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Amphimedon queenslandica

Amphimedon queenslandica est une espèce d'Ă©ponges (Porifera) appartenant Ă  la classe des dĂ©mosponges.

Elle est présente au sein de la Grande Barrière de corail près de l’Australie, et se développe sur le corail mort dans les zones où l’eau est peu profonde. Son squelette est riche en spongine mais contient peu de microsclères[2].

Son génome a été séquencé en 2009 et depuis elle est considérée comme un animal modèle pour la recherche concernant la biologie évolutive du développement[3].

Le génome d’Amphimedon queenslandica contient plusieurs gènes codant des facteurs de transcription ou encore des gènes impliqués dans l’indication du patron de développement. Son répertoire de gènes indique que l’ancêtre des métazoaires possédait déjà un bagage semblable à celui des bilatériens plus modernes[3]. Amphimedon queenslandica produit également un nombre important d’embryons et de larves tout au long de l’année ce qui représente un atout important lorsque vient le temps de choisir un animal pour étudier l’ADN[2].

Amphimedon queenslandica et l'Ă©volution de la complexitĂ©

Les Ă©ponges sont des organismes de choix pour les scientifiques qui Ă©tudient l’origine des processus ayant menĂ© Ă  la multicellularitĂ© chez les mĂ©tazoaires, puisqu’elles sont considĂ©rĂ©es comme Ă©tant les mĂ©tazoaires les plus anciens. Bien que l’absence d’un système nerveux ainsi que d’un intestin ait relĂ©guĂ© les Ă©ponges au stade de Parazoaire, elles restent pertinentes puisqu’elles possèdent des gènes clĂ©s responsables du patron de dĂ©veloppement et de la signalisation et leur embryon très similaire Ă  celui des animaux. Il y a aussi plusieurs gènes conservĂ©s chez les animaux qui ne sont pas prĂ©sents dans le gĂ©nome d’A. queenslandica, cela indique qu’il y a eu une expansion du gĂ©nome des animaux Ă  la suite de leur divergence avec les Ă©ponges ou bien une perte de gènes chez ceux-ci, ces gènes Ă©tant probablement liĂ©s Ă  la complexitĂ© des organismes[3].

Le génome de A. queenslandica donne des informations sur les six éléments importants qui sont associés à la multicellularité chez les métazoaires soit :

RĂ©gulation du cycle cellulaire et de la croissance

Les principaux éléments impliqués dans la machinerie cellulaire et le cycle cellulaire étaient présents chez les premiers organismes eucaryotes, cependant, certains mécanismes de grande importance sont apparus beaucoup plus récemment. Par exemple, les gènes codant les protéines p53, p63 et p73 qui sont impliqués dans la suppression de tumeurs sont présents chez tous les organismes eucaryotes (unicellulaires et multicellulaires), par contre, la kinase HIPK qui phosphoryle p53 et la ligase ubiquitine MDM2 qui régule p53 sont plutôt spécifique aux métazoaires (qui sont multicellulaires)[3].

Apoptose et mort cellulaire programmée

Contrairement aux composants de la machinerie cellulaire et rĂ©gulateurs du cycle cellulaire, les processus menant Ă  la mort programmĂ©e des cellules sont une caractĂ©ristique unique aux animaux et ces processus se complexifient, plus l’animal chez lequel il se trouve est complexe (plus complexe chez les animaux bilatĂ©riens). En effet, chaque processus responsable de la mort programmĂ©e des cellules (extrinsèque et intrinsèque) nĂ©cessite la prĂ©sence de caspases qui sont dans les faits une famille de cystĂ©ines protĂ©ases et spĂ©cifique aux mĂ©tazoaires. A. queenslandica possède en son gĂ©nome le matĂ©riel gĂ©nĂ©tique nĂ©cessaire pour les initiateurs de caspases avec les domaines de recrutement et prĂ©curseurs de mort caractĂ©ristiques de ceux-ci[3].

Adhésion cellule-cellule et cellule-matrice

Chez Monosiga (un choanoflagellĂ© unicellulaire), les domaines de deux familles de protĂ©ines responsables de l’adhĂ©sion entre cellules sont prĂ©sents, il s’agit des cadhĂ©rines et des immunoglobulines.  Chez A. queenslandica, les cadhĂ©rines sont diffĂ©rentes et possèdent une architecture qui est propre aux cadhĂ©rines retrouvĂ©es chez les mĂ©tazoaires. Les rĂ©cepteurs extracellulaires intĂ©grines a et b sont prĂ©sents chez A. queenslandica et les autres mĂ©tazoaires, mais sont absents chez Monosiga et les autres organismes eucaryotes qui ne font pas partie des mĂ©tazoaires ce qui laisse croire qu’ils sont prĂ©sents seulement chez les organismes multicellulaires[3].

Signalisation développementale et transcription

Il y a plusieurs diffĂ©rences entre les Ă©ponges comme A. queenslandica et le reste des mĂ©tazoaires qui semblent ĂŞtre dues Ă  la diffĂ©rence dans la complexitĂ© de la morphologie. En effet, les Ă©ponges ne semblent pas possĂ©der de mĂ©soderme, l’étude du gĂ©nome d’A. queenslandica vient corroborer cette hypothèse puisque celui-ci ne possède pas de gènes codant les facteurs de transcription impliquĂ©s dans le dĂ©veloppement du mĂ©soderme. Cependant, elles possèdent les facteurs transcription qui sont nĂ©cessaires Ă  la diffĂ©rentiation des muscles et nerfs, mĂŞme si elles sont dĂ©pourvues de système nerveux. A. queenslandica est par contre dĂ©pourvue de certains gènes Hox et autres facteurs de transcription impliquĂ©s dans la formation du système nerveux et dans le patron de dĂ©veloppement[3].

Reconnaissance du soi et immunité innée

L’évolution de la multicellularitĂ© est associĂ©e Ă  l’apparition de mĂ©canismes de dĂ©fense pour Ă©viter l’entrĂ©e de pathogènes. L’analyse du gĂ©nome d’A. queenslandica a permis de conclure que bien que certains gènes de l’immunitĂ© aient Ă©tĂ© prĂ©sents tĂ´t dans l’évolution des organismes eucaryotes, il reste que la plupart de ces gènes sont propres aux animaux et sont apparus plus tard dans l’évolution comme les rĂ©cepteurs Toll-like et les rĂ©cepteurs interleukin-1.

Le gĂ©nome d’A. queenslandica encode des facteurs d’agrĂ©gation qui permettent l’adhĂ©sion entre cellules et pourraient ĂŞtre impliquĂ©s dans la reconnaissance du soi (immunologie). La prĂ©sence de plusieurs gènes reliĂ©s Ă  l’agrĂ©gation chez A. queenslandica indique que la reconnaissance du soi pourrait ĂŞtre sous le contrĂ´le d’une famille multigĂ©nique[3].

Différenciation cellulaire

Chez les éponges, les cellules se regroupent pour former une couche semblable à un tissu, mais ce n’en est pas un. La formation d’un vrai tissu épithélial, qui implique l’alignement de cellules avec une polarité, des jonctions et la formation d’une membrane basale, semble être une innovation des eumétazoairesAqueenslandica, possède quelques protéines reconnues comme étant spécifiques aux métazoaires et jouant un rôle dans la détermination de la polarité des cellules épithéliales, le reste de la machinerie est apparu plus tard dans l’évolution chez les organismes plus complexes[3].

Évolution des protéines qui lient l'ARN (RNA binding proteins)

Les protĂ©ines liant l’ARN (RBP ou RNA binding proteins) jouent un rĂ´le important dans plusieurs processus biologique, comme la rĂ©gulation de l’expression des gènes. Les RBP ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©es dans plusieurs organismes, mais on en connait peu sur la façon dont ont Ă©voluĂ© ces protĂ©ines. Il y a un bon nombre de RBP qui ont Ă©tĂ© identifiĂ©es chez A. queenslandica ce qui peut donner une idĂ©e sur la forme et la fonction que prenait ces protĂ©ines lors de leur Ă©mergence chez un organisme basal comme A. queenslandica.

La plupart des protĂ©ines qui lient l’ARN sont apparues avant la divergence entre les eumĂ©tazoaires et les Ă©ponges. Plusieurs RBP jouent un rĂ´le crucial dans la rĂ©gulation des processus et du dĂ©veloppement des organismes bilatĂ©rales, mais chez les Ă©ponges elles ne sont pas d’une si grande importance. Cela laisse croire que les RBP, lorsqu’elles sont apparues, avaient un autre rĂ´le ancestral qui diffère de celui jouĂ© chez les bilatĂ©riens du prĂ©sent. MĂŞme si le rĂ´le des RBP diffère selon l’espèce, elles restent importantes pour la multicellularitĂ©, comme le prouve la conservation d’environ 200 RBP chez diffĂ©rentes lignĂ©es d’animaux qui sont sĂ©parĂ©s depuis plusieurs millions d’annĂ©es ce qui suggère que ces protĂ©ines ont jouĂ© un rĂ´le important dans le maintien de la multicellularitĂ© depuis son origine[4].

Expression de Wnt et TGF-β  chez Amphimedon queenslandica

Les mécanismes d’adhésion entre cellules et de coopération cellulaire étaient une condition clé à respecter dans l’évolution des métazoaires, cependant, l’évolution de ces mécanismes est plus ou moins bien connue bien que certains éléments impliqués durant le développement embryonnaire ait été retrouvé chez plusieurs types d’éponges. L’étude du génome d’A. queenslandica et de l’expression des gènes Wnt et TGF-β durant le développement embryonnaire constitue un pas en avant vers la compréhension des systèmes de détermination du patron de développement présents chez le dernier ancêtre commun des eumétazoaires[5].

Les gènes Wnt et TGF-β sont impliquĂ©s dans le dĂ©veloppement des organismes, dans l’organisation du patron de dĂ©veloppement et ils sont exprimĂ©s durant le dĂ©veloppement embryonnaire de A. queenslandica ce qui sous-entend que ces gènes sont apparus avant la divergence entre les Ă©ponges et les eumĂ©tazoaires. Chez A. queenslandica, l’expression tĂ´t de ces gènes dans le dĂ©veloppement laisse croire qu’ils jouent un rĂ´le dans la dĂ©termination de la polaritĂ© axiale. Lorsque l’embryon d’A queenslandica commence Ă  prĂ©senter un axe postĂ©rieur-antĂ©rieur, l’expression de Wnt est surtout dans le pĂ´le postĂ©rieur tandis que TGF-β est exprimĂ© au pĂ´le antĂ©rieur[5].

 Wnt et TGF-β semblent agir ensemble pour moduler le patron de dĂ©veloppement des cellules et ce depuis le dernier ancĂŞtre commun Ă  tous les mĂ©tazoaires. Selon toute vraisemblance, le dernier ancĂŞtre commun de tous les mĂ©tazoaires existants possĂ©dait donc la capacitĂ© de former des structures complexes[5].

RĂ©pertoire de RCPG chez Amphimedon queenslandica

A. queenslandica possède un grand rĂ©pertoire de rĂ©cepteurs couplĂ©s aux protĂ©ines G ou RCPG (G protein-coupled receptor ou GPCR), environ 220, ces protĂ©ines appartiennent Ă  quatre familles : GlutamateRhodopsineAdhesion et Frizzled. Il y a peu de sĂ©quences orthologues lorsqu’on compare les protĂ©ines de la famille Rhodopsine de cette Ă©ponge avec ceux retrouvĂ©es chez les eumĂ©tazoaires et les bilatĂ©riens. Les RCPG de type Rhodopsine ont donc considĂ©rablement divergĂ© de ceux retrouvĂ©s chez les autres mĂ©tazoaires basaux.  

A. queenslandica possède plusieurs RCPG de type AdhĂ©sion, soit environ 40. Cela reprĂ©sente l’une des premières expansions de ce type de rĂ©cepteur dans l’évolution des mĂ©tazoaires. L’expansion de ces rĂ©cepteurs très tĂ´t dans l’évolution des mĂ©tazoaires a probablement Ă©tĂ© causĂ© par l’évolution de la multicellularitĂ© chez les premiers mĂ©tazoaires, car la capacitĂ© d’adhĂ©sion entre cellules est une composante primordiale de la multicellularitĂ©. Un autre fait intĂ©ressant par rapport Ă  cette famille de RCPG est qu’au moins huit de ses reprĂ©sentantes possèdent un domaine de liaison Ă  une hormone (hormon binding motif ou HRM domain), cependant il n’y a pas de signe d’hormones chez les porifères[6].

Évolution de la gastrulation

Embryons d'Amphimedon queenslandica

Pendant le dĂ©veloppement d’A. queenslandica, les couches de cellules qui se forment lors de l’embryogĂ©nèse n’ont pas de relations avec les couches de cellules qui sont prĂ©sentes au stade juvĂ©nile. MalgrĂ© le manque de dĂ©termination d’identitĂ© cellulaire et de stabilitĂ© dans cette Ă©ponge, le facteur de transcription GATA est exprimĂ© de manière constante dans les couches de cellules interne de l’éponge. Ce facteur de transcription est hautement conservĂ© chez les eumĂ©tazoaires et est un marqueur endo mĂ©sodermique. NĂ©anmoins, il semble que les couches cellulaires des Ă©ponges ne soient pas homologues Ă  ceux des eumĂ©tazoaires. L’expression du facteur de transcription GATA dans les couches internes de l’éponge suggère une relation ancestrale avec l’endo mĂ©soderme des eumĂ©tazoaires et que le rĂ´le ancestral de GATA dans la signalisation des cellules des couches internes, prĂ©cĂ©derait l’origine des diffĂ©rents feuillets embryonnaires (endodermemĂ©sodermeectoderme). La gastrulation et la formation des feuillets embryonnaires est donc apparue tĂ´t dans l’évolution des eumĂ©tazoaires après leur divergence avec les porifères et ce, Ă  partir de processus de dĂ©veloppement prĂ©existants qui Ă©taient utilisĂ©s pour la signalisation simple des cellules chez les premiers animaux multicellulaires. L’évolution des gènes permettant la dĂ©termination des feuillets cellulaires est le rĂ©sultat de l’émergence de couches cellulaires primitives et de mĂ©canismes contrĂ´lant cette sĂ©grĂ©gation des cellules. La majoritĂ© des gènes jouant un rĂ´le dans la gastrulation chez les eumĂ©tazoaires ainsi que dans la dĂ©termination des feuillets cellulaires, sont apparues après la divergence des eumĂ©tazoaires et des porifères. Le fait que le facteur de transcription GATA soit exprimĂ© chez tous les mĂ©tazoaires ainsi que les ligands pour Wnt et TGF-β, laisse croire que ces gènes Ă©taient essentiels dans le dĂ©veloppement des premiers animaux, ils devaient jouer un rĂ´le critique dans la transmission d’informations concernant le positionnement des cellules. La combinaison de ces gènes avec de nouveaux gènes apparus plus tard chez les eumĂ©tazoaires, a permis la spĂ©cification des couches cellulaire et l’émergence des feuillets cellulaires tel qu’on les connait aujourd’hui chez les eumĂ©tazoaires[7].

Notes et références

  1. Catalogue of Life Checklist, consulté le 25 janvier 2018
  2. N.A. John, Rob Hooper et W.M. Van Soest, A new species of Amphimedon (Porifera, Demospongiae, Haplosclerida, Niphatidae) from the Capricorn-Bunker Group of Islands, Great Barrier Reef, Australia: target species for the sponge genome project, Zootaxa Magnolia Press no 1314, 2006, p. 31-39.
  3. M. Srivastava, O. Simakov, J. Chapman, B. Fahey, M. Gauthier, T. Mitros, et al., The Amphimedon queenslandica genome and the evolution of animal complexity, Nature, 466 (7307), 2010 : 720-726.
  4. P. Kerner, S. Degnan, L. Marchand, B. Degnan, M. Vervoort, Evolution of RNA-Binding Proteins in Animals: Insights from Genome-Wide Analysis in the Sponge Amphimedon queenslandicaMolecular Biology And Evolution, 28 (8), 2011 : 2289-2303. 
  5. M. Adamska, S. Degnan, K. Green, M. Adamski, A. Craigie, C. Larroux, B. Degnan, Wnt and TGF-β Expression in the Sponge Amphimedon queenslandica and the Origin of Metazoan Embryonic PatterningPlos ONE, 2 (10), : e1031.
  6. A. Krishnan, R. Dnyansagar, M. AlmĂ©n, M. Williams, R. Fredriksson, N. Manoj, H. Schiöth, The GPCR repertoire in the demosponge Amphimedon queenslandica: insights into the GPCR system at the early divergence of animalsBMC Evolutionary Biology, 14 (1), 2014.
  7. N. Nakanishi, S. Sogabe, B. Degnan, Evolutionary origin of gastrulation: insights from sponge development, BMC Biology, 12 (1), 2014 : 26.

Référence taxonomiques

Liens externes

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