Armée noire de Hongrie
L'Armée noire (en hongrois : Fekete sereg) est le nom donné aux diverses forces militaires polyglottes servant sous le roi Matthias Ier de Hongrie. L'ancêtre et le noyau de cette armée de mercenaires apparaît avec son père, le régent Jean Hunyadi, au début des années 1440. L'idée d'entretenir une armée permanente de mercenaires serait venue au prince Matthias en lisant la vie de Jules César[1].
Armée noire | |
Création | 1462 |
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Dissolution | 1493 |
Pays | Hongrie |
Allégeance | Tchèque (Bohème, Moravie, Silésie), Pologne, Serbie, germanophone |
Branche | Armée de terre, marine |
Type | Hussards, infanterie, artillerie, siège |
Effectif | environ 28 000 |
Guerres | Saint-Empire romain germanique, Bohème, Serbie, Valachie, Moldavie, Bosnie, Italie |
Batailles | bataille de Champ de Pain (1479) siège de Vienne (1485) |
Commandant | les principaux : Pál Kinizsi, Balázs Magyar, István Zapolya, János Haugwitz, Vuk Branković, Wilhelm Tettauer |
Commandant historique | Matthias Ier de Hongrie |
L'Armée noire a joué un rôle décisif dans de nombreuses batailles et a permis, notamment, d'infliger de lourdes défaites à l'armée ottomane en 1463 et 1476. Elle est officiellement dissoute en 1514 par le roi Ladislas Jagellon II.
Une armée permanente
Les historiens hongrois[2] limitent traditionnellement l'action de l'Armée noire de Hongrie aux années 1458 à 1494. À l'époque, les mercenaires des autres pays étaient recrutés parmi la population en temps de guerre : ils travaillaient le reste de l'année comme boulangers, fermiers, briquetiers, etc. Au contraire, les soldats de l'Armée noire étaient des hommes de guerre professionnels, employés à plein temps et rondement payés. C'est cette armée professionnelle qui parvint à conquérir une grande partie de l'Autriche (y compris sa capitale, Vienne, en 1485) et plus de la moitié du Royaume de Bohême (Moravie, Silésie et les deux Lusace), avant de remporter sa victoire la plus éclatante contre les Ottomans à la Bataille de Champ de Pain en 1479.
Matthias avait compris l'importance et même le rôle-clef que pouvaient jouer les armes à feu dans l'infanterie, et cette idée contribua grandement à ses victoires[3]. Un fantassin sur quatre était armé d'une arquebuse, ce qui représente une proportion anormalement élevée pour l'époque, étant donné le prix de la poudre noire[4] : même une décennie après la dissolution de l'Armée noire, au tournant du XVIe siècle, environ 10% des soldats d'Europe occidentale se servaient d'armes à feu[5] - [6]. L'armée de Hongrie se déclinait en trois armes : l'infanterie, l'artillerie et la cavalerie, elle-même divisée en cavalerie légère (estradiots ou « croates »), et cavalerie lourde. La cavalerie légère était chargée d'attaques surprises et d'assauts sporadiques, opportunistes, tandis que la cavalerie lourde, moins mobile, était commise à la couverture de l'infanterie et de l'artillerie.
Si, à ses débuts, le noyau de cette armée ne comprenait encore que 6 000 à 8 000 mercenaires[7] - [8], il variait entre 15 000 et 20 000 hommes dans les années 1480, et même la grande parade de victoire de 1485 à travers Vienne fit défiler 28 000 hommes (dont 20 000 cavaliers et 8 000 fantassins[9]). Ces mercenaires étaient principalement d'origine tchèque, allemande, croate ou polonaise[10] puis, à partir de 1480, hongroise. Ainsi, l'Armée Noire était beaucoup plus nombreuse que l'armée de Louis XI, alors la seule autre armée permanente d'Europe[11].
La mort de Matthias Corvin entraîna la dissolution de l'Armée Noire : les magnats de la chambre haute votèrent la réduction de l'impôt de 70–80%, mettant le royaume, comme quarante ans plus tôt, à la merci des puissances voisines[12], et plaçant le roi Ladislas II, nouvellement élu, dans l'obligation de financer de ses deniers son armée[7]. Il dut pour cela vendre des terres, concéder octrois et régales à ses barons. Une fois l'Armée Noire disparue, les magnats hongrois en profitèrent pour démanteler l'administration royale, qui les avait soumis pendant quatre décennies. Les marches du royaume redevinrent perméables aux pillards, les garnisons n'étant plus payées que de façon sporadique, et les forteresses tombèrent peu à peu en ruine[13].
Voir aussi
Notes
- Valery Rees, « Hungary's Philosopher King: Matthias Corvinus 1458–90 », History Today,‎ (lire en ligne)
- (hu) Tóth Zoltán, L'armée cosmopolite du roi Matthias [« Mátyás király idegen zsoldos serege »], Budapest, Stádium Sajtóállalat RT, , 376 p.
- (en) Clifford Rogers, The Oxford Encyclopedia of Medieval Warfare and Military Technology, vol. I, New York, Oxford University Press, , 152 p. (ISBN 978-0-19-533403-6, lire en ligne)
- Anthony Tihamer Komjathy, « A thousand years of the Hungarian art of war », Rakoczi Press, (version du 26 janvier 2011 sur Internet Archive)
- D'après Viktor Vajna et István Náday, Histoire militaire [« Hadtörténelem »], Budapest, Szövegrész, , p. 40.
- Courtlandt Canby, Histoire de l'armement, Londres, Recontre, p. 62.
- István Tringli, Encyclopaedia Humana Hungarica, Budapest, Encyclopaedia Humana Association, , CD-ROM (lire en ligne), « Military History: The Hunyadis and the Jagello age (1437–1526) »
- Clifford Rogers 2010, p. 9
- (en) William Caferro et Shelley Reid, The Oxford Encyclopedia of Medieval Warfare and Military Technology : Mercenaries – Zürich, Siege of, vol. 3, Oxford, Oxford University Press, , 1792 p. (ISBN 978-0-19-533403-6, lire en ligne), p. 306
- David Nicolle et Angus McBride (illustr.), Hungary and the fall of Eastern Europe 1000–1568, Londres, Osprey Publishing, (ISBN 0-85045-833-1), p. 12
- Jean Bérenger, Histoire de l'empire des Habsbourg : 1273-1918, Paris, Fayard, , 810 p., broché (ISBN 2-213-02297-6), p. 108
- Francis Fukuyama (trad. P. Guglielmina), Le début de l'histoire : Des origines de la politique à nos jours, Paris, Editions Saint-Simon, , 472 p. (ISBN 978-2-915134-57-5 et 2-915134-57-X)
- « A Country Study: Hungary », sur Geography.about.com, (version du 8 juillet 2012 sur Internet Archive)