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André Leroi-Gourhan

André Leroi-Gourhan, né le à Paris et mort le à Paris[2], est un ethnologue, archéologue et historien français, spécialiste de la Préhistoire. C'est aussi un penseur des techniques et de la culture, qui cherche à allier précision scientifique et concepts philosophiques.

Biographie

Exemple générique de cheval peint du Paléolithique selon les caractéristiques typiques du Style III de Leroi-Gourhan : notez la microcéphalie et le ventre typiques de cette période.

Son nom complet de naissance est André, George, Léandre, Adolphe Leroi. Plus tard il ajoute à son patronyme celui de ses grands-parents maternels qui l'ont élevé[3]. Très tôt orphelin, il connaît une enfance difficile[4]. Il se passionne pour les galeries du Muséum national d'histoire naturelle et lit Les Hommes fossiles de Marcellin Boule que sa marraine lui a offert.

Après avoir quitté l'école à 14 ans, il reprend ses études et sur les conseils de Paul Boyer entre à l'École des langues orientales au sein de laquelle il étudie le russe (diplômé en 1931) et le chinois (diplômé en 1933)[4]. Parallèlement, il suit à l'École pratique des hautes études les cours de Marcel Granet et fréquente l’EPHE où il rencontre en 1934 Arlette Royer, qui y suit les cours d'ethnologie de Marcel Mauss. Tous deux participent à la transformation de l'ancien Musée d'ethnographie du Trocadéro[5] en Musée de l'Homme où André travaille dès 1933, ainsi qu'au département d'ethnographie du British Museum.

Il épouse en 1936 Arlette Royer (9 , Paris - , Vermenton[6]), avec laquelle il aura quatre enfants[7]. En , il part avec elle pour une mission ethnographique au Japon financée par le gouvernement japonais[8]. La rentrée universitaire le voit chargé d'enseignement à l’Institut franco-japonais de Kyoto. Sa femme l'aide activement comme photographe et secrétaire, et l'accompagne dans tous ses déplacements. En été 1938, ils étudient en particulier les derniers Aïnous de l’île d’Hokkaidō (nord de l’archipel japonais)[8].

Le couple revient en 1939, André ramenant une partie des matériaux pour sa thèse de doctorat ès-lettres dirigée par Marcel Mauss et consacrée à L'Archéologie du Pacifique Nord (soutenue le ). L'ensemble des matériaux collectés est publié par Arlette sous les deux noms (à titre posthume pour André) en 1989 en France et en 1991 au Japon[8].

De retour en France, il est nommé au musée Guimet et au musée Cernuschi de 1940 à 1944, date à laquelle il est nommé maître de conférences en ethnologie coloniale à l'université de Lyon sur une chaire créée par le ministère des colonies. Il y développe entre autres un enseignement de technologie comparée à partir de l’étude de collections d’objets ethnographiques de différents musées lyonnais. Ne concevant pas l’ethnologie sans une part de terrain, il sillonne le Mâconnais avec des étudiants qu’il initie à ce qu’il appellera plus tard l’ethnologie préhistorique.

Le , alors qu'il est attaché au musée Cernuschi, il reçoit un ordre de mission du directeur des musées nationaux le chargeant de se rendre au dépôt des musées nationaux de Valençay (Indre) pour y procéder à l’examen des collections du musée Guimet qui y sont abritées[9]. Son séjour, qui devait prendre fin le , est prolongé en raison du repli de l'armée allemande.

Il participe alors aux activités de la Résistance, ce qui lui vaut en 1945 la médaille de la résistance, la croix de guerre et la Légion d'honneur. En 1946, il est nommé sous-directeur du Musée de l'Homme et maître de recherches au CNRS. La même année, il fonde le Centre de formation aux recherches ethnologiques, qui forme les jeunes chercheurs aux méthodes ethnographiques[10].

En 1952 les Leroi-Gourhan achètent une maison à Vermenton ; André va y écrire ses ouvrages principaux. Vermenton est à km d'Arcy-sur-Cure où 4 ans plus tôt il a commencé des fouilles qui vont durer 16 ans, et où il établit son école de fouilles pionnière[11].

Il entreprend une deuxième thèse de doctorat, ès-sciences, consacrée aux Traces d'équilibres mécaniques du crâne des vertébrés terrestres (1954)[4]. En 1956, il succède à Marcel Griaule à la Sorbonne, à la chaire d'Ethnologie générale et Préhistoire, puis est élu à la chaire de Préhistoire du Collège de France de 1969 à 1982 et membre de l'Institut de France. En 1973, il reçoit la médaille d'or du CNRS[12].

Parmi ses élèves, on dénombre le chanteur Nino Ferrer, passionné d'archéologie, la psychanalyste Marguerite Derrida[13] et les archéologues Jean-François Jarrige, Claude-François Baudez et François Beaudouin. Sa bibliothèque et ses manuscrits de travail sont conservés à la Bibliothèque municipale de Périgueux[14].

Leroi-Gourhan et l’art préhistorique

André Leroi-Gourhan a proposé une approche radicalement nouvelle de l'interprétation de l'art pariétal paléolithique, basée sur un retour aux documents eux-mêmes, à l'analyse des relations de voisinage des œuvres et de leur position par rapport à la topographie des cavités. Il procède à un traitement statistique des représentations et aboutit à une lecture symbolique des figurations (pictogramme, mythogramme[15]) interprétées comme des symboles masculins ou féminins. Renonçant aux interprétations traditionnelles (magie, chamanisme, totémisme…), il conclut que les grottes ornées paléolithiques sont des sanctuaires religieux, emportant la conviction de la plupart des préhistoriens de l'époque. En revanche, sa théorie selon laquelle l'art pariétal du magdalénien se serait développé depuis les dessins les plus frustres jusqu'aux plus aboutis[16] a été largement infirmée par les datations ultérieures faites au carbone 14, qui témoignent plutôt du contraire. Ses plus proches héritiers sont M. Lorblanchet, Brigitte et Gilles Delluc.

Il participe au début de la paléoethnologie (appelée aussi palethnologie), l'étude des hommes préhistoriques dans leur milieu.

À Arcy-sur-Cure, site-clé pour le Châtelperronien, et plus précisément en étudiant la grotte du Renne dont il a commencé les fouilles en 1949, André Leroi-Gourhan énonce pour la première fois que les Néandertaliens (et non Homo sapiens comme on le croyait jusque là) sont probablement les hominidés associés au Châtelperronien[17].

Leroi-Gourhan et les méthodes de fouilles archéologiques

Au cours des fouilles qu'il a dirigées à la grotte des Furtins en 1945, dans les grottes d'Arcy-sur-Cure entre 1946 et 1963, puis sur le site magdalénien de Pincevent à partir de 1964, André Leroi-Gourhan a contribué à renouveler les méthodes de fouilles archéologiques. Il crée une école de fouilles pionnière à Arcy, où il promeut une rigueur d'étude jusque-là inconnue : étude des sols d'habitat et de leurs éléments, emplacement desdits éléments, établissement d'un plan préalablement à la fouille[11] - [18]. Les sites exceptionnellement conservés de la grotte du Renne à Arcy (intacte car découverte seulement en 1939 par P. Poulain) et de Pincevent lui permettent de développer une analyse spatiale des habitats préhistoriques grâce à la fouille par décapages, à l'origine de l'ethnologie préhistorique française.

Autre fouille pionnière qui a un grand retentissement dû à sa méthode : celle de l'hypogée néolithique du Mesnil-sur-Oger (Marne)[19], où un autre hypogée a peu avant été fouillé de façon extrêmement désordonnée par L. Coutier et A. Brisson[20]. La fouille Leroi-Gourhan est réalisée conjointement avec M. Brézillon et G. Bailloud. La publication en 1962 du compte rendu de ces fouilles engendre un remaniement complet des méthodes de fouilles et étude des sépultures, et en particulier celle des sépultures collectives[21].

Leroi-Gourhan, l'ethnologie et la sociologie

André Leroi-Gourhan a consacré une partie de son œuvre à l'anthropologie des techniques, fournissant à la fois des principes théoriques (les concepts de tendances et de faits techniques, de milieu technique, de milieu favorable à l'invention et à l'emprunt), des cadres méthodologiques (les méthodes d'analyse des degrés du fait et de la chaîne opératoire) et une classification générale de l'action technique.

Ces apports fondamentaux à l'épistémologie de ce champ disciplinaire sont réunis dans différents ouvrages d'André Leroi-Gourhan tels que L'Homme et la matière (1943/1971), Milieu et techniques (1945/1973) ou Le Geste et la parole (vol. 1 : Technique et langage, 1965 ; vol. 2 : La mémoire et les rythmes, 1965).

André Leroi-Gourhan fut un grand pédagogue tant en ethnologie qu'en archéologie. Son œuvre fut donc poursuivie par de nombreux chercheurs (Robert Cresswell, Hélène Balfet, Christian Pelras, Pierre Lemonnier, Christian Bromberger, Giulio Angioni en Italie, Jean-Pierre Digard, Aliette Geistdoerfer, Claude Royer, Bruno Martinelli, Colette Pétonnet), ce qui constitue une école française d'ethnologie des techniques plus reconnue comme telle dans les pays anglo-saxons et en Italie qu'en France même. Plusieurs équipes de recherche s'inscrivent dans la tradition de pensée d'André Leroi-Gourhan : le groupement de recherche « Matières et manières » successivement dirigé par Hélène Balfet, Christian Pelras et Bruno Martinelli ; et l'équipe de « Technologie culturelle » longtemps dirigée par Robert Cresswell puis Aliette Geistdoerfer, connue aussi sous le nom de sa revue Techniques et culture, revue fondamentale pour la définition du champ disciplinaire.

AndrĂ© Leroi-Gourhan a aussi une influence importante dans le champ du travail, avec l'analyse pluridisciplinaire des situations de travail d'Yves Schwartz, la « clinique de l'activitĂ© Â» initiĂ©e par son Ă©lève Yves Clot[22], et la sociologie du travail avec notamment Pierre Naville et François Vatin[23]. En sociologie, il constitue plus largement une rĂ©fĂ©rence pour le renouveau des thĂ©ories de l'action, chez Jean-Claude Kaufmann[24], Laurent ThĂ©venot[25], Nicolas Dodier[26], Giulio Angioni[27], Albert Piette et, quoique sur un registre plus polĂ©mique, Bruno Latour. Sa mĂ©thode de classification et ses concepts ont exercĂ© une grande influence sur la philosophie des techniques de Gilbert Simondon ou celle de la gĂ©ographie d'Augustin Berque (Écoumène : Introduction Ă  l’étude des milieux humains).

L'apport d'Arlette Royer

Portrait d'André Leroi-Gourhan.

Diplômée de l’École du Louvre, Arlette Royer suit le cours d’ethnologie de Marcel Mauss à l’EPHE[5]. À partir de 1954, dans le cadre de l’école de fouille d’André Leroi-Gourhan à Arcy-sur-Cure (Yonne), elle aborde la palynologie des dépôts préhistoriques en grotte. Elle se forme à la morphologie pollinique avec Madeleine Van Campo et obtient en 1955 la mise à disposition de locaux au musée de l’Homme pour y installer un laboratoire[28] où elle formera de nombreux palynologues de renommée internationale[29]. Faisant de nombreux voyages, elle aborde également diverses branches d'étude dont la paléoclimatologie et la paléoethnobotanique ; elle est ainsi chargée d'analyser les sépultures du Néanderthalien IV de Shanidar et de la momie de Ramsès  II. Plusieurs de ses quelque 180 publications sont écrites conjointement avec André Leroi-Gourhan. Elle est faite chevalier de l'Ordre du Mérite en 1990[30].

Principales publications

Notes et références

Notes

    Références

    1. « https://salamandre.college-de-france.fr/ead.html?id=FR075CDF_00CDF0076 » (consulté le )
    2. Relevé des fichiers de l'Insee
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    6. Emery-Barbier et al. 2006, paragr. 1.
    7. Emery-Barbier et al. 2006, paragr. 4.
    8. Emery-Barbier et al. 2006, paragr. 3.
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    29. Emery-Barbier et al. 2006, paragr. 11.
    30. Emery-Barbier et al. 2006, paragr. 13.

    Annexes

    Bibliographie

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