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Histoire de la conservation de la faune au Québec

Le présent article vise à faire un résumé de l'histoire de la conservation de la faune au Québec, à partir du début de la colonie jusqu'en 2007, en rappelant quelques-unes des premiÚres ordonnances adoptées sur ces matiÚres.

Historique

La protection de la faune au QuĂ©bec : 139 ans d’histoire

Faire l’historique de la protection de la faune au QuĂ©bec impose de remonter aux premiers temps de la colonie française. Quand Jacques Cartier dĂ©barque sur les cĂŽtes de la GaspĂ©sie, en 1534, il constate rapidement que cette nouvelle terre, qu’il prend au nom du roi de France, est riche en gibier de toutes sortes, et qu’on y pĂȘche grandement sur ses cĂŽtes.

Au cours de ses trois premiers voyages, il croise les premiers occupants, les autochtones, et constate qu’ils font dĂ©jĂ  le commerce avec d’autres nations. Et, pour leur propre subsistance, ils chassent et pĂȘchent tant sur les terres que sur les eaux douces et salĂ©es. Pendant les soixante premiĂšres annĂ©es, le commerce des fourrures et la pĂȘche Ă  certains poissons s’implantent sans qu’on y trouve, dĂšs ces premiers moments, des signes d’une installation permanente des colons français.

Il faut attendre l’arrivĂ©e de Champlain en 1608 et la fondation de la ville de QuĂ©bec pour qu’un effort de colonisation et d’occupation plus permanente du sol ne soit fait. Mais dĂšs son arrivĂ©e, Champlain remarque tout de suite la richesse du pays; il est trĂšs giboyeux, et les terres sont riches de toutes sortes d’arbres et de plantes. Ces premiĂšres annĂ©es, plusieurs compagnies sont fondĂ©es pour faire la traite des fourrures avec les autochtones, et ces compagnies obtiennent un monopole de commerce. DĂšs 1629, Champlain s’adonne lui-mĂȘme Ă  la chasse du gibier qu’il dit ĂȘtre « abondant, principalement les alouettes, les pluviers, les courlieux, les bĂ©cassines dont il fut tuĂ© plus de 20,000, outre la pĂȘche que les Sauvages faisaient en assez grande quantitĂ© et d’éperlans que l’on prit en grand nombre avec des filets et quelques autres poissons  » [1].

Les JĂ©suites, qui ont suivi les colons, raconteront dans leurs Relations plusieurs excursions de chasse, de pĂȘche, et dĂ©criront plusieurs techniques qui serviront Ă  ceux qui arrivent de France et qui ne composent pas encore trĂšs aisĂ©ment avec les conditions imposĂ©es par l’hiver de ce nouveau pays.

Ainsi, Paul LeJeune, dans l'ouvrage Relation de ce qui s'est passĂ© en la Nouvelle France en l'annĂ©e 1634, Relations des JĂ©suites 1611-1636, fait la description suivante d'une chasse Ă  l'orignal, qu'il nomme Ă©lan dans son texte: «  quand il y a peu de neiges, ils le tuent Ă  coups de flĂšches, le premier que nous mangeasmes fut ainsi mis Ă  mort, mais c’est un grand hazard quand ils peuvent approcher de ces animaux Ă  la portĂ©e de leurs arcs, car ils sentent les Sauvages de fort loing, et courent aussi viste que les Cerfs. Quand les neiges sont profondes, ils poursuivent l’Élan Ă  la course, et le tuent Ă  coups d’esps, qu’ils emmanchent Ă  de longs bastons pour cet effet : ils dardent ces Ă©pĂ©es quand ils n’osent ou ne peuvent aborder la bĂȘte, ils poursuivent par fois deux et trois jours un de ces animaux, les neiges n’restant, ny assez dures ny assez profondes d’autrefois un enfant les tueroit quasi, car la neige venant Ă  se glacer aprĂšs quelque petit dĂ©gel, ou quelque pluye, elle blesse ces pauvres Orignaux, qui ne vont pas loing sans estre massacrez».

Mais dĂšs ces premiers moments de la colonie, c’est la traite des peaux de castor qui occupe l’avant plan. On mentionne que de 1660 Ă  1760, dans toute l’étendue de la colonie française en AmĂ©rique, ce sont plus de vingt-cinq millions de peaux de castor qui seront expĂ©diĂ©es en France. La traite des fourrures menace l’installation mĂȘme des colons qui prĂ©fĂšrent courir les bois pour faire le commerce de la fourrure que de dĂ©fricher les lots de colonisation qui leur sont consentis. On nomme des commis et des contrĂŽleurs de la traite de ces pelleteries pour le bien de la colonie.

Une premiĂšre forme de contrĂŽle

DĂšs 1652, les premiĂšres autorisations Ă  pĂȘcher et Ă  chasser sont promulguĂ©es par les gouverneurs. Le gouverneur Jean de Lauzon permet « à chaque habitant de pĂȘcher devant leur concession et de chasser devant l’étendue d’icelle »[2]. Plusieurs ordonnances seront adoptĂ©es pour exercer un certain contrĂŽle sur la façon dont cette traite pourra se faire avec les autochtones : dĂ©fense de vendre du vin ou de l’eau-de-vie aux autochtones, dĂ©fense de quitter les villes sans l’autorisation du gouverneur ou de son reprĂ©sentant, dĂ©fense de chasser ou pĂȘcher trop loin des villes naissantes parce que les conflits avec les Iroquois sont trop frĂ©quents, Ă©mission de permis de traite sans lesquels on ne peut aller courir les bois, et prescription sur la valeur d’échange que peuvent constituer les peaux d’orignaux pour payer ses dettes ou faire d’autres achats ou trocs (pour se procurer, par exemple un fusil, de la poudre, un couteau
).

L'intendant Jean Talon fera dĂ©buter plusieurs pĂȘches et plusieurs chasses tant pour les besoins de consommation des habitants de la colonie que pour les Ă©changes de marchandises avec la France. Il ordonnera mĂȘme aux cĂ©libataires de la colonie d’épouser les filles qui arrivaient de France sous peine de perdre les privilĂšges de la pĂȘche, de la chasse et de la traite des fourrures[2].

Au moment oĂč Ville-Marie (qui deviendra MontrĂ©al) sera fondĂ©e (1642) et que les attaques iroquoises mettront toujours en pĂ©ril ce nouvel Ă©tablissement, Paul Chomedey de Maisonneuve (son fondateur) Ă©mettra une ordonnance pour rĂ©gir les sorties du fort. Cette ordonnance est intĂ©ressante en ce qu'elle tĂ©moigne des habitudes des colons de Ville-Marie Ă  cette Ă©poque, Ă  l'Ă©gard de la chasse et de la pĂȘche:

1.Chacun tiendra ses armes en état et marchera ordinairement armé, tant pour sa défense particuliÚre que pour donner secours à ceux qui pourraient en avoir besoin.

2. Nous ordonnons Ă  tous ceux qui n’auraient point d’armes, d’en acheter et de s’en fournir suffisamment, ainsi que des munitions et nous dĂ©fendons d’en vendre et d’en traiter avec les Sauvages alliĂ©s, qu’au prĂ©alable chacun des colons n’en retienne ce qu’il sera nĂ©cessaire pour sa dĂ©fense.

3. Pour que tous fassent leur travail en sĂ»retĂ©, autant que possible, les travailleurs se joindront plusieurs de compagnie et ne travailleront que dans des lieux d’oĂč ils puissent se retirer facilement en cas de nĂ©cessitĂ©.

4. De plus, chacun regagnera le lieu de sa demeure tous les soirs, lorsque la cloche du fort sonnera la retraite et fermera ensuite sa porte. DĂ©fense d’aller et de venir, de nuit, aprĂšs la retraite, si ce n’est pour quelque nĂ©cessitĂ© absolue qu’on ne pĂ»t remettre au lendemain.

5. Personne, sans notre permission, n’ira plus loin Ă  la chasse, que dans l’étendue des champs dĂ©frichĂ©s; ni Ă  la pĂȘche, sur le fleuve, plus loin que le grand courant. DĂ©fense Ă  toutes sortes de personnes de se servir de canots, de chaloupes et autres, qui ne leur appartiendraient pas, sans l’exprĂšs consentement des propriĂ©taires, si ce n’est qu’en cas de nĂ©cessitĂ©, pour sauver la vie Ă  quelqu’un ou pour empĂȘcher quelque embarcation d’aller Ă  la dĂ©rive ou de pĂ©rir.

Quand la Compagnie de la Baie d'Hudson sera fondĂ©e en 1670, le commerce des pelleteries s’accentuera. Aussi, la France voudra protĂ©ger son monopole de traite en interdisant le commerce avec les Anglais. Enfin, elle imposera la vente des fourrures dans ses comptoirs et ses postes de traite, afin de pouvoir prĂ©lever des revenus supplĂ©mentaires, pour soutenir les besoins de la colonie.

Le , le roi de France écrit au gouverneur Louis de Buade, comte de Frontenac et de Palluau, pour lui signaler des agissements qu'il ne veut plus tolérer dans sa colonie de Nouvelle-France :

Monsieur le comte de Frontenac, ayant estĂ© informĂ© que l’un des principaux abus qui se commette en Canada, et qui regarde le plus l’augmentation de la colonie et le dĂ©frichement des terres, est la licence que plusieurs Français qui on passĂ© aud. pais ont prise jusqu’à prĂ©sent d’aller Ă  la chasse et Ă  la traite des pelleteries Ă  cinq ou six cens lieues au-dessus de QuĂ©bec sans aucune permission, et sans se mettre en peine de former des establissements solides au dit pais, je vous fais cette lettre pour vous dire que mon intention est que vous fassiez dĂ©fenses Ă  tous Français d’aller Ă  la chasse ny Ă  la traites des dites pelleteries sans une permission expresse de vous, visĂ©e par le Sieur Talon intendant de la justice, police et finances au dit pais et que vous travailliez par toutes sortes de moyens Ă  faire prendre des concessions auxdits volontaires, et Ă  se marier, en sorte que j’en puisse recevoir la satisfaction que je dĂ©sire, et la dite colonie tout l’accroissement qui luy est nĂ©cessaire, sur ce je prie Dieu qu’il vous ait, Monsieur le Comte de Frontanac, en sa sainte Garde.

Les postes de traite se multiplieront tout de mĂȘme sur le territoire, s’établissant tant dans les trois villes de la colonie (QuĂ©bec, Trois-RiviĂšres et MontrĂ©al) que dans l’arriĂšre-pays, jusqu’aux confins de la Baie James et de la Baie d'Hudson. Les exploits des Radisson, des Groseilliers et d’Iberville sont bien connus.

La pratique de la chasse doit Ă©galement ĂȘtre encadrĂ©e : on retrouve plusieurs ordonnances, comme celle-ci, du Conseil supĂ©rieur de 1676, pour interdire de passer ou de chasser sur les terres ensemencĂ©es :

La cour, par provision, a fait et fait inhibitions et dĂ©fenses Ă  toutes personnes, de quelque qualitĂ© et condition qu’elles soient de passer ni chasser dans les terres ensemencĂ©es, rompre abattre ni forcer les clĂŽtures, Ă  peine de dix livres d’amende et de plus grande somme, si le cas y Ă©chet, et de tous les dĂ©pens, dommages et intĂ©rĂȘts, la dite amende applicable moitiĂ© au dĂ©nonciateur, moitiĂ© au propriĂ©taire;
,

ou encore celle-ci, qui date de 1708 et fut émise par l'intendant Jacques Raudot, pour défendre de faire des attrapes sur les terres de ses voisins :

Ayant Ă©tĂ© informĂ© des querelles qui surviennent et qui peuvent survenir tous les jours au sujet des attrapes que les habitants mettent les uns sur les terres des autres, soit pour les martres, soit pour les animaux; pour empĂȘcher les querelles qui surviennent Ă  ce sujet,

Nous faisons dĂ©fenses Ă  tous les habitants de ce pays de mettre des attrapes sur d’autres terres que sur les leurs; permettons Ă  ceux qui en trouveront sur leur terre, de les [illisible], et leur adjugeons les animaux qui se trouveront pris.

Et sera par la prĂ©sente ordonnance lue, publiĂ©e dans toutes les paroisses de ce pays, Ă  ce que personne n’en ignore


et bien d'autres encore, pour empĂȘcher la pĂȘche ou la chasse sur les terres non concĂ©dĂ©es par le seigneur ou sans son autorisation[2], ou tout simplement pour interdire la traite avec les Anglais de la colonie amĂ©ricaine plus au sud.

Mais la totalitĂ© de ces ordonnances ne visent qu’à protĂ©ger le commerce de la France avec sa colonie, ou Ă  protĂ©ger l’ordre public. Par exemple, on interdit de tirer en direction des habitations ou des granges pour les risques que cela fait courir Ă  ces bĂątiments quand la bourre enflammĂ©e se retrouve sur leurs toits inflammables. Ainsi, cette ordonnance de 1721 :

Sur ce qui nous a Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ© que le feu prit hier vers les trois heures aprĂšs midi; Ă  la maison d’un particulier de cette ville, par la bourre de quelques coups de fusil qui furent tirĂ©s aux environs de cette maison et que sans un prompt secours, elles aurait Ă©tĂ© brĂ»lĂ©e, et celles des environs ce qui aurait pu causer un incendie considĂ©rable.

Que les maisons de cette colonie, qui sont couvertes de bardeaux de cĂšdre, sont extrĂȘmement combustibles, principalement dans le temps de la sĂ©cheresse; que mĂȘme les chasseurs tirent Ă  la campagne des tourtres sur les granges et autres bĂątiments


Nous faisons dĂ©fense Ă  toutes personnes de tirer des coups de fusil dans l’enceinte des villes, ou sur les granges ou autres batimens de la campagne


Dans les faits, l’abondance de la ressource ne commande pas encore de promulguer des rĂšglements pour contenir les excĂšs qui se commettent. Les peines n’en sont pas moins sĂ©vĂšres pour ceux qui dĂ©rogent aux ordonnances: des amendes, le fouet, la galĂšre Ă  perpĂ©tuitĂ©, le marquage au fer rouge de la fleur de lis, le pilori, la prison au pain sec et Ă  l’eau.

MalgrĂ© cela, la traite des fourrures demeurera populaire au point que par deux fois, soit en 1714 et en 1737, le roi de France devra offrir son amnistie aux coureurs des bois pour les convaincre de se rĂ©installer comme colons mĂȘme s’ils ont contrevenu aux ordonnances du Roi ou du Conseil souverain.

L’ancĂȘtre de nos rĂ©glementations de chasse et de pĂȘche

La premiĂšre vĂ©ritable ordonnance visant Ă  rĂ©gir les activitĂ©s de chasse sera adoptĂ©e le , par Michel BĂ©gon de la PicardiĂšre, intendant de la Nouvelle-France de 1712 Ă  1726. Cela fait probablement de cette ordonnance l’ancĂȘtre de toutes nos rĂ©glementations sur la faune au Canada. Elle vise Ă  dĂ©terminer une pĂ©riode d’interdiction de chasse Ă  la perdrix, soit de la mi-mars Ă  la mi-juillet. Elle interdit, entre autres, d’acheter ou de vendre la perdrix, autorise les officiers de la milice française Ă  voir Ă  l’exĂ©cution de cette ordonnance et enfin, rĂ©compense le dĂ©nonciateur en lui offrant la totalitĂ© de l’amende. L’ordonnance sera reprise en 1727 par un autre intendant, Claude-Thomas Dupuy, qui y ajoutera l’interdiction de capturer ces oiseaux Ă  la tonnelle et au collet et en prohibant d’enlever les Ɠufs, sous peine d’une amende de cent livres, applicable moitiĂ© au dĂ©nonciateur et moitiĂ© Ă  la fabrique de la paroisse sur laquelle ils auront Ă©tĂ© pris et enlevĂ©s[2].

On doit Ă©galement sĂ©vir contre les pĂȘcheurs qui s’installent un peu partout causant divers dommages aux grains et semences, aux arbres fruitiers qu’on dĂ©pouille, aux arbres qu’on Ă©corce sur les terres des seigneurs.

Les connaissances de la faune du pays s’amĂ©liorent et on retrouve dĂšs 1734, des recommandations concernant les meilleures pĂ©riodes de piĂ©geage du castor. Mais les premiers signes que les pratiques de piĂ©geage commencent Ă  peser sur la ressource se font ressentir. DĂšs 1737, l’intendant Gilles Hocquart constate que le castor, dĂ©jĂ  si abondant, se trouve fort Ă©loignĂ© de la colonie peuplĂ©e oĂč il ne s’en trouve que peu. (2). On fait Ă©galement le commerce de la plume d’eider, on cueille ses Ɠufs, on fait la pĂȘche Ă  toutes les espĂšces de poissons qu’on retrouve dans les eaux de la colonie, on chasse les tourtes qui passent par bandes quelquefois de plus de deux Ă  trois mille tant et si bien que le Sieur Boucault mentionne dans un mĂ©moire qu’il dresse en 1754, qu’on entend tirer tout le temps depuis le matin jusqu’au soir, tant dans les villes que les campagnes[3].

Début du régime britannique

En 1759 et en 1760, les villes de QuĂ©bec et de MontrĂ©al cĂšdent Ă  la menace anglaise. C’est la fin de la pĂ©riode de la colonie française. Cela n’est pas sans effet sur les habitants de la colonie habituĂ©s Ă  faire la chasse quand cela leur semblait bon ou nĂ©cessaire. Pour empĂȘcher les colons de français de prendre les armes, celles-ci sont confisquĂ©es par les gouverneurs anglais. Seuls quelques fusils sont laissĂ©s Ă  la disposition des officiers de milice dans chaque village. Par exemple, en 1731 dans la ville de BĂ©cancour prĂšs de Trois-RiviĂšres, 65 fusils appartenant aux 315 personnes recensĂ©es, sont rendus aux armĂ©es anglaises, et Monsieur le Gouverneur a accordĂ© Ă  la paroisse
 en outre de ceux des officiers de Milice et de deux sergens, un fusil et permis pour le P. Gounon curĂ©, huit fusils pour les habitans pour la chasse, huit permis numĂ©rotĂ©s » [3].

En 1791, l’Acte constitutionnel crĂ©e les deux provinces du Haut et du Bas-Canada, et dĂšs lors, un acte est adoptĂ© qui rĂšgle les pĂȘches dans le fleuve Saint-Laurent, les Baies de GaspĂ© et des Chaleurs, Ă  l’Isle Bonaventure et sur le rivage vis-Ă -vis PercĂ©e dans lequel on rĂ©git le droit de pĂȘcher, le droit de faire sĂ©cher et nettoyer les poissons sur les grĂšves, sur la construction des installations nĂ©cessaires Ă  ces opĂ©rations, sur la protection des arbres qui se trouvent sur ces grĂšves, et sur ce qu’on doit faire des entrailles des poissons, dont on ne peut pas se dĂ©barrasser trop prĂšs des quais[4].

Le premier garde-chasse

En 1805, si l’on se fie aux informations fournies par le Dictionnaire bibliographique du Canada, Neil McLaren pourrait ĂȘtre le premier garde-chasse dont on aurait conservĂ© la trace de sa nomination. La date de sa nomination n’est pas certaine. Mais voici l’extrait du Dictionnaire, dont nous nous inspirons pour attester de cela. « Neil MacLaren, 
nĂ© en 1766 Ă  Loch Earn en Écosse, dĂ©cĂ©dĂ© le en 1844 Ă  Port-au-Persil (Saint-SimĂ©on), Bas-Canada. Le , McLaren cesse de tenir son journal
 On retrouve par la suite sa trace Ă  La Malbaie oĂč il occupe la charge de garde-chasse. C’est lĂ  qu’il Ă©pouse en 1806 ou 1807 Margaret Hewit, fille de John Hewit, administrateur de la seigneurie Murray-Bay. »

Le , sous la pression de citoyens du Canton de Stanstead qui dĂ©posent une pĂ©tition au Conseil lĂ©gislatif de la province du Canada pour interdire notamment la pĂȘche durant la pĂ©riode du frai, un Acte est adoptĂ© pour dĂ©fendre de pĂȘcher et de chasser dans le QuĂ©bec, ce qui conduira, un peu plus tard, Ă  l’adoption de l’Acte des PĂȘcheries de 1858. Dix inspecteurs sont alors nommĂ©s dans diverses municipalitĂ©s des rĂ©gions de QuĂ©bec, du Lac St-Jean, de la CĂŽte-Nord et de la GaspĂ©sie.

1867 : Fondation du Canada et nomination des premiers garde-chasses

L’adoption de L’Acte de l’AmĂ©rique britannique du nord est Ă  l’origine de la fondation du Canada. Presque toutes les terres de la Couronne sont transfĂ©rĂ©es aux provinces et dĂšs 1867, au QuĂ©bec, c’est un Commissaire aux terres de la Couronne qui verra Ă  la gestion de la faune au QuĂ©bec. Dans le rapport du Commissaire aux terres de 1873, nous retrouvons les noms des quatre premiers garde-chasses nommĂ©s par la province soit M. William Carpenter-Willis de Sherbrooke, nommĂ© en , M. Alfred Blais, de Rimouski, nommĂ© Ă©galement en , de M. A. LabbĂ©e, de Saint-Urbain, nommĂ© en , et de M. Paul Duchesne, de Chicoutimi, engagĂ© le . Tous touchent une rĂ©munĂ©ration de 100 CAD annuellement. À des fins de comparaison, des gardes forestiers, engagĂ©s en pour les agences de Coulonge et de Clarendon en Outaouais, touchent de leur cĂŽtĂ© 800 CAD par annĂ©e.

Durant cette période, les pressions exercées sur le gibier et le poisson sont sévÚres. On note, entre autres, la disparition de la tourte entre 1870 et 1880 et du grand pingouin.

En 1877, on dénombre 21 garde-chasses sur le territoire québécois. Leur rémunération annuelle est toujours de 50 $. En , les garde-chasses en poste sont congédiés. Les rapports du Commissaire indiquent alors pour une premiÚre fois que les garde-chasses ne touchent aucun salaire pour leur travail.

En 1882, 53 garde-chasses sont alors Ă  l’emploi et seulement dix d’entre eux sont payĂ©s entre 25 $ et 100 $ par annĂ©e. L’annĂ©e suivante, ils sont 73 et seulement treize touchent un salaire.

Formation de clubs pour protéger le poisson et le gibier

En 1885 est adoptĂ© l’Acte pour faciliter la formation en cette province de clubs pour la protection du poisson et du gibier. Ces clubs prendront une expansion sans cesse croissante au cours des 93 prochaines annĂ©es. Le premier Ă  s’incorporer est le Sainte-Marguerite Salmon Club, en , et dĂšs lors, huit autres clubs de chasse et de pĂȘche font de mĂȘme.

D’abord octroyĂ©s sur une base volontaire et pour de courtes pĂ©riodes, on finira par faire l’encan de ces territoires et ils seront louĂ©s au plus offrant et pour des baux d’une plus longue durĂ©e. (Rapport du Commissaire des Terres de la Couronne de la Province de QuĂ©bec pour les douze mois expirĂ©s le ). Par exemple, la pĂȘche au filet, pour le saumon, dans l’estuaire de la riviĂšre Moisie, une des meilleures au QuĂ©bec, est octroyĂ©e pour 630 000 $. Au moment de leur abolition en 1978, il y avait 1 164 baux exclusifs de chasse et de pĂȘche sur 37 041 kmÂČ de terres publiques. Un trĂšs grand nombre de gardiens y travailleront, souvent pour un bien maigre salaire, voire pas de salaire du tout durant les premiĂšres dĂ©cennies. Ils seront engagĂ©s notamment pour protĂ©ger les privilĂšges de chasse et de pĂȘche accordĂ©s aux membres et aux invitĂ©s des clubs. En 1885, le Commissaire aux terres de la Couronne note mĂȘme que le gardien de l’un de ces clubs est de connivence avec les gens du milieu pour laisser pĂȘcher les rĂ©sidents du secteur de la riviĂšre TrinitĂ©.

Au cours des annĂ©es qui vont suivre les Surintendants Ă  la Chasse et Ă  la PĂȘche ne manqueront pas d’évoquer tous les massacres qui se font sur le gibier, tant les gros gibiers tels les orignaux, cerfs de Virginie et caribous, que sur les poissons, principalement le saumon, mais Ă©galement sur le petit gibier Ă  plume, surtout tout le long des cĂŽtes du Saint-Laurent et du Labrador.

Ils dĂ©noncent Ă©galement la prestation de travail fournie par les garde-chasses tout en sachant que la rĂ©munĂ©ration de ces employĂ©s ne peut pas garantir la compĂ©tence, l’assiduitĂ© au travail ainsi que l’efficacitĂ© de leurs interventions.

En 1894, une rĂ©serve forestiĂšre est crĂ©Ă©e dans le Parc de la Montagne Tremblante et le Parc des Laurentides voit le jour. La crĂ©ation de ces rĂ©serves est prĂ©sentĂ©e comme une offre de territoires oĂč la pratique des activitĂ©s de braconnage devrait ĂȘtre moindre, la surveillance plus facile et on compte sur ces territoires pour faciliter la conservation de la faune, faune qui ne manquera pas de dĂ©border sur les territoires adjacents. Les demandes pour multiplier ces rĂ©serves se font pressantes, puisque dans certaines parties de la province, les territoires accessibles pour ceux qui ne font pas partie des clubs privĂ©s de chasse se font de plus en plus rares.

En 1896, Louis-ZĂ©phirin Joncas est nommĂ© surintendant des pĂȘcheries et de la chasse au dĂ©partement des terres de la Couronne et il tentera de rĂ©former le service des garde-chasses et garde-pĂȘches. DĂšs 1897, il soumet un mĂ©moire pour la rĂ©organisation de son service, prĂ©fĂ©rant qu’on destitue tous les garde-chasses et garde-pĂȘches en place pour n’en nommer qu’un petit nombre, mieux formĂ©s et mieux rĂ©munĂ©rĂ©s, chargĂ©s Ă  l’annĂ©e de voir Ă  l’application des lois, de vendre des permis, de patrouiller leurs secteurs de travail, de rendre compte de l’exercice de leurs fonctions, de rĂ©sider dans leur district de travail, etc[5]. Puis en , on dĂ©cide de passer Ă  l’action. Un ordre en conseil est adoptĂ© pour procĂ©der Ă  la nomination de six garde-chasses de district dont le salaire est fixĂ© Ă  500 $ par annĂ©e, et Ă  celle de deux autres dont le salaire s’élĂšve Ă  200 $ [6].

Un mois plus tard, cet ordre en conseil est rĂ©voquĂ© sous les motifs que cela coĂ»tait trop cher et qu’il est possible d’amĂ©liorer et rendre plus efficace le systĂšme actuel
 en forçant les garde-chasses locaux Ă  faire leur devoir et en les remplaçant s’il y a lieu parce qu’il est raisonnable d’attendre une plus grande somme de protection de cent ou cent vingt garde-chasses locaux Ă  qui on fera faire leur devoir, tout en les payant moins cher que huit garde-chasses de district Ă  qui il sera impossible de se porter Ă  tous les endroits oĂč une surveillance constante est nĂ©cessaire[7].

Une réglementation difficile à appliquer

Au cours des annĂ©es suivantes, Louis-ZĂ©phirin Joncas reviendra constamment sur cette question de l’inefficacitĂ© du systĂšme en place et sur la nĂ©cessitĂ© de rĂ©former le service. Ses rapports comprennent souvent la description de nombreux actes de braconnage qui se commettent dans tous les coins de la province, de recommandations pour modifier les lois afin de les rendre plus sĂ©vĂšres, pour instaurer l’obligation de se procurer des permis pour faire la pĂȘche et la chasse, de limiter le nombre des captures de gros gibier, pour interdire la vente du gibier, pour instaurer un systĂšme de coupons de transport pour les gros gibiers, pour augmenter les pouvoirs de garde-chasses, pour faire l’éducation du public Ă  la protection des ressources fauniques, pour favoriser la location des territoires de pĂȘche et de chasse, pour faire appliquer la loi avec plus de sĂ©vĂ©ritĂ©, pour utiliser ce qu’il appelle des ‘’espions’’ et qui se tiendront dans les gares afin de faire les observations nĂ©cessaires pour dĂ©noncer les braconniers, et enfin pour conclure des ententes avec les deux provinces voisines du QuĂ©bec, pour la protection des frontiĂšres.

Chaque annĂ©e, on peut le deviner Ă  la lecture de ses rapports, il reçoit des commentaires des garde-chasses et des garde-pĂȘches qui lui signalent tant la gravitĂ© que la quantitĂ© grandissante des actes de braconnage qui se commettent, que les difficultĂ©s qu’ils rencontrent Ă  faire appliquer la loi. La chasse de nuit, la chasse en temps prohibĂ©, la pĂȘche au filet, la vente de gros gibiers sont des activitĂ©s trĂšs populaires aux quatre coins de la province.

Louis-ZĂ©phirin Joncas dĂ©nonce la pĂ©riode de prescription de 6 mois imposĂ©e pour entamer les poursuites. Dans son rapport de 1900, il discute de cette question en rapportant que c’est qu’à la veille de l’ouverture ou pendant la saison que bon nombre des gens du Nouveau-Brunswick, du Maine et de l’Ontario viennent chasser chez nous sans permis. Nous apprenons trop tard pour les arrĂȘter immĂ©diatement qu’ils sont venus braconner chez nous et l’annĂ©e suivante ils reviennent certains de l’impunitĂ© que leur assure la prescription. Sur cette question il encourage le travail concertĂ© des garde-chasses des provinces et Ă©tats frontaliers[8].

Il signale dans son rapport de 1900 qu’une seule compagnie de transport, Ă  partir de quatre gares du nord de MontrĂ©al, a exportĂ© vers les États-Unis plus de 32 500 livres de truites rouges (salmo fontinalis) et qu’il lui manque les donnĂ©es de deux mois. Il estime donc que plus de 50 000 livres de truites ont dĂ» quitter la province.

En , il dirige lui-mĂȘme une opĂ©ration en GaspĂ©sie, dans le secteur de la riviĂšre MatapĂ©dia, oĂč avec neuf agents de la police provinciale et trois autres personnes, il tente de procĂ©der Ă  la saisie de filets. Ils doivent tous reculer devant prĂšs d’une quarantaine d’hommes, dont au moins trois sont en possession d’une arme Ă  feu et un quatriĂšme d’un couteau de boucherie. En 1902, il assiste aux procĂšs qui sont intentĂ©s contre onze braconniers de Saint-François de Madawaska, qui ayant traversĂ© la frontiĂšre du Nouveau-Brunswick, profitant de la hauteur des neiges, massacrĂšrent quatorze orignaux, huit caribous et une cinquantaine de chevreuils[9]. Il dĂ©nonce le peu de sĂ©vĂ©ritĂ© des lois, la clĂ©mence des tribunaux comme dans cet autre exemple : On attribue ce fait, je regrette de le dire, au manque de fermetĂ© du gouvernement dans l’application des rĂšglements, les poursuites intentĂ©es contre les dĂ©linquants n’ayant pas eu d’effet pratique. Par exemple, je puis citer le cas bien connu des dix-huit individus traduits devant un magistrat, il y a une couple d’annĂ©es : pour avoir pris (cette fois-lĂ  au filet dans une fosse) trente-deux saumons, ils furent condamnĂ©s chacune Ă  2 $ d’amende[10].

Il reproche aussi une lacune importante dans la rĂ©glementation existante favorisant les abus importants : le fait que les restaurateurs et les tenanciers d’hĂŽtels puissent conserver et mettre Ă  leur menu de la viande de gibier sans nĂ©cessairement ĂȘtre en possession d’un permis. Pour l’annĂ©e 1902, pour seulement deux demandes de permis que nous avons retracĂ©es, des commerçants sollicitent un permis afin de conserver dans leurs rĂ©frigĂ©rateurs, pendant la pĂ©riode oĂč il est interdit d’avoir en sa possession du gibier sauvage, une certaine quantitĂ© d’animaux. Pour un premier Ă©tablissement, dans la rĂ©gion de MontrĂ©al, on dĂ©clare dĂ©tenir 3000 livres de caribou, 2000 livres de chevreuil, 325 couples de canards noirs, deux cents couples de petits canards mĂ©langĂ©s, 600 couples de liĂšvre, 55 douzaines de bĂ©cassines et 30 douzaines de Sand Pipers. Dans le second cas, le gĂ©rant de l’HĂŽtel Place Viger dit dĂ©tenir, en , 108 couples de canards sauvages, 40 douzaines de pluviers, 40 douzaines de bĂ©cassines, 150 couples de liĂšvres, 1000 livres de venaison, 500 livres de caribou et 300 livres d’orignal[11]. Ce n’est que ce qu’il reste au tout dĂ©but d’avril et cela ne comprend pas ce qui a Ă©tĂ© consommĂ© depuis l’automne prĂ©cĂ©dent.

Le successeur de Louis-Zéphirin Joncas aura de la difficulté à poursuivre le travail amorcé. Les rapports du Commissaire aux terres perdent de la profondeur, tout au moins pour ce qui est de la discussion constante des questions de braconnage et sur la façon de les régler.

Un relĂąchement dans le suivi de la protection de la faune

Pour les annĂ©es 1904 Ă  1907, les rapports du surintendant des PĂȘcheries et de la Chasse n’ont pas plus de deux pages contrairement Ă  sept ou huit pages du temps de Joncas. DĂšs 1908, on cesse de discuter de ces questions embarrassantes.

En 1909, le ministre de la Colonisation, des Mines et des PĂȘcheries revient Ă  la charge avec quelques commentaires sur la chasse, commentaires qui ne restent que descriptifs de la faune prĂ©sente au QuĂ©bec. On nous fournit tout de mĂȘme quelques statistiques intĂ©ressantes sur la situation de 1908 :

· Nombre total de garde-pĂȘches sans salaire : 49 · Nombre total de garde-chasses et garde-pĂȘches sans salaire : 345 · Nombre total de garde-chasses avec salaire : 95 · Nombre total de garde-pĂȘches avec salaire : 75 · Nombre total de garde-chasses sans salaire : 215 · Les moins bien rĂ©munĂ©rĂ©s ne touchent encore que 25 $ par annĂ©e, la plupart reçoivent 50 $ annuellement, seulement quatre rĂ©coltent plus de 100 $[12].

La mĂȘme annĂ©e, le ministre Charles Ramsay Devlin congĂ©die environ 91 garde-chasses en invoquant des raisons Ă©conomiques, tel que cela est rapportĂ© dans les dĂ©bats reconstituĂ©s de l’AssemblĂ©e lĂ©gislative de l’époque. Un peu plus tard, durant la session, il plaidera qu’il entend remplacer ceux en place par des gens plus qualifiĂ©s. En 1912, Ă  une autre question posĂ©e en chambre, le ministre dira qu’il a congĂ©diĂ© entre 1897 et 1912, 168 garde-chasses et garde-pĂȘches, pour des questions d’économie et en vue de rĂ©organiser le service
[13].

En 1912, le territoire de l’Ungava est ajoutĂ© Ă  celui du QuĂ©bec, ce qui augmente la surface Ă  protĂ©ger. L’examen des rapports annuels des ministĂšres qui se sont succĂ©dĂ© de 1912 Ă  1922 ne permet pas de savoir si la rĂ©organisation du service a bel et bien Ă©tĂ© complĂ©tĂ©e. Par ailleurs, les rapports ministĂ©riels antĂ©rieurs fournissaient plusieurs donnĂ©es sur l’effectif des garde-chasses et garde-pĂȘches, tels que les noms, salaires, lieu de travail, lieu de rĂ©sidence des garde-chasses et garde-pĂȘches. Il n’y a plus rien de tout cela pour ces dix annĂ©es.

Puis en 1922, Ă  la suite d’une dĂ©cision du Conseil privĂ© de Londres, le gouvernement fĂ©dĂ©ral se voit dans l’obligation de cĂ©der Ă  QuĂ©bec, la totalitĂ© de l’administration et du contrĂŽle de toutes les pĂȘcheries dans les eaux de la province. On crĂ©e alors une division des pĂȘcheries maritimes au ministĂšre de la Colonisation, des Mines et des PĂȘcheries, dont la province tirera de larges revenus.

Mme Maud Watt : premiÚre garde-chasse

DĂšs 1927, force est de constater le fort dĂ©clin des captures de castor qui sont passĂ©es de 50 000 dans les annĂ©es 1920, Ă  un peu moins de 22 000 cette annĂ©e-lĂ . Pour pallier ce problĂšme, des mesures de protection des territoires pour le repeuplement du castor au nord du QuĂ©bec seront mises de l’avant dĂšs 1928. Mme Maud Watt ira plaider la cause de l’érection de plusieurs rĂ©serves Ă  castor et en moins d’une dizaine d’annĂ©es, ce systĂšme rĂ©ussira Ă  sauver le castor de sa disparition.

D’ailleurs, en 1952, le ministre Camille-EugĂȘne Pouliot reconnaĂźtra cette contribution de Mme Watt en la nommant officiellement garde-chasse provinciale Ă  Rupert House, ce qui en fait la premiĂšre femme Ă  recevoir cette dĂ©signation au QuĂ©bec[14].

À la mĂȘme Ă©poque, on impose des restrictions sur la chasse au caribou (fermeture pendant cinq annĂ©es) et Ă  la vente de l’orignal, du cerf de Virginie et de la truite. Dans le rapport de 1929, le ministre dit avoir terminĂ© le fameux processus de rĂ©organisation du personnel entreprise par son prĂ©dĂ©cesseur, mais les rapports sont muets sur ces changements[15].

D’autant plus, les revenus provenant de la chasse et de la pĂȘche sont en constante croissance : les citoyens prennent goĂ»t Ă  la vie en plein air et ils ont plus de temps Ă  y consacrer avec la rĂ©duction des heures de travail et la multiplication des moyens de transport. Par leurs travaux, les compagnies forestiĂšres permettent aussi un plus grand accĂšs Ă  des territoires qui n’étaient jusque-lĂ  accessibles que par avion.

La crise Ă©conomique des annĂ©es 1930 met un certain frein Ă  ce dĂ©veloppement. Dans le rapport de 1933, le surintendant J.-A. BĂ©lisle nous donne un aperçu de l’organisation du service de la protection de la faune : la province est divisĂ©e en neuf districts. Chaque district est confiĂ© Ă  un inspecteur qui contrĂŽle et dirige les garde-chasses et garde-pĂȘches de la division. (15) Il note que les officiers de son dĂ©partement ont fait 437 constats d’infraction, 163 sur la pĂȘche, 162 Ă  l’égard du chevreuil et de l’orignal, 87 pour les questions relatives au petit gibier et aux fourrures, 5 pour la pollution des eaux et 5 pour assaut sur des garde-chasses et intervention pour les empĂȘcher de faire leur devoir[16].

L’annĂ©e suivante elles sont de l’ordre de 696, mais J.-A. BĂ©lisle signale que 230 sentences ont Ă©tĂ© suspendues pour cause de pauvretĂ©. C’est la mĂȘme chose l’annĂ©e suivante, 235 suspensions de sentences sur 787 constats, parce qu’il s’agissait de colons pauvres et de pĂšre de famille Ă  qui il fallait faire comprendre qu’ils devaient respecter la loi, sans toutefois les priver de leur libertĂ©[17]. Signe que le braconnage est bien ancrĂ© dans les mƓurs de certains, le rapport signale qu’il y avait cette annĂ©e-lĂ , 327 rĂ©cidivistes, dont 45 furent menĂ©s Ă  la prison parce qu’ils ne pouvaient ou ne voulaient payer leurs amendes. Le montant des amendes perçues cette annĂ©e-lĂ  fourni une indication de leur valeur : le montant s’élĂšve Ă  2 755,17 $ pour 327 dĂ©lits, soit 8,42 $ par infraction, alors que le coĂ»t d’un permis de chasse Ă  l’un des trois gros gibiers se vend 1 $.

En 1940, on rĂ©duit le nombre des garde-chasses et des garde-pĂȘches afin de pouvoir leur offrir un meilleur salaire. Mais, comme cela a Ă©tĂ© le cas sous les administrations prĂ©cĂ©dentes, la profession n’est pas encore pleinement reconnue Ă  part entiĂšre et on recourt encore Ă  des expĂ©dients : Ă  nos gardes rĂ©guliers est venue s’ajouter une plĂ©iade de garde-feux et de gardes forestiers qui prĂȘtĂšrent le serment du garde-chasse; plusieurs reçurent une commission spĂ©ciale et furent engagĂ©s comme garde-chasses Ă  l’expiration de leurs devoirs comme employĂ©s des autres services de votre dĂ©partement et un peu plus loin Le dĂ©partement avait, Ă  la fin de l’annĂ©e : 46 garde-chasses et garde-pĂȘches qui Ă©taient costumĂ©s et pourvus d’automobile. Ajoutons Ă  ceux-ci, 147 gardes rĂ©guliers, les garde-feux, l’étĂ©, et les gardes forestiers, l’hiver et nous avons lĂ  toute une armĂ©e de protecteurs, d’informateurs et d’officiers actifs Ă  qui les braconniers pourront de moins en moins Ă©chapper, signale le ministre de l’époque[18].

Les annĂ©es de guerre vont encore ralentir les activitĂ©s de chasse et de pĂȘche. Le rationnement de l’essence et l’envoi de troupes Ă  l’étranger viennent diminuer le nombre d’hommes qui peuvent pratiquer ces activitĂ©s. Mais le braconnage continue ses ravages. En 1943, le sous-ministre L.-A. Richard estime de façon conservatrice selon ses propos, qu’il s’est braconnĂ© au cours de l’annĂ©e 318 orignaux et 744 chevreuils en 1942[19]. Or en 1941, seulement 171 orignaux et 469 chevreuils avaient Ă©tĂ© tuĂ©s Ă  la chasse de façon lĂ©gale[20].

En 1946, le Service de conservation de la faune compte alors 157 garde-chasses et garde-pĂȘches rĂ©guliers, en plus de 61 assistants gardes saisonniers, qui ont dĂ©posĂ© 1230 chefs d’accusation ayant rapportĂ© 24 840,37 $ en amendes.

En 1950, pour la premiĂšre fois, le ministre de la Chasse et des PĂȘcheries s’intĂ©resse Ă  la formation de son personnel. L’école des pĂȘcheries de Grande-RiviĂšre est alors mise Ă  contribution et cela se poursuivra, tant Ă  Grande-RiviĂšre qu’ailleurs en province.

En 1952, le nombre total des gardes réguliers et saisonniers atteint 325 et pour les années 1952 à 1955, les infractions passent de 2492 à 3396. La formation commence à donner des résultats[21].

Preuve de l’attrait sans cesse grandissant des activitĂ©s de loisir dans les parcs et rĂ©serves, les revenus tirĂ©s d’une quinzaine de ces territoires passent de 731 411 $ en 1955-56 Ă  1 340 848 $ en 1959-1960. Le nombre de permis de chasse Ă  l’orignal vendus passe de 5 714 Ă  11 366, ceux du cerf de Virginie de d’un peu plus de 67 000 Ă  tout prĂšs de 95 000 pour les mĂȘmes annĂ©es. Les permis de pĂȘche vendus subissent la mĂȘme croissance : de prĂšs de 191 000 en 1955-56 Ă  tout prĂšs de 249 000 en 1959-60[22].

En 1960 la FĂ©dĂ©ration des associations de chasse et de pĂȘche formule des recommandations au ministre quant Ă  la rĂ©organisation du Service de la protection de la faune. Elle recommande que les sanctions soient de nature Ă  enrayer les rĂ©cidives, que les noms des coupables soient publiĂ©s dans les journaux, que cesse l’ingĂ©rence politique dans l’application des lois, qu’on mette Ă  la retraite les gardes dont le travail ne s’avĂšre point efficace, l’augmentation numĂ©rique du personnel, le port de l’uniforme, la fourniture de meilleurs Ă©quipements, la formation, l’abolition du systĂšme de partage des amendes, la soustraction de l’ingĂ©rence politique dans la nomination et la destitution des employĂ©s, et la dĂ©signation nouvelle des garde-chasses et garde-pĂȘches sous le titre d’Officiers de la Conservation[23].

Sous le gouvernement Lesage et dans la foulĂ©e de la RĂ©volution tranquille, de nouvelles mesures sont adoptĂ©es. Entre autres, une premiĂšre Ă©cole dĂ©diĂ©e de façon principale Ă  la formation des garde-chasses et garde-pĂȘches est crĂ©Ă©e Ă  QuĂ©bec.

En 1962, la fonction publique se syndicalise et les garde-chasses et garde-pĂȘches se retrouvent dans une association regroupant tous les agents de la paix de la province dont la trĂšs grande majoritĂ© sont des gardiens de prison. En 1962 Ă©galement, on modifie le rĂšglement de classification des garde-chasses et garde-pĂȘches et la rĂ©munĂ©ration est maintenant fixĂ©e au minimum de 2 700 $ et son maximum Ă  3 500 $.

En 1963, les garde-chasses et les garde-pĂȘches reçoivent leurs premiers vĂ©hicules pour les aider dans leur patrouille quotidienne et le premier service de tĂ©lĂ©communications est instaurĂ© pour faciliter leur travail. C’est Ă©galement l’apparition et la popularisation de la motoneige. Le MinistĂšre fait ses premiers achats dans ce domaine, alors que la plupart des patrouilles se font encore en raquettes[24].

Les agents de l’époque continuent toujours d’opĂ©rer sans locaux, ou presque. Ils dĂ©butent et terminent leur patrouille Ă  leur domicile respectif. Ils font la vente de permis de chasse et tiennent bureau dans leur maison. Au dĂ©but des annĂ©es 1970, ce systĂšme de vente des permis Ă  domicile tenait toujours. Ces agents touchaient une prime de 20 $ par mois. Les domiciles oĂč le tiers ou le quart du rez-de-chaussĂ©e Ă©tait dĂ©diĂ© Ă  la tenue de ces bureaux et Ă  l’accueil des chasseurs et des pĂȘcheurs n’étaient pas rares. Mais dans les quelques-uns qui se rajoutent au grĂ© des ans, nous voyons apparaĂźtre les premiĂšres employĂ©es de bureau, embauchĂ©es pour des travaux de secrĂ©tariat et pour rĂ©pondre au public.

Le rapport de 1965 fournit plus de dĂ©tails sur la rĂ©partition du personnel et la structure mise en place Ă  ce moment. À la tĂȘte du service, il y a un inspecteur gĂ©nĂ©ral, secondĂ© de deux inspecteurs adjoints, l’un dans la division de l’Est regroupant les districts de QuĂ©bec, du Bas Saint-Laurent, de la GaspĂ©sie, de la CĂŽte-Nord, du Lac St-Jean et de la Mauricie, et l’autre pour la division de l’Ouest, regroupant les districts de MontrĂ©al, de l’Estrie, de l’Outaouais, du TĂ©miscamingue, et de l’Abitibi. Il y a un chef aux tĂ©lĂ©communications, 3 instructeurs, un inspecteur-chef pour chaque district, 11 inspecteurs pour toute la province bien que certains districts n’en aient pas du tout, 24 sous-inspecteurs et 188 garde-chasses et garde-pĂȘches. Il y a Ă©galement 51 gardiens de parc, presque exclusivement concentrĂ©s dans deux districts, soit 14 dans le Bas Saint-Laurent et 27 en GaspĂ©sie[25].

Sensibilisation Ă  l’égard des armes Ă  feu

En 1966, la tenue des agents est modifiĂ©e, copiĂ©e sur celui des Rangers amĂ©ricains, soit une tunique brune et un Stetson. Les agents sont armĂ©s d’un rĂ©volver de calibre .32. Une UnitĂ© mobile de tir a aussi Ă©tĂ© mise sur pied. C’est Ă©galement la premiĂšre fois que le rapport annuel du ministĂšre de l’époque mentionne que les agents ont soumis des exhibits, pour en faire faire l’expertise bio-lĂ©gale, afin d’appuyer des dossiers de poursuite. En mars, le Syndicat des Agents de la Paix signe la premiĂšre convention collective rĂ©gissant les conditions de travail des garde-chasses et garde-pĂȘches Elle veille Ă  faire la vĂ©rification des armes de chasse. En 1966, cette unitĂ©, Ă©paulĂ© d’un armurier, fera la vĂ©rification et l’ajustement de prĂšs de 3000 armes Ă  feu dans 48 localitĂ©s de la province. Ce service se perpĂ©tuera pendant de nombreuses annĂ©es, chaque rĂ©gion ou presque formant son propre personnel Ă  cette fin. Cette mission sera dĂ©finitivement abandonnĂ©e Ă  la fin des annĂ©es 1970, laissant cette responsabilitĂ© aux diverses associations de chasse et de pĂȘche.

MalgrĂ© tout, pour cette pĂ©riode, plusieurs milliers de chasseurs reçurent de prĂ©cieux conseils, non seulement sur la façon de manipuler de façon sĂ©curitaire leurs armes de chasse, mais Ă©galement sur la façon de bien pratiquer leur chasse, sur la façon d’ajuster leur arme, de bien identifier leur gibier et de respecter la propriĂ©tĂ© privĂ©e.

Par exemple, en 1967, sur les 6083 armes soumises Ă  la vĂ©rification des divers membres de l’UnitĂ©, environ 255 avaient Ă©tĂ© jugĂ©es dĂ©fectueuses ou tout simplement dangereuses[26]. Plusieurs accidents ont donc du ĂȘtre Ă©vitĂ©s grĂące Ă  cette sensibilisation. Et en , les gardiens de barriĂšre des parcs sont intĂ©grĂ©s au corps des garde-chasses et garde-pĂȘche. Puis en 1968, les premiers cours de sĂ©curitĂ© pour la pratique de la chasse ont Ă©tĂ© inaugurĂ©s pour permettre Ă  des milliers de chasseurs de suivre ces cours[27].

Loi sur la conservation de la faune

En 1970 est adoptĂ©e la Loi de la conservation de la faune, vĂ©ritable refonte des lois prĂ©cĂ©dentes, imposant des amendes sĂ©vĂšres aux contrevenants. La dĂ©signation des garde-chasses et garde-pĂȘches est modifiĂ©e : ils deviennent des agents de conservation de la faune. Les normes d’embauche quant Ă  la scolaritĂ© sont rehaussĂ©es et le Service de la protection de la faune devient le Service de la conservation de la faune. Au dĂ©but des annĂ©es 2000, le Service reprendra son nom d’origine.

En 1971, une premiĂšre opĂ©ration d’abolition des clubs privĂ©s est entreprise pour redonner l’accĂšs au territoire Ă  tous les citoyens du QuĂ©bec. On crĂ©e alors, Ă  partir de ces territoires libĂ©rĂ©s de ces baux exclusifs, quatre nouvelles rĂ©serves fauniques permettant l’embauche de nouveaux agents de conservation de la faune.

En 1972, est instituĂ© le certificat du chasseur, document que doivent dĂ©sormais possĂ©der tous les rĂ©sidents qui veulent s’adonner Ă  la pratique de la chasse. Durant les premiĂšres annĂ©es, tous les agents de la province sont mis Ă  contribution pour dispenser la formation aux chasseurs et pour transmettre un message de conservation des ressources fauniques. Pour la seule annĂ©e 1971-1972, C’est plus de 115 000 chasseurs qui seront rencontrĂ©s.

La mĂȘme annĂ©e, les agents de conservation de la faune entreprennent un arrĂȘt de travail complet pour obtenir des modifications Ă  leurs Ă©chelles salariales bien que la loi de la fonction publique leur interdise de faire la grĂšve. Une sentence arbitrale suivra pour dĂ©terminer les Ă©chelles salariales de tous les agents de la paix et celles des agents de conservation de la faune seront modelĂ©es sur celles des surveillants en Ă©tablissement de dĂ©tention du QuĂ©bec.

Du cÎté des effectifs, le Service de conservation de la faune comprend environ 443 agents en 1973. Il y a aussi plus de 700 gardiens de clubs privés, ainsi que 150 gardiens de barriÚres dans les parcs et réserves de la province[28].

En 1974 dĂ©bute la formation de tout le personnel du Service de la conservation de la faune Ă  L’Institut de police de Nicolet. La formation du personnel du Service prendra environ trois ans. Des dĂ©marches sont Ă©galement entreprises pour faire l’achat d’un premier hĂ©licoptĂšre de patrouille. Un deuxiĂšme s’y ajoutera un peu plus tard[29].

Ententes autochtones

En 1975 est signée la Convention de la Baie James, premier accord à survenir entre la Couronne et les autochtones au Canada depuis la signature des traités XIXe et XXe siÚcles qui avaient été signés dans les autres provinces canadiennes.

Dans cette lignĂ©e, le Service de conservation de la faune dispensera entre 1979 et 1982, une premiĂšre formation aux Cris, Naskapis et Inuits du Nouveau-QuĂ©bec, afin de permettre le respect des valeurs et de la culture autochtone, tout en voyant Ă  ce que la rĂ©glementation liĂ©e aux activitĂ©s de chasse et de pĂȘche soit assurĂ©e. Dans le secteur de la ville de Gagnon, 16 autochtones reçoivent la formation des agents de conservation de la faune : neuf Cris, six Inuits et un Naskapi[29]. La signature des ententes de la Paix des Braves et Sanarrutik entre le gouvernement du QuĂ©bec et les nations Cris et Inuit en 2002 permettront aussi de former un nouveau contingent d’autochtones, soit huit Cris, un Naskapi et un allochtone rĂ©sident du territoire de la Baie James. Un second groupe sera Ă©galement formĂ© en 2004[29].

Le , Sandy Gordon qui travaillait depuis 1981 comme agent de conservation de la faune saisonnier Ă  Kuujjuaq, sera le premier Inuit Ă  ĂȘtre assermentĂ© et Ă  porter l’uniforme d’agent de conservation de la faune permanent.

C’est Ă©galement en 1979 que sera inaugurĂ© le Centre de formation et de dĂ©veloppement de Duchesnay, institution par laquelle passent tous les agents de conservation de la faune, tant pour leur formation de base que pour les cours de recyclage ou de perfectionnement. Cette formation se fera d’abord en 16 semaines, pour ĂȘtre allongĂ©e Ă  18 semaines quelques annĂ©es plus tard[29].

Abolition des clubs privés

Entretemps, un mouvement s’amorce auprĂšs de la population pour demander l’abolition des clubs privĂ©s et la restitution de ces territoires Ă  l’usage de tous les citoyens de la province[30].

En 1977, tous les clubs privĂ©s de chasse et de pĂȘche sont abolis, sauf les dĂ©tenteurs de baux sur les riviĂšres Ă  saumon qui subiront le mĂȘme sort quelques annĂ©es plus tard. Il s’agit de l’OpĂ©ration gestion faune. Pour remplacer les gardiens de club qui travaillaient Ă  protĂ©ger les ressources dans les clubs privĂ©s, on procĂšde alors Ă  l’embauche de trente nouveaux agents de conservation de la faune.

Dans bien des cas, les territoires de ces anciens clubs formeront le futur rĂ©seau des zones d’exploitation contrĂŽlĂ©e (zecs), gĂ©rĂ©es par des associations formĂ©es pour les diriger. Ces associations recruteront des auxiliaires Ă  la conservation de la faune pour assurer la protection des ressources fauniques, systĂšme qui sera revu en 1993 pour ĂȘtre remplacĂ© par un nouveau modĂšle, soit celui des assistants Ă  la protection de la faune et les gardiens de territoire.

S. O. S. Braconnage

En 1981 est inaugurĂ©e la premiĂšre ligne sans frais pour rapporter des actes de braconnage, remplacĂ©e et amĂ©liorĂ©e, en 1987, par la ligne S. O. S. Braconnage et doublĂ©e d’une campagne de sensibilisation dont le thĂšme est Braconner, c’est voler. Le personnel de la centrale est dotĂ© d’un systĂšme de tĂ©lĂ©communications permettant de joindre dans leur vĂ©hicule, tout agent de conservation de la faune partout sur le territoire quĂ©bĂ©cois dĂšs la rĂ©ception d’une plainte.

Création du Syndicat des agents de conservation de la faune du Québec

En 1981 est Ă©galement crĂ©Ă© le Syndicat des agents de conservation de la faune du QuĂ©bec, Ă  la suite de la dislocation de l’unitĂ© syndicale dont ils faisaient partie[31].

En 1984, le Syndicat se rend Ă  l’arbitrage sur certaines de ses conditions de travail, notamment en ce qui concerne le rehaussement des Ă©chelles salariales. En effet, le Syndicat souhaite voir le salaire de ses membres s’approcher de celui des policiers de la SĂ»retĂ© du QuĂ©bec, ou Ă  tout le moins, de rĂ©duire l’écart qui existe avec les divers autres corps d’enquĂȘte du gouvernement qui ne dĂ©tiennent pas le statut d’agent de la paix. L’arbitre se refusera Ă  faire cet exercice de relativitĂ© salariale et les rĂ©sultats de cet arbitrage seront un Ă©chec. Les discussions sur cette question sont encore Ă  l’ordre du jour en 2006[32].

Volet Ă©ducatif auprĂšs des clientĂšles scolaires

En 1983, la Semaine de la conservation de la faune est mise sur pied. Ce programme de sensibilisation Ă  l’importance de prĂ©server et de protĂ©ger nos ressources fauniques ainsi que leurs habitats prendra de l’ampleur avec les annĂ©es, puis subira des modifications. Il finira par porter le nom La faune et vous et ciblera la clientĂšle des enfants de sixiĂšme annĂ©e. À cet effet, les agents de conservation de la faune seront invitĂ©s Ă  faire la visite de toutes les classes de ce niveau scolaire pour faire connaĂźtre le programme[33]. À titre d’exemple, pour l’annĂ©e 2004-2005, les agents ont fait prĂšs de 1400 rencontres scolaires auprĂšs de 34 000 Ă©lĂšves.

Service d’enquĂȘtes et de renseignements

C’est en 1988 qu’une premiĂšre Ă©quipe d’agents de conservation de la faune est constituĂ©e pour faire l’infiltration des rĂ©seaux de braconnage. Ce service portera tout d’abord le nom du Service des opĂ©rations spĂ©ciales (S. O. S.)[34]. Le nombre d’enquĂȘtes rĂ©alisĂ©es de cette maniĂšre aura fini par convaincre les autoritĂ©s de la nĂ©cessitĂ© de crĂ©er une Ă©quipe plus permanente pour accomplir ce type d’opĂ©ration.

Le S. O. S. deviendra quelques annĂ©es plus tard, le Service d’enquĂȘtes et de renseignement (S. E. R.). Depuis 1988, cette Ă©quipe a procĂ©dĂ© au dĂ©mantĂšlement de nombreux groupes de braconnage organisĂ©s. Mentionnons notamment deux des plus grandes enquĂȘtes rĂ©alisĂ©es au QuĂ©bec tant pour le nombre d’infractions commises que pour le nombre total d’agents ayant dĂ» y participer, soit les opĂ©rations Lichen et America. La premiĂšre portait principalement sur des actes de braconnage commis sur le Caribou, l’autre sur le trafic illĂ©gal des vĂ©sicules biliaires d’ours noir. Tous les dĂ©mantĂšlements rĂ©alisĂ©s ont d’ailleurs permis d’augmenter considĂ©rablement la notoriĂ©tĂ© du Service, tout en permettant Ă  plusieurs agents de se former aux diverses techniques d’enquĂȘte.

Création du drapeau et élaboration de la devise

La mĂȘme annĂ©e, le Service de la conservation de la faune se dote de son drapeau et de sa devise, soit ProtĂ©ger, Ă©duquer, prĂ©venir.

DĂ©bute aussi une rĂ©flexion sur le fonctionnement du Service de la conservation de la faune Ă  laquelle participent de nombreux agents. Les ressources Ă©tant de moins en moins nombreuses, il faut recentrer le travail des agents sur les enjeux majeurs et les menaces les plus sĂ©rieuses qui pĂšsent sur la faune[35]. On assiste Ă©galement Ă  l’embauche d’un plus grand nombre d’agents saisonniers que par le passĂ©.

Escouade canine

En 2001, on assiste Ă  la crĂ©ation de la premiĂšre escouade canine au Service de conservation de la faune. Un premier groupe de quatre maĂźtres de chien est formĂ© et se met au service des rĂ©gions pour amĂ©liorer et apporter une autre dimension aux interventions faites sur les scĂšnes de braconnage, lors des fouilles, des perquisitions, etc. Une rĂ©vision de l’uniforme des agents est entreprise et on dote le personnel de vestes anti-balles[28]. Puis en 2005, le rĂ©volver de calibre .38 Smith & Wesson sera remplacĂ© par un pistolet de 9 mm. La formation sur l’usage de cette nouvelle arme sera dispensĂ©e par des agents de protection de la faune formĂ©s par l’École nationale de police de Nicolet.

Augmentation des effectifs

Le , le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, M. Pierre Corbeil, annonce un investissement de 1,5 million $ visant Ă  assurer la protection et la mise en valeur des ressources fauniques quĂ©bĂ©coises. Cet ajout au budget de la Protection de la faune du QuĂ©bec permettra ainsi d’accorder la permanence Ă  40 agents de protection de la faune jusque-lĂ  saisonniers, en plus d’embaucher une vingtaine de nouveaux employĂ©s saisonniers. Notons qu’au cours de l’étĂ© 2003, des compressions budgĂ©taires avaient amenĂ© l’annulation du contrat de travail de 45 employĂ©s saisonniers.

Conférence annuelle de la North American Wildlife Enforcement Officers Association (NAWEOA)

En 2006, c’est au QuĂ©bec que s’est tenue la 25e ConfĂ©rence annuelle de la North American Wildlife Enforcement Officers Association (NAWEOA), coorganisĂ©e par le ministĂšre des Ressources naturelles et de la Faune et l’Association des agents de protection de la faune du QuĂ©bec (AAPFQ). L’évĂ©nement a accueilli autour de 1200 participants au ChĂąteau Mont-Sainte-Anne, du 17 au .

Quelques détails

1. Depuis 1867, 51 personnes diffĂ©rentes ont occupĂ© le titre de Commissaire ou de ministre responsable des missions de protection de la faune. Pendant ces 139 annĂ©es, le rĂšgne le plus court aura Ă©tĂ© celui du Commissaire aux Terres de la Couronne, M. FĂ©lix-Gabriel Marchand, pour un peu plus de 6 mois, de mars Ă  , et le plus long celui de M. Camille-EugĂȘne Pouliot, durant 16 ans, de 1944 Ă  1960.

2. Huit agents de protection de la faune morts en devoir


Le  : les agents MĂ©dĂ©ric CĂŽtĂ© et Ernest Saint-Pierre tombent sous une criblĂ©e de balles de deux braqueurs de banque venant de s’évader de prison. Un des meurtriers pĂ©rira sous les feux de la police lors d’un cambriolage. Le second, Jacques Mesrine, sera tuĂ© lors d’une embuscade Ă©rigĂ©e par une brigande antigang française.

Le  : l’agent Alain Chouinard meurt dans l’exercice de ses fonctions, traversĂ© d’une balle de carabine manipulĂ©e par un individu qui pratiquait la chasse de nuit au cerf de Virginie.

Le  : l’agent de protection de la faune Luc Guindon meurt Ă  son tour, dans l’exercice de ses fonctions, transpercĂ© de la flĂšche d’une arbalĂšte manipulĂ©e par un chasseur d’orignal dans la rĂ©gion de Sainte-Agathe.

Le  : l’agent Patrick Poirier meurt d’hypothermie dans le cadre d’une patrouille de surveillance sur le lac ChampdorĂ©, au nord-est de Schefferville, alors que l’avion au bord duquel il prenait place se renverse et que ses occupants tentent de trouver un refuge en attendant l’arrivĂ©e des secours.

Le  : les agents Nicolas Rochette et Fernand Vachon, ainsi que leur pilote, M. Yves GiguĂšre, pĂ©rissent lors de l’écrasement de leur avion durant une patrouille aĂ©rienne. l’opĂ©ration visait Ă  contrer les activitĂ©s de braconnage de chasse de nuit en Beauce.

Le  : l'agent Richard Cayouette meurt à la suite d'un accident de motoneige dans le secteur de chibougamau.

3. Devise : Protéger, éduquer, prévenir

Les trois axes sur lesquels repose la devise de la Protection de la faune, soit protĂ©ger, Ă©duquer et prĂ©venir, montrent notamment l’ampleur et la complexitĂ© de la tĂąche des agents. ProtĂ©ger en appliquant et en faisant respecter les lois et rĂšglements. Éduquer en intervenant directement auprĂšs des clientĂšles scolaires. PrĂ©venir en informant et en sensibilisant les citoyens dans le but d’éviter les actes rĂ©prĂ©hensibles.

4. DiffĂ©rentes lois Ă  appliquer
 Les agents de protection de la faune du QuĂ©bec, voient Ă  l’application de plusieurs lois, notamment la Loi sur la Conservation et la mise en valeur de la faune, la Loi sur les PĂȘches, la loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, la Loi sur les Parcs, la loi sur les espĂšces menacĂ©es et vulnĂ©rables et de quelques dispositions de la Loi sur la qualitĂ© de l’environnement et des divers rĂšglements qui en dĂ©coulent.

Articles connexes

Notes et références

  1. Histoire populaire du Québec, des origines à 1791, par Jacques LacoursiÚre, ed. du Septentrion, 1995, page 59.
  2. Edits et ordonnances de la Nouvelle-France
  3. Extrait du CD Les rapports des Archives Nationales du Québec de 1920-1975, produit par le Gouvernement du Québec, Les publications du Québec, MinistÚre de la Culture et des Communications, Archives Nationales du Québec
  4. Ordonnances de Québec de 1768 à 1791, Document parlementaire no 29a
  5. Instructions gĂ©nĂ©rales pour Organiser le Service de Protection de la Chasse et de la PĂȘche et MĂ©moire du Service des Garde-chasses et Garde-PĂȘches du 15 mai 1897 par L.Z. Joncas, Document sessionnel No 92, Ă  un ordre de l’AssemblĂ©e lĂ©gislative, en date du 3 dĂ©cembre 1897.
  6. Copie du rapport d’un ComitĂ© de l’Honorable Conseil ExĂ©cutif, en date du 20 mai 1897, approuvĂ© par le lieutenenant Gouverneur, le 21 mai 1897, No 415.
  7. Copie du rapport d’un ComitĂ© de l’Honorable Conseil ExĂ©cutif, en date du 15 juin 1897, approuvĂ© par le lieutenenant Gouverneur, le16 juin 1897, No 445.
  8. Rapport du Commissaire des Terres, ForĂȘts et PĂȘcheries de la Province de QuĂ©bec pour les douze mois expirĂ©s le 30 juin 1900, ImprimĂ© par Charles Pageau, QuĂ©bec, Imprimeur de Sa TrĂšs Excellente MajestĂ© le Roi, 1901.
  9. Rapport du Commissaire des Terres, ForĂȘts et PĂȘcheries de la Province de QuĂ©bec pour les douze mois expirĂ©s le 30 juin 1902, ImprimĂ© par Charles Pageau, QuĂ©bec, Imprimeur de Sa TrĂšs Excellente MajestĂ© le Roi, 1903.
  10. Rapport du Commissaire des Terres, ForĂȘts et PĂȘcheries de la Province de QuĂ©bec pour les douze mois expirĂ©s le 30 juin 1898, ImprimĂ© par Charles Pageau, QuĂ©bec, Imprimeur de Sa TrĂšs Excellente MajestĂ© le Roi, 1899.
  11. RĂ©ponse Ă  un ordre de l’AssemblĂ©e lĂ©gislative en date du 13 avril 1904 pour un Ă©tat dĂ©taillĂ© indiquant : 1. le nombre de poursuites intentĂ©es, le nombre de convictions exĂ©cutĂ©es et le nombre de jugements suspendus pour infractions aux lois de la chasse en cette province, depuis, le 30 juin 1902 2 Le nom et la rĂ©sidence et du plaignant et du dĂ©fendeur dans chaque cause, etc. Document no 18 de la session de 1905.
  12. Rapport gĂ©nĂ©ral du Ministre de la Colonisation, des Mines et des PĂȘcheries de la Province de QuĂ©bec pour l’annĂ©e finissant le 30 juin 1908. ImprimĂ© par Charles Pageau, QuĂ©bec, Imprimeur de Sa MajestĂ©. 1909.
  13. SĂ©ance de l’AssemblĂ©e lĂ©gislative, Cahier no 14, 19 mars 1909, pages 276-277 et SĂ©ance de l’AssemblĂ©e lĂ©gislative, Cahier no 24, du 12 fĂ©vrier 1912, pages 329 Ă  332.
  14. La Protection du castor dans la Province de QuĂ©bec par J.A.Tremblay, directeur du Service des Fourrures et des RĂ©serves de castors, dans le tract no 97 de mai 1955 de la SociĂ©tĂ© canadienne d’histoire Naturelle
  15. Rapport gĂ©nĂ©ral du Ministre de la Colonisation, des Mines et des PĂȘcheries de la Province de QuĂ©bec pour l’annĂ©e finissant le 30 juin 1929. ImprimĂ© par RĂ©dempti Paradis, Imprimeur du Roi.1929.
  16. Rapport gĂ©nĂ©ral du Ministre de la Colonisation, de la Chasse et des PĂȘcheries de la Province de QuĂ©bec pour l’annĂ©e finissant le 30 juin 1933. ImprimĂ© par RĂ©demti Paradis, QuĂ©bec, Imprimeur de Sa MajestĂ©. 1933, et celui de l’annĂ©e suivante.
  17. Rapport gĂ©nĂ©ral du Ministre de la Colonisation, de la Chasse et des PĂȘcheries de la Province de QuĂ©bec pour l’annĂ©e finissant le 30 juin 1934. ImprimĂ© par RĂ©demti Paradis, QuĂ©bec, Imprimeur de Sa MajestĂ©. 1934.
  18. Rapport du MinistĂšre des Terres et ForĂȘts, de la Chasse et de la PĂȘche de la Province de QuĂ©bec pour l’annĂ©e finissant le 30 juin 1940. ImprimĂ© par RĂ©demti Paradis, QuĂ©bec, Imprimeur du Roi. 1941.
  19. Rapport gĂ©nĂ©ral du Ministre de la Chasse et de la PĂȘche pour l’annĂ©e finissant le 31 mars 1942, RĂ©demti Paradis, QuĂ©bec, Imprimeur du Roi. 1943
  20. Rapport gĂ©nĂ©ral du Ministre de la Chasse et de la PĂȘche pour l’annĂ©e finissant le 31 mars 1941, RĂ©demti Paradis, QuĂ©bec, Imprimeur du Roi. 1942.
  21. Rapport gĂ©nĂ©ral du Ministre de la Chasse et des PĂȘcheries concernant les activitĂ©s de la chasse pour les annĂ©es budgĂ©taires de 1955-56 Ă  1959-1960, ImprimĂ© par ordre de la lĂ©gislature, QuĂ©bec, 1961.
  22. MĂ©moire prĂ©sentĂ© Ă  Jean Lesage la FĂ©dĂ©ration des Associations de chasse et de pĂȘche concernant la Conservation des ressources de chasse et de pĂȘche du QuĂ©bec. 1960.
  23. Rapport général du Ministre de la Chasse et des Pëcheries concernant les activités de la chasse pour les années budgétaires de 1955-56 à 1959-1960, Imprimé par ordre de la législature, Québec, 1961.
  24. Rapport annuel 1963-64 du MinistĂšre de la Chasse et de la PĂȘche du QuĂ©bec.
  25. Rapport annuel 1965 du MinistĂšre du Tourisme, de la Chasse et de la PĂȘche.
  26. Rapport du MinistĂšre du Tourisme, de la Chasse et de la PĂȘche 1967.
  27. Rapport du MinistĂšre du Tourisme, de la Chasse et de la PĂȘche 1968.
  28. MinistĂšre du tourisme, de la chasse et de la pĂȘche, Rapport annuel 1972/73.
  29. Sources : Centre de Formation de Duchesnay.
  30. Rapport annuel 1975-76 du MinistĂšre du Tourisme, de la Chasse et de la PĂȘche.
  31. MinistĂšre du Loisir, de la Chasse et de la PĂȘche, Rapport annuel 1982-1983.
  32. Sources : Syndicat des Agents de Protection de la Faune du Québec.
  33. MinistĂšre du Loisir, de la Chasse et de la PĂȘche, Rapport annuel 1983-1984.
  34. Source : Jean-Yves Desbiens.
  35. Service de la Conservation de la faune. Bilan de la planification stratégique.