Accueil🇫🇷Chercher

Adaport Victoria de Montréal

L'adaport Victoria de Montréal (code IATA : YMY • code OACI : CYMY), parfois orthographié adacport Victoria, était un aérodrome d'avions à décollage et atterrissage courts (ADAC) situé près du centre-ville de Montréal, au Québec (Canada). Fruit d'un programme de recherche lancé par le Gouvernement du Canada, le petit aéroport était desservi uniquement par Airtransit, une société de la Couronne servant de vitrine technologique pour la filière ADAC canadienne.

Adaport Victoria de Montréal
Victoria STOLport
Image illustrative de l’article Adaport Victoria de Montréal
Localisation
Pays Drapeau du Canada Canada
Province Drapeau du Québec Québec
Ville Montréal
Date d'ouverture 24 juillet 1974
Date de fermeture 30 avril 1976
CoordonnĂ©es 45° 28′ 59″ nord, 73° 32′ 26″ ouest
Informations aéronautiques
Code IATA YMY
Code OACI CYMY
Type d'aéroport Civil
Gestionnaire Gouvernement du Canada
Pistes
Direction Longueur Surface
06/24 610 m (2 000 ft) Asphalte
Géolocalisation sur la carte : région métropolitaine de Montréal
(Voir situation sur carte : région métropolitaine de Montréal)
YMY
Géolocalisation sur la carte : Québec
(Voir situation sur carte : Québec)
YMY
GĂ©olocalisation sur la carte : Canada
(Voir situation sur carte : Canada)
YMY

Construit sur un ancien parc de stationnement de l'Exposition universelle de 1967, lui-même érigé sur un ancien lieu d'enfouissement des déchets, l'adaport Victoria est mis hors service moins de deux ans après son inauguration le alors qu'Airtransit connaît un succès mitigé et que les contraintes techniques aux opérations se multiplient.

Histoire

Mise sur pied d'une filière ADAC

En , le Conseil des sciences remet un rapport au gouvernement du Canada dans lequel il recommande de mettre sur pied « immédiatement » un programme de développement industriel d'ADAC afin de maintenir l'avantage stratégique du pays en matière d'aéronautique. Le Conseil recommande que le programme vise la construction d'appareils, les instruments d'aide à la navigation et la régulation du trafic aérien[1].

Le Gouvernement du Canada annonce en un financement de 150 M$ pour la mise sur pied d'un tel programme, censĂ© devenir une vitrine technologique. Il prĂ©sente son concept de rĂ©seau d'adaports au salon du Bourget de 1971[2], oĂą l'ADAC est prĂ´nĂ©e par divers exposants comme une solution pour rapprocher les avions des centres-villes[3].

Choix du site

Le gouvernement se met rapidement Ă  la recherche d'un site pour un adaport dont la piste devrait permettre d’accueillir les ADAC actuels et futurs de la sociĂ©tĂ© d'État De Havilland Canada, le DHC-6 Twin Otter, un avion de brousse, et le DHC-7, un modèle en dĂ©veloppement destinĂ© au transport de masse, de mĂŞme que les CL-246 Ă  dĂ©collage vertical de Canadair, une version civile des CL-84. Le site de l'aĂ©roport de Cartierville est Ă©voquĂ©[4], mais l'ancien « autoparc Victoria », un terrain de stationnement de 11 300 cases ayant servi pour Expo 67, s'impose comme solution pour un adaport en raison de sa proximitĂ© du centre-ville de MontrĂ©al[5] et du fleuve Saint-Laurent, assurant un dĂ©gagement de l'horizon[6].

Le choix du site fait l'objet de nombreuses critiques. Premièrement, le futur aéroport serait localisé sur un ancien dépotoir au sol organique (instable et spongieux), contaminé par les gaz s'en échappant[5] - [6] - [7] et les égouts qu'on y achemine[8]. Deuxièmement, on reproche à Transport Canada la configuration de la piste ; on craint que les habitants des quartiers ouvriers de Pointe-Saint-Charles et Verdun, localisés sous les corridors d'approche, ne soient incommodés par le bruit des aéronefs[9] - [10], particulièrement par mauvais temps[6]. Les données du ministère indiquent néanmoins que le bruit ne devrait pas dépasser les seuils tolérables dans ces quartiers[6] - [10]. Enfin, l'administration portuaire de Montréal, gestionnaire du site, s'oppose à la reconversion de l'ancien autoparc Victoria en aéroport puisqu'elle planifie à cet endroit stratégiquement localisé, enclavé entre deux autoroutes et un important triage ferroviaire du Canadien National, un centre de transbordement de conteneurs[11].

Malgré les critiques et les craintes, les travaux de construction d'un adaport sur l'ancien dépotoir sont entamés en 1972 et se terminent en [12]. Par ailleurs, dans le sillage de la construction de l'aéroport international de Mirabel on projette même la desserte par monorail du futur aéroport urbain, qui serait relié au centre-ville de même qu'aux deux aéroports internationaux du grand Montréal[4].

L'inauguration de l'aĂ©roport est reportĂ©e plusieurs fois : le sol du tarmac s'enfonce de 4 Ă  6 po (10 Ă  15 cm) au printemps 1974, menaçant l'alimentation Ă©lectrique par câble souterrain, et la piste s'embrase subitement au contact d'une flamme en raison du mĂ©thane qui s'Ă©chappe des fissures dans le revĂŞtement[13].

Opérations

Airtransit, une société de la Couronne et filiale d'Air Canada, est constituée le . Transports Canada lui confie la mission de mener un projet-pilote de liaison entre l'adaport Victoria et l'aéroport d’Ottawa-Rockcliffe, d'abord avec des Twin Otter de onze places[14] - [15], puis avec des DHC-7, lorsqu'ils auront été commercialisés[16] - [17] - [18] - [19]. Les CL-246, dont le développement est stoppé en raison de la fin annoncée de la guerre du Viêt Nam, sont laissés de côté[20].

Un avion de 11 places sur un tarmac
L'adaport Victoria est desservi par de petits DHC-6.

Airtransit opère Ă  partir de l'Ă©tĂ© 1974 quinze dĂ©parts quotidiens entre MontrĂ©al-Ottawa, chaque heure. Le prix minimal d'un billet est fixĂ© Ă  20 $[21].

La première annĂ©e, 96 000 passagers frĂ©quentent l'adaport, alors qu'on en avait prĂ©vu entre 100 000 et 120 000[22]. Le service s'avère rapidement dĂ©ficitaire[16] - [17] - [18] - [23]. On pointe d'une part du doigt le retard de dĂ©veloppement des DHC-7, condamnant Airtransit Ă  opĂ©rer avec des DHC-6 de petite taille, difficiles Ă  rentabiliser[17] - [18]. D'autre part, le marchĂ© de niche du transport aĂ©rien sur des courtes distances limite la clientèle potentielle aux cadres Ă  salaire Ă©levĂ©[23]. Airtransit peine Ă  positionner son produit dans un marchĂ© oĂą la concurrence d'autres modes de transport est forte ; l'ADAC attire une clientèle destinĂ©e Ă  l'aviation Ă  rĂ©action et la voiture personnelle, surtout, mais aussi au train et, dans une moindre mesure, Ă  l'autocar[16] - [24].

Aussi, le programme ADAC ayant été conçu avant le choc pétrolier de 1973, la flambée inopinée des prix du carburant alourdit le déficit d'exploitation du transporteur aérien[18], qui est deux fois supérieur à celui espéré[17] - [22].

Enfin, le choix de destination pour le projet-pilote ― Ottawa, ville administrative de taille moyenne, plutôt que Toronto, métropole et centre financier accueillant de nombreux sièges sociaux ― est mis en cause dans les insuccès[16] - [17].

Fermeture et abandon

Face aux écueils et au succès mitigé, Transports Canada met fin au projet-pilote le , trois mois avant la date prévue[23] - [25] Les infrastructures de l'adaport sont remises en question : le bail de location du terrain convenu avec le Conseil des ports nationaux arrive à échéance, le méthane s'échappe toujours du sol ― lequel s'effondre sous la piste ― et les bâtiments temporaires arrivent en fin de vie[19] - [25].

Les problèmes de voisinage s'intensifient : la construction de gratte-ciels à Verdun menace les corridors de vol qui n'avaient pas été zonés[19] - [25], tandis qu'à l'autre bout de la liaison, à Ottawa, les résidents du quartier cossu de Parc Rockcliffe se plaignent d'être incommodés par le bruit des mouvements d'aéronefs. L'échéance du projet-pilote était un compromis convenu avec les groupes d'opposition[9] - [19].

Air West et Nordair proposent de reprendre le service et de bonifier le réseau d'adaports[17] - [25], mais exigent des subventions pour rentabiliser le service[19]. Toutefois, sans rénovation prévue, sans apport financier du gouvernement et sans destination à desservir, l'adaport Victoria est finalement mis hors service le [19] - [23].

Localisation

L'adaport Victoria Ă©tait situĂ© immĂ©diatement au sud-ouest du centre-ville de MontrĂ©al. L'accès aux installations se faisait par le chemin de l'Adacport (aujourd'hui rue Marc-Cantin) Ă  partir de l'autoroute Bonaventure ou du pont Victoria[26]. L'aĂ©rogare se trouvait Ă  cinq minutes de route de la place Bonaventure, vĂ©ritable nĹ“ud intermodal situĂ© Ă  proximitĂ© de la Gare centrale du Canadien National, de la gare Windsor du Canadien Pacifique, de la station de mĂ©tro Bonaventure et du terminus d'autocars de l'hĂ´tel Le Reine Élizabeth. Une navette gratuite, l'« ADACmobile »[27], rĂ©servĂ©e aux dĂ©tenteurs de billets d'avion, assurait la liaison entre la place Bonaventure et l'adaport[24], avec un dĂ©part en direction du terminal prĂ©vu 15 minutes avant chaque dĂ©collage[27].

Bien que située avantageusement près du centre-ville, la proximité de la piste au fleuve Saint-Laurent la rendait vulnérable aux intempéries. 7 % des vols inscrits à l'horaire sont annulés en raison de conditions météorologiques défavorables à la navigation[24].

Localisé sur des terrains gagnés sur le fleuve Saint-Laurent, le site de l'aéroport a servi de site d'enfouissement dès le début du XXe siècle. Malgré les recommandations du Comité de santé de la ville de Montréal, le gestionnaire du port, puis le Canadien National autorisent successivement la Ville à déverser ses déchets provenant de la collecte. Les activités d'enfouissement culminent entre 1955 et 1965, alors que toute la zone riveraine du fleuve, entre les ponts Champlain et Victoria, est utilisée comme dépotoir. De 1965 à 1967, ce dépotoir est rempli à la hâte pour former le plus grand parc de stationnement de l'Exposition universelle de 1967. Déjà, le sol montre des signes d'instabilité, alors que des niveleuses doivent combler quotidiennement les aspérités qui se forment au passage des véhicules dans le revêtement gravelé[28]. Le stationnement est abandonné l'année suivante[5] - [6].

Après la fermeture de l'adaport, le site est abandonné pendant une quinzaine d'années. En août 1984, Environnement Canada révèle, à la suite d'une étude, que le méthane qui s'échappe du sol de l'ancien adaport est assez concentré pour présenter un risque d'explosion[28].

En 1988, le site est acquis par la Ville de Montréal pour constituer le Parc d'entreprises de la Pointe-Saint-Charles (en). Lourdement contaminés, les sols de l'ancien adaport et l'eau qu'ils contiennent font l'objet de multiples opérations d'assainissement[28].


  • Un dĂ©potoir vu du ciel
    Au printemps 1966, la pointe Saint-Charles est encore utilisée comme dépotoir et site de remplissage.
  • Un stationnement vu du ciel
    Au printemps 1968, l'autoparc Victoria, ancien terrain de stationnement de l'Exposition universelle de 1967, est désormais vide et inutilisé.
  • Un aĂ©roport abandonnĂ© vu du ciel
    Au printemps 1977, le petit aéroport est déjà abandonné.

Infrastructures

L'adaport de MontrĂ©al Ă©tait Ă©quipĂ© d'une piste unique asphaltĂ©e d'une longueur de 2 000 pieds (610 mètres) et d'une largeur de 100 pieds (30 mètres) permettant d'accueillir des aĂ©ronefs Ă  dĂ©collage et atterrissage courts ou verticaux seulement. Un système d'approche Ă  micro-ondes (en) permettait de guider les avions Ă  l'atterrissage. Le système de navigation de surface, de plus faible prĂ©cision, utilisĂ© principalement pour guider la navigation entre MontrĂ©al et Ottawa, assurait une redondance des dispositifs plus prĂ©cis en cas de dĂ©faillance[29]. Des centaines de torchères balisaient la piste grâce Ă  un système de rĂ©cupĂ©ration des biogaz s'Ă©chappant de l'ancien dĂ©potoir sous les installations[7].

Un taxiway reliait la piste au tarmac. Le long du tarmac se trouvaient, aménagés à même l'aire de trafic, un bâtiment d’entretien et d'entreposage, un hangar et une tour de contrôle[26] - [29].

L'adaport disposait d'une « petite » aérogare à l'extrémité nord du tarmac[29]. Celle-ci était équipée d'une ventilation sous le plancher afin d'éviter l'accumulation des gaz de l'ancien dépotoir dans le bâtiment[7]. À l'extérieur, un parc de stationnement de 220 cases[26] était mis gratuitement à la disposition des usagers. Un débarcadère permettait l'embarquement et le débarquement des passagers de la navette ADACmobile et des taxis à même le terminal[24]. Le parc de stationnement, le terminal et le tarmac étaient conçus de manière à minimiser les distances de marche pour les usagers[29].

Compagnies et destinations

Intrinsèquement lié au destin d'Airtransit, l'adaport de Montréal n'a pas survécu à la fin de l'unique liaison du transporteur[19].

CompagniesDestinationsPĂ©riode
Drapeau du Canada AirtransitOttawa (Rockcliffe)1974―1976

Article connexe

Notes et références

  1. Jean-Claude Paquet, « Le Canada doit immédiatement mettre sur pied l'industrie du transport par avions à décollage et atterrissage courts, l'ADAC », La Presse,‎ , p. D1 (lire en ligne)
  2. Claude Tessier, « Ottawa participera au développement d'un mode de transport par avions à décollage et atterrissage courts », Le Soleil du Saguenay-Lac-Saint-Jean,‎ , p. 28 (lire en ligne)
  3. Bernard, « Retour sur le salon du Bourget 1971 - Reportage avionslegendaires.net », sur avionslegendaires.net (consulté le )
  4. « Mirabel par monorail pour $85 millions », La Presse,‎ , p. C1 (lire en ligne)
  5. Denis Masse, « Aéroport au centre-ville », La Presse,‎ , p. A1 (lire en ligne)
  6. Denis Masse, « Aménagement d'un adaport au parc Victoria malgré les émanations de gaz », La Presse,‎ , p. A3 (lire en ligne)
  7. Denis Masse, « Les mouettes ne menacent pas l'ADAC! », La Presse,‎ , p. B1 (lire en ligne)
  8. Gilles Provost, « L'ADAC, c'est plus qu'un moyen de transport; c'est un observatoire... », Le Devoir,‎ , p. 3 (lire en ligne)
  9. Claude Turcotte, « Combattue à Rockcliffe-la-cossue, le projet ADAC est bien reçu à Montréal », La Presse,‎ , p. D7 (lire en ligne)
  10. Pierre Richard, « L'adaport serait prêt en septembre », Le Devoir,‎ , p. 8 (lire en ligne)
  11. Denis Masse, « Pour le port de Montréal, un centre de commerce international, un poste de manutention des conteneurs », La Presse,‎ , p. 66 (lire en ligne)
  12. « La piste de l'adaport terminée en novembre », La Presse,‎ , p. A10 (lire en ligne)
  13. René-François Desamore, « L'ouverture de l'Adacport de nouveau retardée... », La Presse,‎ , p. F8 (lire en ligne)
  14. (en) « twin otters | air centre | british airways | 1974 | 1919 | Flight Archive », sur FlightGlobal (en) (version du 21 mai 2011 sur Internet Archive)
  15. « Création d'Airtransit Canada pour assurer la liaison par ADAC entre Montréal et Ottawa », La Presse,‎ , p. C1 (lire en ligne)
  16. Jean-Claude Marsan, « L’ADAC et les besoins du transport urbain », Le Devoir,‎ , p. 19 (lire en ligne)
  17. (en) « Between Montreal and Ottawa : Heavy losses for STOL service », The Sherbrooke record,‎ , p. 2 (lire en ligne)
  18. « Air Canada réduit ses dépenses », Le Soleil,‎ , p. G2 (lire en ligne)
  19. Denis Masse, « Airtransit pourrait reprendre le service Adac avec les avions DHC-7 », La Presse,‎ , p. C1 (lire en ligne)
  20. Richard Beaudet, « Précurseur sans successeur, le CL-84 », Québec Science,‎ , p. 38 (lire en ligne)
  21. « Une solution "en douceur" », La Presse,‎ , p. A6 (lire en ligne)
  22. « Bloc-Notes », Le Nouvelliste,‎ , p. 23 (lire en ligne)
  23. Gilles Constantineau, « L'aventure à décollage court », Le Devoir,‎ , p. 13 (lire en ligne)
  24. (en) Roy B. MacCormack, « Passenger Acceptance of STOL—The Airtransit View », SAE Transactions, vol. 85,‎ , p. 1755-1763 section 3 (lire en ligne)
  25. Denis Masse, « Ottawa coupe court à l'expérience ADAC trois mois avant l'échéance », La Presse,‎ , p. A8 (lire en ligne)
  26. Service de l'habitation et de l'urbanisme, Utilisation du sol, Montréal, Ville de Montréal, , 237 p. (lire en ligne), feuillet 227-21
  27. « Voici Airtransit : L'avènement de l'ADAC », La Presse,‎ , p. C3 (lire en ligne)
  28. Yves Provost, L'Autoparc Victoria : petite histoire d'une occupation fluviale, Montréal, Ville de Montréal, service des infrastructures, transport et environnement, , 39 p. (lire en ligne)
  29. (en) H. P. Rosewarne et D. D. Spruston, « The Canadian STOL Demonstration - The Data Collection, the Findings and their Applications », International Council of Aeronautical Sciences, Canadian Air Transportation, Ministry of Transport,‎ , p. 28-40 (lire en ligne)
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.