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Mokomokai

Les Mokomokai sont des chefs conservés de Māoris, peuple indigÚne de la Nouvelle-Zélande et des ßles Cook, dont les visages ont été décorés par des tatouages tā moko. Ils sont devenus des objets d'échanges précieux au cours de la guerre des mousquets du début du XIXe siÚcle. Des Mokomakai ont été dispersés aux quatre coins du monde comme objets d'art, et font aujourd'hui l'objet de contentieux diplomatiques avec la Nouvelle-Zélande, qui souhaite les récupérer.

"NĂ©gociations pour une tĂȘte, sur le rivage, le chef haussant les prix" - croquis de H. G. Robley

Le Tā moko

Dessin de moko.

Les tatouages faciaux tā moko Ă©taient traditionnels dans la culture maorie et ce, jusqu'au milieu du XIXe siĂšcle, lorsque leur utilisation a commencĂ© Ă  disparaitre. Cet usage est de retour dans les mƓurs depuis la fin du XXe siĂšcle.

Dans la culture maorie prĂ©-europĂ©enne, ils dĂ©notaient un statut social Ă©levĂ©. GĂ©nĂ©ralement, seulement les hommes portaient un tatouage intĂ©gral sur le visage, les femmes de haut rang avaient un tatouage uniquement sur leurs lĂšvres et leur menton[1]. Les tatouages moko permettaient d'identifier les individus vis-Ă -vis de leurs ancĂȘtres[2].

Le tatouage moko marquait les rites de passage pour les gens de hauts rangs, ainsi que les Ă©vĂšnements importants de leur vie. Chaque moko est unique et contient des informations sur le rang, le tribu, la lignĂ©e, l'activitĂ© et les exploits de son porteur. Les moko Ă©taient couteux Ă  obtenir et c'est pour cela que les tatouages moko les plus Ă©laborĂ©s Ă©taient limitĂ©s aux chefs et aux guerriers de haut rang. En outre, l'art du moko, des tatoueurs moko dans leur travail, ainsi que les moko eux-mĂȘmes, Ă©tait entourĂ© par des tapus et un protocole stricts[3].

Les Mokomokai

Lorsqu'une personne portant un moko remarquable mourait, sa tĂȘte Ă©tait prĂ©servĂ©e. Le cerveau et les yeux Ă©taient retirĂ©s, et tous les orifices Ă©taient scellĂ©s avec des fibres de lin et de la gomme. La tĂȘte Ă©tait ensuite bouillie ou cuite Ă  la vapeur dans un four avant d'ĂȘtre fumĂ©e sur un feu ouvert, puis sĂ©chĂ©e au soleil pendant plusieurs jours. Elle Ă©tait ensuite traitĂ©e avec de l'huile de requin. Ces mokomokai prĂ©servĂ©s Ă©taient conservĂ©s par les familles dans des boites richement sculptĂ©es, et sorties uniquement Ă  l'occasion de cĂ©rĂ©monies sacrĂ©es[4].

Les tĂȘtes des chefs ennemis tuĂ©s Ă©taient aussi prĂ©servĂ©es ; ces mokomokai Ă©taient considĂ©rĂ©s comme des trophĂ©es de guerre et Ă©taient ensuite affichĂ©s sur le marae et moquĂ©s des vainqueurs. Elles Ă©taient importantes dans les nĂ©gociations diplomatiques entre tribus en guerre : le retour et l'Ă©change des mokomokai Ă©tait une condition prĂ©alable essentielle pour la paix[5].

La guerre des mousquets

Au dĂ©but du XIXe siĂšcle, avec l'arrivĂ©e des EuropĂ©ens en Nouvelle-ZĂ©lande, les tribus en contact avec les marins, commerçants et colons europĂ©ens avaient accĂšs Ă  des armes Ă  feu, leur donnant un avantage militaire majeur sur leurs voisins. Les autres tribus eurent de fait dĂ©sespĂ©rĂ©ment besoin d'acquĂ©rir des armes Ă  feu, mĂȘme juste pour se dĂ©fendre. Cela donna lieu Ă  la guerre des mousquets. C'est au cours de cette pĂ©riode de la dĂ©stabilisation sociale que les mokomokai devinrent des objets de commerce qui pouvaient facilement ĂȘtre vendus comme des Ɠuvres d'art et des spĂ©cimens de musĂ©e. Les prix Ă©levĂ©s auxquels elles Ă©taient ensuite vendues en Europe et en AmĂ©rique permettaient de les Ă©changer contre des armes Ă  feu et des munitions[6].

La demande pour les armes Ă  feu Ă©tait telle que les tribus effectuaient des raids chez leurs voisins pour voler leurs mokomokai Ă  des fins commerciales. Certains tatouĂšrent aussi des esclaves et des prisonniers (mais avec des motifs insignifiants Ă  la place des vĂ©ritables moko) afin de satisfaire des commandes. L'Ăąge d'or du commerce de mokomokai eut lieu entre 1820 et 1831. En 1831, le gouverneur de Nouvelle-Galles du Sud y mit fin en proclamant l'interdiction d'Ă©changes commerciaux de tĂȘte en Nouvelle-ZĂ©lande. Dans les annĂ©es 1830, la demande pour les armes Ă  feu diminua Ă©galement du fait de la saturation du marchĂ©. En 1840, lorsque le traitĂ© de Waitangi eut Ă©tĂ© signĂ© et que la Nouvelle-ZĂ©lande devint une colonie britannique, le commerce d'exportation de mokomokai Ă©tait pratiquement terminĂ©, avec une baisse de l'utilisation de moko dans les sociĂ©tĂ©s māories. Occasionnellement, et Ă  petite Ă©chelle, les Ă©changes ont continuĂ© pendant plusieurs annĂ©es[7] - [8].

La collection Robley

H. G. Robley avec sa collection de mokomokai.

Le major-gĂ©nĂ©ral Horatio Gordon Robley Ă©tait un officier de l'armĂ©e britannique et artiste qui a servi en Nouvelle-ZĂ©lande au cours des guerres māories dans les annĂ©es 1860. Il s'intĂ©ressait Ă  l'ethnologie et Ă©tait fascinĂ© par l'art du tatouage, en plus d'ĂȘtre un illustrateur talentueux. Il est l'Ă©crivain de l'ouvrage de rĂ©fĂ©rence au sujet du moko, Moko; or Maori Tattooing, qui a Ă©tĂ© publiĂ© en 1896. AprĂšs son retour en Angleterre, il Ă©tablit une remarquable collection de 35 Ă  40 mokomokai qu'il proposa de vendre ensuite au gouvernement de Nouvelle-ZĂ©lande. AprĂšs un refus de l'offre, une grande partie de la collection fut vendue au musĂ©e amĂ©ricain d'histoire naturelle[9].

Le rapatriement

À la fin du XXe siĂšcle, le gouvernement de Nouvelle-ZĂ©lande a entrepris une campagne de rapatriement des centaines de mokomokai retenues dans les musĂ©es et collections privĂ©es Ă  travers le monde, afin qu'elles fussent rendues Ă  leur famille ou au musĂ©e de Nouvelle-ZĂ©lande pour leur stockage, mais non pour leur exposition. Cette campagne a eu un certain succĂšs, bien que de nombreux mokomokai demeurent Ă  l'Ă©tranger et qu'elle soit toujours en cours[9] - [10] - [11] - [12].

La France enclencha en 2006 la premiĂšre restitution de ses tĂȘtes maories. Le musĂ©e et le conseil municipal de Rouen ont Ă©tĂ© les premiers Ă  vouloir restituer la tĂȘte maorie de leur collection. Bien que le vote a Ă©tĂ© unanime, la dĂ©cision a Ă©tĂ© mise en pĂ©ril par l’intervention du ministre de la culture. Au terme d'une longue bataille juridique qui a abouti Ă  la crĂ©ation d'une nouvelle loi permettant la restitution de toutes les tĂȘtes maories de France[13], elles finirent par ĂȘtre rapatriĂ©es en Nouvelle-ZĂ©lande en 2012.

Références

  1. Palmer & Tano (2004), p.1.
  2. Cultural Heritage, Cultural Rights, Cultural Diversity: New Developments in International Law, edited by Silvia Borelli, Federico Lenzerini, page 163
  3. Palmer & Tano (2004), pp.1-3.
  4. NZETC: Mokomokai: Preserving the past Accessed 25 November 2008
  5. Palmer & Tano (2004), pp.3-4.
  6. Palmer & Tano (2004), pp.4-5.
  7. Palmer & Tano (2004), pp.5-6.
  8. Janes & Conaty (2005), pp.156-157.
  9. (en) « The trade in preserved Maori heads », The Sunday Star-Times (consulté le )
  10. Associated Press, Wellington. 7 April 2000.
  11. (en) « Maori heads may return home », Reuters/One News,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  12. Associated Press, Paris. 4 January 2008.
  13. LOI n° 2010-501 du 18 mai 2010 visant Ă  autoriser la restitution par la France des tĂȘtes maories Ă  la Nouvelle-ZĂ©lande et relative Ă  la gestion des collections (1), (lire en ligne)

Bibliographie

  • (en) Janes, Robert R.; & Conaty, Gerald T. (2005). Looking Reality In The Eye: Museums and Social Responsibility. University of Calgary Press. (ISBN 978-1-55238-143-4)
  • (en) Palmer, Christian; & Tano, Mervyn L. (2004). Mokomokai: Commercialization and Desacralization. International Institute for Indigenous Resource Management: Denver, Colorado. Accessed 25 November 2008.
  • (en) Robley, H.G. (1896). Moko; Maori Tattooing. Chapman & Hall: London. Full text at the NZETC.
  • Cazes Juliette, FunĂšbre ! Tour du monde des rites qui mĂšnent vers l'autre monde, Editions du trĂ©sor, 2020, 163p.

Liens externes

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