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Affaire des tĂȘtes maories

L'« affaire des tĂȘtes maories »[1] concerne la requĂȘte formulĂ©e par le musĂ©e national nĂ©o-zĂ©landais Te Papa Tongarewa, visant la rĂ©cupĂ©ration de l'ensemble des dĂ©pouilles maories dispersĂ©es de par le monde, en l'espĂšce les tĂȘtes momifiĂ©es appelĂ©es upuko tuhi ou toi moko en raison de leur tatouage (moko) et mokomokai lorsqu'il s'agit de tĂȘtes d'esclaves tatouĂ©s de force.

En raison du principe d'inaliénabilité des collections publiques, depuis longtemps consacré dans la définition du domaine public par le droit français (voir l'édit de Moulins) et réaffirmé par la loi du relative aux musées de France[2], seule une commission de déclassement ou une loi peut autoriser en principe un tel transfert. Une telle loi avait permis, en 2002, de restituer à l'Afrique du Sud les restes de Saartjie Baartman, alias la « Vénus hottentote ».

L'affaire concerne donc Ă  la fois une question Ă©thique, philosophique, religieuse et historique, appliquĂ©e Ă  la musĂ©ologie, intĂ©ressant la science, l'art, la bioĂ©thique et le colonialisme, et un dĂ©bat juridique : ces tĂȘtes relĂšvent-elles du domaine public musĂ©al, ce qui les rendrait inaliĂ©nables Ă  moins d'un dĂ©classement prĂ©alable ? Et alors comment passer outre Ă  l'interdiction de dĂ©classer les dons et legs ? Ou faut-il dire que de telles « piĂšces anthropologiques » ou Ă©ventuellement « Ɠuvres », relĂšvent, en tant qu'organes humains, des articles 16 et suivants du Code civil français et, par suite, du principe de non-patrimonialitĂ© du corps humain, interdisant toute appropriation de celui-ci ? En vertu des lois de bioĂ©thique et du Code civil, elles ne pourraient donc ĂȘtre appropriĂ©es, ni mĂȘme sous la forme spĂ©cifique et distincte que constitue le domaine public. Cette derniĂšre solution juridique a Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e par la jurisprudence.

Ces tĂȘtes ne sont plus exposĂ©es dans les musĂ©es français, depuis 1996 au musĂ©um d'histoire naturelle de Rouen[3], 1998 au musĂ©um d'histoire naturelle de La Rochelle[4], etc. Jusqu'Ă  leur restitution, intervenue le , une vingtaine de tĂȘtes Ă©taient dĂ©tenues au total en France, au musĂ©e du Quai Branly, au MusĂ©um national d'histoire naturelle Ă  Paris, Ă  Rouen, Dunkerque, La Rochelle, Lille, Lyon, Marseille, Nantes et Sens, ainsi qu'Ă  l'universitĂ© de Montpellier[3].

Cadre juridique

La loi 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, dans son article 11 codifié en 2004 à l'article L. 451-5 du code du Patrimoine, réaffirma le principe d'inaliénabilité des collections publiques des musées classés « musées de France », en vertu des principes de la domanialité publique hérités de l'édit de Moulins de 1566. Pour répondre aux problÚmes engendrés par l'affaire de la restitution des restes de Saartjie Baartman, dite « Vénus hottentote », elle introduisait cependant dans son second alinéa la possibilité de déclasser un bien aprÚs avis de la Commission scientifique nationale des collections des musées de France, créée par l'article 16.3° du décret n° 2002-628 du 25 avril 2002 entré en vigueur le et codifié en 2011 à l'article R. 115-1 du code du Patrimoine. Deux mois avant cette date, la restitution de la dépouille de Saartjie Baartman à l'Afrique du Sud avait ainsi dû faire l'objet de la loi spéciale n° 2002-323 du 6 mars 2002.

L'article L. 451-5 du code du Patrimoine, modifiĂ© Ă  nouveau en 2010 Ă  l'occasion de la prĂ©sente affaire, dispose ainsi que : « Les biens constituant les collections des musĂ©es de France appartenant Ă  une personne publique font partie de leur domaine public et sont, Ă  ce titre, inaliĂ©nables. Toute dĂ©cision de dĂ©classement d'un de ces biens ne peut ĂȘtre prise qu'aprĂšs avis conforme de la commission scientifique nationale des collections mentionnĂ©e Ă  l'article L. 115-1. »

Mais, l'article L. 451-7 du code du Patrimoine, Ă©galement issu de l'article 11 de la loi de 2002 dispose : « Les biens incorporĂ©s dans les collections publiques par dons et legs ou, pour les collections ne relevant pas de l'État, ceux qui ont Ă©tĂ© acquis avec l'aide de l'État ne peuvent ĂȘtre dĂ©classĂ©s. »

Par ailleurs, la loi n°94-653 du , relative au respect du corps humain, dite de bioĂ©thique, crĂ©a l'article 16-1 du code civil ainsi rĂ©digĂ© : « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses Ă©lĂ©ments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. » Cet article avait Ă©tĂ© invoquĂ© par les parlementaires et mĂȘme par le ministre de la recherche de l’époque pour s'affranchir de la nĂ©cessitĂ© d'une loi lors de la restitution de la VĂ©nus hottentote, mais le rapporteur reconnut alors qu'il concernait principalement le domaine mĂ©dical et la protection des seules personnes vivantes dans leur intĂ©gritĂ© physique et morale, par exemple contre les expĂ©rimentations ou le trafic d’organes, de sorte que la nĂ©cessitĂ© de la loi spĂ©ciale fut alors confirmĂ©e.

Enfin, l'article 16-1-1 du code civil, introduit par la loi n°2008-1350 du , relative Ă  la lĂ©gislation funĂ©raire, a rĂ©affirmĂ© le respect de la dĂ©cence due aux morts en disposant : « le respect dĂ» au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes dĂ©cĂ©dĂ©es (
) doivent ĂȘtre traitĂ©s avec respect, dignitĂ© et dĂ©cence », ce qui n'est pas pour autant incompatible avec toute conservation musĂ©ale, voire exposition de restes humains (squelettes du musĂ©e de l'homme ou d'Ă©tablissements scolaires par exemple).

Historique de la restitution des tĂȘtes maories

Depuis 1992, le musée national néozélandais Te Papa Tongarewa émet des demandes de retour de tous les restes de dépouilles maories dispersées dans le monde.

En , 322 tĂȘtes (dont 21 de France) ont Ă©tĂ© rapatriĂ©es sur environ 500 conservĂ©es dans les musĂ©es du monde, dont, par exemple, 39 toujours prĂ©sentes au MusĂ©um amĂ©ricain d'histoire naturelle de New York.

La tĂȘte maorie du musĂ©um d'histoire naturelle de Rouen

L'histoire commence en 2006, alors que Pierre Albertini, maire de Rouen (2001-2008) et Catherine Morin-Desailly, son adjointe à la culture, travaillent à la réouverture du muséum de Rouen, le deuxiÚme plus important en termes de richesse et de diversité des collections aprÚs celui de Paris et classé « musée de France ».

Saisi par la Nouvelle-ZĂ©lande, le conseil municipal rouennais, prĂ©sidĂ© par le maire Pierre Albertini, avait ordonnĂ© le la restitution d'une tĂȘte de guerrier māori tatouĂ©e conservĂ©e par le musĂ©um rouennais depuis 1875.

Une nouvelle Ă©quipe est recrutĂ©e, dirigĂ©e par SĂ©bastien Minchin qui, sur demande de l’équipe municipale, met en Ɠuvre le nouveau projet culturel et scientifique. TrĂšs vite naĂźt l’idĂ©e de restituer Ă  la Nouvelle-ZĂ©lande la tĂȘte humaine tatouĂ©e et momifiĂ©e, dite tĂȘte maorie.

Le , le Conseil municipal vote la restitution de la tĂȘte Ă  l’unanimitĂ© par une dĂ©libĂ©ration fondĂ©e uniquement sur les dispositions de l'article 16-1 du code civil, sans Ă©voquer la procĂ©dure de saisine prĂ©alable de la Commission scientifique nationale des collections des musĂ©es de France, et procĂšde Ă  une cĂ©rĂ©monie de restitution en prĂ©sence de l’ambassadrice de Nouvelle-ZĂ©lande, Sarah Dennis, ainsi que de l’ancien prĂ©sident de la Commission Culture de l'UNESCO, le Maori Tum Te Heuheu.

Trois jours plus tard, cette décision est contestée par la ministre de la culture Christine Albanel qui, dans un communiqué, estime que ce reste humain, objet de collection d'un musée de France, est frappé d'inaliénabilité, sauf à faire l'objet d'un déclassement préalable aprÚs avis de la commission concernée.

Ce communiquĂ© du exposa en effet immĂ©diatement le point de droit en cause : "La ministre a rappelĂ© que les collections du musĂ©um de Rouen, comme celles de tous les « musĂ©es de France », sont protĂ©gĂ©es par un rĂ©gime juridique particulier, destinĂ© Ă  garantir l’intĂ©gritĂ© du patrimoine de la Nation qui est en principe inaliĂ©nable. Elle a soulignĂ© que ce rĂ©gime ne fait pas obstacle Ă  ce que certaines piĂšces sortent des collections publiques. Mais une telle dĂ©cision suppose alors de recueillir l’avis d’une commission scientifique, dont le rĂŽle est de vĂ©rifier qu’il n’est pas portĂ© une atteinte injustifiĂ©e au patrimoine national. Christine Albanel a relevĂ© que cette commission n’avait pas Ă©tĂ© consultĂ©e, alors mĂȘme que les Ă©lus rouennais avaient Ă©tĂ© prĂ©alablement alertĂ©s sur les difficultĂ©s que soulĂšverait leur dĂ©cision. Christine Albanel a toutefois souhaitĂ© que les problĂšmes Ă©thiques particuliers liĂ©s Ă  la conservation de restes humains dans les collections publiques fassent l’objet d’une rĂ©flexion approfondie." Un colloque international s'est ainsi tenu au musĂ©e du Quai Branly du 22 au .

Cette question de procĂ©dure fut largement ignorĂ©e par les mĂ©dias, en particulier anglo-saxons (sĂ©lection d'articles), ces derniers relayant essentiellement la position orientĂ©e de la presse britannique, en dĂ©nonçant au contraire un blocage de la part d'un gouvernement français soi-disant dĂ©sireux de prĂ©server l'intĂ©gritĂ© de ses collections quand bien mĂȘme seraient-elles issues de trafics de restes humains
, alors que rien ne permettait pourtant de prĂ©juger de l'avis de la commission de dĂ©classement avant sa saisine et en particulier des moyens de rĂ©soudre le cas des dons (par une loi spĂ©ciale, en l'occurrence) ou de conserver une trace de ces piĂšces en cas de destruction, alors envisagĂ©e par les autoritĂ©s nĂ©o-zĂ©landaises. StĂ©phane Martin, directeur du musĂ©e du Quai Branly, s'Ă©tait en effet seulement opposĂ©, pour des raisons scientifiques, Ă  ce qu'une destruction totale des tĂȘtes efface une page d'histoire, aussi bien des traditions maories, que des pratiques colonialistes du XIXe siĂšcle.

Le ministÚre de la Culture déféra alors la délibération au tribunal administratif de Rouen pour non respect de la législation sur les musées de France, afin de ne pas créer un précédent.

La mairie de Rouen avançait que ces morceaux de corps humain devaient ĂȘtre restituĂ©s Ă  la Nouvelle-ZĂ©lande pour des raisons Ă©thiques[5] en s'appuyant en particulier sur le principe de non-patrimonialitĂ© du corps humain inclus dans les lois de bioĂ©thique[6]. Pour dĂ©classer et restituer Ă  l'Afrique du Sud le corps de Saartjie Baartman (alias la « VĂ©nus Hottentote »), il avait fallu la loi du 6 mars 2002 antĂ©rieure Ă  la crĂ©ation de la commission de dĂ©classement par l'article 16.3° du dĂ©cret n°2002-628 du 25 avril 2002. Elle estimait Ă©galement que Baartman ayant dĂ©jĂ  fait l'objet d'un certain nombre d'examens scientifiques, il aurait Ă©tĂ© indĂ©cent de la faire passer Ă  nouveau devant une commission d'experts, serait-ce aux fins d'obtenir son dĂ©classement du domaine public et de la restituer Ă  l'Afrique du Sud et qu'il devait donc en ĂȘtre ici de mĂȘme.

Par jugement du , le tribunal administratif de Rouen donna raison Ă  la ministre et dĂ©cida que la tĂȘte appartenait bien au domaine public et qu'elle Ă©tait, Ă  ce titre, inaliĂ©nable Ă  dĂ©faut de dĂ©classement[7]. L'article 11 de la loi du relative aux musĂ©es de France prĂ©voit en effet que « les biens constituant les collections des musĂ©es de France appartenant Ă  une personne publique font partie de leur domaine public et sont, Ă  ce titre, inaliĂ©nables » et que « toute dĂ©cision de dĂ©classement d'un de ces biens ne peut ĂȘtre prise qu'aprĂšs avis conforme d'une commission scientifique dont la composition et les modalitĂ©s de fonctionnement sont fixĂ©es par dĂ©cret » [7] (article L. 451-5 du Code du patrimoine). Or le conseil municipal avait dĂ©libĂ©rĂ© sans saisir une commission scientifique, et donc outrepassĂ© ses pouvoirs[7].

La ville de Rouen ayant interjetĂ© appel, par un arrĂȘt du 24 juillet 2008 publiĂ© au recueil Lebon, la Cour administrative d'appel de Douai confirma la dĂ©cision du tribunal administratif :

« ConsidĂ©rant que le musĂ©um d'histoire naturelle, d'ethnographie et de prĂ©histoire de la ville de Rouen a reçu l'appellation de musĂ©e de France et contient dans ses collections, et depuis 1996 au sein des rĂ©serves, une tĂȘte dite Maori naturalisĂ©e et comportant des tatouages rituels, qui lui a Ă©tĂ© donnĂ©e en 1875 par M. Drouet ; que, par dĂ©libĂ©ration du , le conseil municipal de la ville de Rouen a dĂ©cidĂ© d'autoriser, en vue de son inhumation selon les rites ancestraux, la restitution de la tĂȘte Maori Ă  la Nouvelle-ZĂ©lande ainsi que la signature de l'accord formalisant les conditions de cette restitution entre la ville de Rouen et le musĂ©e Te Papa Ă  Wellington chargĂ© de l'identification de la tribu d'origine et, Ă  dĂ©faut, de l'inhumation dans la zone sacrĂ©e spĂ©cialement amĂ©nagĂ©e Ă  cet effet au sein de ce musĂ©e ; qu'il est constant que ce bien, pour lequel l'avis conforme de la commission scientifique nationale des collections des musĂ©es de France n'avait Ă©tĂ© ni obtenu ni mĂȘme sollicitĂ©, n'avait fait, en outre, prĂ©alablement Ă  la dĂ©libĂ©ration, l'objet d'aucun dĂ©classement, contrairement aux dispositions de l'article L. 451-5 du code du patrimoine ; »

« ConsidĂ©rant que, pour se soustraire Ă  la mise en Ɠuvre des dispositions prĂ©citĂ©es du code du patrimoine, la ville de Rouen s'est explicitement fondĂ©e sur l'article 16-1 du code civil issu de la loi n° 94-653 du , selon lequel : Chacun a droit au respect de son corps. / Le corps humain est inviolable. / Le corps humain, ses Ă©lĂ©ments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial ; qu'en outre, en application de l'article 16-5 du mĂȘme code : Les conventions ayant pour effet de confĂ©rer une valeur patrimoniale au corps humain, Ă  ses Ă©lĂ©ments ou Ă  ses produits sont nulles ; que, toutefois, les dispositions sus-rappelĂ©es du code du patrimoine, qui rendent inaliĂ©nables les biens d'une personne publique constituant une collection des musĂ©es de France, placent ces biens sous un rĂ©gime de protection particuliĂšre distinct du droit patrimonial Ă©noncĂ© Ă  l'article 16-1 du code civil ; que, dĂšs lors, ledit article n'ayant eu ni pour objet ni pour effet de faire obstacle Ă  l'exercice d'un rĂ©gime de domanialitĂ© publique sur un reste humain en application des dispositions du code du patrimoine et n'impliquant pas, au demeurant, par lui-mĂȘme, la restitution de la tĂȘte Maori Ă  la Nouvelle-ZĂ©lande, la ville de Rouen n'est pas fondĂ©e Ă  soutenir qu'elle pouvait autoriser la restitution de ce bien sans respecter la procĂ©dure de dĂ©classement prĂ©vue par l'article L. 451-5 du code du patrimoine. »

La proposition de loi de juin 2009

En raison de ces difficultĂ©s juridiques et pour aboutir Ă  une restitution gĂ©nĂ©rale et non au coup par coup de toutes les tĂȘtes maoris, la ville de Rouen dĂ©cida dĂšs le de soutenir une proposition de loi autorisant la restitution de ces restes humains[8]. Ainsi, la sĂ©natrice Catherine Morin-Desailly, conseillĂšre municipale Ă  Rouen (Nouveau Centre), instruite par la dĂ©cision du du tribunal administratif de Rouen, entreprit, en tant que parlementaire, de rĂ©diger et de dĂ©poser cette proposition de loi en [9] - [10]. VotĂ©e Ă  l'unanimitĂ© du SĂ©nat, la proposition de loi inquiĂ©tait pourtant le milieu de l'art, ses articles 2, 3 et 4 modifiant la composition des commissions scientifiques de dĂ©classement, en y introduisant des personnalitĂ©s Ă©lues ou « qualifiĂ©es », qui pourraient ĂȘtre plus flexibles que les conservateurs de musĂ©es, notamment en matiĂšre d'art contemporain[3].

D'emblĂ©e, soutenue par plus de soixante sĂ©nateurs issus de diffĂ©rents groupes politiques, la loi, dont Philippe Richert est le rapporteur, est dĂ©battue en Ă©voquant la question juridique liĂ©e au statut non rĂ©solu[11] des autres types de restes humains dans les collections publiques comme les momies, et votĂ©e Ă  l’unanimitĂ© au SĂ©nat dans sa sĂ©ance du [12], avec le soutien du ministre de la Culture et de la Communication, FrĂ©dĂ©ric Mitterrand.

Lors des dĂ©bats, le ministre dĂ©clara en effet : « Je tiens d’ailleurs Ă  rappeler qu’à aucun moment, le gouvernement n’a pris position sur l’opportunitĂ© de la remise aux autoritĂ©s de Nouvelle-ZĂ©lande de la tĂȘte maorie du musĂ©um de Rouen. L’intervention de l’État auprĂšs du juge administratif Ă©tait simplement motivĂ©e, dans le cadre de l’exercice du contrĂŽle de lĂ©galitĂ©, par la nĂ©cessitĂ© d’assurer le respect des procĂ©dures dont le lĂ©gislateur a entourĂ© le dĂ©classement des objets appartenant aux collections des musĂ©es de France. En l’occurrence, la saisine pour avis de la commission scientifique instituĂ©e par la loi du sur les musĂ©es de France. (...) Je soulignerai simplement que, pour la premiĂšre fois, la loi organise la sortie des collections des musĂ©es de France d’une catĂ©gorie entiĂšre d’élĂ©ments, et non d’un objet dĂ©terminĂ©. »

Ensuite dĂ©posĂ©e et dĂ©fendue le par le groupe Nouveau Centre Ă  l'AssemblĂ©e nationale, la loi n°2010-501 est Ă  son tour votĂ©e « conforme » par les dĂ©putĂ©s le et promulguĂ©e le . Lors de cette sĂ©ance du [13] la nouvelle maire de Rouen ValĂ©rie Fourneyron indiquera que la ville n'avait pas Ă©tĂ© encouragĂ©e Ă  faire appel Ă  cette commission au vu de son « inertie » ; tandis que Marcel Rogemont notera au contraire qu'il est curieux de constater que la commission scientifique crĂ©Ă©e Ă  l'Ă©poque n'a pas Ă©tĂ© saisie de l'affaire de la restitution de la tĂȘte maorie du musĂ©um de Rouen, par cette mĂȘme municipalitĂ©, raison pour laquelle elle n'a jamais statuĂ© sur des questions de dĂ©classement, de sorte qu'elle n'a jamais pu dĂ©finir une doctrine prĂ©cise permettant d'encadrer ces possibilitĂ©s de dĂ©classement.

Si le Parlement a choisi de faire droit Ă  la demande des autoritĂ©s nĂ©o-zĂ©landaises, ses rapporteurs ont nĂ©anmoins insistĂ© sur le respect d’un ensemble de critĂšres incontournables justifiant ce retour, qui avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©noncĂ©s pour la VĂ©nus Hottentote. Parmi les principaux, on peut citer :

  • une position constante concernant la demande de retour et Ă©manant d’un gouvernement dĂ©mocratiquement Ă©lu ;
  • la nĂ©cessitĂ© que la demande soit portĂ©e par un peuple vivant, dont les traditions perdurent ;
  • la justification de la restitution tant au regard du principe de dignitĂ© humaine que dans la perspective du respect des cultures et croyances des autres peuples ;
  • l'intĂ©rĂȘt scientifique non dĂ©montrĂ© des biens culturels.

En effet, le ministre de la Culture et de la Communication, au SĂ©nat le , et le ministre chargĂ© des relations avec le Parlement Henri de Raincourt, Ă  l’AssemblĂ©e nationale le , ont l’un et l’autre rappelĂ© que cette dĂ©cision relative aux tĂȘtes maories rĂ©pond Ă  un problĂšme trĂšs spĂ©cifique qui ne saurait ĂȘtre confondu avec le dĂ©bat autour d’autres revendications qui portent sur des biens appartenant aux collections publiques et qu’il convient d’éviter l’amalgame, trop souvent rapidement Ă©tabli, entre des situations qui ne relĂšvent pas du mĂȘme cadre juridique.

Le nombre de tĂȘtes maories dĂ©tenues par des musĂ©es de France, qui se trouvent alors dĂ©classĂ©es pour pouvoir retourner vers leur terre d'origine, qui Ă©tait initialement estimĂ© Ă  une quinzaine fut finalement portĂ© Ă  vingt. Outre celle de Rouen, on a pu en effet rĂ©pertorier dix-neuf tĂȘtes maories : 12 au sein de trois musĂ©es nationaux (7 au musĂ©e du Quai Branly, 4 au MusĂ©um national d'histoire naturelle Ă  Paris et 1 au musĂ©e national de la Marine de Rochefort dĂ©posĂ©e au musĂ©um de La Rochelle) et 7 au sein de six musĂ©ums ou musĂ©es territoriaux (Dunkerque, Lille, Marseille, Nantes, Sens ainsi que 2 au musĂ©e des Confluences de Lyon). Par ailleurs, l’universitĂ© Montpellier 1 dĂ©tentrice d'une tĂȘte dĂ©sira se joindre Ă  ce mouvement, ce qui porta le total Ă  21 tĂȘtes.

Le , la tĂȘte maori du musĂ©um de Rouen a Ă©tĂ© restituĂ©e Ă  la Nouvelle-ZĂ©lande (interview de Catherine Morin-Desailly[14] du au SĂ©nat sur la restitution de la tĂȘte maorie), et le , lors d'une cĂ©rĂ©monie tenue au musĂ©e du Quai Branly Ă  l'issue de l'exposition Māori, leurs trĂ©sors ont une Ăąme, aprĂšs que la totalitĂ© des collectivitĂ©s et Ă©tablissements publics provinciaux eurent Ă©galement renoncĂ© Ă  leur propriĂ©tĂ©, 20 autres tĂȘtes comprenant celle du musĂ©e de la facultĂ© de mĂ©decine de Montpellier le furent Ă  leur tour, soit 21 tĂȘtes au total[15]. Selon le vƓu d'en conserver la trace, qui avait Ă©tĂ© exprimĂ© par le directeur du musĂ©e du Quai Branly, elles furent toutes prĂ©alablement numĂ©risĂ©es, y compris celle de Rouen, aprĂšs une vĂ©rification gĂ©nĂ©tique.

La tĂȘte de La Rochelle et Rochefort

La tĂȘte maorie du musĂ©um d'histoire naturelle de La Rochelle, qui n'est plus exposĂ©e depuis 1998, a Ă©tĂ© ramenĂ©e par RenĂ© PrimevĂšre Lesson, qui avait embarquĂ© en 1822 Ă  bord de La Coquille[4]. Celui-ci en obtint trois en tout, mais on a perdu les deux autres[4]. Lesson en a fait don au musĂ©e national de l'ancienne École de mĂ©decine navale dĂ©pendante du site de Rochefort du musĂ©e national de la marine. Elle a ensuite Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e en 1928 au musĂ©um de La Rochelle[4] et restituĂ©e le .

Notes et références

  1. MaĂźtre Yves-Bernard Debie, avocat au Barreau de Bruxelles, « Restitution des tĂȘtes maories : une dĂ©cision critiquable ? », Tribal Art Magazine,‎ numĂ©ro 57, automne 2010 xiv-4 (lire en ligne)
  2. Loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France
  3. Michel Guerrin, Une proposition de loi visant Ă  restituer des tĂȘtes maori inquiĂšte les musĂ©es, Le Monde, 1er juillet 2009
  4. Christiane Poulin, La tĂȘte d'un homme, Sud Ouest, 7 juillet 2009.
  5. Elaine Sciolino, « French Debate: Is Maori Head Body Part or Art? » New York Times, 26 octobre 2007
  6. La tĂȘte maorie qui sĂšme la discorde, Le Figaro, 20 novembre 2007
  7. TĂȘte maorie de Rouen : le tribunal administratif annule la dĂ©cision de restitution, Localtis, 3 janvier 2008
  8. Lien mort ; La TĂȘte Maori reste Ă  Rouen, le Nouvel Observateur - Sciences et Avenir, fĂ©vrier 2008.
  9. TĂȘtes maories : proposition pour un retour en Nouvelle-ZĂ©lande, Blog-Dalloz, 9 juillet 2009
  10. Axel Leclercq, « Le SĂ©nat libĂšre les tĂȘtes », Paris-Normandie, 1er juillet 2009
  11. Statut qui sera rĂ©solu un mois plus tard par l'arrĂȘt de la CAA de Douai du 24 juillet 2008 qui estimera que : « ledit article [16-1 du code civil] n'a[...] eu ni pour objet ni pour effet de faire obstacle Ă  l'exercice d'un rĂ©gime de domanialitĂ© publique sur un reste humain en application des dispositions du code du patrimoine »
  12. séance du 29 juin 2009 sur senat.fr
  13. séance du 29 avril 2010 sur nosdeputes.fr
  14. interview de Catherine Morin-Desailly sur Youtube
  15. La France restitue 20 tĂȘtes maories Ă  la Nouvelle-ZĂ©lande, ministĂšre de la Culture, ActualitĂ©s

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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