Assia Granatouroff
Assia, rarement désignée par son nom complet Assia Granatouroff, (Bogopol, Ukraine, — Paris 15e[1], )[2] - [3] a été dans l’entre-deux-guerres le modèle de nu de nombreux photographes, peintres et sculpteurs parisiens. Assia « incarne l'essence même de la photographie de nu de l'époque »[4].
Naissance | Bogopol (d) (Gouvernement de Podolie) |
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Décès |
(Ă 70 ans) 15e arrondissement de Paris |
Nationalité | |
Activités |
Une vie
Assia Granatouroff est la fille de Échiel et Méchama Granatouroff. Elle a un frère, Hersch[5]. Elle a trois ans quand son père, démocrate qui refuse le régime de Nicolas II, part pour les États-Unis en abandonnant les siens. C'est donc sans lui que sa famille vit le début de la Première Guerre mondiale et les horreurs de la révolution russe. Fin 1920, malgré la disparition de la monarchie en Russie, ce père ne retourne pas dans son pays, mais appelle sa femme et ses enfants à le rejoindre à Paris, où il vit chez sa sœur. Le voyage dure près d'un an. Assia a donc presque onze ans quand elle arrive à Paris.
Elle a seize ans quand elle quitte le domicile familial. Elle s'établit rue de Rennes, près de Montparnasse, qui est alors le centre de la vie artistique de Paris. Elle pratique le dessin, réalise des motifs floraux, qu'elle vend aux usines textiles du Nord, et des travaux de couture. À partir de 1930, elle est modèle pour des photographes comme Roger Schall, qui la découvre, Dora Maar, Germaine Krull, Ergy Landau, Emmanuel Sougez. Très vite, elle pose également pour de nombreux sculpteurs (Charles Despiau, qui nomme Assia une de ses œuvres, Aristide Maillol, Paul Belmondo, Chana Orloff) et peintres (André Derain, Moïse Kisling, Kees van Dongen, Marcel Gromaire, Suzanne Valadon, Henry de Waroquier, Edmond Ceria). Elle commence au Vieux-Colombier une carrière théâtrale qu'elle poursuivra sous la direction de Charles Dullin. En 1935, elle joue quelques rôles au cinéma et participe au film Les Yeux noirs de Victor Tourjansky.
En 1940, Assia Granatouroff se réfugie en zone libre. Arrêtée en 1943 à Cassis par la Gestapo avec l'acteur Robert Lynen parce que juive, soupçonnée d'appartenir (comme lui) au réseau Alliance, elle parvient à se faire libérer et se refugie en Suisse. Elle francise son nom et se fait désormais appeler Granatour. Son mari est arrêté lui aussi vers 1941; il revient de captivité en 1944. Le couple divorce en 1949.
À partir de 1950, elle se rapproche de l'ésotérisme, et sa production artistique s'oriente vers un symbolisme très personnel. Elle réalise des compositions de fleurs, dont elle a une « perception spirituelle », et des tapisseries inspirées de cartes de tarot. Elle expose entre 1972 et 1978.
Un cancer des os l'emporte en quelques semaines en mai 1982.
Un modèle
Les photographes de la Nouvelle Vision tournent le dos au pictorialisme de leurs prédécesseurs comme au surréalisme, et privilégient l'aspect graphique des clichés. Man Ray, Edward Weston photographient un sujet pour lui-même plus encore que comme représentation. On voit l'apparition du nu pour le nu, dans lequel « c'est la ligne qu'il faut étudier avant tout ; [...] comme la simplicité est une degré supérieur de beauté, c'est donc à la simplicité de la ligne qu'il nous faut parvenir. »[6] En même temps, l'époque voit l'essor de l’activité en plein air, l’exercice physique en groupe, bientôt libre de s’ébrouer pendant les congés payés.
Dans ce contexte, Assia est un modèle idéal : elle « rayonne d'une beauté et d'un charme parfaitement naturels »[7], « un peu garçonne, avec son carré blond, bouclé, ses jambes solides, son buste fin »[8], qui montre sans afféterie « un corps puissant qu’aucune maternité ou promesse de maternité n’alourdit »[9]. Elle pose en particulier pour les femmes photographes Dora Maar, Ergy Landau, Germaine Krull. Pour cette dernière, dans la réclame pour la poudre de riz Gibbs, la "Walkyrie d’acier" saisit l'objet tout en douceur[8].
Le sculpteur Charles Despiau dira de cette Ukrainienne dont il donnera plusieurs représentations : « Les épaules sont égyptiennes. Le bassin est grec. » Assia pose pour lui une ou deux fois par semaine de 1934 à 1938[7].
Pour en savoir plus
Photos
- Photos d'Assia, par
- « Germaine Krull, 1930 » (consulté le )
- « Emmanuel Sougez, 1935 » (consulté le )
Bibliographie
- Christian Bouqueret, Assia : catalogue de l'exposition, 10 novembre 1993 - 9 janvier 1994, Mont-de-Marsan, Musée Despiau-Wlérick,
- Christian Bouqueret, Assia, sublime modèle, Paris, Marval, (ISBN 978-2-86234-320-4, LCCN 2006422901)
- Véronique Pittolo, « Le corps d'Assia Granatouroff », Beaux Arts Magazine,‎
Filmographie
- (en) Assia Granatouroff sur l’Internet Movie Database[3]
Voir aussi
Principaux photographes ayant pris Assia Granatouroff comme modèle[2]:
Notes et références
- Archives de Paris 15e, acte de décès no 1275, vue 1/31
- Source: Bouqueret, 2006, p. 122
- Son patronyme ukrainien semble avoir causé quelque confusion chez ses contemporains parisiens. Dans une lettre citée par Bouqueret (2006, p. 16), la fille d'Emmanuel Sougez appelle Assia Grenet le modèle de son père, et les génériques des quelques films auxquels elle a participé la nomment Assia Grenay ou Nine Assia.
- « Paris capitale - Le nu / le portrait », (consulté le )
- Les éléments de biographie d'Assia sont tirés du livre de Christian Bouqueret (2006, page 122), qui a recueilli le récit de Hersch Granatouroff.
- Mentzel & Roux, Formes nues, Formes, Paris, 1935. Cité par Bouqueret 2006, p. 17
- Source: Bouqueret, 2006, p. 16
- Source: « "Assia, sublime modèle" sur photographie.com » (consulté le )
- Source: Elisabeth Lebon in Bouqueret, 1993.