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Allée couverte de Dampsmesnil

L’allée couverte de Dampsmesnil est une allée couverte remarquable par la sculpture qui figure sur l’un des supports. Elle est située sur la commune de Dampsmesnil dans le département de l’Eure en France.

Allée couverte de Dampsmesnil
Image illustrative de l’article Allée couverte de Dampsmesnil
Allée couverte en 2016
Présentation
Nom local Trou aux loups
Dolmen d’Aveny
Type Allée couverte
PĂ©riode NĂ©olithique
Faciès culturel Mégalithisme
Protection Logo monument historique ClassĂ© MH (1907)
Visite Libre d’accès
Caractéristiques
Dimensions Longueur 10,5 m sur 1,67 m de large
Matériaux calcaire
GĂ©ographie
CoordonnĂ©es 49° 10′ 31″ nord, 1° 39′ 01″ est
Pays France
RĂ©gion Normandie
DĂ©partement Eure
Commune Dampsmesnil
GĂ©olocalisation sur la carte : Eure
(Voir situation sur carte : Eure)
Allée couverte de Dampsmesnil

Localisation

Le mégalithe est situé dans le bois de la Garenne en léger retrait du sommet du versant sud-ouest d’une vallée sèche.

Description

Le monument est composĂ© d’une chambre et d’un vestibule orientĂ© au sud-ouest. Sa longueur totale est de 10,5 m [1], sa largeur moyenne est de 1,67 m et sa hauteur libre de m ; elle atteint mĂŞme 2,25 m Ă  l’entrĂ©e. Le sol est formĂ© de dalles de pierre plates brutes de 0,25 m Ă  0,35 m de longueur sur 0,15 m Ă  0,20 m de largeur[2].

Chambre

La longueur de la chambre est de 5,81 m. Elle Ă©tait constituĂ©e de huit supports sur lesquels reposaient trois dalles de couverture. Deux sont toujours en place mais celle qui protĂ©geait le fond de la chambre a Ă©tĂ© brisĂ©e et ses morceaux parsèment le site actuel[2]. Le fond de la galerie est fermĂ© par un bloc de m de largeur sur 1,80 m de haut et 0,40 m d’épaisseur[3].

Dalle percée

Comme de nombreuses allĂ©es couvertes des environs (la BellĂ©e, Pinterville, Bois-Couturier), la chambre est sĂ©parĂ©e du vestibule par une dalle percĂ©e fermĂ©e d’un bouchon en pierre. Sa partie infĂ©rieure a Ă©tĂ© retrouvĂ©e lors des fouilles de 1894. Elle mesure 2,92 m de long[4] pour une Ă©paisseur de 0,23 m. Le bord infĂ©rieur du trou est Ă  0,76 m du dallage. Sa longueur largement supĂ©rieure Ă  la largeur du couloir s’explique par son encastrement entre les supports sĂ©parant la chambre du vestibule.

Le diamètre de l’orifice est d’environ 0,60 m. Il a la particularitĂ© d’être entourĂ© d’une feuillure de 75 mm de profondeur sur 70 mm de largeur. On observe le mĂŞme type d’entaille sur l’allĂ©e couverte de Dampont Ă  Us Ă  25 km de lĂ [2] ainsi que la mĂŞme disposition encastrĂ©e de la dalle percĂ©e. Comme dans les autres sĂ©pultures oĂą ce type de fermeture a Ă©tĂ© retrouvĂ©, il est probable que le bouchon de pierre Ă©tait maintenu en place par une poutre coincĂ©e dans les parois. La feuillure assurait l’étanchĂ©itĂ© entre la chambre funĂ©raire oĂą les corps se dĂ©composaient et le vestibule oĂą les cĂ©rĂ©monies funĂ©raires pouvaient se tenir. La qualitĂ© du travail de cette pierre dont l’ouverture est presque parfaitement circulaire montre le degrĂ© d’évolution atteint par ces populations[5].

Vestibule et sculpture

Croquis de la sculpture du support relevé par Adrien de Mortillet vers 1889

La longueur actuelle du vestibule est de m mais les destructions subies par le monument au cours des siècles laissent planer le doute sur la longueur originelle[1]. Une seule dalle de couverture a été retrouvée sur place. Elle a été replacée en 1894 sur le support sculpté pour le protéger[3].

Le premier support à gauche de la dalle percée est en effet orné d’une représentation féminine consistant en une figure en relief de forme ovale, encadrée de trois bourrelets concentriques, au bas desquels deux mamelons font saillie. D’après le préhistorien Adrien de Mortillet, une sculpture identique se retrouve sur l’Allée couverte du Trou aux Anglais, déplacée d'Épône dans les fossés du Château de Saint-Germain-en-Laye[6]. D’autres dolmens portent des figures semblables : allée couverte du Bois-Couturier à Guiry-en-Vexin, Pierre Turquaise ou dolmen de la Bellée à Boury-en-Vexin. Elles symbolisent, pense-t-on, la « déesse des morts »[7] ou déesse funéraire, témoignant peut-être d’une influence méditerranéenne[8]. D’autres archéologues y voient le signe que l’antichambre servait d’espace cérémoniel lors des inhumations[9]. Seul mégalithe de Normandie présentant un décor gravé[10], la sculpture a fait l’objet d’un moulage en résine en , elle est maintenant exposée dans cinq musées[11].

  • EntrĂ©e de la chambre
    Entrée de la chambre
  • Support sculptĂ©
    Support sculpté
  • Vue de la chambre funĂ©raire
    Vue de la chambre funéraire
  • Chambre funĂ©raire Ă  droite
    Chambre funéraire à droite

Historique

Utilisation du dolmen

La date de construction du monument est estimĂ©e entre 2 500 ans av. J.-C. et 2 000 ans av. J.-C. ce qui correspond au nĂ©olithique final. Ses bâtisseurs Ă©taient des agriculteurs sĂ©dentaires appartenant Ă  la culture Seine-Oise-Marne[9] - [11]. Les fouilles ont rĂ©vĂ©lĂ© qu’il a Ă©tĂ© rĂ©utilisĂ© Ă  l’époque romaine et vidĂ© alors des ossements et du mobilier qui s’y trouvait. Des ossements humains mĂ©langĂ©s Ă  des dĂ©bris de poterie et des morceaux de tuiles Ă  rebord prouvent que le monument a conservĂ© son rĂ´le de sĂ©pulture. On y a mĂŞme trouvĂ© une « pièce en bronze d’aspect romain »[12]. Puis le mĂ©galithe n’intĂ©ressa plus que les chercheurs de trĂ©sor. Des fouilles y furent entreprises quelques annĂ©es avant la RĂ©volution dans l’espoir d’y trouver des objets de valeur mais sans qu’aucun rapport Ă©crit ne soit conservĂ©[13]. Au dĂ©but du XIXe siècle, d’après les tĂ©moignages recueillis par le vicomte de Pulligny, l’allĂ©e couverte mesurait 17 m de long et Ă©tait toujours recouverte de dalles. On pouvait la parcourir sans se pencher et une dalle percĂ©e en obstruait le passage. C’est Ă  cette Ă©poque que le monument fut livrĂ© aux carriers. De nombreuses dalles furent brisĂ©es pour utiliser leur calcaire comme matĂ©riau de construction, d’autres furent jetĂ©es en bas de la colline[14].

Mentions du dolmen

Dessin représentant la sculpture ainsi que la dalle percée peu de temps après sa découverte par Martial Imbert en 1894

Le premier Ă  dĂ©crire le mĂ©galithe est le vicomte de Pulligny dans son livre L’art prĂ©historique dans l’Ouest et notamment en Haute Normandie paru en 1879. Le monument a beaucoup souffert de l’extraction de ses pierres mais il a encore fière allure : « La galerie est recouverte de blocs posĂ©s Ă  plat, joint contre joint ; chacun a 3,80 m de long sur une Ă©paisseur de 70 Ă  80 cm. Ces dalles sont au nombre de cinq. La première renversĂ©e et brisĂ©e avait 2 m de large, la seconde a 1,60 m ; elle est Ă©cartĂ©e de la troisième par un arbre poussĂ© fortuitement dans le joint, ou plutĂ´t par la main de l’homme qui l’a dĂ©placĂ©e ; la troisième a 2 m ; la quatrième glissĂ©e sous la cinquième, 1,60 m, et la cinquième 2. L’édifice terminĂ© par un bloc plantĂ© debout, mesure 8 m de long de l’entrĂ©e jusqu’au bloc »[15]. Au vu des diffĂ©rentes excavations qu’il dĂ©couvre et des nombreuses dalles Ă©parpillĂ©es autour du site, De Pulligny estime que l’allĂ©e pouvait faire 20 Ă  24 m de long Ă  l’origine. Il Ă©voque mĂŞme la possibilitĂ© qu’il y ait eu d’autres allĂ©es couvertes parallèles au monument toujours visible et qui auraient Ă©tĂ© dĂ©truites par les carriers. Un des ouvriers lui raconte qu’en extrayant des blocs de pierre, il a effondrĂ© un passage souterrain qui joignait deux de ces allĂ©es maintenant disparues. MalgrĂ© toutes ces destructions, le vicomte a compris l’intĂ©rĂŞt exceptionnel du site :

« Même détérioré comme il l’est, notre monument de Dampsmesnil serait encore assez imposant pour nous dispenser de toute appréciation, si l’intérêt qu’il présente ne se trouvait augmenté par l’existence, sur l’un de ses jambages, d’un signe particulier, empreinte mystérieuse dont nous laisserons à la science le soin de déchiffrer le sens. Sur le premier support de gauche, et en dedans de l’allée, on remarque deux figures ovales à quatre lignes concentriques, dont la grande ellipse mesure quarante centimètres de haut sur vingt de large[16]. »

Bizarrement, De Pulligny ne remarque pas les deux protubérances sculptées en dessous de ces figures ovales. Interrogés sur l’origine de ces dessins mystérieux, les habitants du hameau voisin y voient « l’empreinte de la griffe du diable »[17].

Adrien de Mortillet est le premier à faire une description exacte de la gravure dans un article publié en 1893 dans le Bulletin de la Société d’anthropologie de Paris. Il y joint un croquis fidèle et y voit une « représentation féminine »[6] au contraire de De Pulligny qui hésitait entre un « appareil décoratif » ou un « mode d’épigraphie raisonnée »[17].

Fouilles de 1894 - 1896

Vue en plan de l’allée couverte relevé par Martial Imbert en 1894
Vue en coupe côté ouest de l’allée dessinée par Coutil vers 1897
Vue en coupe côté est de l’allée dessinée par Coutil vers 1897

Les témoignages recueillis par le vicomte évoquaient l’existence d’une dalle percée qui aurait été brisée par les carriers Des fouilles sont lancées par Martial Imbert entre le 27 et le 30 août 1894 avec l’espoir d’en retrouver les morceaux. Les efforts sont couronnés de succès puisque la moitié inférieure de la dalle percée est retrouvée à un mètre de profondeur toujours en place, bien que penchée d’une vingtaine de degrés[4]. Les travaux de déblaiement sont gênés par les racines des arbres qui ont envahi la couche de déblais qui recouvre le sol du dolmen si bien qu’au bout de quatre jours, seule la moitié du monument a pu être déblayée. La récolte est maigre mais encourageante ; une pointe de flèche barbelée à pédoncule en silex gris et un petit cylindre en os de cm percé dans sa longueur et provenant certainement d’un collier[12].

Ces objets ayant été trouvés à quelques centimètres du sol du mégalithe, les archéologues comprennent que seul un déblaiement complet permettra de retrouver des objets qui auraient échappé au nettoyage de l’époque romaine. Les fouilles reprennent en dirigées par Martial Imbert et Émile Collin. L’évacuation des terres est achevée et on tamise les déblais retirés[3]. Des dents et des ossements humains sont retrouvés ainsi que plusieurs artefacts néolithiques :

  • Trois pointes de flèche triangulaires Ă  pĂ©doncule, en silex gris de 35 mm de longueur ;
  • Un petit tranchet de 37 mm sur 22 mm ;
  • Une perle de collier en os de 20 mm ;
  • Une grande hache en silex dont le tranchant a Ă©tĂ© retaillĂ© pour ĂŞtre repoli ;
  • Une hache brisĂ©e ;
  • Un percuteur ;
  • Une petite lame tranchante ;
  • Trois ou quatre lames en silex d’assez grosses dimensions ;
  • La moitiĂ© d’une petite gĂ©ode qui a pu servir de jouet ou de godet ;
  • Une dent d’ours
  • Une dent canine de loup ou de chien
  • Une dent de cheval
  • Plusieurs centaines de dents humaines et des fragments importants de mâchoire humaine et de morceaux de crâne ;
  • Des fragments d’une dizaine de vases nĂ©olithiques[18].

Le 14 août, on soulève la dalle effondrée à l’entrée de l’allée pour la placer au dessus du support sculpté afin de lui servir de protection[3]. Le dernier jour, on remet les déblais sur la pierre percée après avoir protégé son ouverture par une pierre. On espère ainsi la protéger de la destruction[4]. Tous les objets retrouvés sont remis à la Société d'anthropologie de Paris[12]. Cette campagne a également permis de dresser un plan fidèle du mégalithe.

Classement du monument

L’allée couverte est classée au titre des monuments historiques par arrêté du 28 janvier 1907[19].

Références

  1. [PDF] Léon Coutil, « Inventaire des menhirs et dolmens de France : Eure », Bulletin de la Société normande d’Études préhistoriques, tome IV, année 1896, éd. Imprimerie Eug. Izambert, Louviers, 1897, p. 53
  2. [PDF] Martial Imbert, « Dolmen de Dampsmesnil », L’Homme préhistorique, n°1, 1903, éd. Eichert frères, Paris, 1903, p. 16
  3. [PDF] Léon Coutil, « op. cit. », p. 54
  4. [PDF] Martial Imbert, « op. cit. », p. 15
  5. Adrien de Mortillet, « L’allée couverte de Dampont, commune d’Us (Seine-et-Oise) », Bulletin de la Société d’anthropologie de Paris, vol. 12, n°1, 1889, p. 240-241
  6. [PDF] Adrien de Mortillet, « Figures gravées et sculptées sur des monuments mégalithiques des environs de Paris », Bulletin de la Société d’anthropologie de Paris, tome IV, année 1893, éd. G. Masson, Paris, 1893, p. 663
  7. Jacques Tarrête, « L’art mégalithique dans le Bassin parisien », Allées couvertes et autres monuments funéraires du néolithique dans la France du nord-ouest, éd. Errance, 1995, p. 97
  8. [PDF] Cyril Marcigny, Emmanuel Ghesquière et Jean Desloges, « La hache et la meule. Les premiers paysans du Néolithique en Normandie », Muséum d’histoire naturelle du Havre, 2008, p. 145
  9. Cyril Marcigny, Emmanuel Ghesquière et Jean Desloges, « op. cit. », p. 165
  10. Cyril Marcigny, Emmanuel Ghesquière et Jean Desloges, « op. cit. », p. 144
  11. Sites archéologiques entre Giverny et Vernon
  12. [PDF] Martial Imbert, « op. cit. », p. 18
  13. [PDF] Léon Coutil, « op. cit. », p. 52
  14. [PDF] Vicomte de Pulligny, « L’art préhistorique dans l’Ouest et notamment en Haute Normandie », Recueil de la Société libre d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres de l’Eure, éd. Imprimerie Charles Hérissey, Évreux, 1879, p. 153
  15. [PDF] Vicomte de Pulligny, « op. cit. », p. 152
  16. [PDF] Vicomte de Pulligny, « op. cit. », p. 154
  17. [PDF] Vicomte de Pulligny, « op. cit. », p. 166
  18. [PDF] Léon Coutil, « op. cit. », p. 55
  19. « Allée couverte », notice no PA00099385, base Mérimée, ministère français de la Culture

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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