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Achot Ier d'Arménie

Achot Ier (en armĂ©nien Ô±Ő·ŐžŐż Ô± ; nĂ© vers 820, mort en 890), Achot Medz ou AĆĄot Meç (Ô±Ő·ŐžŐż Ő„Ő„Őź, « Achot le Grand ») est un roi d'ArmĂ©nie, membre de la famille armĂ©nienne des Bagratouni.

Achot Ier Medz
Illustration.
Titre
Sparapet
–
Prédécesseur Smbat VIII
Successeur Abas
Prince des princes d’ArmĂ©nie
– c. 885
Prédécesseur Bagrat II
Roi d’ArmĂ©nie
c. 885 –
Successeur Smbat Ier
Biographie
Dynastie Bagratides
Date de naissance c. 820
Date de décÚs
PĂšre Smbat VIII
MĂšre Hripsime
Conjoint Katranide
Enfants Smbat Ier, Sahak, Sapouh, David, Sophie, Mariam, une fille inconnue
Liste des rois d’ArmĂ©nie

Neveu du prince d’ArmĂ©nie Bagrat II Bagratouni et fils du sparapet (« gĂ©nĂ©ralissime Â») Smbat VIII Bagratouni, il succĂšde Ă  son pĂšre dans cette fonction sous le nom d’Achot V aprĂšs la reprise en main de l’ArmĂ©nie par le Calife al-Mutawakkil et l’exil des princes armĂ©niens dans les annĂ©es 850. Combinant sa propre intelligence Ă  l’affaiblissement des dynastes armĂ©niens et Ă  la division des Ă©mirs arabes, et Ă©quilibrant le pouvoir dĂ©clinant des Abbassides par la puissance renaissante de l’Empire byzantin, il devient prince des princes d’ArmĂ©nie en 862, puis roi d’ArmĂ©nie vers 885. Ce faisant, il contribue au rĂ©tablissement de la royautĂ© armĂ©nienne, quatre siĂšcles aprĂšs son abolition par les Sassanides.

Ce souverain, vĂ©ritable chef de famille des Bagratides armĂ©niens et ibĂšres, conclut diverses alliances matrimoniales et s’allie ainsi le Vaspourakan et la Siounie. En parallĂšle, il rĂ©duit le pouvoir des Ă©mirs arabes d’ArmĂ©nie. Sous son rĂšgne, le pays connaĂźt la croissance Ă©conomique, une renaissance artistique et l’affirmation de son orthodoxie religieuse.

Son fils Smbat Ier lui succĂšde Ă  sa mort en 890.

Contexte

Depuis la fin du VIIe siĂšcle, l’ArmĂ©nie est une province sous domination arabe, dirigĂ©e par un ostikan (« gouverneur ») arabe reprĂ©sentant le Calife omeyyade puis abbasside[1], et est un champ de bataille entre celui-ci et l’Empire byzantin jusqu’au dĂ©but du IXe siĂšcle[2]. Afin de renforcer leur autoritĂ©, ces ostikans implantent dans les diverses contrĂ©es armĂ©niennes des Ă©mirs[3]. Les territoires des Bagratouni, situĂ©s au nord-ouest du pays et adossĂ©s Ă  l’Empire byzantin et Ă  l’IbĂ©rie, sont toutefois relativement prĂ©servĂ©s du fait de cette situation pĂ©riphĂ©rique, ce qui permet l’essor de cette famille au dĂ©but du IXe siĂšcle, et notamment sous le rĂšgne d’Achot IV le Carnivore, ichkhan (« prince Â») d’ArmĂ©nie en 804[4]. La reprise en main de l’ArmĂ©nie par le gĂ©nĂ©ral turc Bougha au nom du Calife al-Mutawakkil dans les annĂ©es 850 affecte cependant de nombreux nakharark dont les Bagratouni[5].

Biographie

Jeunesse

Achot naĂźt vers 820 et est le premier enfant issu de l’union de Smbat VIII le Confesseur, fils cadet d’Achot IV et sparapet (« gĂ©nĂ©ralissime Â») d’ArmĂ©nie, et d’une certaine Hripsime[6]. Les annĂ©es de sa jeunesse sont marquĂ©es par des rĂ©voltes armĂ©niennes et suivies par la reprise en main du pays ; malgrĂ© sa loyautĂ© envers le Calife et une certaine collaboration avec les armĂ©es califales, qu’Achot est chargĂ© d’informer[7], Smbat est envoyĂ© en exil Ă  Samarra avec de nombreux autres nakharark[8] (dont notamment son frĂšre, l’ichkhan Bagrat II, et les deux fils de ce dernier[9]) et y meurt en captivitĂ©[10].

Achot est toutefois maintenu Ă  la tĂȘte des domaines largement prĂ©servĂ©s de son pĂšre[11], situĂ©s autour de la ville de Bagaran[4] (cantons de Shirak et d'Arsharounik de la province d’Ayrarat[12]). Son titre de sparapet, prĂ©cĂ©demment portĂ© par son pĂšre, est en outre confirmĂ© par le Calife en 856[13]. Dans les annĂ©es qui suivent, Achot profite de circonstances intĂ©rieures et extĂ©rieures pour s’imposer au premier plan de la noblesse armĂ©nienne[11].

Prince des princes

L’annĂ©e 860 voit la reprise des guerres arabo-byzantines[11]. Conscient du danger que pourrait reprĂ©senter Achot, dont les territoires sont situĂ©s Ă  la frontiĂšre byzantine, le calife Al-Musta`in se dĂ©cide alors Ă  se l’attacher et lui confĂšre en 862 le titre d’ichkhanats ichkhan (« prince des princes Â», Batrik al-batarika selon les sources arabes[14])[15] - [Note 1]. Le Calife, dont le pouvoir est alors en dĂ©clin, y voit en outre un moyen de faire contrepoids aux Ă©mirs locaux[16]. Avec ce titre, Achot reçoit les pouvoirs d’un ostikan sur les nakharark (qui ne tardent pas Ă  le considĂ©rer de facto comme roi, ce dont tĂ©moignent les inscriptions remontant au milieu des annĂ©es 870[17]) et sur les Ă©mirs d’ArmĂ©nie[15]. L’ostikan arabe est toutefois maintenu[15], et le titre ne confĂšre Ă  Achot qu’une prĂ©Ă©minence administrative et honorifique[18]. Jouant l’équilibre entre Bagdad et Byzance, le Bagratide parvient en outre Ă  faire reconnaĂźtre ce titre par cette derniĂšre[15], via l’équivalent « archonte des archontes » (ArchĂŽn tĂŽn archontĂŽn)[14].

Achot profite par ailleurs du vide crĂ©Ă© au sein de la noblesse armĂ©nienne dans les annĂ©es 850 : il procĂšde ainsi Ă  l’annexion du BagrĂ©vand, derniĂšre possession des Mamikonian, Ă  la mort de Grigor Mamikonian en 862[11], avec confirmation du Calife[19]. La mĂȘme annĂ©e, Achot intervient dans les affaires du Vaspourakan et de ses princes, les Arçrouni : il tente avec succĂšs une mĂ©diation entre le jeune prince Grigor-DĂ©rĂ©nik Arçrouni et son cousin Gourgen[11], qui l’a capturĂ© ; soucieux de la montĂ©e en puissance vasprakanienne, Achot se retourne peu aprĂšs contre Grigor-DĂ©rĂ©nik, le fait prisonnier[19] et rĂ©duit son domaine aux cantons environnant Van[20]. Cette action rĂ©veille la fibre familiale de Gourgen, qui force Achot Ă  relĂącher Grigor-DĂ©rĂ©nik ; la rĂ©conciliation est assurĂ©e par l’union de ce dernier avec Sophie, fille d’Achot[21]. Enfin, Achot s’attache une autre importante maison armĂ©nienne, les Siouni, par un autre mariage, celui de sa seconde fille, Mariam, avec Vasak IV Gabour, prince de Siounie occidentale[22], tout en maintenant d'excellentes relations avec la branche orientale de la famille[Note 2]. Ces deux mariages lui assurent ainsi l’appui de ses gendres, qui semble ne lui avoir que rarement fait dĂ©faut[Note 3] - [Note 4].

Fort de ces soutiens, Achot peut alors se retourner contre les Ă©mirs, et en particulier contre l’émir kaysite de Manazkert, qu’il neutralise en 863[23] avec l’aide de son frĂšre Abas, devenu sparapet[11]. En 877, il apporte son aide Ă  l’ostikan afin de mater la rĂ©bellion de l’émir de Barda ; la rĂ©sistance de ce dernier provoque cependant le remplacement de l’ostikan[24]. Son successeur se rĂ©concilie alors en secret avec l’émir et complote avec lui contre Achot, qui l’apprend et dĂ©joue le complot : il envoie son frĂšre Abas dĂ©sarmer l’ostikan Ă  Dvin et le raccompagner Ă  la frontiĂšre, avec Ă©gard afin de prĂ©venir d’éventuelles reprĂ©sailles califales[25]. Les alliĂ©s de l’ostikan Ă©loignĂ© connaissent un sort diffĂ©rent : Achot dĂ©fait les Ă©mirs de Barda et de Manazkert, et assiĂšge cette citĂ© vers 884 ; le siĂšge est cependant levĂ© en raison de l’affaire de la succession du Taron, dans laquelle l’entraĂźne son gendre Grigor-DĂ©rĂ©nik Arçrouni[26]. Ce dernier est en effet entrĂ© en conflit avec un autre Achot, prince bagratouni du Taron, qu’il cherche Ă  remplacer par le frĂšre de ce dernier, Davith Bagratouni, qui a l’avantage d’ĂȘtre le beau-frĂšre du prince Arçrouni ; il y parvient en 878[25], mais Achot rĂ©ussit Ă  s’échapper grĂące Ă  la complicitĂ© de son geĂŽlier, un certain Hasan, neveu de Grigor-DĂ©rĂ©nik qu’il finit par ailleurs par capturer[27] avant de le libĂ©rer Ă  la suite de l’intervention du prince des princes[26].

Toujours sur le plan intĂ©rieur, Achot obtient en outre dans les mĂȘmes annĂ©es (peut-ĂȘtre mĂȘme dĂšs les annĂ©es 860[28]) la soumission des clans du Gougark et de l’Outik[29].

L’action d’Achot ne se limite toutefois pas Ă  l’ArmĂ©nie et s’étend Ă  l’IbĂ©rie voisine, oĂč une branche cadette des Bagratouni s’est implantĂ©e Ă  la fin du VIIIe siĂšcle : il s’allie ainsi vers 875 Ă  son beau-frĂšre[30] Bagrat Ier d'IbĂ©rie contre son frĂšre Gouaram V (qui est Ă©galement le beau-frĂšre d’Achot[30]), qu’ils dĂ©font. Achot y gagne le canton frontalier d’Ashotz (province de Gougark) ainsi que celui de Gardman (province d’Outik) et place Bagrat dans sa sphĂšre d’influence[31]. De mĂȘme, il apporte en 881 son appui au fils et successeur de Bagrat, David Ier, puis Ă  son petit-fils AdarnassĂ© IV, contre le fils de Gouaram, NarsĂšs[31].

Roi d'Arménie

L’ArmĂ©nie bagratide vers l’an mil. Si les divisions intĂ©rieures ont Ă©voluĂ© depuis la fin du rĂšgne d’Achot, l’étendue du pays n'a que peu variĂ©. Les territoires contrĂŽlĂ©s par Achot couvrent les futurs royaumes bagratides d’Ani, de Kars et de Lorri.

Les historiens armĂ©niens HovhannĂšs Draskhanakerttsi, Samvel Anetsi et StĂ©panos OrbĂ©lian Ă©crivent qu’en raison de ces rĂ©alisations, les princes et nakharark armĂ©niens, au premier rang desquels se retrouvent Grigor-DĂ©rĂ©nik du Vaspourakan, Vasak-Ichkhanik de Siounie orientale et Grigor-Soupan II de Siounie occidentale[32], ont demandĂ© au Calife al-Mutamid d’élever Achot Ă  la dignitĂ© de roi[33], lequel accĂšde Ă  leur demande vers 885[Note 5] - [15], probablement afin de flatter les ArmĂ©niens qu’il n’a pas rĂ©ussi Ă  mater ; il fait en outre apporter par l’ostikan une couronne Ă  Achot, qui est sacrĂ© roi en sa capitale de Bagaran par le Catholicos GĂ©vorg II[34]. Le titre est par ailleurs immĂ©diatement reconnu par l’empereur byzantin Basile Ier, qui qualifie Achot de « fils bien-aimĂ© »[14] et qui, selon les historiens Vardan Areveltsi et Kirakos Gandzaketsi, lui aurait Ă©galement envoyĂ© une couronne ; cet envoi, non relatĂ© par HovhannĂšs Draskhanakerttsi et absent des sources byzantines, ne serait cependant qu’une fabrication littĂ©raire[35].

Ce rĂ©tablissement de la monarchie armĂ©nienne, plus de quatre siĂšcles aprĂšs la dĂ©position de la monarchie arsacide par les Sassanides de Perse, signifie « l’échec des Perses, des Byzantins et en dernier lieu des Arabes dans leurs tentatives successives d’assimilation du pays » ; dĂ©finitivement dĂ©barrassĂ© de l’ostikan arabe mais soumis Ă  la supervision des Ă©mirs d’AzerbaĂŻdjan, Achot reste nĂ©anmoins vassal du Calife[36], auquel il verse un tribut, tout en se dĂ©clarant Ă©galement vassal de Byzance[14]. En tant que reprĂ©sentant effectif du Calife, son autoritĂ© s’étend Ă  tous les princes armĂ©niens (mĂȘme s’il n’est selon toute vraisemblance qu'un primus inter pares[37]) ainsi qu’à Dvin et aux Ă©mirats de Manazkert et de Karin (voire, selon Constantin PorphyrogĂ©nĂšte, Ă  ceux de Her et de Salmast)[38], mĂȘme si ces derniers ont du mal Ă  l’accepter[36]. L’émir de Manazkert est ainsi dĂ©fait et contraint de se soumettre Ă  l’autoritĂ© royale en 885[39].

L’influence du nouveau roi continue de s’exercer tant en ArmĂ©nie qu’en IbĂ©rie. En 887, Ă  la mort de son beau-fils Grigor-DĂ©rĂ©nik Arçrouni, il rĂšgle la succession du Vaspourakan en plaçant son petit-fils Achot-Sargis sous la rĂ©gence d’un autre Arçrouni, Gagik Aboumerwan[40]. En 887/888, il soutient avec succĂšs son neveu AdarnassĂ© IV d'IbĂ©rie contre Bagrat Ier d'Abkhazie[38]. Également en 888, il envoie son frĂšre le sparapet Abas mater l’insurrection du prince Sahak-Mleh de Vanand (rĂ©gion de Kars) ; la rĂ©gion est alors incorporĂ©e Ă  ses territoires, la citadelle de Kars revenant Ă  Abas[38]. Achot doit cependant faire face au mĂȘme moment Ă  une rĂ©bellion en Gougark et y envoie son fils aĂźnĂ© et hĂ©ritier Smbat ; victorieux, ce dernier s’y trouve toujours lorsque survient la mort du roi : victime d’une chute, le roi, cette « personnalitĂ© d’élite Ă  la poigne solide doublĂ©e d’un esprit magnanime »[38], s’éteint en 890 (voire 891[41]) dans les bras de son ami le Catholicos GĂ©vorg II et est enterrĂ© Ă  Bagaran, « avec des robes dorĂ©es et un cercueil tout brillant d'or »[42]. GĂ©vorg II est son exĂ©cuteur testamentaire[43].

L’historien contemporain HovhannĂšs Draskhanakerttsi a ultĂ©rieurement brossĂ© le portrait suivant du souverain :

« De belle taille, fort, avec des Ă©paules larges, le visage agrĂ©able, il avait les sourcils noirs, une marque ou tache de sang dans les yeux, comme un point rouge au milieu d’une grosse perle, une belle et magnifique barbe. Il ne s’oubliait pas avec les gens riches dans les festins. Il ne mĂ©prisait pas les faibles, mais il Ă©tendait sur eux tous la robe de sa misĂ©ricorde et il s’occupait d’adoucir leurs maux. On l’entendit dire un jour qu’il ne faut jamais cesser d’agir pour le bien de l’humanitĂ©. »

— HovhannĂšs Draskhanakerttsi, Histoire d'ArmĂ©nie, XVIII[44].

Famille

Descendance

Achot a eu sept enfants de son union avec une certaine Katranide[45] ou Kotramide (née en 825[46])[6] :

Ses descendants en ligne directe se maintiennent Ă  la tĂȘte du royaume jusqu’en 1045, annĂ©e de son annexion Ă  l’Empire byzantin[47].

ParentÚle simplifiée

ConsidĂ©rĂ© comme le tanuter (« aĂźnĂ© de la famille Â», « chef de famille Â»), tant par les Bagratides armĂ©niens que par les Bagratides ibĂšres[48] - [14], Achot a une parentĂšle relativement complexe. Ses principaux liens familiaux peuvent se rĂ©sumer au moyen de l’arbre suivant :

Achot IV
Prince d’ArmĂ©nie
♀
Bagrat II
Prince d’ArmĂ©nie
Prince de Taron
Smbat VIII
Sparapet
Hripsime
Achot
Prince de Taron
Davith
Prince de Taron
Achot Ier
Sparapet
Prince des Princes
Roi d’ArmĂ©nie
Katranide♀
∞
Bagrat Ier
Prince d’IbĂ©rie
♀
∞
Gouaram V
Prince d’IbĂ©rie
Smbat Ier
Roi d’ArmĂ©nie
Sophie
∞
Grigor-Dérénik
Prince de Vaspourakan
Mariam
∞
Vasak IV Gabour
Prince de Gelarkounik
David Ier
Prince d’IbĂ©rie
NarsĂšs Ier
Prince d'Ibérie
Achot-Sargis
Prince de Vaspourakan
Grigor-Soupan II
Prince de Gelarkounik
Adarnassé IV
Prince d’IbĂ©rie

Essor arménien sous Achot Ier

Le rĂšgne d’Achot est marquĂ© par un rĂ©el dĂ©veloppement matĂ©riel du pays[37], et le retour de la monarchie est souvent dĂ©crit comme s’accompagnant d’une croissance Ă©conomique, d’une renaissance artistique et de l’affirmation de l’orthodoxie religieuse armĂ©nienne (cf. infra)[49]. Les Ă©difices sont rĂ©novĂ©s : mĂȘme si aucune de ses rĂ©alisations n’a survĂ©cu, on sait notamment grĂące Ă  StĂ©panos Taronetsi qu’il embellit les Ă©glises d’ArmĂ©nie[50] ; c’est par ailleurs sous son rĂšgne qu’apparaĂźt le premier khatchkar (« pierre Ă  croix »[51]), dĂ©diĂ© Ă  son Ă©pouse Katranide (Garni, 879)[45]. Les villes et villages recommencent Ă  se dĂ©velopper[44] ; le roi s’intĂ©resse en outre au dĂ©veloppement des cultures, et aux vignobles en particulier[42].

Si royautĂ© et prospĂ©ritĂ© semblent ici aller de pair, les transformations en cours Ă  l’époque doivent toutefois encore faire l’objet de recherches afin de pouvoir prĂ©ciser une Ă©ventuelle relation de cause Ă  effet[37]. Le domaine monĂ©taire illustre notamment la complexitĂ© de la question, en ce que la vassalitĂ© politique maintenue du roi y trouve un reflet : Achot n’a jamais frappĂ© de monnaies propres, une prĂ©rogative pourtant traditionnellement rĂ©galienne ; on ne lui connaĂźt par ailleurs qu’un seul sceau, portant l’inscription suivante en arabe : Ashut ibn Sinbat[52], « Achot, fils de Smbat »[53] - [Note 6].

Affaires religieuses

MonastÚre de Sevanavank, fondé en 874 par Mariam[54], et doté par Achot.

Tout au long de son rĂšgne, Achot fournit un appui constant Ă  l’Église armĂ©nienne[55]. Ce souverain rigoureux dans le domaine religieux perçoit en outre le danger d’un rapprochement avec l’orthodoxie byzantine, vu les prĂ©tentions toujours vives de l’empire sur l’ArmĂ©nie[15], tout comme l’avantage qu’il peut en retirer en termes de reconnaissance byzantine de sa propre position[56]. Ainsi, lorsque le Patriarche de Constantinople Photios Ier tente en 862 de rallier l’Église armĂ©nienne en adressant deux lettres au Catholicos Zakaria de Tzak et Ă  Achot, ces deux derniers convoquent un concile Ă  Shirakavan ou Ć irakawan (autre rĂ©sidence bagratide[48], Ă©galement connue Ă  l’époque sous le nom d’Erazgavors)[57]. La rĂ©ponse ambiguĂ«[17] qui y est rĂ©digĂ©e est dictĂ©e par Achot[15]. Les Ă©changes Ă©pistolaires avec Photios se poursuivent (Achot reçoit ainsi en 882 une lettre[Note 7] accompagnĂ©e d’une relique de la Vraie Croix, remise Ă  Machtots de Sevanavank, ami d’Achot[58], et aujourd’hui perdue[59]), sans progrĂšs notable[56].

Il soutient Ă©galement l’Église armĂ©nienne face aux vellĂ©itĂ©s d’indĂ©pendance du catholicossat albanien[14], dont il obtient la soumission Ă  Dvin en 877[29]. En parallĂšle, Achot est connu pour ses rĂ©novations d’églises et pour ses dons : HovhannĂšs Draskhanakerttsi prĂ©cise ainsi qu’il a remis au Catholicos armĂ©nien « d’abondantes rĂ©serves de trĂ©sors Ă  distribuer aux Ă©glises »[60] ; le monastĂšre de Sevanavank reçoit par exemple des terrains et des villages[58]. Il conserve par ces diffĂ©rentes actions l’attachement et le soutien de l’Église armĂ©nienne durant tout son rĂšgne[15].

En mĂȘme temps, si celle-ci prĂ©serve son autonomie par rapport au pouvoir politique, elle n’en subit pas moins son influence : Achot fait ainsi Ă©lire les Catholicos Zakaria de Tzak (855)[61] et GĂ©vorg II de Garni (877)[55].

Notes et références

Notes

  1. Soit quelques mois aprĂšs le concile de Shirakavan (cf. infra), dont la rĂ©ussite semble avoir convaincu le Calife de l’autoritĂ© d'Achot. Dorfman-Lazarev 2004, p. 64.
  2. « Par sagesse et esprit de paix et d’amitiĂ©, le grand-ichkhan de Sisakan, nommĂ© Vasak-Ichkhanik, obĂ©issait Ă  Achot, prĂȘtait l’oreille Ă  ses conseils et s’était mis sous sa protection. Il resta toujours fidĂšle Ă  la religion ; aussi par l’aide d’Achot sa principautĂ© fut-elle augmentĂ©e de plusieurs territoires dont celui-ci lui fit prĂ©sent. » HovhannĂšs Draskhanakerttsi, Histoire d’ArmĂ©nie, XVII, citĂ© par Grousset 1947, p. 376.
  3. « LiĂ© par mariage avec Achot, Grigor-DĂ©rĂ©nik dĂ©sirait sa protection paternelle, ses bons conseils, son amitiĂ©. Il reconnaissait sa grande expĂ©rience et tĂ©moignait toujours de la dĂ©fĂ©rence Ă  son Ă©gard. Dans le commencement tout au moins, il agit prudemment en lui montrant une entiĂšre soumission. Il mit Ă  ses pieds tous les ennemis qu’il attaqua, il entretint constamment avec lui une bonne harmonie, il resta tranquille dans sa demeure, dans la propriĂ©tĂ© qu’il tenait de ses pĂšres. Â» HovhannĂšs Draskhanakerttsi, Ibid., citĂ© par Grousset 1947, p. 375.
  4. « Durant le rĂšgne d’Achot, Vasak lui fut fort uni, d’action et d’intention, comme Ă  un beau-pĂšre qui soignait trĂšs affectueusement ses intĂ©rĂȘts, en sorte que, grĂące Ă  cette alliance, il tint glorieusement la principautĂ©. » StĂ©panos OrbĂ©lian, Histoire de Siounie, I, 37, citĂ© par Grousset 1947, p. 376.
  5. Le selon HovhannÚs Draskhanakerttsi (confirmé par Hakobyan 1965, p. 282), en 884/885 selon Stépanos Orbélian, en 885/886 selon Samvel Anetsi ; cf. Grousset 1947, p. 394, et Garsoïan 2004, p. 148.
  6. Pour une reproduction de ce sceau, cf. Akopyan 2008, p. 6.
  7. Pour le texte de cette lettre, ainsi que celui de la rĂ©ponse d’Achot rĂ©digĂ©e par le vardapet Sahak Mrut, cf. Dorfman-Lazarev 2004, p. 25-53.

Références

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  2. Martin-Hisard 2007, p. 231.
  3. Martin-Hisard 2007, p. 232.
  4. Martin-Hisard 2007, p. 234.
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  14. GarsoĂŻan 2007, p. 244.
  15. Martin-Hisard 2007, p. 237.
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  21. Grousset 1947, p. 375.
  22. GarsoĂŻan 2007, p. 272.
  23. Grousset 1947, p. 376.
  24. Grousset 1947, p. 385.
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  27. Redgate 2000, p. 181.
  28. Dorfman-Lazarev 2004, p. 65.
  29. Grousset 1947, p. 391.
  30. Toumanoff 1990, p. 121 et 129.
  31. Grousset 1947, p. 392.
  32. GarsoĂŻan 2007, p. 243.
  33. Grousset 1947, p. 394.
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  35. Jones 2007, p. 37.
  36. Martin-Hisard 2007, p. 238.
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  38. GarsoĂŻan 2007, p. 245.
  39. Thierry 2007, p. 291-292.
  40. Grousset 1947, p. 389.
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  43. Drasxanakertc'i 2004, p. 1.
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  45. Donabédian et Thierry 1987, p. 124 et 530.
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  50. Jones 2007, p. 97.
  51. Donabédian et Thierry 1987, p. 123.
  52. GarsoĂŻan 2004, p. 148.
  53. Jones 2007, p. 35.
  54. Donabédian et Thierry 1987, p. 573.
  55. Grousset 1947, p. 384.
  56. « Le concile de Ć irakawan (862) », sur Église armĂ©nienne (consultĂ© le ).
  57. Grousset 1947, p. 383.
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Voir aussi

Articles connexes

Auteurs anciens

Auteurs modernes

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