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Arabomanie Ă©questre

L′arabomanie Ă©questre est un courant artistique, littĂ©raire et zootechnique europĂ©en, qui se traduit par une forte production d’œuvres ayant pour thèmes les chevaux et les cavaliers d'Orient, et par une prĂ©conisation de croisement des races de chevaux europĂ©ennes prĂ©sentes dans les haras avec le cheval arabe, vu comme un « amĂ©liorateur Â» universel. Parmi les Ĺ“uvres europĂ©ennes rattachĂ©es Ă  ce courant figurent le tableau des Chevaux arabes se battant dans une Ă©curie d'Eugène Delacroix, ou encore l'essai Les chevaux du Sahara, qu'Eugène Daumas Ă©crit en collaboration avec l'Ă©mir Abd el-Kader en 1851.

Les montures d'Abd-El-Kader d'Alfred de Dreux, une Ĺ“uvre typique de l'arabomanie Ă©questre.

L'arabomanie équestre témoigne d'une fascination de nombreux artistes européens pour l'Orient, dont certains voyagent en Algérie, au Maroc, ou encore en Égypte. Cette vision orientaliste est cependant souvent fantasmée et inexacte, en raison d'un syncrétisme important entre influences antiques, orientales et européennes. L'anglomanie équestre succède à ce courant, et parfois s'y oppose, dans le contexte d'une lutte des classes entre bourgeoisie et aristocratie.

DĂ©finition

Le terme d'« Arabomanie Â» Ă©questre est employĂ©, entre autres, par Jean-Pierre Digard, Daniel Roche[1], Bernadette Lizet[2] et Jean-Louis Gouraud, dans leurs ouvrages respectifs. D'après Bernadette Lizet, l'arabomanie europĂ©enne est au XIXe siècle fortement syncrĂ©tique, puisqu'elle amalgame Orient et Asie[3].

Histoire

Le cheval est fortement présent dans l'art européen du XIXe siècle. L'influence des représentations de la frise du Parthénon se fait ressentir sur les productions peintes et sculptées[4] : Goethe qualifie d′Urpferd le cheval représentés dans la statuaire grecque, ce que Claude Rolley traduit par une vision du cheval « primitif, archétypal et originel »[5]. L'arabomanie équestre est également influencée par l'œuvre abondante du peintre anglais George Stubbs, et notamment ses représentations du cheval attaqué par un lion[4].

En France, le mouvement est amorcĂ© par la campagne d'Égypte de NapolĂ©on Ier, les peintures d'Antoine-Jean Gros telles que Combat de Nazareth, tableau prĂ©curseur, tĂ©moignant d'une fascination nouvelle des peintres occidentaux pour les reprĂ©sentations Ă©questres de l'Orient[4]. Gros dĂ©peint plusieurs fois NapolĂ©on sur un cheval clairement identifiĂ© comme Ă©tant de « type arabe Â»[4].

La conquĂŞte de l'AlgĂ©rie par la France, entre autres, nourrit l'inspiration des artistes et des Ă©crivains, qui baignant dĂ©jĂ  dans leur propre culture Ă©questre occidentale, s'intĂ©ressent au « cheval oriental Â»[4]. Il s'ensuit de nombreux voyages d'artistes-peintres au Maghreb et en Orient, notamment celui d'Eugène Delacroix au Maroc en 1832, d'Horace Vernet et FrĂ©dĂ©ric Goupil-Fesquet en Égypte en 1839[6], puis de ThĂ©odore ChassĂ©riau en AlgĂ©rie en 1846, dont ils reviennent avec de nombreuses notes et des croquis dĂ©taillant le modèle des chevaux et le harnachement utilisĂ©[4].

La colonisation de l'Algérie française entraîne un fort transfert d'informations à propos de la culture équestre algérienne (avec le concours des spahis) dans diverses publications françaises, en particulier dans Les chevaux du Sahara d'Eugène Daumas en 1851, un livre co-écrit avec l'émir Abd el-Kader, qui exerce une influence importante sur les artistes et les zootechniciens de l'époque[6]. Dans les années 1850, le salon de peinture et de sculpture de Paris accueille de nombreux portraits de chevaux orientaux, y compris ceux de l'artiste allemand Théodore Schlöpke[6]. L'influence antique se fait souvent sentir dans ces œuvres[7].

Entre le et le , l'institut du monde arabe propose une exposition consacrée aux chevaux et cavaliers arabes, dirigée par Jean-Pierre Digard[8].

Thèmes artistiques représentés

D'après Christine Peltre, la fantasia est incontestablement le thème qui a le plus inspiré les artistes orientalistes parmi les scènes équestres, les thèmes du vol de chevaux et de la chasse à cheval étant également fréquents[7].

Chevaux représentés

De très nombreux types distincts de chevaux sont dĂ©peints sous le nom erronĂ© de « cheval arabe Â», incluant un vaste ensemble d'animaux originaires de Perse, de Syrie, d'Afrique du Nord ou encore du dĂ©sert d'Arabie[4].


Influence zootechnique

D'après Daniel Roche, il existe une opposition idĂ©ologique et sociale entre l'arabomanie et l'anglomanie Ă©questre[1]. Le courant zootechnique arabomane se traduit par une vague de recommandations de croisements des chevaux, français en particulier, avec le cheval arabe, mais aussi par un mythe des origines faisant de ce cheval arabe l'ancĂŞtre de toutes les autres races de chevaux, et de la bataille de VouillĂ© l’évĂ©nement fondateur Ă  l'origine de la diffusion du cheval arabe originel sur le territoire français[11]. Des pays orientaux comme occidentaux partagent et diffusent un mĂŞme mythe des origines Ă©quines, prĂ©sent notamment dans les Mille et une Nuits, ayant pour point commun l'intervention d'un ou de plusieurs chevaux orientaux sortis de l'eau (souvent après le naufrage d'un navire de transport) pour venir fĂ©conder des juments prĂ©sentes Ă  terre, et fonder ainsi une nouvelle race de chevaux[12]. AmĂ©lie Tsaag Valren rattache ce mythe aux « structures anthropologiques de l'imaginaire Â», dĂ©finies par Gilbert Durand[12].

Notes et références

  1. Roche 2008, p. 229.
  2. Lizet 2015, p. 69-70.
  3. Lizet 2015, p. 81.
  4. Digard 2002, p. 239.
  5. Claude Rolley, La sculpture grecque, vol. 2 : la période classique, Paris, Picard, , p. 101.
  6. Digard 2002, p. 240.
  7. Digard 2002, p. 241.
  8. Jérôme Garcin, Perspectives cavalières, Éditions Gallimard, , 160 p. (ISBN 978-2-07-265574-6 et 9782072655746), p. 19-30.
  9. « Cheval gris, Géricault », notice no 07290021834, base Joconde, ministère français de la Culture
  10. « Cheval arabe, Gros », notice no 06380000158, base Joconde, ministère français de la Culture
  11. Bataille et Tsaag Valren 2017, p. XIII.
  12. Bataille et Tsaag Valren 2017, p. XIV.

Annexes

Article connexe

Bibliographie

  • [Bataille et Tsaag Valren 2017] Lætitia Bataille et AmĂ©lie Tsaag Valren, Races Ă©quines de France, Paris, Éditions France Agricole, , 304 p. (ISBN 2-85557-481-1, OCLC 971243118, BNF 45194192)
  • [Digard 2002] Institut du monde arabe et Jean-Pierre Digard (dir.), Chevaux et cavaliers arabes dans les arts d'Orient et d'Occident, Éditions Gallimard et IMA, , 304 p. (ISBN 2-07-011743-X)
  • [Lizet 2015] Bernadette Lizet, La bĂŞte noire : Ă€ la recherche du cheval parfait, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Ethnologie de la France », , 341 p. (ISBN 978-2-7351-1805-2 et 9782735118052)
  • [Roche 2008] Daniel Roche, La culture Ă©questre occidentale, XVIe-XIXe siècle : l'ombre du cheval, vol. 1, Fayard, , 479 p. (ISBN 978-2-213-63631-3 et 9782213636313), p. 229
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