il ait pu être largement utilisé dans l'ancien chinois parlé, son usage a finalement été remplacé par la prononciation du caractère kuài (快), qui signifie « rapide ». Le caractère original, bien que toujours utilisé à l'écrit, est rarement utilisé dans le chinois parlé moderne. Il est cependant préservé dans les dialectes chinois tels que le Hokkien et le Teochew, car les langues chinoises Min descendent directement du vieux chinois plutôt que du chinois moyen.
Le terme chinois standard pour désigner les baguettes est kuàizi (筷子). Le premier caractère (筷) est un composé sémantico-phonétique créé avec une partie phonétique signifiant « rapide » (快), et une partie sémantique signifiant « bambou » (竹), en utilisant le radical (⺮)[13] - [14].
Le mot anglais chopstick pourrait être dérivé de l'anglais pidgin chinois, dans lequel chop chop signifiait « rapidement »
Typologie
Il existe plusieurs sortes de baguettes :
- Les chinoises (筷子, ), longues, à bout cylindrique, généralement en bois de bambou ou plastique. La Chine fabriquait – et jetait – un grand nombre de baguettes en bambou, consommant ainsi des centaines de milliers de tonnes de ce bois très prisé. Elle a donc préconisé d'utiliser des baguettes en plastique réutilisables ;
- Les coréennes (젓가락, jeotgarak), courtes, à bout plat, généralement en métal, accompagnées le plus souvent d'une cuillère assortie ;
- Les japonaises (箸 / はし, hashi), courtes, à bout pointu, généralement en bois ;
- Les vietnamiennes (đũa) longues, traditionnellement en bois, aujourd'hui également en plastique. Il existe également des baguettes larges et plates (đũa cả), utilisées pour servir le riz.
Seules les baguettes coréennes sont métalliques. La raison de cette singularité vient du Moyen-Âge, où l’on eut l’idée de baguettes en argent, d’abord destinées au roi. Une des propriétés chimique de l’argent étant qu’il change de couleur au contact de certaines substances, l’utilisation de baguettes en argent permettait de détecter la présence de poison dans les aliments ; les complots et autres trahisons étant monnaie courante à cette époque.
Pour faire la cuisine, on utilise souvent des baguettes spécifiques, plus longues et plus solides, qui permettent par exemple de saisir des aliments très chauds ou d'atteindre le fond d'une casserole.
Les habitants de ces pays utilisent aussi une cuillère pour se nourrir, quant aux couteaux, en Asie, les plats sont prédécoupés avant d’être servi. Les habitants de Malaisie et Brunei utilisent en plus des couverts et leurs doigts[15].
Impact environnemental
Un Japonais moyen utilise environ 400 baguettes jetables par an. En 2007, 90 % de ces baguettes sont faites de bambou et 10 % de tremble importé de Chine. Certaines sont vernies ou laquées avec des produits ne favorisant pas leur recyclage. Ces baguettes à usage unique correspondent à 90 000 tonnes de bois par an.
La mode des baguettes jetables (dans les restaurants, puis dans les familles), encouragée par les arguments hygiénistes des fabricants, a croisé l'augmentation rapide de la population en Asie. Ces deux facteurs combinés font que ce sont en 2009 environ 2 220 paires de baguettes jetables qui sont utilisées chaque seconde dans le monde (70 milliards de baguettes par an, soit 1,7 million de mètres cubes de bois ou bambou par an, non compris les déchets de fabrication).
En Chine, une écotaxe de 5 % sur les baguettes jetables en bois est depuis peu destinée à freiner le gaspillage, mais le jetable est souvent préféré par les consommateurs chinois.
Au Japon, le ministère de l'Agriculture a proposé d'installer des boîtes de récupération des baguettes usagées dans les restaurants et les magasins pour les valoriser en bioéthanol, mais l'écobilan de ce « biocarburant » resterait très mauvais. Les baguettes jetables contribuent ainsi à accroître la part de l'alimentation dans l'empreinte écologique (individuelle et collective) alors que des baguettes en bambou, et plus encore en métal, ou en porcelaine peuvent être facilement réutilisées.
Notes et références
- (en) H.T. Huang (Huang Xingzong), Fermentations and Food Science. Part 5 of Biology and Biological Technology, Volume 6 of Joseph Needham, ed., Science and Civilisation in China, Cambridge: Cambridge University Press, (ISBN 0-521-65270-7, lire en ligne), p. 104
- =卢茂村 (Lu, Maocun), 筷子古今谈 (An Introduction to Chopsticks), 农业考古 (Agricultural Archaeology), (ISSN 1006-2335), chap. 1:209–216
- (it) « Le due leggende sulle bacchette cinesi », Italian.cri.cn, (consulté le )
- (zh) 嚴志斌 洪梅编著 『殷墟青銅器︰青銅時代的中國文明』 上海大学出版社, 2008-08 (ISBN 7811180979, lire en ligne), p. 48
- (en) Joseph Needham, Science and Civilization in China: Volume 6, Biology and Biological Technology, Part 5, Fermentations and Food Science., Cambridge University Press, , p. 104
- (en) « Đôi đũa », Batkhuat.net, (consulté le )
- Endymion Wilkinson, Chinese History: A Manual, Cambridge, MA: Harvard University Press, Rev. and enl., 2000, p. 647 citant Yun Liu, Renxiang Wang, Qin Mu, 木芹. 刘云. 王仁湘 刘云 Zhongguo Zhu Wen Hua Da Guan 中国箸文化大观 (Beijing: Kexue chubanshe, 1996).
- « Etiquette in Singapore | Frommer's », sur www.frommers.com
- Leo Suryadinata, Ethnic Chinese as Southeast Asians, Institute of Southeast Asian Studies, (ISBN 9789813055506, lire en ligne)
- (en) « Forget the chopsticks, give us forks | YouGov », sur today.yougov.com
- (en) « Learning the Art of Chopsticks - Hawaii Aloha Travel »,
- (en) « The Suma oriental of Tome Pires page 116 »
- Endymion Wilkinson, Chinese history: A manual, Cambridge, Harvard University, (ISBN 978-0-674-00249-4, lire en ligne), p. 647
- (en) Jerry Norman, Chinese, Cambridge University Press, , p. 76
- « Fourchette, doigts, baguettes… avec quoi se nourrissent les 7,5 milliards d’humains ? », Le Monde, 23 janvier 2019.