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Babisme

Le babisme ou la foi babie (persan : ŰšŰ§ŰšÛŒ Ù‡Ű§, BābÄ« hā) est un mouvement religieux rĂ©formateur et millĂ©nariste fondĂ© en Iran le (5 JamādÄ«yu’l-Avval 1260 ap.H.), par un jeune commerçant de la ville de Chiraz, nommĂ© Sayyid ÊżAlÄ« Muáž„ammad Ć Ä«rāzÄ« (1819-1850) et surnommĂ© le Bāb (arabe : ۚۧۚ= « la Porte ») (1819-1850).

Mausolée du Bāb sur le Mont Carmel (Haïfa, Israël)

Ce mouvement messianique fut la cause d’un grand bouleversement dans la sociĂ©tĂ© persane du XIXe siĂšcle. Le babisme se rĂ©pandit rapidement Ă  travers la Perse, touchant toutes les couches de la population, du plus humble paysan au plus Ă©minent lettrĂ©. Le clergĂ© chiite associĂ© au gouvernement persan rĂ©agit par une persĂ©cution fĂ©roce en martyrisant des dizaines de milliers de babis. Il ne reste plus actuellement que quelques disciples du Bāb, qui s’appellent eux-mĂȘmes le Peuple du Bayān et sont nommĂ©s bābÄ«, bayānÄ« ou azalÄ«[1]. SituĂ©s principalement en Iran et en OuzbĂ©kistan, il est impossible de donner de chiffre exact, car ils continuent de pratiquer la dissimulation (taqiya) et vivent sans se diffĂ©rencier des musulmans qui les entourent[2].

Environnement social

La dynastie Kadjar (Qāǧār), fondĂ©e en 1794, venait de rĂ©ussir Ă  restaurer l’unitĂ© nationale et s’apprĂȘtait Ă  entamer des rĂ©formes pour moderniser le pays sous la pression de la Russie au nord et de la Grande-Bretagne Ă  l’est, qui s’opposaient dans le Grand Jeu gĂ©ostratĂ©gique pour la domination de la rĂ©gion. Avec l’arrivĂ©e au pouvoir des Qajars, les commerçants du bazar (bazarÄ«) et les dignitaires religieux (oulĂ©mas) chiites acquirent influence et pouvoir au sein d’une sociĂ©tĂ© restĂ©e fĂ©odale et soumise au clientĂ©lisme, au nĂ©potisme et Ă  la corruption.

Le milieu du XIXe siĂšcle fut une pĂ©riode d’intenses espoirs de voir se rĂ©aliser une Ăšre messianique, aussi bien parmi les chrĂ©tiens (comme avec les adventistes) que les musulmans chiites.

Ceux-ci attendent selon leurs traditions la venue, avant le « Jour de la RĂ©surrection et du Jugement », d’une sorte de « messie » appelĂ© Al-MahdÄ« (arabe : Ű§Ù„Ù…ÙŽÙ‡Ù’ŰŻÙŠÙ‘, ce qui signifie « le bien guidĂ© ») par les sunnites et Al-Qā’im (arabe : Ű§Ù„Ù‚Ű§ŰŠÙ…, ce qui signifie « celui qui se lĂšvera » ou le « rĂ©surrecteur ») par les chiites, qui l’identifient avec le retour de « l’imam cachĂ© ». Le Coran ne parle pas de cet homme, mais de multiples traditions rapportent les paroles de Muáž„ammad le dĂ©crivent, comme celle-ci : « Dieu fera ressortir de la cachette Al MahdÄ« de ma famille et juste avant le Jour du Jugement ; mĂȘme si un jour restait dans la durĂ©e du monde et il rĂ©pandra sur terre justice et Ă©galitĂ©, et Ă©radiquera la tyrannie et l’oppression »[3].

Ć ayáž« Aáž„mad Aáž„sāʟī (1753-1826) Ă©tait un mĂ©taphysicien chiite originaire de BahreĂŻn, qui fonda au XVIIIe siĂšcle en Perse et en Irak une Ă©cole religieuse, dont les membres, appelĂ©s shaykhis, concentraient leur enseignement sur les aspects Ă©sotĂ©riques et mĂ©taphysiques du chiisme ce qui leur attira certaines critiques de la part du clergĂ© majoritaire, mĂ©fiant de ce nouveau mouvement potentiellement hĂ©tĂ©rodoxe. AprĂšs sa mort, c’est son disciple Sayyid Kāáș“im-i RaĆĄtÄ« (1793-1843), qui prit la direction de l’école et assura la dĂ©fense de ses doctrines face Ă  leurs dĂ©tracteurs.

À son dĂ©cĂšs, ses disciples furent confus, ignorants vers qui se tourner pour diriger le mouvement, et c’est ainsi qu'un de ses disciples, Mullā កusayn-i BuĆĄruÊŸÄ« (1813-1849), se mit en route pour trouver un successeur Ă  son dĂ©funt maĂźtre. AprĂšs 40 jours de priĂšre et de jeĂ»ne il rencontra finalement Ă  Chiraz le Bāb, le reconnut, et le prĂ©senta Ă  17 autres Ă©tudiants shaykhis, qui, Ă  leur tour, le reconnurent et devinrent ses apĂŽtres : les Lettres du Vivant[4].

Enseignements du Bāb

Da’ira babi contenant des annotations de la main du Bāb

MalgrĂ© sa jeunesse et la briĂšvetĂ© de sa vie missionnaire, le Bāb rĂ©vĂ©la l’équivalent de 500 000 versets, dont la plus grande partie a Ă©tĂ© perdue.

« Voici qu’environ cent mille lignes semblables Ă  ces versets se sont rĂ©pandus parmi les hommes, sans compter les priĂšres invocatrices et les questions concernant la science et la philosophie[5]. ConsidĂšre encore le sujet du « Point du Bayān « (le Bāb). Ceux qui le connaissent savent quel est son rang avant la RĂ©vĂ©lation; mais aprĂšs la RĂ©vĂ©lation, et bien que jusqu’à aujourd’hui il ait rĂ©vĂ©lĂ© plus de cinq cent mille versets sur divers thĂšmes, on parle cependant contre lui avec des mots tels que la plume refuse de les rĂ©pĂ©ter[6]. L’univers cependant n’a jamais vu ni Ă©prouvĂ© une bontĂ© comparable Ă  celle qui Ă©mane aujourd’hui des Paroles divines, comme les pluies d’avril des nuages du MisĂ©ricordieux; car les plus grands ProphĂštes, dont le caractĂšre divin et la gloire brillent comme le Soleil, n’ont apportĂ© qu’un seul Livre dont les versets sont connus de tous. Tandis que, de ce nuage de la misĂ©ricorde divine, il a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ© tellement d’ouvrages que nul ne peut les compter. On n’en connaĂźt jusqu’ici qu’une vingtaine de volumes, mais combien y en a-t-il qui ne nous sont pas parvenus, ou qui sont tombĂ©s entre les mains des ennemis qui en ont fait ce que personne ne sait[7] ! »

EpĂźtre de la main du Bāb sous forme d’étoile Haykal

Dans son ouvrage intitulĂ© Sources for Early Babi Doctrine and History, Denis MacEoin dĂ©crit un grand nombre des Ɠuvres du Bāb encore disponibles, dont voici une liste incomplĂšte classĂ©e approximativement par ordre chronologique :

  • Ă  Shiraz avant le pĂšlerinage : QayyĆ«mu’l-Asmā’ (commentaire sur la douziĂšme sourate coranique), áčąaáž„Ä«fiy-i Maáž«ážĆ«miyyah (ensemble de priĂšres) et les ÉpĂźtres au roi de Perse Muáž„ammad Ơāh, au sultan ‘Abdu’l-MajÄ«d et au gouverneur de BaÄĄdād.
  • lors de son pĂšlerinage Ă  La Mecque et MĂ©dine : ážȘaáčŁÄâ€™il-i Sab’ih, Kitābƫ’r-RĆ«áž„ (le Livre de l’Esprit), áčąaáž„Ä«fiy-i Baynu’l-កarāmayn (TraitĂ© entre les deux sanctuaires) et Kitāb-i Fihrist (le Livre du catalogue).
  • Ă  Shiraz aprĂšs le pĂšlerinage : áčąaáž„Ä«fiy-i Ja’farÄ«yyih, ážȘasā’il-i Sab‘ih (les Sept Attributs), Risāliy-i FurĆ«-i ’AdlÄ«yyih (L’épĂźtre sur les dĂ©tails de la justice) et TafsÄ«r-i SĆ«rih-i KawáčŻ ar (commentaire sur la 108e sourate coranique).
  • durant son sĂ©jour Ă  Ispahan : TafsÄ«r-i Nubuwwwat-i ážȘāáčŁáčŁih (commentaire sur la mission spĂ©cifique de Muáž„ammad) et TafsÄ«r-i SĆ«rih-i Va’l-’AáčŁr (commentaire sur la 103e sourate coranique).
  • durant son emprisonnement Ă  Māh-KĆ« : les seconde et troisiĂšme Ă©pĂźtres Ă  Muáž„ammad Shāh, l’épĂźtre aux ‘ulamā de QazvÄ«n et au vizir កājÄ« MÄ«rzā ÁqāsÄ«, le Bayān persan (son Ɠuvre maĂźtresse), Dalā’il-i Sab’ih (les Sept preuves) et 9 commentaires sur le Coran (tous perdus).
  • durant son emprisonnement Ă  ČahrÄ«q : Kitāb-i Asmā’ (le Livre des Noms), Kitāb-i Panj-Ć a’n (le Livre des Cinq Rangs), le Bayān arabe, une Ă©pĂźtre Ă  កājÄ« MÄ«rzā ÁqāsÄ« et Lawáž„-i កurĆ«fāt (L’épĂźtre des lettres).
  • date imprĂ©cise : ZÄ«yārat-i Ơāh-‘Abdu’l-‘Aáș“Ä«m, áčąaáž„Ä«fiy-i RadavÄ«yyih, Risāliy-i FiqhÄ«yyih, Risāliy-i ᾎahabÄ«yyih et SĆ«riy-i Tawáž„Ä«d (la Sourate de l’UnitĂ©).

Le « Promis » de l’Islam

Le Bāb dĂ©clara en plusieurs occasions qu’il Ă©tait le « Promis » attendu par les musulmans Ă  la « fin des temps » (Al-MihdÄ« ou Al-Qā’im, le « retour de l’Imam cachĂ© ») :

  • lors de sa dĂ©claration Ă  Mullā កusayn-i Bushru’ī dans sa demeure de Ć Ä«rāz le  ;
  • au chĂ©rif de La Mecque lors de son pĂšlerinage aux lieux saints de l’islam durant l’hiver 1844-1845 ;
  • dans ses Ă©crits ;
  • au cours de son procĂšs Ă  TabrÄ«z en juillet 1848.

Le premier titre que prit ‘AlÄ«-Muáž„ammad-i Ć Ä«rāzÄ« fut celui de Al-Bāb, ce qui signifie « la porte » en arabe. Ce titre fut la cause d’une mĂ©prise de la part des chiites sur ses prĂ©tentions. Comme les quatre messagers, qui servirent de lien entre les croyants et « l’imam cachĂ© » durant la « petite occultation » (Ä aybatu’áčŁ-áčąuÄĄ rā, 874-940), portaient le titre de Bāb et que selon un hadith[8] Muáž„ammad aurait dit qu’il Ă©tait « la citĂ© du savoir dont ‘AlÄ« Ă©tait est la porte », ils considĂ©rĂšrent le Bāb comme un intermĂ©diaire entre eux et « l’imam cachĂ© », dont ils attendaient le retour. C’est pour cela qu’ils accueillirent favorablement comme une rĂ©tractation ces paroles prononcĂ©es par le Bāb lors de son interrogatoire Ă  Ć Ä«rāz en 1845 :

« Le Bāb, regardant l’assemblĂ©e, dĂ©clara : « Que la malĂ©diction de Dieu soit sur celui qui me considĂšre comme le reprĂ©sentant de l’imam ou comme l’intermĂ©diaire entre celui-ci et les fidĂšles. Que la malĂ©diction de Dieu soit aussi sur celui qui m’accuse d’avoir niĂ© l’unitĂ© de Dieu et dĂ©noncĂ© le rang de Muáž„ammad en tant que prophĂšte, sceau des prophĂštes, d’avoir rejetĂ© la vĂ©ritĂ© d’un quelconque messager du passĂ©, ou d’avoir refusĂ© de reconnaĂźtre le gardiennat d’‘AlÄ«, le commandeur de la foi ou de tout imām qui lui a succĂ©dĂ©. » Il monta alors sur la marche supĂ©rieure du mihrāb, embrassa l’imām-jum’ih puis redescendit et alla rejoindre les fidĂšles pour accomplir la priĂšre du vendredi[9]. »

En fait ce qu’il affirma, ce n’était pas qu’il Ă©tait la « porte » du Qā’im mais ce « Promis » lui-mĂȘme, la « Porte de Dieu » (ۚۧۚ Ű§Ù„Ù„Ù‡ Bāb’u’llāh)[10] ! Voici la dĂ©claration qu’il fit lors de son procĂšs Ă  TabrÄ«z en 1848 :

« À son arrivĂ©e, le Bāb vit que tous les siĂšges Ă©taient occupĂ©s dans la salle, sauf celui qui Ă©tait destinĂ© au valÄ«-’ahd. Il salua l’assemblĂ©e et, sans la moindre hĂ©sitation, alla occuper cette place vacante. La majestĂ© de son allure, l’expression de confiance qui se lisait sur son front et, surtout, l’esprit de puissance que rayonnait tout son ĂȘtre semblĂšrent avoir, pendant un moment, Ă©touffĂ© l’ñme de ceux qu’il avait saluĂ©s. Un silence profond et mystĂ©rieux les envahit soudain. Pas une seule Ăąme, parmi cette Ă©minente assemblĂ©e n’osa souffler mot. Finalement, le silence qui les avait saisis fut rompu par le nizāmu’l-‘ulamñ’. « Pour qui vous prenez-vous ? » demanda-t-il au Bāb, « et quel est le message que vous avez apportĂ© ? » « Je suis », s’exclama trois fois le Bāb, « je suis, je suis le Promis ! Je suis celui dont vous avez invoquĂ© le nom pendant un millier d’annĂ©es, celui Ă  la mention de qui vous vous ĂȘtes levĂ©s, celui dont vous avez dĂ©sirĂ© l’avĂšnement et celui, enfin, dont vous avez demandĂ© Ă  Dieu de hĂąter l’heure de la rĂ©vĂ©lation. En vĂ©ritĂ© je le dis, il incombe aux peuples de l’Orient comme Ă  ceux de l’Occident d’obĂ©ir Ă  ma parole et de prĂȘter serment d’allĂ©geance Ă  ma personne[11]. »

Il revendiqua Ă©galement le mĂȘme rang que celui de Muáž„ammad par des titres comme le « Premier Point » (Nuqáč­iy-i UlĂ )[12], car c’est de ce « point » que proviennent toutes les lettres du Livre et tout ce qui est crĂ©Ă©. JĂ©sus est pour les chrĂ©tiens le « Verbe fait chair » et Muáž„ammad est pour les musulmans un « Coran qui marche »  pour ses disciples, le Bāb est aussi la manifestation de la parole divine, le « Point du Bayān » (Nuqáč­iy-i Bayān), celui d’un livre saint pour notre Ă©poque, et ses premiers disciples sont les « Lettres du Vivant » (Ű­Ű±ÙˆÙ Ű§Ù„Ű­ÙŠ កurĆ«fu’l-កayy). Il se considĂšre comme une « Manifestation de Dieu » (en persan Maáș“har-i ilāhÄ«, le lieu de la manifestation des qualitĂ©s divines, dans un « temple humain ») et les bābis le dĂ©signaient aussi par les titres កazrat-i A’lā (« prĂ©sence suprĂȘme »), Jamāl-I-Mubārak (« beautĂ© bĂ©nie »), កaqq Ta’ālā (« vĂ©ritĂ© tout-puissante »), áčąÄáž„ibu’z-Zamān (« seigneur de l’ùre »), ᾎikr’u’llāh (« souvenir de Dieu ») et Qurrat’ul ‘Ayn (« consolation des yeux »).

le « Jour du Jugement »

L’Ɠuvre de Bāb abonde en commentaires et en explications sur les Ă©crits religieux islamiques, comme dans son premier ouvrage intitulĂ© QayyĆ«mu’l-Asmā’, qui est un commentaire de la sourate de Joseph rĂ©vĂ©lĂ© en 1844, ou dans son Bayān rĂ©vĂ©lĂ© en 1847-1848, qui est une « explication » du Coran[13].

Le Bāb enseigne que les notions de « rĂ©surrection », de « jour du jugement », de « paradis » et d’« enfer », utilisĂ©es dans les prophĂ©ties chiites sur la « fin des temps », doivent ĂȘtre comprises de maniĂšre mĂ©taphorique :

  • la « rĂ©surrection » signifie l’apparition d’une nouvelle « Manifestation de Dieu » apportant une nouvelle rĂ©vĂ©lation redonnant vie Ă  une humanitĂ© morte spirituellement[14]. Et bien que le « jour de la rĂ©surrection » soit le plus grand de tous les jours, il semble un jour comme les autres pour les nĂ©gligents[15].
  • la « rĂ©surrection des morts » signifie la renaissance spirituelle sous l’influence de la rĂ©vĂ©lation divine de ceux, qui sont spirituellement comme des morts par leur ignorance, leur nĂ©gligence ou leur rĂ©bellion[16].
  • le « jour du jugement » signifie les consĂ©quences de l’acceptation ou de rejet de la nouvelle « Manifestation » et de la nouvelle « RĂ©vĂ©lation » de Dieu[17].
  • le « paradis », c’est de reconnaĂźtre Dieu Ă  travers la « manifestation » de ses qualitĂ©s dans un « temple humain » et d’observer ses commandements par amour de Lui. L’« enfer Â» est la domination de la part animale de l’homme sur sa part spirituelle, ce qui le prive des bĂ©nĂ©dictions divines. Paradis et enfer ne sont pas des lieux physiques, mais des Ă©tats de l’ñme, que l’on dĂ©jĂ  peut expĂ©rimenter au cours de la vie terrestre[18].

Le Bāb Ă©crit dans son Bayān persan qu’Adam n’était pas le premier homme et que d’innombrables gĂ©nĂ©rations humaines vĂ©curent avant lui. Adam est selon lui le premier prophĂšte d’un cycle de l’humanitĂ©, le « cycle prophĂ©tique », qui a commencĂ© 12210 annĂ©es avant la venue du Bāb[19] et s’est achevĂ© avec la rĂ©vĂ©lation de Muáž„ammad dĂ©signĂ© par le Coran[20] comme le « Sceau des prophĂštes » (ážȘātam an-NabiyyÄ«n)[21].

Comme l’indique en arabe son nom « ۚۧۚ » (b-a-b = porte), le Bāb dĂ©clara ĂȘtre la « porte », la charniĂšre ou « l’intermonde » (barzaáž«), entre deux cycles spirituels de l’humanitĂ© : le « cycle prophĂ©tique » avant lui et aprĂšs lui le « cycle de la splendeur » (bahā’) de l’accomplissement des prophĂ©ties, qui commence avec « Celui que Dieu rendra manifeste » et se poursuivra dans le futur avec d’autres « Manifestations » de Dieu successives[22]. Quand le Bāb envoya ses disciples Ă  travers la Perse pour annoncer son message de la « Bonne Nouvelle » de l’aube d’une nouvelle Ăšre, il s’adressa ainsi Ă  eux dans son « Ă©pĂźtre aux Lettres du Vivant » :

« Je vous prĂ©pare pour la venue d’un grand Jour. DĂ©ployez tous vos efforts afin que dans le monde Ă  venir, moi qui vous instruis aujourd’hui, je puisse, devant le trĂŽne de misĂ©ricorde divine, me rĂ©jouir de vos actes et me glorifier de vos exploits. Nul ne connaĂźt encore le secret du Jour qui doit venir. Il ne peut ĂȘtre divulguĂ© et nul ne peut s’en faire une idĂ©e. L’enfant nouveau-nĂ© de ce Jour sera plus avancĂ© que les hommes les plus sages et les plus vĂ©nĂ©rables de notre temps. Le plus humble, le plus ignorant de cette Ă©poque-lĂ  surpassera en connaissances les thĂ©ologiens les plus Ă©rudits et les plus accomplis de nos jours. Dispersez-vous en tous sens Ă  travers ce pays et, d’un pied ferme, d’un cƓur sanctifiĂ©, prĂ©parez la voie pour Sa venue. Ne contemplez pas votre faiblesse et votre fragilitĂ© ! Fixez votre regard sur le pouvoir invincible du Seigneur, votre Dieu tout puissant[23] ! »

Lois du Bāb abrogeant la charia islamique

Le babisme se sĂ©para clairement de l’Islam aprĂšs la ConfĂ©rence de Badasht du au . À partir de ce moment, le Bayān remplaça le Coran pour les bābis et sa loi abrogea celle de la charia islamique[24].

Parmi les nouvelles lois se trouvent le changement de la qiblih (la direction vers laquelle les croyants doivent se tourner pour accomplir le rite de la priĂšre) de la Ka’bih de La Mecque Ă  la maison du Bāb Ă  Chiraz et l’abandon du calendrier islamique lunaire au profit d’un nouveau calendrier solaire appelĂ© calendrier badÄ«Êż. Celui-ci consiste en 19 mois de 19 jours (361) portant des « noms de Dieu », auxquels on ajoute 4 ou 5 jours intercalaires pour le faire coĂŻncider avec le cycle solaire de 365,2422 jours, dont le premier jour est Naw-RĆ«z et dont le dernier mois est consacrĂ© au jeĂ»ne.

Le Bāb révéla aussi un ensemble de rites et de lois, souvent non complÚtement mis en pratique[25], et parmi lesquels on trouve :

  • ne porter d’armes qu’en cas de nĂ©cessitĂ©.
  • s’asseoir sur des chaises.
  • faire attention Ă  la propretĂ© physique « comme les chrĂ©tiens ».
  • ne pas faire preuve de cruautĂ© envers les animaux.
  • ne pas battre sĂ©vĂšrement les enfants.
  • imprimer des livres, et principalement les Ă©crits saints.
  • ne pas Ă©tudier les « sciences », qui ne commencent et ne finissent que par des mots.

Ces lois semblent modernes et tolĂ©rantes mais il existe aussi d’autres lois, qui frappent par leur sĂ©vĂ©ritĂ© envers ceux qui ne sont pas bābis :

  • interdiction pour les non-bābis de vivre dans 5 provinces centrales de la Perse.
  • destruction des lieux saints des religions antĂ©rieures.
  • autodafĂ© de tous les livres non-bābis.
  • interdiction aux non-bābis de se marier avec des bābis, et mĂȘme de s’asseoir en leur compagnie.
  • confiscation possible des biens des non-bābis.

D'autres rites concernent le pĂšlerinage (áž„ajj), le jeĂ»ne (áčŁawm), les funĂ©railles, l’usage des bagues et des parfums.

« Celui que Dieu rendra manifeste »

Ă©pĂźtre de la main-mĂȘme du Bāb Ă  « Celui que Dieu rendra manifeste ».

Le Bāb annonce dans ses Ă©crits la venue aprĂšs lui de « Celui que Dieu rendra manifeste » (Man yuáș“hiruhu’llāh, arabe : من ÛŒŰžÙ‡Ű± Ű§Ù„Ù„Ù‡ et persan : Ù…ŰžÙ‡Ű± کلّیه Ű§Ù„Ù‡ÛŒ). Ce sera un ĂȘtre si glorieux, que le Bāb lui-mĂȘme affirme ne pas pouvoir dĂ©crire convenablement ses qualitĂ©s : « De tous les hommages que j’ai rendus Ă  celui qui doit venir aprĂšs moi, en voici le plus grand : mon aveu Ă©crit qu’aucune de mes paroles ne peut le dĂ©crire adĂ©quatement, et qu’aucune rĂ©fĂ©rence Ă  lui dans mon livre, le Bayān, ne peut rendre justice Ă  sa cause. »

Le Livre saint et les lois révélés par le Bāb seront alors remplacés par le Livre saint et les lois révélées par « Celui que Dieu rendra manifeste » au second « Jour de la Résurrection »[26].

Dans ses Ă©crits, le Bāb fait allusion Ă  l’importance des « neuviĂšme » (1269 ap.H.) et « dix-neuviĂšme » (1279 ap.H.) annĂ©es aprĂšs la naissance du babisme en 1844 (1260 ap.H.), ainsi qu’aux limites temporelles indiquĂ©es sous le nom de Ä iyāáčŻ ( ŰșÛŒŰ§Ű« ) et MustaĥāáčŻ ( Ù…ŰłŰȘŰșۧ۫ ), dont la valeur selon la numĂ©ration abjad sont respectivement de 1511 et de 2001[27].

« « Dans l’annĂ©e neuf », a-t-Il [le Bāb] Ă©crit de maniĂšre explicite, faisant allusion Ă  la date de l’avĂšnement de la RĂ©vĂ©lation promise, « vous atteindrez au bien suprĂȘme ». « Dans l’annĂ©e neuf, vous arriverez Ă  la prĂ©sence de Dieu. » Et plus loin : « AprĂšs កīn (dont la valeur numĂ©rique est 68), une Cause vous sera rĂ©vĂ©lĂ©e que vous serez amenĂ©s Ă  connaĂźtre. » Il a dĂ©clarĂ© plus particuliĂšrement : « Ce n’est qu’aprĂšs l’expiration de neuf annĂ©es aprĂšs la naissance de cette Cause que les rĂ©alitĂ©s des choses crĂ©Ă©es seront rendues manifestes. Tout ce que tu as vu jusqu’ici n’est que la phase qui commence avec le germe humide et continue jusqu’à ce que Nous l’ayons revĂȘtu de chair. Sois patient jusqu’à ce que tu contemples une nouvelle crĂ©ation. Dis : Que Dieu, le CrĂ©ateur parfait par excellence, en soit bĂ©ni. » « Attends », dĂ©clare-t-il Ă  ‘Aáș“Ä«m, « jusqu’à l’expiration de neuf annĂ©es aprĂšs la RĂ©vĂ©lation du Bayān. Puis proclame : Pour cela, bĂ©ni soit Dieu, le CrĂ©ateur parfait entre tous. » Faisant allusion, dans un passage remarquable Ă  l’an dix-neuf, Il a donnĂ© cet avertissement : « Soyez vigilants depuis la naissance de la RĂ©vĂ©lation jusqu’au nombre de VĂ hid (19) et au commencement de l’annĂ©e quatre-vingts (1280 aprĂšs l’HĂ©gire). » « S’Il devait apparaitre en cet instant mĂȘme », a-t-Il affirmĂ© dans son ardeur Ă  assurer que l’imminence de la RĂ©vĂ©lation promise ne devait pas Ă©carter les hommes du Promis, « je serais le premier Ă  l’adorer et Ă  me prosterner devant Lui[28]. »

Testament du Bāb

Transcription de la main de áčąubáž„-i Azal du document le nommant successeur du Bāb.

En 1849, quelque temps aprĂšs le martyre de QuddĆ«s, le Bāb Ă©crivit une tablette intitulĂ©e Lawáž„-i Vasaya, qui est considĂ©rĂ©e comme son testament. Dans cette lettre, il nommait son disciple MÄ«rzā Yaáž„yā NĆ«rÄ« áčąubáž„-i Azal (« Aurore de l’ÉternitĂ© ») en tant que son successeur et chef de la communautĂ© bābie aprĂšs sa mort, avec pour consignes[29] :

  • assurer sa propre sĂ©curitĂ© et celle de ses Ă©crits, ainsi que de ce qui est rĂ©vĂ©lĂ© dans le Bayān,
  • communiquer avec les bābis et demander conseils des tĂ©moins, ainsi que de Áqā Siyyid កusayn YazdÄ«,
  • rassembler, sceller, si besoin complĂ©ter les Ă©crits saints de Bāb pour les distribuer parmi les bābis et les faire connaitre parmi l’humanitĂ©,
  • inviter les hommes Ă  embrasser la rĂ©vĂ©lation du Bāb,
  • dĂ©cider quand sera venu le triomphe et dĂ©signer son successeur,
  • reconnaitre « celui que Dieu rendra manifeste » quand il viendra et inviter les hommes Ă  en faire autant[30].

Chronologie de la dispensation du Bāb

Muងammad Ơāh Qājār
NāáčŁiri’d-DÄ«n-Ơāh Qājār

1844 (1260 ap.H.) est l’annĂ©e oĂč le Bāb dĂ©clara qu’il Ă©tait le « Promis » de l’islam, dans la nuit du 22 au Ă  Mullā កusayn-i BuĆĄru’ī, qui devint son premier disciple et qu’il nomma la premiĂšre des « Lettres du Vivant » ainsi que « la porte de la Porte » (Bābu’l-Bāb)[31]. AprĂšs avoir Ă©tĂ© reconnu par les 18 « Lettres du Vivant », il envoya annoncer son message Ă  travers la Perse, alors qu’il se rendit en pĂšlerinage Ă  La Mecque avec Mullā Muáž„ammad ‘AlÄ«-i BārfurĆ«sh (1820-1849, surnommĂ© QuddĆ«s, pour y dĂ©clarer solennellement sa mission. Le voyage et l’accueil qu’il y reçut lui laissĂšrent des souvenirs amers, mais il put Ă©crire une lettre au chĂ©rif de La Mecque et recevoir l’allĂ©geance de disciples Ă  la Ka’bih[32].

1845 vit le retour du Bāb en Perse et les premiĂšres persĂ©cutions. Le Bāb dut renoncer Ă  se rendre Ă  la ville sainte de Karbilā et on l’arrĂȘta pour le forcer Ă  renier ses prĂ©tentions[33].

En 1846, le Bāb rĂ©ussit Ă  quitter Ć Ä«rāz pour trouver refuge en mars Ă  IáčŁfāhān, oĂč le gouverneur de la ville ManĆ«Äihr ážȘān le protĂ©gea jusqu’à sa mort en 1847[34].

En 1847, le Bāb demanda Ă  ĂȘtre reçu en audience par le roi de Perse Muáž„ammad Ơāh Qājār (1810-1848) dans la capitale de TĂ©hĂ©ran (áčŹihrān), mais juste avant d’y parvenir il fut emprisonnĂ© en AzerbaĂŻdjan dans la citadelle montagnarde de Māh-KĆ«, oĂč il rĂ©digea son Bayān persan[35].

Le , il fut transfĂ©rĂ© Ă  la forteresse de ČihrÄ«q sur l’ordre du grand vizir កājÄ« MÄ«rzā ÁqāsÄ«, afin de contrecarrer l’influence grandissante du Bāb[36]. Du au les bābis tinrent la confĂ©rence de BadaĆĄt, qui marqua la sĂ©paration dĂ©finitive du babisme d’avec l’Islam[37]. En juillet, le Bāb fut jugĂ© Ă  TabrÄ«z, oĂč il confirma publiquement ses revendications, essuyant en retour moqueries et bastonnade[38]. Le , Mullā កusayn-i Bushru’ī leva au Māzindarān « l’étendard noir » de la « guerre sainte » et marcha sur la ville de MaĆĄhad Ă  la tĂȘte de 200 bābis[39]. Cela dĂ©boucha sur le siĂšge du mausolĂ©e de Ć ayáž« áčŹabarsÄ«, oĂč les bābis se retranchĂšrent Ă  partir du .

Le , les bābis assiĂ©gĂ©s se rendirent finalement aprĂšs 7 mois d’une rĂ©sistance hĂ©roĂŻque face aux troupes gouvernementales commandĂ©es par le prince MihdÄ« QulÄ« Mirzā, qui s’empressa de renier sa promesse faite sur le Coran et d’exterminer les prisonniers[40]. Le Bāb fut tellement affectĂ© par le cruel supplice infligĂ© Ă  QuddĆ«s, qu’il resta plusieurs mois sans rien Ă©crire. Il rĂ©digea finalement un testament dans lequel il dĂ©signait MÄ«rzā Yaáž„yā-i NĆ«rÄ« áčąubáž„-i Azal (1831-1912) comme son successeur Ă  la tĂȘte de la communautĂ© bābie en attendant la venue de « Celui que Dieu rendra manifeste »[41].

1850 vit la rĂ©bellion et le massacre des bābis de NayrÄ«z dans la province du Fārs[42] et le conflit de Zanjān. Le Ă  midi, le Bāb fut publiquement fusillĂ© dans la cour de la caserne de TabrÄ«z sur l’ordre du grand vizir MÄ«rzā TaqÄ« ážȘān (1807-1852). La premiĂšre salve d’un rĂ©giment armĂ©nien chrĂ©tien ne fit que couper ses liens en le laissant indemne. Devant un tel prodige, le colonel chrĂ©tien Sām ážȘān refusa de faire tirer une nouvelle salve et quitta la caserne sur le champ avec son rĂ©giment. C’est un rĂ©giment musulman azĂ©ri commandĂ© par le colonel Áqā Jān Big qui se chargea de tirer la seconde salve mortelle[43]. Les restes du Bāb furent jetĂ©s dans un fossĂ© Ă  l’extĂ©rieur de la ville. Les bābis s’en emparĂšrent subrepticement de nuit pour les cacher, jusqu’à leur transfert en Palestine, oĂč ils furent dĂ©posĂ©s en 1909 dans le MausolĂ©e du Bāb du Mont Carmel.

1851 vit l’insurrection bābie de Zanjān noyĂ©e dans le sang[44].

Le , trois bābis attentĂšrent sans succĂšs Ă  la vie du jeune roi de Perse NāáčŁiri’d-DÄ«n-Ơāh Qājār (1831-1896). Cet acte fut la justification d’une persĂ©cution gĂ©nĂ©ralisĂ©e contre le mouvement bābi, dont de nombreux dirigeants furent tuĂ©s comme Fāáč­imih BaraĥānÄ« (1817-1852, surnommĂ©e áčŹÄhirih, la « Pure ») et Siyyid កusayn-i YazdÄ«, ou emprisonnĂ©s dans la cachot souterrain du SÄ«yāh-Čāl comme MÄ«rzā កusayn ‘AlÄ« NĆ«rÄ« (1817-1892, surnommĂ© Bahā’u’llāh, la « splendeur de Dieu »)[45]. C’est enchaĂźnĂ© dans l’obscuritĂ©, le froid et la puanteur de ce cachot, qu’il vĂ©cut une expĂ©rience mystique lui faisant prendre conscience qu’il Ă©tait « Celui que Dieu rendra manifeste »[46]. Comme Bahā’u’llāh bĂ©nĂ©ficiait de puissantes protections, ses ennemis hĂ©sitĂšrent Ă  le tuer comme les autres bābis et dĂ©cidĂšrent de confisquer tous ses biens puis de l’exiler avec sa famille le plus loin possible, en espĂ©rant sa mort.

1853 fut l’annĂ©e oĂč Bahā’u’llāh commença son exil de 40 ans avec sa famille et ses compagnons. Quand il arriva Ă  BaÄĄdād le , il trouva la communautĂ© des rĂ©fugiĂ©s bābis dans la plus grande confusion et la plus grande misĂšre. Son demi-frĂšre MÄ«rzā Yaáž„yā NĆ«rÄ«, que le Bāb avec dĂ©signĂ© comme « chef » des bābis dans son testament (Lawáž„-i Vasaya), avait rĂ©ussi Ă  fuir la sanglante rĂ©pression des bābis Ă  Tākur et Ă  atteindre BaÄĄdād, oĂč il vivait cachĂ© sous le nom de កājÄ« ’AlÄ«y-i lās FurĆ«ĆĄ. Comme le dĂ©cret d’exil signĂ© par le roi de Perse NāáčŁiri’d-DÄ«n Ơāh Qājār ne le concernait pas, Bahā’u’llāh le pria de retourner en Perse pour y faire connaĂźtre le message du Bāb et servir la Foi. Mais, selon une version bahā’ie des Ă©vĂšnements que les azalis considĂšrent comme fausse et calomnieuse, il n’en fit rien et, sous l’influence de Siyyid Muáž„ammad-i IáčŁfāhānÄ«, il commença Ă  jalouser la renommĂ©e de Bahā’u’llāh, qui ne faisait que croĂźtre parmi la communautĂ© aprĂšs la rĂ©vĂ©lation de « l’épĂźtre de Toutes Nourritures » (Lawáž„-i Kullu’áč­ áčŹa’ām)[47].

Le , Bahā’u’llāh se retira dans les montagnes du Kurdistan prĂšs de SulaymānÄ«yyih pour vivre en ermite loin des querelles partisanes. Il ne revint que deux annĂ©es plus tard Ă  la demande des bābis, , pour reprendre la direction de la communautĂ© agonisante[48].

AprĂšs dix ans d’exil Ă  BaÄĄdād, la renommĂ©e et l’influence de Bahā’u’llāh s’étaient considĂ©rablement accrues, au point d’alarmer ses ennemis qui priĂšrent le gouvernement ottoman de l’exiler encore plus loin. En rĂ©ponse Ă  cette requĂȘte, le grand vizir `AlÄ« Pāƥā (1815-1871) et le ministre des Affaires Ă©trangĂšres Fu’ād Pāƥā (1815-1869), qui dirigeaient conjointement l’Empire ottoman, envoyĂšrent Ă  Bahā’u’llāh la ferme invitation de se rendre Ă  Constantinople. C’est juste au moment de partir, fin avril 1863 dans les jardins de Riឍvān, que Bahā’u’llāh dĂ©clara Ă  son entourage qu’il Ă©tait « Celui que Dieu rendra manifeste » annoncĂ© par le Bāb[49].

Naissance de la foi baha’ie

Schisme entre baha’is et azalis

áčąubáž„-i Azal, photographie du Capitaine Arthur Young, vers la fin de 1889 ou le dĂ©but de 1890, publiĂ©e par E. G. Browne en frontispice de sa traduction du Tarikh-I-Jadid.

AprĂšs le martyre du Bāb en 1850, plusieurs bābis dĂ©clarĂšrent ĂȘtre « Celui que Dieu rendra manifeste » annoncĂ© par le Bāb, mais aucun ne rĂ©ussit Ă  convaincre la communautĂ© bābie de la justesse de ses prĂ©tentions et quelques-uns se rĂ©tractĂšrent par la suite. Bahā’u’llāh prĂ©tendit avoir reçu la rĂ©vĂ©lation qu’il Ă©tait cette personne lors d’une expĂ©rience mystique qu’il vĂ©cut fin 1852 dans le cachot souterrain du SÄ«yāh-Čāl (le « trou noir »), mais il ne l’annonça Ă  son entourage qu’en 1863 au moment de partir pour son exil Ă  Constantinople. Cette annonce fut acceptĂ©e par beaucoup de bābis, qui gardaient en mĂ©moire les avertissements du Bāb au sujet des annĂ©es « neuf » (1852) et « dix-neuf » (1863) aprĂšs la naissance de la dispensation bābie. Certains bābis refusĂšrent cette annonce, en estimant qu’elle Ă©tait bien trop prĂ©coce par rapport aux valeurs numĂ©riques des termes Ä iyāáčŻ (1511) kaj MustaĥāáčŻ (2001) donnĂ©s Ă©galement par le Bāb.

Au cours de la seconde annĂ©e de l’exil Ă  Andrinople, selon une version bahā’ie des Ă©vĂšnements, que les azalis rĂ©futent comme mensongĂšre et calomnieuse, áčąubáž„-i Azal se rebella contre l’autoritĂ© revendiquĂ©e par Bahā’u’llāh, intrigua auprĂšs des autoritĂ©s turques, complota contre lui et essaya plusieurs fois de le tuer, en particulier en l’empoisonnant. Il s’ensuivit finalement un schisme entre bahā’is, partisans de Bahā’u’llāh et Azalis, partisans de áčąubáž„-i Azal. Ce que les bahā’is appellent la « Plus Grande SĂ©paration « devint officielle en septembre 1867, et peu de temps aprĂšs Bahā’u’llāh rĂ©vĂ©la son Merveilleux Livre Nouveau (Kitāb-i BadÄ«`) pour rĂ©futer les arguments de ses opposants dĂ©signĂ©s comme le « Peuple du Bayān « (Ahl-i Bayān), et surtout de Siyyid Muáž„ammad-i IáčŁfahānÄ«[50].

Ce conflit, parfois sanglant et meurtrier, indisposa la Sublime Porte ottomane qui dĂ©cida en 1868 de les exiler sĂ©parĂ©ment dans le vilayet de Syrie Ă  Saint-Jean-d’Acre (aujourd’hui en IsraĂ«l) et dans l’üle de Chypre Ă  Famagouste. Bahā’u’llāh s’éteignit Ă  Saint-Jean-d’Acre le et la religion indĂ©pendante (la foi bahā’ie) qu’il a fondĂ© Ă  partir du babisme s’est rĂ©pandue et s’est organisĂ©e Ă  travers le monde. áčąubáž„-i Azal s’éteignit Ă  Famagouste le et sa communautĂ© pĂ©riclita au cours du XXe siĂšcle, en ayant cependant jouĂ© un rĂŽle certain dans la rĂ©volution constitutionnelle persane de 1905 Ă  1909. Il ne reste actuellement que quelques milliers de bābis-azalis (qui s’appellent eux-mĂȘmes le Peuple du Bayān) sans vĂ©ritable organisation, principalement en Iran et en OuzbĂ©kistan[51] - [52].

Rang du Bāb dans la foi baha’ie

Les bahā’is sont accusĂ©s par les azalis de renier le message du Bāb et d’abaisser son rang. Bahā’u’llāh le considĂšre en effet comme un prĂ©curseur de sa propre rĂ©vĂ©lation, tout en indiquant que le Bāb est une « Manifestation de Dieu » douĂ©e d’immuabilitĂ©, semblable aux autres grands fondateurs de religion comme MoĂŻse, JĂ©sus ou Muáž„ammad, et que la durĂ©e extraordinairement courte de sa mission est « un mystĂšre tel qu’aucun esprit ne peut la sonder[53]. Shoghi Effendi (1897-1957), interprĂšte dĂ©signĂ© de la Foi bahā’ie de 1921 Ă  1957, explique qu’il est le hĂ©raut annoncĂ© dans les Ă©crits saints du passĂ© :

« Lui, le « Qā’im » (Celui qui s’élĂšve) promis aux chiites, le « MahdÄ« » (Celui qui est guidĂ©) attendu par les sunnites, le « Retour de saint Jean-Baptiste » espĂ©rĂ© par les chrĂ©tiens, le « Úƥīdar-Māh » auquel les Ă©critures zoroastriennes font allusion, le « Retour d’Élie » escomptĂ© par les juifs, dont la RĂ©vĂ©lation devait prĂ©senter « les signes et les preuves de tous les ProphĂštes », qui devait « manifester la perfection de MoĂŻse, le rayonnement de JĂ©sus et la patience de Job », Celui-lĂ  avait paru et proclamĂ© sa Cause, puis Il Ă©tait mort glorieusement aprĂšs d’impitoyables persĂ©cutions. Le « Second Malheur » dont il est parlĂ© dans l’Apocalypse de saint Jean l’ÉvangĂ©liste Ă©tait enfin arrivĂ©, et le premier des deux « Messagers », dont l’apparition est annoncĂ©e dans le Coran, avait Ă©tĂ© envoyĂ© sur Terre. La premiĂšre « Sonnerie de Trompette » destinĂ©e Ă  frapper la terre d’extermination, comme l’annonce ce dernier Livre, avait enfin retenti[54]. »

Notes et références

  1. « We call ourselves Bayani and consider the term Azali (which was fabricated as a term of derision by 'Abbas Effendi) an offensive and misleading. » The Bayani community of Iran, sur le site Iranian.com.
  2. Article en anglais de l'Encyclopaedia of the Orient.
  3. Musnad Ahmad ibn Hanbal, vol. 1, p. 99
  4. From Shaykhism to Babism : a study in charismatic renewal in Shi'ite Islam.
  5. Al-Bāb : Bayān persan, vol. 1 p. 43
  6. Al-Bāb : Bayān persan, vol. 3 p. 113
  7. Bahā’u’llāh : Kitāb-i Íqān (Livre de la certitude), p. 103-104
  8. site al-islam.org sur la « cité du savoir »
  9. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 8, p. 147
  10. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 3, p. 60
  11. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 18, p. 299-300
  12. SĂ©lections des Écrits du Bāb, p. 11, extrait de l’épĂźtre Ă  Muáž„ammad Ơāh
  13. Voir le Qur’ān 75/16-19, oĂč il est Ă©crit qu’aprĂšs avoir envoyĂ© la « rĂ©citation » (Qur’ān), Dieu se chargera d’envoyer son « explication » (Bayān)
  14. Al-Bāb : Bayān persan, 2/7
  15. Al-Bāb : Bayān persan, 8/9
  16. Sélection des écrits du Bāb, 129/32-37
  17. Al-Bāb : Bayān persan 5/19
  18. Al-Bāb : Bayān persan, 2/16 et 5/19
  19. Al-Bāb : Bayān persan, 3/13
  20. Coran 33/40
  21. Sélection des écrits de Bāb, 129/61-62
  22. Al-Bāb : Bayān persan, 7/13
  23. « MĂ©diathĂšque baha'ie: ÉpĂźtre du Bāb aux Lettres du Vivant. »
  24. John Walbridge : “Essays and Notes on Bābī and Bahā’ī History”, chapitre 3 dans H-Bahai Digital Library
  25. Denis MacEoin : “Deconstructing and Reconstructing the Shari’a: the Bābī and Bahā’ī Solutions to the Problem of Immutability” dans bahai-library.org
  26. Al-Bāb : Bayān persan, 2/6 et 7/13
  27. Al-Bāb : Bayān persan, 2/16, 2/17 et 3/15
  28. Shoghi Effendi : Dieu passe prĂšs de nous, p. 40-41
  29. « The Primal Point’s Will and Testament » traduit du persan en anglais et commentĂ© par Sepehr Manuchehri (2004)
  30. Lettre de la Maison Universelle de Justice adressĂ©e Ă  un bahā’i le 4 aoĂ»t 1980 rĂ©pondant Ă  la question d’un bahā’i au sujet du rang de áčąubáž„-i Azal que le Bāb n’avait pas nommĂ© en lui un vrai successeur, semblable Ă  Saint-Pierre, Ă  l’imām ‘AlÄ« ou Ă  ‘Abdu’l-Bahā, mais plutĂŽt un dirigeant ou un administrateur de la communautĂ© bābie jusqu’à l’apparition de « Celui que Dieu rendra manifeste ». Ce point de vue bahā’i n’est pas partagĂ© par les azalis, qui rappellent que áčąubáž„-i Azal est le successeur dĂ©signĂ© par le Bāb et refusent comme lui de reconnaitre en Bahā’u’llāh « Celui que Dieu rendra manifeste » annoncĂ© par le Bāb.
  31. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 2
  32. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 7
  33. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitres 8 et 9
  34. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 10
  35. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 13
  36. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 17
  37. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 16
  38. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 18
  39. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 19
  40. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 20
  41. The Primal Point’s Will and Testament traduit du persan en anglais et commentĂ© par Sepehr Manuchehri (2004) dans Research Notes in Shaykhi, Babi and Baha’i Studies (vol. 7, no 2)
  42. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 22
  43. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 23
  44. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 24
  45. Muងammad-i Zarandī, op. cit., chapitre 26
  46. Shoghi Effendi, op. cit., chapitre 6, p. 126-129
  47. Shoghi Effendi, op. cit., chapitre 7, p. 131-150
  48. Shoghi Effendi, op. cit., chapitre 7, p. 150-158
  49. Shoghi Effendi, op. cit., chapitre 9
  50. Shoghi Effendi, op. cit., chapitre 10
  51. Article en anglais de l'Encyclopaedia of the Orient
  52. Article en anglais de Denis MacEoin dans l'Encyclopaedia Iranica
  53. Shoghi Effendi, op. cit., chapitre 6, p. 115
  54. Shoghi Effendi, op. cit., chapitre 4, p. 75-76

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Les premiers travaux Ă  prĂ©tention scientifique pour l’étude du babisme furent ceux de l’orientaliste britannique Edward Granville Browne (1862-1926), professeur Ă  l’universitĂ© de Cambridge, et de Louis Alphonse Daniel Nicolas (1864-1938, dit « A.L.M. Nicolas »). Ce dernier Ă©tait un citoyen français nĂ© en Perse, qui devint interprĂšte en chef Ă  la lĂ©gation française de TĂ©hĂ©ran et se convertit au babisme, devenant ainsi le premier bābi occidental connu. Il traduisit en français les principaux Ă©crits du Bāb, qui furent Ă©ditĂ©s Ă  Paris dĂšs le dĂ©but du XXe siĂšcle.

Sources officielles baha’ies

  • Le BĂĄb : SĂ©lections des Ă©crits du BĂĄb, compilĂ© par le dĂ©partement de la recherche de la Maison Universelle de Justice et Ă©ditĂ© par la Maison d’édition bahá’íe (Bruxelles, 1984, 1re Ă©dition), D/1547/1984/1 [lire en ligne]
  • (en) Muáž„ammad-i ZarandÄ« NabÄ«l-i AÊżáș“am (trad. Shoghi Effendi), The Dawn-Breakers : NabĂ­l’s Narrative, Wilmette, Bahá’í Publishing Trust, (ISBN 978-0-900125-22-5, lire en ligne)
    Traduction française : Muáž„ammad-i ZarandÄ« NabÄ«l-i AÊżáș“am, La Chronique de NabĂ­l [« The Dawn-Breakers »], Bruxelles, Maison d’éditions bahá’íes, (lire en ligne)
  • (en) Shoghi Effendi, God Passes By, (lire en ligne)
    Traduction française : Shoghi Effendi, Dieu passe prĂšs de nous [« God Passes By »], Bruxelles, Maison d’éditions bahá’íes,

Autres

Liens externes

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